Décision

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Gabarit EDJ

A c. Procureur général du Québec

2020 QCCS 3375

 

COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

 MONTRÉAL

 

 

 

N° :

500-17-094573-162   

 

 

 

 

DATE :

 LE 16 OCTOBRE 2020

 

 

L'HONORABLE CLAUDE DALLAIRE, J.C.S.

 

 

A[1]

Demanderesse

c.

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC

et

FRANCE RÉMILLARD

Défendeurs

 

 

TRANSCRIPTION RÉVISÉE DES MOTIFS

DU JUGEMENT RENDU ORALEMENT LE 14 AVRIL 2020 [2]

 

1.      L’aperçu

[1]           Ce recours soulève des questions de droit international, de droits fondamentaux et de responsabilité civile de l’État, dont la toile de fond repose sur l’application et l’interprétation de la Convention de La Haye (Convention)  et de la Loi sur les aspects civils des enlèvements internationaux et interprovinciaux d’enfants[3] (Loi).

[2]           En 2013, une demande d’assistance en provenance de l’Angleterre est transmise à L’Autorité centrale du Québec (ACQ), le département du Ministère de la justice qui a le mandat d’aider les États signataires de la Convention à retrouver les enfants, dans un contexte d’enlèvement international ou interprovincial.

[3]           La particularité du dossier repose sur le fait qu’immédiatement avant l’enlèvement allégué, la résidence habituelle de l’enfant de la demanderesse était l’Arabie saoudite, un pays non signataire de la Convention, donc qui n’est pas l’un des États désignés dans la Loi que L’ACQ a pour mission d’appliquer, alors que la directrice a décidé d’intervenir pour aider un père à retrouver son ex-épouse et son fils à Ville A, en utilisant les pouvoirs prévus dans la Loi.

[4]           Pour mener à bien sa mission, la directrice de L’ACQ a fait plusieurs incursions dans les dossiers détenus par divers organismes publics provinciaux et fédéraux sur la mère et l’enfant. Elle a aussi fait pression sur le SPVM pour qu’une plainte d’enlèvement d’enfant soit enquêtée, et partagé avec diverses personnes, dont la police et le père de l’enfant, le fruit de l’enquête qu’elle a fait de son côté.

[5]           Tout cela a permis de retrouver la mère et l’enfant, à Ville A, d’arrêter la mère et de la traduire en justice pour enlèvement d’enfant, et de placer ce dernier dans un foyer d’accueil durant plusieurs jours, le temps qu’un signalement à la DPJ soit évalué, comme c’est habituellement le cas en pareilles circonstances.

[6]           Le signalement a été rejeté et les accusations d’enlèvement d’enfant ont fait l’objet d’un arrêt des procédures, la mère ayant démontré qu’elle avait une défense de danger immédiat très sérieuse à faire valoir; elle avait dû fuir l’Arabie saoudite avec son fils, après avoir reçu de nombreuses menaces de mort du père de l’enfant.

[7]           Sans le vouloir, elle a déshonoré et humilié cet homme, après l’avoir fait attendre des années avant de l’épouser, après avoir ensuite demandé le divorce et l’avoir obtenu, avant même d’avoir habité avec lui. Elle a aussi obtenu la garde exclusive de leur, l’époux déchu n’ayant eu que des droits de visite supervisés par le grand-père maternel jusqu’à ce que l’enfant atteigne l’âge de trois (3) ans.

[8]           Or, il se trouve que ce mari et père déshonoré, bénéficiait de la protection des plus hautes instances de son pays, et la vie de la demanderesse et de son enfant est ensuite devenue un enfer et très risquée, d’où la fuite vers un autre pays, le Canada, en espérant que l’homme ne les retrouve jamais.

[9]           Y a-t-il eu détournement de la Loi et abus de pouvoir, dans ce dossier? La directrice de L’ACQ et son employeur, le Ministère de la justice, ici représenté par le Procureur général du Québec (PGQ), devraient-ils être tenus solidairement responsables des dommages moraux réclamés?

[10]        Chacun devrait-il être condamné à des dommages punitifs, au motif que les diverses interventions de la directrice de L’ACQ auraient causé des atteintes illicites et intentionnelles au droit à la vie privée, à la sécurité et à la liberté de la mère et de l’enfant, ou si l’interprétation généreuse qu’il convient d’apporter à cette Loi, ainsi que l’intérêt de l’enfant, justifient les diverses interventions dénoncées par la demanderesse, même s’il est admis que ces interventions ont eu lieu « hors Convention », ce qui nous permettrait de passer l’éponge?

[11]        La réclamation en dommages punitifs contre l’employée, déposée à la toute fin du procès, donc après le délai de trois (3) ans applicable, est-elle prescrite, ou si le recours initial en dommages moraux (et punitifs), entrepris en temps opportun contre l’employeur, a interrompu le calcul du délai de prescription applicable à cette réclamation en dommages punitifs?

[12]        Voilà les grandes questions à discuter, une fois que la mise en contexte essentielle sera présentée.

2.      Le contexte

[13]        Entre mai 2002 et ce jour, la vie de la demanderesse, une résidente bien établie en Arabie saoudite, est loin d’avoir été un long fleuve tranquille[4]; il en va de même de celle de son fils, depuis sa naissance à l’automne 2003[5]. En voici le résumé.

[14]        Lorsque la demanderesse a seize (16) ans, le fils d’un ministre influent de son pays de résidence, qui a près de deux (2) fois son âge, la remarque et désire l’épouser. Ses intentions sont communiquées par au père de la future mariée, par le père du prétendant, ces deux pères étant des amis.

[15]        Les fiançailles ont lieu à la fin des années ‘80. Le comportement du futur mari change considérablement par la suite, de sorte que la demanderesse rompt ses fiançailles, ce qui humilie celui qui se voyait déjà comme son futur époux et qui était très amoureux d’elle.

[16]        Une dizaine d’années plus tard, après avoir tenté sans relâche de renouer avec son ex-fiancée, l’homme revient à la charge, et les traditions étant ce qu’elles sont, la demanderesse finit par épouser l’homme.

[17]        Ce mariage a toutefois lieu après que le père de la promise ait réussi à repousser le mariage le plus loin possible, et que sa fille ait réussi à faire inclure une clause lui permettant de demander le divorce, dans le contrat de mariage.

[18]        Cela n’a pas été sans heurter l’homme, une fois de plus, mais ce dernier a bien été obligé de céder à ce caprice, s’il ne voulait pas de nouveau perdre celle qu’il convoitait depuis tant d’années.

