Décision

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Ouahnich c. Cap Reit GP inc., s.e.c./Cap Reit

2024 QCTAL 29138

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

609090 31 20220125 T

No demande :

4418495

 

 

Date :

11 septembre 2024

Devant la juge administrative :

Amélie Dion

 

Joseph Ouahnich

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

Capreit GP Inc. SOCIÉTÉ EN

COMMANDITE Capreit Limited Partnership

 

Locatrice - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Par un recours introduit le 2 août 2024, le locataire demande la rétractation d’un jugement rendu le 25 juillet 2024. Ce jugement est rendu à la suite d’une audience contestée, le 7 juin 2024, durant laquelle le locataire était présent.

[2]         Par ce jugement rendu, le juge administratif refuse la rétractation d’un autre jugement rendu le 30 mai 2022 alors qu’il était absent.

La demande de rétractation de jugement

[3]         Cette demande est fondée sur l'article 89 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement (LTAL):

« 89. Si une décision a été rendue contre une partie qui a été empêchée de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, cette partie peut en demander la rétractation.

Une partie peut également demander la rétractation d’une décision lorsque le Tribunal a omis de statuer sur une partie de la demande ou s’est prononcé au-delà de la demande.

La demande de rétractation doit être faite par écrit dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l’empêchement.

La demande de rétractation suspend l’exécution de la décision et interrompt le délai d’appel ou de révision jusqu’à ce que les parties aient été avisées de la décision.

Une partie qui fait défaut d’aviser de son changement d’adresse conformément à l’article 60.1 ne peut demander la rétractation d’une décision rendue contre elle en invoquant le fait qu’elle n’a pas reçu l’avis de convocation si cet avis a été transmis à son ancienne adresse. »[1]

[Notre soulignement]


[4]         Le Tribunal souligne que la rétractation de jugement constitue une dérogation au principe de l'irrévocabilité des jugements.[2] Par conséquent, la rétractation doit demeurer un moyen procédural exceptionnel et les motifs au soutien de celle-ci doivent être suffisamment sérieux pour justifier l’exercice de ce recours.

[5]         De plus, les motifs de rétractation ne doivent pas être confondus avec l'appel de la décision. À cet effet, le Tribunal fait siens les propos de Me Francine Jodoin, dans la cause O'Callagan c. Fattal :

«Tel qu'expliqué lors de l'audience, la demande en rétractation ne doit pas constituer un appel déguisé de la décision rendue. Le tribunal n'a pas à juger de la justesse de celle-ci ni s'interroger sur les erreurs de faits ou de droit commises puisqu'il ne s'agit pas d'un appel de la décision rendue. Il s'agit plutôt de s'interroger sur l'application de l'article 89 précité et chercher à déterminer si la partie qui en fait la demande a pu démontrer un des motifs prévus à cette disposition.»[3]

[6]         La demande de rétractation de jugement réclamée par le locataire est de la nature d’un appel. Or, le Tribunal ne peut réviser la décision rendue par ce même Tribunal.

Demande de limitation procédurale en vertu de l’article 63.2 de la Loi

[7]         À l’audience, la locatrice formule une demande pour interdire au locataire de déposer une nouvelle demande de rétractation dans le présent dossier.

[8]         Cette demande est fondée sur l’article 63.2 de la LTAL., lequel prévoit :

« 63.2. Le Tribunal peut, sur demande ou d’office après avoir permis aux parties intéressées de se faire entendre, rejeter un recours qu’il juge abusif ou dilatoire ou l’assujettir à certaines conditions.

Lorsque le Tribunal constate qu’une partie utilise de façon abusive un recours dans le but d’empêcher l’exécution d’une de ses décisions, il peut en outre interdire à cette partie d’introduire une demande devant lui à moins d’obtenir l’autorisation du président ou de toute autre personne qu’il désigne et de respecter les conditions que celui-ci ou toute autre personne qu’il désigne détermine.

Le Tribunal peut, en se prononçant sur le caractère abusif ou dilatoire d’un recours, condamner une partie à payer, outre les frais visés à l’article 79.1, des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par une autre partie, notamment pour compenser les honoraires et les autres frais que celle-ci a engagés, ou, si les circonstances le justifient, attribuer des dommages-intérêts punitifs. Si le montant des dommages-intérêts n’est pas admis ou ne peut être établi aisément au moment de la déclaration d’abus, le Tribunal peut en décider sommairement dans le délai et aux conditions qu’il détermine. »[4]

[9]         Dans l’affaire Quarre c. Gestion MRC inc., la Cour du Québec s’exprime comme suit à l’égard une telle demande :

« [41] Déclarer un justiciable forclos de présenter une demande devant un tribunal, est un remède extrême qui ne doit être utilisé qu’avec grande circonspection et rigueur, vu ses conséquences graves sur les droits du justiciable qui est tenu de ne pas les exercer de manière abusive. »[5]

[10]     Après avoir analysé les circonstances entourant la demande de rétractation, la soussignée considère qu’il y a lieu d’interdire au locataire d’introduire toute nouvelle demande dans le présent dossier.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[11]     REJETTE la demande de rétractation du locataire.


[12]     INTERDIT au locataire d’introduire toute nouvelle demande dans le présent dossier, à moins d’obtenir l’autorisation du président ou de toute autre personne qu’il désigne et de respecter les conditions que celui-ci ou toute autre personne qu’il désigne détermine.

 

 

 

 

 

 

 

 

Amélie Dion

 

Présence(s) :

le locataire

le mandataire de la locatrice

Date de l’audience : 

30 août 2024

 

 

 


 


[3] Adam O'Callagan c. Salim Fattal [2003] J.L. 265.

[4] RLRQ, chapitre T-15.01.

[5] Quarre c. Gestion MRC inc., 2010 QCCQ 10835.

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Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.