Raamco International Properties Canadian Ltd. c. Bharucha |
2017 QCRDL 26667 |
RÉGIE DU LOGEMENT |
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Bureau dE Montréal |
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No dossier : |
313897 31 20170111 G |
No demande : |
2154659 |
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Date : |
17 août 2017 |
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Régisseure : |
Linda Boucher, juge administrative |
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Raamco International Properties Canadian Ltd |
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Locateur - Partie demanderesse |
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c. |
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Lovji Bharucha
Mehernosh Bharucha |
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Locataires - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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[1] Il s’agit d’une demande par laquelle le locateur réclame la résiliation du bail et l’éviction des locataires et de tous les autres occupants de l’immeuble, l’exécution provisoire de la décision et la condamnation des défendeurs aux frais judiciaires.
[2] La preuve démontre qu’au moment du dépôt de la demande, les parties étaient liées par un bail du 1er juillet 2016 au 30 juin 2017 au loyer mensuel de 705 $ reconduit à présent jusqu’au 30 juin 2018 au loyer mensuel de 715 $.
[3] Les locataires sont respectivement le père et le fils, soit Messieurs Lovji et Mehernosh Barucha. L’épouse du premier habite avec eux.
[4] Le mandataire du locateur exhibe une décision de la soussignée datée du 12 novembre 2008, aux termes de laquelle le locateur renonçait à demander la résiliation du bail et, en contrepartie, les locataires s’engageaient à régler le problème d’encombrement créé par le fils qui reconnaissait amasser compulsivement des objets tant dans le logement que dans le garage mis à leur disposition.
[5] Malheureusement, déplore le mandataire, la situation, si elle s’était quelque peu améliorée à l’époque, est redevenue aussi criante et une mise en demeure en 2015 n’a pas réussi à inciter les occupants à régler la situation mais plutôt à réclamer délais après délais.
[6] Il exhibe des photographies démontrant qu’en 2015 et encore récemment en 2017, le logement est dans un état d’encombrement et de saleté avancé. L’odeur qui s’en dégage est infecte et il refuse que ses employés travaillent dans de telles conditions advenant un bris ou un besoin d’entretien.
[7] Il juge que cette situation cause un préjudice sérieux au locateur parce que l’endroit est propice à l’apparition de la vermine et constitue un risque d’incendie dont les occupants, malades et à mobilité réduite, ne pourraient s’échapper.
[8] Il ajoute qu’il s’agit là de conditions de vie indignes pour les occupants.
[9] Pour sa part, le locataire admet qu’il a toujours ce problème de compulsion qui l’incite à accumuler toutes sortes d’objets qu’il ramasse ou dont il ne peut se départir et qu’il garde dans le logement ou dans la garage.
[10] Il fait valoir que récemment il a fait des efforts de désencombrements avec l’aide d’amis qui continueront à le soutenir.
[11] Il exhibe quelques clichés démontrant les progrès qu’il a réalisés.
[12] Puis, il admet qu’il demandera toujours des délais au locateur et explique que l’état de santé de ses parents et le sien l’obligent à jongler avec de multiples traitements et rendez-vous médicaux qui occupent le plus clair de son temps.
[13] Sa responsabilité d’aidant naturel de deux personnes âgées et manifestement en perte d’autonomie gruge ce qui lui reste de temps.
[14] Il affirme qu’outre ses amis, il reçoit le soutien du CLSC.
[15] Il ne veut certainement pas quitter ce logis dans lequel il peut voir aux soins de ses parents.
[16] Un ami du fils Bharucha, M. Alexander Traicheff, reconnait l’état d’encombrement du logement sur les photographies du locateur et admet ne pas avoir aidé son ami depuis longtemps mais affirme qu’il le fera dans le futur.
[17] Un autre ami, Roger Robidoux, est venu récemment prêter main forte pour déplacer des boites, sortir quelques biens qui ont été placés au garage et dans un entrepôt loué mais surtout, il a tenté de créer de l’ordre dans le chaos qui régnait. Le résultat est qu’il y a maintenant des passages permettant la circulation à travers les amoncellements rangés le long des murs et des meubles. La cuisine et la salle de bain ont été nettoyées.
[18] Une première travailleuse sociale, Mme Elaine Crombie, déclare ne pas être impliquée dans l’état du logement, elle ne s’occupe que de référer les patients et a obtenu pour les parents de l’aide sous la forme d’un bain hebdomadaire.
[19] Une autre travailleuse sociale, Mme Gahaldyne Lamarre, est venue livrer un plaidoyer en faveur du maintien des occupants dans leur logis, mais révèle qu’elle-même ne fait rien de concret pour améliorer l’état des lieux sinon de proposer des services d’aide au ménage que les locataires ont décliné faute de moyens financiers.