[19]        Le contrat de mariage est signé six (6) mois avant la célébration du mariage, et cette célébration est suivie d’un très long voyage de noces sur divers continents, qui n’aura rien d’un conte de fées pour l’épouse.

[20]        Tout au long de cet interminable voyage, le mari viole son épouse à la pointe du couteau, il abuse d’elle, il est souvent en état d’ébriété et agressif. Il la prive de nourriture en public, alors qu’il s’empiffre dans de grands restaurants. Il l’empêche même d’appeler ses parents et l’humilie dès qu’il en a l’occasion, essayant ainsi de la mettre à sa main et qu’elle comprenne enfin à quel point il n’a pas apprécié qu’elle le fasse pâtir durant toutes ces années, plus de treize (13) s’étant écoulés entre le moment où elle l’a fiancé, la première fois, et le jour du mariage.

[21]        Et comme si ce n’était pas assez, la demanderesse tombe enceinte au cours de ce voyage de noces. Lorsque le mari apprend la nouvelle, il devient furieux, car il ne veut pas avoir d’enfants. Il lui intime l’ordre de se faire avorter sur-le-champ, ce qu’elle ne veut pas faire, repoussant ce sujet au retour au pays, en espérant gagner du temps.

[22]        La situation est à ce point horrible que la demanderesse réussit à contacter ses parents en cachette, et qu’elle s’organise pour ne pas rentrer en Arabie en même temps que son mari, lorsqu’ils transitent par Ville B, prétextant devoir aider une tante malade, pour éviter de devoir aller vivre avec cet homme, qui prendrait alors l’entier contrôle de sa vie.

[23]        C’est sous la surveillance paternelle et celle des gardiens de sécurité de l’aéroport, qu’elle revient au pays quelques jours après son mari, qui est de nouveau humilié par le comportement de son épouse.

[24]        Elle habite ensuite chez ses parents et n’a que très peu de contacts avec son mari, au cours des mois suivants, prétextant être indisposée à cause de la grossesse.

[25]        Mais à l’aide de ses contacts, il découvre qu’elle est retournée gérer son entreprise, et il s’y présente pour venir lui faire des menaces de mort, si jamais l’intention de divorcer lui passait par la tête, ce qu’il soupçonne alors être le cas, vu son refus de venir habiter avec lui.

[26]        En août 2003, alors qu’elle est sur le point d’accoucher, elle utilise de nouveau le prétexte de malaises associés à sa grossesse pour se rendre en Angleterre, avec ses parents.

[27]        Elle s’y cache à Ville B, avec son père, pour ne pas aller à la résidence officielle de ses parents en Angleterre, dont le mari connaît l’adresse, son but étant que son enfant naisse en Angleterre et qu’elle puisse y entamer les démarches nécessaires pour demander le divorce, ses procédures devant être entreprises au cours des deux (2) semaines précédant la naissance de l’enfant, selon les rites religieux expliqués par des consultants engagés par sa famille, dans le but de la sortir de sa fâcheuse situation.

[28]        C’est dans ce contexte qu’une semaine avant la naissance de son fils, elle initie ses procédures de divorce en Arabie saoudite, à partir de l’Angleterre.

[29]        Elle n’informe pas le père du jour de la naissance de l’enfant, car elle craint pour sa vie et celle du nouveau-né, s’il découvrait où elle se trouve.

[30]        Cette crainte est exacerbée par le fait que le mari lui a fait transmettre d’autres menaces, durant la période où elle a séjourné en Angleterre.

[31]        Lorsque le mari constate que son épouse a mis à exécution le plan qu’il lui avait déconseillé, une demande de divorce, il revendique ses droits sur son épouse et l’enfant et dépose ses propres procédures en Angleterre, pour forcer le retour de la mère et l’enfant au pays, demandant alors la garde de celui dont il ne voulait rien savoir, depuis sa conception[6].

[32]        Madame accepte de revenir, car elle n’a pas le choix si elle veut mener ses procédures de divorce à terme. Mais son retour est assorti de conditions, dont celle que son mari ne vienne pas la chercher à l’aéroport, à son retour à Ville C, car elle le craint, ce qui en ajoute une couche pour l’humiliation de l’homme, dont le courroux à l’endroit de son épouse ne cesse de croître.

[33]        À son retour[7], c’est le grand-père maternel qui vient chercher sa fille et son petit-fils à l’aéroport, flanqué d’agents de sécurité engagés pour protéger la petite famille à la suite des menaces du père.

[34]        L’enfant et sa mère demeurent ensuite chez les grands-parents maternels, toujours à Ville C.

[35]        Peu de temps après, le père, qui a obtenu des visites supervisées à son fils, se présente chez les grands-parents, où il récidive dans ses menaces de mort à l’endroit de Madame, devant ses parents. Il menace aussi de kidnapper et de le tuer l’enfant, dès qu’il aura un droit de visite non supervisé.

[36]        Le père n’exerce ensuite aucun autre droit de visite.

[37]        Afin de contrer la menace de kidnapping du père, la mère réussit à faire inscrire le nom de l’enfant sur une « no fly list »[8].

[38]        Au cours d’un processus juridique rocambolesque au cours duquel un juge autorise entre autres le mari à parler à son épouse, celui-ci la menace encore une fois, en présence de policiers.

[39]        Mais le 10 octobre 2004, la Cour de la Sharia finit par accorder le divorce demandé par la demanderesse, et elle lui confie la garde de l’enfant[9].

[40]        Le père, qui ne voulait rien savoir de divorcer, est débouté; il n’obtient que des accès supervisés par le grand-père maternel jusqu’à ce que l’enfant ait trois (3) ans.

[41]        Son appel est rejeté, et sa défaite, doublement amère; il devient encore plus agressif[10].

[42]        Parce qu’elle est maintenant plus vulnérable, depuis son retour au pays avec un bébé, où son ex-mari a des « relations » aux plus hauts niveaux, Madame prend toutes les menaces très au sérieux.

[43]        En juillet 2005, après avoir mûrement réfléchi à sa situation et celle de son fils, elle décide de fuir l’Arabie saoudite, pour sauver sa vie et celle de son enfant.

[44]        Afin de ne pas trop éveiller de soupçons, elle transite par les Émirats arabes, puis par divers pays d’Europe, son but étant de semer son ex-mari et d’aller trouver refuge dans un pays où elle espère être enfin tranquille.

