Karagiannakis c. Kapetanakis |
2021 QCTAL 12345 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT |
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Bureau dE Montréal |
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No dossier : |
556820 31 20210212 G |
No demande : |
3176205 |
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Date : |
12 mai 2021 |
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Devant la juge administrative : |
Rachel Tupula |
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Charalambos Karagiannakis |
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Locateur - Partie demanderesse |
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c. |
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Heleni (Helen) Kapetanakis |
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Locataire - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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[1] Par un recours introduit le 12 février 2021, le locateur demande au Tribunal l’autorisation de reprendre le logement concerné à compter du 1er juillet 2021 pour s’y loger, l’expulsion de la locataire et de tous les occupants du logement, l’exécution de la décision provisoire malgré l’appel ainsi que les frais.
[2] Les parties sont liées par un bail du 1er juillet 2020 au 30 juin 2021 au loyer mensuel de 500 $[1].
[3] La preuve démontre que le locateur a fait parvenir à la locataire un avis de reprise de logement le 19 décembre 2020.
[4] La locataire n’ayant pas répondu à cet avis, elle est réputée avoir refusé de quitter le logement.
[5] Le locateur étant une personne âgée de 87 ans et s’exprimant plus aisément en grec, son fils, Anthony Karagiannakis, agit comme interprète.
Remarques préliminaires du Tribunal et des parties
[6] L’immeuble
du logement concerné étant détenu en copropriété entre le locateur et son fils,
le Tribunal soulève d’emblée l’article
[7] Le locateur prétend faire l’objet d’une exception à cette disposition légale ayant acquis cet immeuble avant 1987.
[8] Deuxièmement,
la procureure de la locataire soumet que l’avis envoyé par le locateur est
invalide, ce dernier ne comportant pas la mention obligatoire prévue à
l’art
[9] L’audience est ajournée et une autorisation de produire est donnée aux parties de façon à leur permettre de répondre aux arguments de l’une et de l’autre.
Question en litige
Le locateur a-t-il le droit de reprendre le logement concerné ?
Les faits
[10] Le locateur est propriétaire de l’immeuble du logement concerné depuis le 12 juillet 1968.
[11] Son fils en devient copropriétaire le 19 août 2002.
[12] L’immeuble du logement concerné est un quadruplex.
Analyse
[13] Bien que le locateur ait initialement acheté son immeuble avant 1987, son fils en étant devenu copropriétaire en 2002, l’exception ne s’applique pas.
[14] À ce sujet, le Tribunal fait siens les propos de la juge administrative Suzie Ducheine dans la décision Shutt Desire c. Bilodeau[2] :
« [11] La reprise
est une exception au droit au maintien dans les lieux du locataire. Le
législateur a adopté ces critères très stricts quant aux bénéficiaires de la
reprise afin d’éviter les reprises abusives. La liste de bénéficiaires ne
saurait être étendue. L’article 1958 précité vient
circonscrire le droit du propriétaire d’une part indivise dans un immeuble de
reprendre un logement. Le législateur a prévu des exceptions que l’on retrouve
à l’article
« 110. Outre le cas prévu par l’article 1958 du nouveau code, celui qui, lors de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, est propriétaire d’une part indivise d’un immeuble peut reprendre un logement s’y trouvant si les conditions prévues par les paragraphes 2 et 3 de l’article 1659 de l’ancien code sont remplies ».
[12] En regard de cet article, le ministre de la Justice de l’époque écrivait le commentaire suivant :
« Cet article préserve le droit à la
reprise de possession d’un immeuble d’habitation que la loi ancienne conférait à
certains propriétaires indivis de l’immeuble en application des
dispositions de l’article
[13] Les dispositions
de l’ancien article
« 1659. Le locateur d’un logement peut en reprendre possession pour s’y loger ou pour y loger ses ascendants, son gendre, sa bru, son beau-père, sa belle-mère, son beau-fils, sa belle-fille, ou tout autre parent dont il est le principal soutien.
