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Décision

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Fernet c. Succession de Gariépy

2023 QCTAL 32527

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

Nos dossiers :

711999 31 20230530 G

712003 31 20230530 G

Nos demandes :

3921035

3921056

 

 

Date :

20 octobre 2023

Devant la juge administrative :

Lise Gélinas

 

Francine Fernet

 

Gregory Lidstone

Locataire - Partie demanderesse

(711999 31 20230530 G)

 

et

 

Richard Fernet

 

Locataire - Partie demanderesse

712003 31 20230530 G)

c.

Succession de André Gariépy

 

Locateur - Partie défenderesse

(711999 31 20230530 G)

(712003 31 20230530 G)

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Le Tribunal est saisi de deux dossiers réunis.

Dossier 711999

[2]         Par une demande introduite le 30 mai et un amendement le 31 mai 2023, les locataires demandent à qui est payable le loyer et réclament des dommages-intérêts punitifs et les frais.

[3]         Les parties sont liées par un bail du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024, au loyer mensuel de 639 $. Les locataires habitent le logement depuis le 1er décembre 2014.


Dossier 712003

[4]         Par une demande introduite le 30 mai et un amendement le 31 mai 2023, le locataire demande de déterminer à qui est payable le loyer et réclame des dommages-intérêts punitifs et les frais.

[5]         Les parties sont liées par un bail du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024, au loyer mensuel de 665 $. Le locataire habite le logement depuis le 1er décembre 2016.

CONTEXTE

[6]         Le 28 août 2019, les locataires reçoivent une lettre de monsieur Marcel Pitre, courtier immobilier, leur indiquant qu’il sera dorénavant la personne responsable de la collection du loyer.[1]

[7]         Les locataires allèguent payer leur loyer par chèques libellés au nom de André Gariépy et les remettre à monsieur Pitre, et ce, depuis le mois de septembre 2020.

[8]         Les locataires témoignent apprendre le décès du locateur au cours du mois de mars 2023 et constatent de plus que le loyer du mois de mars n’est pas encaissé par le locateur.

[9]         Le 19 avril 2023, les locataires, Francine Frenet et Grégory Lidstone, transmettent une lettre adressée à la succession de André Gariépy mentionnant l’envoi, par courrier recommandé, d’un chèque en paiement du loyer du mois d’avril 2023 et leur inquiétude et insécurité à savoir à qui est maintenant payable le loyer.

[10]     Or, selon le témoignage des locataires, monsieur Pitre leur somme de payer en argent comptant seulement, vu le gel des comptes de monsieur Gariépy suite à son décès. De plus, il leur indique que les loyers seront transmis à madame Patricia Burns, résidant en Californie et dont ils ignorent totalement le lien avec le locateur.

[11]     Les locataires refusent et réitèrent que le loyer est payable par chèque en vertu de leur bail. Qui plus est, ils n’ont reçu aucun avis quant au décès de monsieur Gariépy, ni le nom de la personne à qui payer.

[12]     Étant grandement inquiets quant à la perception et ignorant à qui les loyers doivent être payés depuis le décès de monsieur Gariépy, les locataires demandent de déposer leur loyer auprès du greffe du Tribunal administratif du logement.

[13]     De plus, les locataires témoignent recevoir des menaces d’éviction de la part de monsieur Pitre. Selon leur témoignage, à défaut de lui payer le loyer en argent comptant, il les menace d’expulsion immédiate.

[14]     Ainsi, n’ayant reçu aucune autre information pertinente depuis les cinq derniers mois quant à savoir à qui effectuer le paiement du loyer, les locataires demandent d’être autorisés à déposer le loyer auprès du greffe du Tribunal administratif du logement. 

QUESTION EN LIITIGE

[15]     Les locataires sont-ils justifiés de déposer le loyer auprès du greffe du Tribunal administratif du logement ?