[45]        Elle demeure toutefois très inquiète des conséquences pouvant résulter du fait d’avoir profondément déshonoré son ex-mari et très consciente que ce dernier la pourchassera vraisemblablement, comme il lui a promis lors de l’un de leurs entretiens. Elle redoute aussi l’impact de l’aide dont il bénéficiera, en haut lieu, pour laver son honneur[11].

[46]        Quelque temps plus tard, la demanderesse et son fils arrivent au Canada, et s’établissent à Ville A, où ils se promèneront d’hôtel en hôtel durant plusieurs années, en payant leurs séjours comptant et en prenant les mesures nécessaires pour ne pas laisser de traces, afin d’échapper à leur persécuteur et à ses enquêteurs privés.

[47]        Ils évoluent donc dans ce contexte en tentant le plus possible de demeurer sous le radar des autorités gouvernementales canadiennes et québécoises, de peur qu’une personne indiscrète en vienne à révéler de l’information à leur sujet aux autorités saoudiennes, comme elle l’a vécu avant de s’exiler[12].

[48]        Au cours des années suivantes, l’ex-mari cherche activement la demanderesse, avec l’aide d’enquêteurs.

[49]        L’enfant étant né en Angleterre et la famille de Madame y ayant toujours une résidence, il saisit les tribunaux anglais d’une première demande, en février 2006, qui est rejetée en septembre de la même année, car contrairement à ce que le père croyait alors, l’enfant n’était pas en Angleterre[13].

[50]        En avril 2010, il récidive, afin d’obtenir des ordonnances visant à localiser son fils, afin d’en faire un sujet de la Cour, si jamais il est retrouvé. Un avis de surveillance des frontières anglaises est alors émis afin d’intercepter l’enfant, s’il tente de sortir ou d’entrer au pays[14].

[51]        Au cours des deux (2) années et trois quarts (3/4) qui suivent, cet avis de guet ne produit aucun résultat.

[52]        Au cours des deux (2) années et trois quarts (3/4) qui suivent, les vérifications sporadiques faites par les enquêteurs du père, en Angleterre, ne produisent pas plus e résultat[15].

[53]        Pendant ce temps, au Canada, le 12 juillet 2011, la demanderesse et l’enfant obtiennent le statut de réfugié, après avoir démontré le risque sérieux d’être persécutés s’ils retournent dans leur pays, vu les relations du père de l’enfant, là-bas, et la culture entourant les droits des femmes[16].

[54]        Entre 2005 et juillet 2013, les seuls déplacements de la petite famille sont entre Ville A et Ville D, où les parents de Madame ont une résidence. Ils voyagent habituellement le soir, pour éviter de se faire repérer, l’enfant portant d’ailleurs les cheveux longs[17].

[55]        Jamais la mère et l’enfant ne se séparent.

[56]        Dès que son fils est d’âge scolaire, Madame lui enseigne à la maison, pour éviter de laisser des traces.

[57]        Durant toutes ces années, la demanderesse vit avec la peur au ventre d’être un jour retrouvée, et que son mari mette ses plans à exécution, sachant qu’il est tireur d’élite, qu’il est très branché, et surtout, qu’il n’a plus rien à perdre.

[58]        Durant tout ce temps, elle ne raconte rien de sa vie antérieure à son fils, pour le protéger et ne pas l’effrayer, assurant seule, avec ses parents à l’occasion, la sécurité de l’enfant.

[59]        En février 2013, la mère et le fils obtiennent le statut de résidents permanents du Canada.

[60]        Mais au moment où une certaine stabilité leur est accordée, Madame est loin de se douter qu’un nouveau chapitre de sa vie est en train de s’écrire en coulisses, et que son passé est sur le point de la rattraper.

[61]        En effet, fin 2012 ou début 2013, la ténacité du père finit par payer. Il entame alors des procédures de retour de l’enfant en Arabie saoudite et en retrait de garde contre la demanderesse, ex parte, parce que l’habileté de ses enquêteurs finit par leur permettre de trouver un indice très sérieux, dans un dossier judiciaire américain qui a impliqué le grand-père maternel et un hôtel, en 2011, dossier dans lequel il y a une mention que la demanderesse vivrait à Ville A.

[62]        Au début de l’année 2013, les enquêteurs concentrent leurs recherches à cet endroit et obtiennent une adresse au nom de Madame, dans un immeuble de Ville A, où personne ne semble l’avoir vue, même si son loyer est payé[18].

[63]        C’est à ce moment que l’étau se resserre, le père ayant deux (2) raisons plutôt qu’une (1) de croire que Madame et l’enfant se cachent à Ville A.

[64]        Les services d’un avocat spécialisé dans les enlèvements internationaux d’enfants, Me Pierre-Hugues Fortin (Fortin), sont alors retenus au bénéfice du père.

[65]        Fortin agira pour lui comme interface auprès de L’ACQ, l’organisme québécois qui est chargé d’assister les États signataires de la Convention de La Haye, dans la recherche d’enfants qui ont été enlevés sur leur territoire, où ils avaient leur résidence habituelle, immédiatement avant l’enlèvement allégué.

[66]        Le jour où Fortin appelle son contact à L’ACQ, se tourne une autre des pages de l’histoire de la demanderesse, qui est à faire dresser les cheveux sur la tête.

[67]        En effet, à la fin février 2013, le père tombe par enchantement sur une bonne fée, qui accepte de continuer l’œuvre de ses enquêteurs privés, mais cette fois, aux frais de l’État québécois.

[68]        C’est alors une fonctionnaire du Ministère de la justice, nulle autre que la directrice de L’ACQ, France Rémillard, (Rémillard) dont le mandat est de coordonner les démarches avec les divers intervenants du gouvernement fédéral et provincial pour retrouver les enfants enlevés, qui entre subrepticement dans la vie de la demanderesse, pour n’en ressortir qu’après avoir donné satisfaction au père, en laissant à la mère et l’enfant, un souvenir mémorable de son passage dans leur vie, qui est loin d’être le meilleur, et qui a encore des répercussions sur eux.

[69]        Sautons le long chapitre sur ce qui a motivé L’ACQ à intervenir pour aider le père à retrouver la mère et l’enfant, puisque nous en discuterons en détail dans l’analyse, et transportons-nous au 11 juillet 2013, date à laquelle la demanderesse et son fils apprennent finalement ce qui s’est tramé à leur insu au cours des mois précédents.