[20] Ainsi peut-on résumer la preuve.
Le droit
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Les articles
1855. Le locataire est tenu, pendant la durée du bail, de payer le loyer convenu et d'user du bien avec prudence et diligence.
1911. Le locateur est tenu de délivrer le logement en bon état de propreté; le locataire est, pour sa part, tenu de maintenir le logement dans le même état.
Lorsque le locateur effectue des travaux au logement, il doit remettre celui-ci en bon état de propreté.
1912. Donnent lieu aux mêmes recours qu'un manquement à une obligation du bail:
1° Tout manquement du locateur ou du locataire à une obligation imposée par la loi relativement à la sécurité ou à la salubrité d'un logement;
2° Tout manquement du locateur aux exigences minimales fixées par la loi, relativement à l'entretien, à l'habitabilité, à la sécurité et à la salubrité d'un immeuble comportant un logement.
1913. Le locateur ne peut offrir en location ni délivrer un logement impropre à l'habitation.
Est impropre à l'habitation le logement dont l'état constitue une menace sérieuse pour la santé ou la sécurité des occupants ou du public, ou celui qui a été déclaré tel par le tribunal ou par l'autorité compétente.
[22] Il ressort de ces articles que les locataires ont l’obligation d’user du bien loué avec prudence et diligence, qu’ils doivent les maintenir en bon état de propreté.
[23] Lorsque les locataires font défaut à leurs obligations, ils s’exposent aux mêmes recours que ceux qui sont imposés en cas de manquement à la sécurité et à la salubrité du bail, notamment, la résiliation de celui-ci.
[24] Or, malgré la sympathie qu’inspirent les parties et principalement le locataire Mehernosh Bharucha qui, par amour et solidarité envers ses parents, consacre littéralement sa vie à leur bien-être avec patience et respect, comme l’a constaté la soussignée, force est de constater l’échec de leurs tentatives de désencombrer et nettoyer les lieux loués pour les rendre habitables.
[25] Les quelques efforts déployés par le fils Bharucha et l’un de ses amis sont arrivés trop tard et sont trop limités pour convaincre le tribunal de la viabilité de l’entretien et de sa pérennité.
[26] D’ailleurs, c’est avec une candeur et une honnêteté qui l’honorent que le fils Bharucha admet les limites de ses moyens.
[27] Par ailleurs, ces ressources sur lesquelles il compte ne se concrétisent pas et ne le seront de toute évidence pas dans le futur alors que ses propres forces déclinent en raison des multiples maladies qui l’accablent à son tour.
[28] Au surplus, il n’a pas réglé ses problèmes de compulsion qui sont à la source de l’état des lieux loués.
[29] M. Bharucha fils se berce d’illusions qui manifestement ne se réaliseront pas. Les services sociaux n’ont rien à lui apporter de concret pour ce qui est de l’entretien du logement et même le locateur refuse de remplacer le mobilier de salle de bain, abimé par le manque d’entretien, qu’il a acheté et entreposé au garage sans d’abord s’assurer que quelqu’un fera le travail alors que lui-même en est physiquement incapable et ne possède pas les ressources financières pour faire faire le travail.
[30] Le tribunal constate que le logement et le garage sont encore à ce jour et malgré les efforts récents du locataire encombrés et dans un mauvais état de propreté pour ce qui est du logement. L’état du logis constitue un problème en cas d’incendie ainsi qu’un lieu tout trouvé pour l’apparition et la multiplication de la vermine.
[31] L’état d’encombrement, de saleté et de délabrement des lieux loués cause certainement un préjudice sérieux au locateur ainsi qu’aux occupants qui ne devraient pas vivre dans un tel lieu qui menace leur sécurité et leur santé chancelante.
[32] Partant, il y a lieu de faire droit à la demande du locateur en résiliant le bail et ordonnant l’expulsion des occupants du logement.
[33] Compte tenu du
contexte social et de l’âge des parties en cause, malgré le préjudice que subit
le locateur, le tribunal juge qu’il n’y a pas lieu d’ordonner l'exécution
provisoire de la décision, comme il est prévu à l'article
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[34] ACCUEILLE en partie la demande du locateur;
[35] DÉCLARE le logement impropre à l’habitation;
[36] RÉSILIE le bail et ORDONNE l'expulsion des locataires et de tous les occupants des lieux;
[37] CONDAMNE les locataires à payer au locateur les frais judiciaires de 83 $;
[38] REJETTE la demande quant au surplus.
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Linda Boucher |
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Présence(s) : |
le mandataire du locateur le locataire |
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Date de l’audience : |
19 juillet 2017 |
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