Pouliot c. Giffard

2018 QCRDL 18389

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Québec

 

No dossier :

394254 18 20180424 G

No demande :

2485307

 

 

Date :

31 mai 2018

Régisseure :

Lucie Béliveau, juge administrative

 

Martin Pouliot

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

Sylvain Giffard

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      Le locateur demande la résiliation du bail, l'éviction du locataire et de tous les occupants, l'exécution provisoire de la décision nonobstant appel et la condamnation aux frais.

CONTEXTE

[2]      Les parties sont liées par un bail de logement du 1er février 2018 au 30 juin 2018 au loyer mensuel de 415 $.

[3]      Le logement est un trois pièces et demie situé dans un triplex.

[4]      Le comportement du locataire cause un préjudice sérieux au locateur car il nuit à la jouissance paisible des lieux des autres locataires de l’immeuble.

PRÉTENTIONS DU LOCATEUR

[5]      Le locateur, explique que le locataire occupe le logement concerné seulement depuis le 1er février 2018 et que depuis son arrivée, son comportement est sérieusement problématique. Le locateur allègue que le locataire menace les autres locataires, qu’il endommage leurs biens en représailles et qu’il donne des coups de marteau dans les murs, au point où sa voisine de palier craint que le mur de placoplâtre qui sépare son logement de celui du locataire ne cède.

[6]      Le locateur soutient que le locataire crie incessamment après ses deux gros chiens qui eux-mêmes aboient bruyamment, causant une pollution sonore qui indispose les autres locataires et ce, à toutes heures du jour et de la nuit.

[7]      Le locataire menace et harcèle les autres locataires, de sorte qu’ils ont peur de lui. Un voisin de l’immeuble s’est même plaint qu’il aurait crevé ses pneus.

[8]      Un incendie a même éclaté dans le logement du locataire au mois d’avril 2018, probablement suite à une tentative de friture.

[9]      Les locataires du logement de l’étage supérieur quittent leur logement car ils ne peuvent plus supporter le comportement du locataire. Ils ont dû, à au moins une reprise, aller coucher à l’hôtel devant l’impossibilité de dormir tellement le locataire était dérangeant. Le locateur a dû payer la note d’hébergement.


[10]   La locataire du même palier menace de quitter si le problème persiste.

[11]   La situation est devenue incontrôlable et le locateur déclare qu’il est de sa responsabilité d’agir puisque les locataires se plaignent à répétitions et menacent de quitter leur logement, ou l’ont déjà quitté.

[12]   De plus, le locateur explique qu’il redoute de retrouver le logement dans un état lamentable, car il sait que le locataire donne des coups dans les murs et il se demande quels autres dommages il a déjà causé.

QUESTIONS EN LITIGE

[13]   Le locataire s’est-il comporté de façon à troubler la jouissance normale des autres locataires ?

[14]   Dans l’affirmative, est-ce que la résiliation est le remède approprié ?

[15]   L’exécution provisoire de la décision malgré l’appel est-elle justifiée ?

ANALYSE ET DROIT APPLICABLE

Jouissance paisible

[16]   L'article 1860 du Code civil du Québec, stipule ce qui suit :

« 1860. Le locataire est tenu de se conduire de manière à ne pas troubler la jouissance normale des autres locataires.

Il est tenu, envers le locateur et les autres locataires, de réparer le préjudice qui peut résulter de la violation de cette obligation, que cette violation soit due à son fait ou au fait des personnes auxquelles il permet l'usage du bien ou l'accès à celui-ci.

Le locateur peut, au cas de violation de cette obligation, demander la résiliation du bail. »

[17]   Selon la jurisprudence, le locateur doit démontrer que le locataire, ou les personnes à qui il donne accès au logement, n'agissent pas en personne prudente et diligente et que leur comportement trouble la jouissance normale des lieux des autres locataires.

[18]   Le Tribunal a rappelé les principes applicables dans l'affaire Fata c. Chaouqi :

« En matière de bruit, le tribunal ne peut fonder son appréciation sur des considérations subjectives et doit chercher à déterminer si le locataire plaignant vit une situation qui, par sa répétition, insistance et ampleur, constitue une atteinte grave, excessive ou déraisonnable justifiant la résiliation du bail. Cette analyse doit se fonder sur des critères objectifs et probants. Ce qui est incommodant pour certains peut ne pas l'être pour d'autres et, ainsi, le tribunal est appelé à se prononcer uniquement sur une situation extraordinaire et inhabituelle. »[1]

[19]   La loi est claire, un locataire est tenu de se conduire de manière à ne pas troubler la jouissance normale des autres locataires.

[20]   En contrepartie, le locateur doit prendre les moyens nécessaires afin de faire cesser le trouble lorsque des plaintes lui sont acheminées. Il doit agir avec diligence afin de ne pas exposer sa responsabilité. Il doit mettre en demeure le locataire d'exécuter ses obligations, ce qu’il a fait en l’espèce.

[21]   Malgré cela, le locataire continue de faire du bruit excessif autant le jour que la nuit, menace et harcèle les autres locataires, possède des chiens qui aboient sans cesse, abîme les biens des autres locataires et le logement qu’il habite.

[22]   La preuve est prépondérante à l’effet que le locataire a un comportement inacceptable, conséquemment celui-ci cause une atteinte grave, excessive ou déraisonnable justifiant la résiliation du bail.

[23]   Le Tribunal n'a réellement aucun motif de mettre en doute les déclarations du locateur qui semble honnête, crédible et empreint de bonne foi.

[24]   Dans les circonstances, la résiliation du bail est justifiée puisque le comportement du locataire dépasse et excède les limites de la tolérance et il est du devoir du locateur d’y remédier.


Exécution provisoire de la décision malgré l’appel

[25]   Tel que prévu à l'article 82.1 de la Loi sur la Régie du logement[2], en raison des circonstances exposées à l’audience, l'exécution provisoire de la présente décision est justifiée et nécessite une ordonnance d’exécution immédiate, malgré l’appel de la décision.

[26]   Enfin, comme le Tribunal accueille la demande, il y a lieu de lui accorder les frais judiciaires incluant ceux de signification.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[27]   ACCUEILLE la demande du locateur;

[28]   RÉSILIE le bail et ORDONNE l'expulsion des locataires et de tous les occupants du logement;

[29]   ORDONNE l'exécution provisoire immédiate de la décision, malgré l'appel

[30]   CONDAMNE le locataire à payer au locateur les frais judiciaires et de signification de 84 $.

 

 

 

 

 

 

 

 

Lucie Béliveau

 

Présence(s) :

le locateur

Date de l’audience :  

31 mai 2018

 

 

 


 



[1]    Fata c. Chaouqi, R.D.L., 2005-04-20, SOQUIJ AZ-50334060, [2005] J.L. 225.

[2]    Loi sur la Régie du logement, L.R.Q., c. R-8.1.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.