[70]        Ce fameux 11 juillet, s’ouvre en effet le deuxième chapitre de leur histoire au Canada, soit celui où, bien malgré eux, ils sont débusqués et doivent sortir de l’ombre dans laquelle ils ont vécu depuis un peu plus de huit (8) ans, parce que comme l’a dit le SPVM à la demanderesse en l’apostrophant pour l’arrêter « Your husband found you ».

[71]        Tard en soirée, lorsqu’ils débarquent tout bonnement d’un train en provenance de Ville D, le duo efficace SPVM-DPJ[19] fait son apparition, et change le cours de leur vie.

[72]        Ce soir-là, la demanderesse et son fils deviennent les témoins de première ligne de l’efficacité des méthodes d’enquête mises de l’avant par la défenderesse Rémillard, au nom de L’ACQ, et de l’exceptionnelle collaboration développée au fil des ans avec une sergente détective du SPVM, Nicole Morin (Morin), lorsqu’il est question de retrouver des enfants disparus.

[73]        Ce soir-là, le fils ne comprend rien à ce qui arrive à sa mère, mais celle-ci réalise, avec stupeur, que leur vie vient de basculer, parce que cette interception confirme que son ex-mari a réussi à les retrouver, d’où la pensée instinctive que son fils lui soit enlevé pour le remettre à son père, ce qui n’est pas sans lui faire craindre pour la sécurité et la vie de son enfant.

[74]        Cette nuit-là, l’enfant, qui n’a alors que neuf (9) ans, est brutalement séparé de sa mère, sans explications. Il est sous le choc, car il ne comprend pas ce qui leur arrive.

[75]        Madame est mise en état d’arrestation, pour avoir enlevé son fils. On la fouille complètement, elle est immédiatement détenue, interrogée, et elle passe la nuit sur le plancher d’une cellule en compagnie d’une femme accusée d’avoir commis un meurtre. Elle est terrifiée.

[76]        Dans une autre pièce, le fils, catastrophé, parce qu’il n’a jamais été séparé de sa mère depuis sa naissance, ignore s’il reverra cette dernière et quand. La police l’interroge aussi[20].

[77]        Après un bref au revoir à sa mère, l’enfant est transféré dans un foyer d’accueil confidentiel, le temps qu’un signalement fait à la DPJ[21] soit évalué. Cette démarche est rendue nécessaire, car selon l’information reçue, la demanderesse serait probablement une malade mentale en état de psychose qui a aliéné son enfant, l’a privé de se faire éduquer dans une école conventionnelle, et l’a retiré des bons soins de son père, en fuyant l’Arabie saoudite avec lui[22].

[78]        Madame est détenue durant quatre (4) jours, puisque le SPVM s’oppose à sa remise en liberté[23]. Toutefois, moyennant un cautionnement personnel de 10 000 $ et celui d’un tiers, de 100 000 $, elle est finit par être remise en liberté.

[79]        Ce qu’il faut savoir est que ce coup de filet du SPVM-DPJ, ce soir-là, n’avait rien du hasard.

[80]        Comme ce jugement le démontrera par la suite, il est plutôt le résultat direct des interventions de L’ACQ auprès de divers organismes provinciaux et fédéraux, et surtout, auprès du SPVM, à qui la directrice de L’ACQ a offert une collaboration soutenue, après avoir su que la juge Micheline Perrault venait de refuser qu’un mandat d’arrestation soit émis contre la mère, le 4 juin 2013[24], après avoir jugé que les conditions d’application de l’article 10 de la Loi n’étaient pas satisfaites[25].

[81]        Elle venait aussi tout juste d’être informée que l’agent Lessard, du SPVM, au lendemain du jugement Perrault, venait lui aussi de porter un coup dur au père, en refusant d’enquêter la plainte d’enlèvement d’enfant que Fortin était venue porter au nom de son client, au motif que l’enlèvement avait eu lieu à partir de l’Arabie saoudite et que le père n’a jamais déposé une telle plainte dans le pays où il alléguait que l’enlèvement s’était produit.

[82]        Si l’agent Lessard est un incompétent, aux yeux de la directrice de L’ACQ[26], et que la juge n’a rien compris, elle non plus, qu’à cela ne tienne : Rémillard a des contacts beaucoup plus éduqués en matière d’enlèvements d’enfants et elle sait exactement qui appeler et quoi faire pour que les choses se passent autrement, c’est-à-dire, comme le père et celle-ci le souhaitent.

[83]        Dans les minutes suivant l’annonce par Fortin du rejet de la plainte, le 5 juin, incapable de lâcher le morceau et ne pouvant résister à la tentation de satisfaire le père, la directrice voit alors une opportunité de montrer de quel bois elle se chauffe, et décide de fournir à Fortin une nouvelle occasion d’illustrer la maxime qu’elle applique au bénéfice du père depuis le mois de février : « demandez et vous recevrez ».

[84]        Elle propose sur-le-champ à ce dernier d’intervenir auprès de son contact au SPVM, si l’avocat est d’accord avec ce plan, qu’à l’évidence, il accepte.

[85]        Elle compose alors le numéro de la ligne directe de Morin, dans l’intention de passer par-dessus la décision de l’agent Lessard, pour que la plainte du père soit enquêtée et que la demanderesse soit traduite en justice, avec tout le forfait qui vient avec une accusation au criminel de cette nature, dont elle connaît les moindres détails, vu sa longue expérience.

[86]        En appelant Morin, « La » spécialiste en enlèvements d’enfants au SPVM, Rémillard sait que le dossier ira de l’avant, puisqu’elle collabore avec elle dans des dossiers de Convention[27] depuis des années, et qu’elle connaît son efficacité.

[87]        L’ACQ interagit ensuite avec le SPVM et Fortin, partage le fruit de l’enquête qu’elle a menée au cours des mois précédents avec eux et répond à leurs demandes ponctuelles respectives, pour aller chercher de information susceptible de faire progresser le dossier et leur faire sauver le plus de temps possible[28], tout comme elle le fait normalement, lorsqu’elle reçoit une demande d’assistance en provenance d’un État désigné et que les conditions sont satisfaites pour qu’elle intervienne.

[88]        Le 11 juillet, la DPJ, un autre organe de l’État québécois, prend l’enfant en charge, afin de l’héberger dans un foyer d’accueil confidentiel, où il passera onze (11) très longs jours.