Le propriétaire d’une part indivise d’un immeuble ne peut reprendre possession d’aucun logement s’y trouvant sauf :
1º (...) ;
2º si l’immeuble comporte quatre logements ou moins et que le titre du propriétaire a été enregistré avant le 10 novembre 1987 ou, dans le cas où ce dernier était signataire d’une promesse d’achat ou de vente pour laquelle un acompte ou des arrhes ont été versés antérieurement à cette date, avant le 15 juillet 1988 ;
3º (...) »
[14] Ces dispositions
sont claires. Il n’y a pas matière à interprétation. S’il était dans
l’intention du législateur de conserver un droit acquis à tous les
copropriétaires indivis qui étaient conjoints au moment où ils ont fait
l’acquisition de l’immeuble, sans égard à la date de l’inscription du titre de
propriété, il l’aurait précisé à l’article
[15] Sur cette question, voilà ce que le professeur Pierre-Gabriel Jobin énonce dans son Traité sur le louage :
« Deux conditions particulières s’ajoutent désormais aux conditions générales pour la reprise, examinées dans les numéros précédents : pour que le propriétaire d’une part indivise puisse reprendre un logement, le nombre des copropriétaires ne doit pas excéder deux et ils doivent être conjoints l’un de l’autre, de droit ou de fait. L’achat en copropriété indivise pour des fins d’habitation par les propriétaires devient ainsi restreint aux couples, quand l’immeuble abrite des locataires qui devraient être délogés. »[2]
[16] Ce commentaire du professeur Jobin souligne l’essence même de l’article 1958 C.c.Q. qui est de favoriser les copropriétaires voulant faire vie commune, en l’occurrence, les couples vivants maritalement, mariés ou non. En l’espèce, les locateurs ne sont ni conjoints ou concubins.
[17] Dans le présent cas, le tribunal conclut que lors de l’envoi de l’avis de reprise daté du 21 décembre 2010, le demandeur et la copropriétaire n’étaient pas bénéficiaires du droit à la reprise du logement et qu’il ne peut donc être fait droit à la demande d’autorisation visant la reprise du logement concerné.
[18] Le
titre de propriété n’étant pas enregistré avant le 10 décembre 1987, le
locateur ne peut donc invoquer l’article
[19] Puisque le locateur est copropriétaire indivis de l’immeuble et que la copropriétaire n’était pas sa conjointe lors de l’envoi de l’avis, le tribunal doit conclure qu’il ne remplissait pas les conditions nécessaires à l’exercice du droit à la reprise d’un logement.
[20] Considérant que le locateur n’a pas les qualités requises pour exercer le droit à la reprise du logement, ce fait dispose du sort de la demande. »
[Nos soulignements, références omises]
[15] En l’instance et après analyse de la jurisprudence, il appert que l’exception vise les situations pour lesquelles les locateurs étaient déjà copropriétaires avant le 10 novembre 1987.
[16] Or, le fils du locateur devient copropriétaire en 2002.
[17] L’exception ne pouvant
s’appliquer et l’article
[18] Conséquemment, il ne
sera pas nécessaire d’analyser la validité de l’avis au regard de
l’article
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[19] REJETTE la demande du locateur qui supporte les frais.
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Rachel Tupula |
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Présence(s) : |
le locateur la locataire Me Myriam Pamphile, avocate de la locataire |
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Date de l’audience : |
30 avril 2021 |
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[1] Le bail a été reconduit année après année depuis le mois de juin 2010. Le bail original a été égaré, mais les parties admettent toutes les deux qu’il s’agissait d’un bail de 12 mois, aucun avis d’augmentation de loyer ou de modification de bail n’ayant été envoyé depuis pour changer le terme du bail original.
[2] Shutt Desire c. Bilodeau, 2011 CanLII 132890 (QC RDL).
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