ANALYSE ET DISCUSSION

[16]     Le recours des locataires se fonde sur l’article 1908 C.c.Q., lequel se lit comme suit :

1908. Le locataire qui, lors de l'aliénation de l'immeuble, de l'inscription d'une hypothèque sur les loyers ou d'une cession de créance, n'a pas été personnellement avisé du nom et de l'adresse du nouveau locateur ou de la personne à qui il doit payer le loyer, peut déposer son loyer au greffe du tribunal s'il obtient l'autorisation de celui-ci.

Le dépôt peut aussi être autorisé lorsque, pour tout autre motif sérieux, le locataire n'est pas certain de l'identité de la personne à qui il doit payer le loyer, lorsque le locateur ne peut être trouvé ou lorsqu'il refuse le paiement du loyer.


[17]     En l’instance, la preuve prépondérante démontre que les locataires, à raison, sont dans l’impossibilité de connaître l’identité de la personne à qui ils doivent payer le loyer. N’ayant reçu aucune information pertinente à cet effet depuis le décès de monsieur Gariépy au mois de mars 2023, le Tribunal autorise les locataires, Francine Frenet, Grégory Lidstone et Richard Frenet à déposer les loyers dus et à venir auprès du greffe du Tribunal administratif du logement.

[18]     Quant au recours des locataires en dommages punitifs pour harcèlement, il est fondé sur l'article 1902 du Code civil du Québec qui énonce ce qui suit :

1902. Le locateur ou toute autre personne ne peut user de harcèlement envers un locataire de manière à restreindre son droit à la jouissance paisible des lieux ou à obtenir qu'il quitte le logement.

Le locataire, s'il est harcelé, peut demander que le locateur ou toute autre personne qui a usé de harcèlement soit condamné à des dommages-intérêts punitifs.

[19]     Dans son article intitulé, Le harcèlement envers les locataires et l'article 1902 du Code civil du Québec[2], l'auteur Pierre Pratte définit le harcèlement comme suit :

« De façon générale, le harcèlement suppose une conduite qui, en raison de l'effet dérangeant qu'elle produit avec une certaine continuité dans le temps, est susceptible de créer éventuellement, chez la victime, une pression psychologique suffisante de manière à obtenir le résultat ultimement recherché par l'auteur de cette conduite. Plus spécifiquement, le harcèlement interdit aux termes de l'article 1902 C.c.Q. pourrait, à notre avis, être décrit comme suit :

« Une conduite se manifestant par des paroles ou des actes et ayant comme conséquence de restreindre, de façon continue, le droit d'un locataire à la jouissance paisible des lieux ou d'obtenir qu'il quitte le logement. »

[20]     Et il ajoute :

« Toute conduite ayant une conséquence de restreindre la jouissance du locataire ne constitue pas nécessairement du harcèlement ; elle doit être une tactique choisie dans la mise en œuvre d'une stratégie plus ou moins planifiée en vue d'atteindre un objectif recherché et son effet immédiat (l'effet dérangeant) doit apparaître comme un objectif intermédiaire ou secondaire. »[3]

[21]     Il faut donc prouver, par prépondérance de preuve, une intention malicieuse et une stratégie planifiée dans les agissements du locateur.

[22]     Or, de l’ensemble de la preuve soumise, le Tribunal est d’avis que celle-ci est insuffisante dans chacun des dossiers et par conséquent, le rejet de ces demandes s’impose.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

Dossier 711999 :

[23]     AUTORISE les locataires Francine Frenet et Grégory Lidstone, à déposer les loyers dus et à venir auprès du greffe du Tribunal administratif du logement;

[24]     CONDAMNE le locateur à payer aux locataires les frais de 107 $;

[25]     REJETTE la demande quant aux autres conclusions.

Dossier 712003 :

[26]     AUTORISE le locataire Richard Frenet à déposer les loyers dus et à venir auprès du greffe du Tribunal administratif du logement;


[27]     CONDAMNE le locateur à payer au locataire les frais de 107 $;

[28]     REJETTE la demande quant aux autres conclusions.

 

 

 

 

 

 

 

 

Lise Gélinas

 

Présence(s) :

les locataires Francine Frenet et Gregory Lidstone

le locataire Richard Frenet

Date de l’audience : 

24 juillet 2023

 

 

 


 


[1] Pièce L-4.

[3] Idem.

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