[89]        Après que l’organisme ait jugé que cette dernière était saine et qu’elle n’avait nullement compromis la sécurité de son fils, contrairement à ce qui avait été écrit dans le signalement reçu la veille de l’arrestation, pour justifier son intervention concertée avec celle du SPVM, l’enfant est ensuite remis aux bons soins de sa mère [29].

[90]        L’État québécois est intervenu dans la vie de la mère non seulement par le biais de la directrice de L’ACQ, mais aussi par le système judiciaire et carcéral, alors qu’elle a pu avoir un échantillon des prisons québécoises, durant quatre (4) jours, et des tribunaux criminels, après avoir comparu et s’être battue pour être libérée sur  cautionnement, pour être enfin libérée.

[91]        Elle a aussi été emmenée devant la Cour supérieure, chambre de la famille, peu de temps après son arrestation, à la suite de quoi elle a porté un bracelet GPS durant de longs mois, vu les risques jugés élevés de fuite, durant l’instance civile initiée par le père, aidé de L’ACQ[30].

[92]        Un peu plus d’un an plus tard, le 19 août 2016, la demanderesse est finalement blanchie, après que le DPCP ait déclaré forfait sur la plainte portée, les accusations d’enlèvement ayant été retirées, faute de preuve.

[93]        La mère l’a convaincu qu’elle avait une défense de danger immédiat plus que sérieuse à faire valoir, et ce, « presque hors de tout doute raisonnable »[31], après avoir expliqué les tenants et aboutissants de la décision qui lui a accordé le statut de réfugié au procureur de la couronne.

[94]        De manière contemporaine à la mise sous écrou de la mère, le père de l’enfant, fort de ces nouveaux développements, entreprend une nouvelle procédure devant la Cour supérieure, chambre de la famille, dans le but d’obtenir diverses ordonnances.

[95]        Vu les faits récents, ses efforts sont partiellement récompensés, mais il n’obtient pas l’ensemble des ordonnances qu’il recherche pour éviter que Madame prenne la fuite.

[96]        En effet, le 24 juillet 2013, dans sa sagesse et usant de sa discrétion judiciaire, la juge Louisa Arcand refuse de lui accorder qu’un avis de surveillance des déplacements de la mère et de l’enfant auprès de l’Agence des services frontaliers Canada (ASFC) soit émis[32].

[97]        Le désappointement du père à la suite de ce revers judiciaire n’est que de courte durée.

[98]        Encore une fois, pour Rémillard, ce refus de la Cour supérieure est facilement contournable, et au surplus, voilà une autre belle occasion de démontrer à son client que sa carte de visite comme directrice de L’ACQ et que son réseau de contacts est bien plus efficaces que la justice québécoise.

[99]        Le 25 juillet 2013, après s’être fait envoyer une copie du jugement du 24 juillet et s’être fait dire par son amie France que la juge avait autorisé l’émission d’un tel avis et que l’ASFC était appelée en renfort dans le cadre d’une « mesure d’exécution » de ce jugement, Jeanne L’Heureux (L’Heureux), un autre des contacts de la directrice de L’ACQ, exécute la demande reçue, et elle émet cet avis aux frontières canadiennes[33].

[100]     Une copie est retransmise au SPVM, par L’Heureux[34] et la fermeture « administrative » du dossier de L’ACQ intervient le même jour que l’inscription de cet avis de surveillance.

[101]     Après avoir été renouvelé à diverses reprises, pour une raison inexpliquée, cet avis de surveillance des allées et venues de la demanderesse et de son fils demeure en vigueur jusqu’en juillet 2017[35].

[102]     En octobre et en décembre 2013, L’ACQ intervient de nouveau au « dossier », pourtant fermé, administrativement, pour approvisionner le SPVM et Fortin avec des informations que l’un et l’autre lui demandent à tour de rôle d’obtenir au Ministère de l’éducation (MELS), en lien avec la fréquentation scolaire de l’enfant[36].

[103]     Le DPCP a besoin de ce renseignement pour le suivi du dossier criminel, et le père, quant à  lui, veut savoir si Madame a respecté l’engagement qu’elle a pris auprès de la DPJ, lorsque le signalement de juillet a été enquêté. Il a besoin du renseignement pour faire progresser son dossier devant la Cour supérieure, chambre de la famille.

[104]     Une fois les demandes reçues, L’ACQ livre la marchandise rubis sur l’ongle et transmet sans délai les réponses obtenues lors de ces deux (2) vérifications, à qui les lui a demandées.

[105]     Cela permet au père de déposer un nouveau signalement à la DPJ, en décembre 2013, lequel entraîne une convocation de la demanderesse et son fils à leurs bureaux pour répondre à cette préoccupation, ce qui n’est pas sans les stresser et leur causer de l’inquiétude.

[106]     Si la demanderesse croyait pouvoir continuer de vivre tranquillement dans l’anonymat, une fois devenue résidente permanente du Canada et que les organismes de l’État protégeaient ses données confidentielles, son expérience avec L’ACQ aura vite fait de lui démontrer le contraire et lui rappeler ce qu’elle a connu dans son pays, avec l’entreprise qu’elle dirigeait à une certaine époque.

[107]     En prime, la demanderesse retient de son expérience que lorsqu’une personne sait se faire persuasive, L’ACQ n’hésite pas à utiliser les pouvoirs extraordinaires que le législateur lui a conférés, pour donner satisfaction au client, et ce, peu importe que la Loi dont il revendique le bénéfice s’applique ou non à son cas; c’est au goût du jour et selon la tête du client[37].

[108]     Aujourd’hui, lorsqu’ils marchent dans la rue, cette mère et son enfant, que cette dernière a tenté de protéger jusqu’au 11 juillet 2013, regardent par-dessus leur épaule[38].

[109]     Ce qui préoccupe par-dessus tout la demanderesse, dans cette histoire, et qui motive en grande partie son recours, est que dès le premier contact entre Fortin et L’ACQ, la directrice a su qu’elle ne pouvait offrir au père le forfait VIP qu’il recherchait dans le cadre de l’application de la Convention de La Haye[39], alors qu’elle a pris toutes sortes de détours passer outre à cette réalité, en agissant ensuite comme si elle exécutait sa mission dans un « dossier régulier », alors que ce n’était pas le cas.

[110]     La demanderesse s’inquiète aussi que l’employeur ratifie un tel comportement, alors qu’il repose sur une interprétation de la Loi sur les aspects civils des enlèvements internationaux et interprovinciaux d’enfants qui en dénature les objets, la lettre et l’intention.

[111]     Selon elle, il faut intervenir pour faire cesser ce genre de pratiques.

[112]     Elle se demande encore ce qui a bien pu motiver cette fonctionnaire à faire fi des déclarations écrites du père sur la résidence habituelle de l’enfant, au moment de l’enlèvement, et à tant vouloir l’aider, plutôt que de simplement décliner juridiction dès les premiers balbutiements de ce dossier, comme le contentieux du Ministère lui avait demandé de le faire.

[113]     Elle se demande pourquoi L’ACQ n’a pas agi comme elle le fait normalement dans un tel cas, soit en référant le père aux autres ressources susceptibles de l’assister, qu’elles soient québécoises, canadiennes et internationales, sans plus.

[114]     Pourquoi n’a-t-elle pas fait preuve de retenue, en apprenant de son contact Alfred Pichard (Pichard), du Ministère de l’immigration et du statut de réfugié, que la mère et l’enfant recherchés par le père avaient obtenu le statut de réfugiés, parce qu’ils étaient de danger de mort, s’ils retournaient chez eux, à cause des liens du père avec des personnes très influentes, dans leur pays?

[115]     Pourquoi avoir accordé un traitement royal à ce père, dans de telles circonstances?

[116]     Bien que le mystère plane toujours, dans l’esprit de la demanderesse, une chose est certaine, après avoir eu accès aux comptes d’honoraires du père, à la documentation qui l’accompagne, et aux transcriptions de certains débats judiciaires, la réponse n’est pas sans donner un grand frisson dans le dos, lorsque l’identité du mandat de l’avocat Fortin est révélée.

[117]     Voyons maintenant les questions soulevées par cette trame factuelle.

3.       Les questions

[118]     Les questions auxquelles nous répondons dans le jugement sont les suivantes :

·        Did Defendant unlawfully and intentionally conduct an investigation on Plaintiff and the child thereby interfering with their fundamental rights protected by the Canadian Charter of rights and Freedoms and the Charter of Human Rights and Freedoms?

·        Did Defendant unlawfully and intentionally disclose private information regarding Plaintiff and the child?

·        Did Defendant unlawfully and intentionally intervene with the SPVM?

·        Was Plaintiff and the child unlawfully and intentionally deprived of their freedom?

·        Did Defendant unlawfully and intentionally intervene with the Canada Border Services Agency, thereby circumventing the Court?

·        Did Defendant unlawfully and intentionally intervene with the administration of justice?[40]

·        La défenderesse a-t-elle commis une faute lors de son intervention relativement aux allégations d’enlèvement de l’enfant X?

·        Le fait de divulguer de l’information à un parent au sujet de son enfant dont il est titulaire de l’Autorité parentale constitue-t-il une faute et/ou une violation de ses droits fondamentaux?

·        L’emprisonnement de A et le placement de X étaient-ils contraires à la loi dans la mesure où le Service de police de la ville de Montréal et le Directeur des poursuites criminelles et pénales ont déterminé que tous les éléments constitutifs de l’infraction d’enlèvement prévue à l’article 283 du Code criminel étaient présents?

·        Le fait d’être partie à une procédure judiciaire visant à déterminer l’étendue des droits des parents à l’égard d’un enfant mineur constitue-t-il un dommage donnant lieu à indemnisation?

·        Les dommages réclamés par les demandeurs sont-ils grossièrement  exagérés dans les circonstances?[41]

·        Le recours intenté contre le PGQ, pour les dommages moraux causés par le fait de Rémillard, en vertu de l’article 1463 C.c.Q., a-t-il interrompu la prescription de la réclamation en dommages punitifs contre Rémillard?[42]

[119]     Voyons le point de vue de chaque partie.

4.      La position des parties

            4.1       Madame A et son fils X

[120]     Même si elle a fui son pays avec son fils et qu’en ce faisant, elle a privé ce dernier de contacts avec son père, la demanderesse prétend avoir toujours agi dans l’intérêt de son enfant.

[121]     L’ACQ, par les gestes de sa directrice, serait venue troubler leur quiétude, et aurait causé plusieurs atteintes à leurs droits fondamentaux, alors qu’elle n’avait aucune apparence de droit pour intervenir. Ce faisant, elle aurait abusé de la Loi et leur a causé des dommages incommensurables, pour lesquels l’employée et son employeur devraient être tenus responsables.

[122]     Selon la demanderesse, le Ministre de la justice, qui a délégué sa délicate mission consistant à assister les États désignés dans la recherche d’enfants enlevés, aurait dû mieux choisir la personne à qui des pouvoirs aussi importants ont été confiés.

[123]     Il aurait aussi dû mettre des mécanismes de surveillance en place, pour éviter qu’elle utilise de tels pouvoirs de manière arbitraire, soit en dehors des paramètres de la Loi.

[124]     L’employeur ne devrait pas cautionner le détournement de pouvoir qui a eu lieu, en l’espèce.

[125]     Les paragraphes 116 à 119, de la demande modifiée, résument bien les reproches plus spécifiques adressés à l’employée :

116.    Rémillard used the resources of the Central Authority for Québec to unlawfully and intentionally conduct an investigation on Plaintiff and the child and intervene in this case, the whole without any colour of right and absent any jurisdiction thereby unlawfully and intentionally interfering with their fundamental rights protected by the Canadian Charter of Rights and Freedoms and the Charter of Human Rights and Freedoms;

                        

117.    Rémillard unlawfully and intentionally disclosed private information regarding Plaintiff and the child to B through Me Fortin;

 

118.    Rémillard unlawfully and intentionally intervened with the SPVM which led to the deprivation of Plaintiff’s and the child’s freedom, thereby interfering with the administration of justice;

 

119.    Rémillard unlawfully and intentionally intervened with Intelligence Officer for the Canada Border Services Agency, thereby circumventing the Court’s decision in that regard and interfering with the administration of justice;

[126]     Pour ce qui est des reproches à l’employeur, le PGQ, on les retrouve entre autres aux paragraphes 119.1 à 119.4 :

119.1   Rémillard’s employer was aware that she was acting without jurisdiction in cases where the Convention did not apply. Despite its knowledge, her employer did not prohibit Rémillard to continue doing so, as appears from France Rémillard’s examination, Exhibit P-64, p. 41, lines 15-25, p. 42, line 1;

119.2   In its Plea (par. 137), the Attorney General for Quebec implicitly confirmed its acceptance and knowledge of Rémillard’s illegal actions;

119.3   Rémillard’s employer’s abovementioned knowledge and inaction constitute a fault that caused, along with Rémillard’s own faults, Plaintiff’s and her child’s moral damages, therefore Defendants are solidarily responsible for the said damages;

119.4   Moreover, Rémillard’s employer’s knowledge and failure to prohibit Rémillard to continue acting outside the purview of the Convention is tantamount to an illegal and intentional violation of Plaintiff’s and her child’s fundamental rights;

[127]     En résumé, la demanderesse reproche à la directrice de L’ACQ d’avoir agi comme « un justicier masqué »[43]. Selon elle, une telle conduite n’est pas acceptable dans un pays aussi soucieux du respect des droits fondamentaux des citoyens que le Canada.

[128]     L’ACQ n’aurait pas dû agir comme si elle était le « go for » de l’avocat Fortin, et encore moins comme si elle était à la fois le patron et le valet de la sergente détective Morin, du SPVM, selon les diverses démarches effectuées.

[129]     En acceptant ces deux (2) mandats (« go for », et patron-valet), elle aurait contourné sa propre Loi, mais aussi des ordonnances judiciaires intervenues en vertu de cette Loi et dans le contexte d’un dossier entendu en chambre de la famille, en Cour supérieure.

[130]     Elle ne s’explique pas qu’après avoir reconnu qu’elle n’avait pas de juridiction pour donner suite à la demande d’aide en vertu de l’article 10 de la Loi que l’Angleterre lui a transmis que la directrice invoque maintenant une nouvelle thèse, soit celle d’une soi-disant juridiction générale lui permettant d’aider le père à rétablir ses droits de visite[44].

[131]     Même à supposer qu’il se soit agi d’une demande de rétablissement de droits de visite, les conditions de la Loi n’étaient pas satisfaites pour intervenir[45].

[132]     La demanderesse reproche à l’employée de L’ACQ d’avoir détruit plusieurs documents qu’elle admet pourtant avoir reçus des diverses personnes avec qui elle a interagi, violant ainsi les lois applicables sur la conservation des documents traités par les organismes publics[46]. Elle l’accuse d’avoir agi ainsi, pour empêcher que des liens délicats, susceptibles de mettre au grand jour ses réelles motivations, puissent être faits.

[133]     Les réponses invraisemblables, contradictoires et même farfelues que cette employée a données, au fil du temps, trahiraient tout de même ses véritables intentions et démontreraient qu’elle avait quelque chose à cacher, d’où le caractère intentionnel des atteintes aux droits fondamentaux de son fils et d’elle.

[134]     En passant l’éponge comme il le fait, le PGQ cautionnerait une conduite illégale et intentionnelle, ce qui devrait suffire pour qu’il soit sanctionné par l’octroi de dommages moraux et punitifs, lui aussi, afin de décourager cette prise de position. 

[135]     C’est ce qui expliquerait la réclamation globale de 200 000 $ en dommages moraux[47], et de celle de 100 000 $ de dommages punitifs, afin de lancer un message clair aux défendeurs, ainsi qu’à quiconque tenté d’agir de la sorte, que les tribunaux n’acceptent pas ce genre de comportement de la part d’un organisme gouvernemental dans un état de droit, et qu’ils n’hésitent pas à intervenir de manière musclée, afin d’éviter la récidive.

            4.2       Madame Rémillard et son employeur le PGQ

[136]     Lorsque L’ACQ reçoit une demande d’aide d’un État désigné, comme c’était le cas avec celle reçue de l’Angleterre, elle peut valablement présumer qu’il a fait ses devoirs au préalable, en s’assurant qu’il s’agit bien d’un cas où la Convention de La Haye s’applique, et que la résidence habituelle de l’enfant était dans le pays demandeur d’assistance, au moment de l’enlèvement.

[137]     Si le lieu de résidence habituelle au moment de l’enlèvement n’est pas clair, à partir de la documentation soumise, il n’y a tout de même aucun temps à perdre, et il faut immédiatement entamer les démarches d’entraide, vu l’urgence que ce genre de demande implique, quitte à rajuster le tir, une fois le doute résolu, et à fermer ensuite le dossier.

[138]     La résidence habituelle étant une question de fait, seuls les tribunaux seraient chargés de la mission de la déterminer, cela ne relevant pas des fonctions de L’ACQ.

[139]     En l’espèce, L’ACQ avait ce qu’il lui fallait pour ouvrir un dossier : une demande d’assistance en provenance d’un État désigné[48]. Un doute sur le lien de rattachement de cet enfant avec l’Angleterre a résulté de la documentation reçue, puisqu’un jugement de 2010 faisait de ce dernier un « Ward of the Court », ce qui donnait lieu de croire, tout comme le père le pensait, que l’enfant se trouvait dans ce pays demandant l’assistance du Québec, pour retrouver l’enfant à Ville A.

[140]     En s’adressant à une avocate du contentieux, spécialisée dans la matière, afin de l’aider à dissiper ce doute[49], la directrice a fait preuve de diligence et de prudence.

[141]     Toutes les démarches qui ont été faites entre la réception de la demande d’assistance et celle où l’avocate du contentieux a informé la directrice qu’il ne s’agissait pas d’un dossier permettant à L’ACQ d’intervenir en vertu de l’article 10 de la Loi, étaient malgré tout justifiées, par l’intérêt de l’enfant. De plus, elles n’ont causé aucun préjudice à la demanderesse ni à son fils[50].

[142]     L’interprétation libérale de la Loi dont L’ACQ s’est prévalue après avoir interagi avec le contentieux, pour continuer d’assister le père, reposait sur un autre mandat que le retour de l’enfant : le rétablissement des droits de visite du père à son fils, qu’il n’avait pu exercer depuis août 2005, le père étant même aux États-Unis, à un certain moment dans l’histoire, un État désigné, tout comme l’Angleterre.

[143]     Les actes posés après avoir obtenu l’opinion du contentieux reposaient sur la croyance honnête de la directrice de L’ACQ[51] qu’ils étaient autorisés par la Loi, et ils ont tous été accomplis dans le meilleur intérêt de l’enfant, ce qui inclut l’assistance à l’avocat du père, à la police, et les interventions auprès du MELS et de l’ASFC.

[144]     De manière plus particulière, ils plaident que c’était le devoir de L’ACQ d’assister la police dans une enquête sur un enlèvement d’enfant, étant donné que le refus de prendre cette plainte était injustifié, de la part de l’agent Lessard.

[145]     Le bien-fondé de cette prétention serait démontré par le fait qu’une fois la plainte valablement enquêtée, un acte d’accusation a été émis, le DPCP a obtenu un mandat d’arrestation et la demanderesse a été traduite en justice pour enlèvement d’enfant.

[146]     Rien, dans cette intervention spécifique, ne serait fautif, selon les allégations 127 à 139 de la défense modifiée.

[147]     De plus, l’arrestation, la détention et la séparation de la mère et l’enfant, ne seraient aucunement imputables à L’ACQ ou au PGQ, puisque c’est le SPVM, puis le DPCP, qui sont tour à tour intervenus par la suite. Ce serait leurs actions qui ont directement mené à l’obtention du mandat d’arrestation qui est à l’origine d’une série de dommages allégués par la demanderesse, dont son droit et celui de son fils à la sécurité et à la liberté, lesquels constituent l’essentiel des dommages réclamés.

[148]     Quant au placement de l’enfant, c’est l’intervention de la DPJ qui l’a occasionné, à la suite à d’un signalement anonyme que la preuve ne relie pas à L’ACQ, et que la directrice nie avoir fait.

[149]      Quant aux informations obtenues par L’ACQ sur la fréquentation scolaire de l’enfant, échangées avec l’avocat du père, celui-ci y aurait eu droit en vertu de son autorité parentale, de toute façon.

[150]     Par ailleurs, à supposer que le partage d’information soit fautif, ce ne serait pas la cause des principaux dommages réclamés, pour lequel, d’ailleurs, le quantum habituellement accordé n’a rien à voir avec les montants exagérés qui sont réclamés.

[151]     Quant au PGQ, il considère ne pas avoir manqué à son obligation d’encadrement de la directrice de L’ACQ, dont le mandat impliquait une très large discrétion, par la nature même des fonctions. Il ajoute que son employée a exercé ses fonctions avec un discernement raisonnable, et qu’il n’y aurait pas lieu de la sanctionner pour sa conduite, qu’il juge conforme aux prescriptions de la Loi.

[152]     De plus, n’ayant pas été mis au courant de quoi que soit lors des interventions survenues en 2013, le PGQ soutient qu’on ne saurait le tenir responsable à titre personnel, puisqu’il n’a pas participé à la trame factuelle relatée pour obtenir des dommages.

[153]     En l’absence de démonstration des trois (3) éléments requis lors d’un recours en dommages, il n’y aurait pas lieu d’accorder de dommages moraux contre aucun des défendeurs.

[154]     La réclamation en dommages punitifs contre la directrice, personnellement, serait prescrite, car le dépôt du recours en dommages moraux et punitifs contre le PGQ n’aurait pas dispensé la demanderesse de réclamer de tels dommages à Rémillard, en temps opportun, vu le caractère autonome des dommages punitifs, depuis l’arrêt De Montigny[52].

[155]     Et comme il n’existerait aucune solidarité pour les dommages moraux, en l’espèce, vu l’application de l’article 1463 C.c.Q.[53], la pirouette effectuée par la demanderesse, en obtenant l’autorisation du Tribunal pour modifier ses procédures afin d’y ajouter l’employée comme défenderesse « à part entière », à minuit moins une, lors de sa plaidoirie, pour que les dommages moraux déjà couverts par sa procédure originale soient imputables aux deux (2) défendeurs, plutôt qu’exclusivement à l’employeur, et pour tenter de faire naître une solidarité entre l’employeur et son employée lui permettant ensuite d’ajouter une condamnation en dommages punitifs contre l’employée, en sus de celle qui existait déjà contre son employeur, serait à toute fins pratiques inutile, puisqu’il n’existe aucune solidarité pour les dommages punitifs, l’arrêt Cinar[54] ayant confirmé ce principe de droit l’année où la demanderesse a intenté son recours.

[156]     Enfin, rien dans le comportement de la directrice et dans celui du PGQ, ne justifierait des condamnations à des dommages punitifs, le lourd fardeau requis pour les obtenir n’ayant pas été démontré, et toutes les interventions faites dans ce dossier, l’ayant été dans l’unique intérêt du fils de la demanderesse.

[157]     Les montants réclamés à ce titre seraient aussi grossièrement exagérés, et ne correspondraient pas à l’état du droit, pour le type de violations alléguées.

[158]     C’est à la lumière de ces positions, diamétralement opposées, que débute notre analyse. Et pour s’y retrouver, il faut comprendre l’interaction entre les diverses dispositions législatives applicables aux faits mis en preuve et aux arguments soumis.

5.       Les dispositions législatives applicables

[159]     Plusieurs articles de Lois s’appliquent directement ou indirectement.

[160]     Les premiers sont évidemment ceux que l’on retrouve dans la Loi sur les aspects civils des enlèvements internationaux et interprovinciaux d’enfants, et plus particulièrement le préambule, les  articles 1 à 8, 10, 11, 13, 16, 21, 28, 31, 33, 35, 38 et 45[55].

[161]     Viennent ensuite les deux chartes des droits, avec les articles 7, 8 et 24(1) de la Charte canadienne, et les articles 1, 2, 5, 24.1 et 49, de la Charte québécoise.

[162]     Les articles 5, 36 à 41 du Code civil, sur la vie privée, les articles 1457, 1463, sur la responsabilité civile, les articles 1521, 1526, sur la solidarité entre différents défendeurs, de même que les articles 2896 et 2900, sur la prescription, ont été revus, pour apprécier les arguments des parties.

[163]     Les articles 13 et 815.4 de l’ancien Code de procédure civile, sur la confidentialité des dossiers en matière familiale, sont aussi pertinents[56].

[164]     Viennent ensuite les diverses lois sur la protection des renseignements personnels, sur la constitution de dossiers par les organismes publics, sur leur accès, et la conservation des documents qui y sont consignés[57].

[165]     La loi fédérale sur l’accès n’est pas en cause, mais comme certaines informations provenant de dossiers détenus par des organismes fédéraux sont évoquées (ceux du Ministère de l’immigration et du statut de réfugié et de l’ASFC), il faut les garder en mémoire, par rapport aux expectatives des citoyens en matière de vie privée[58].

[166]     C’est donc surtout la loi provinciale sur l’accès et la protection des renseignements personnels qui retient notre attention, et plus particulièrement ses articles 1, 3, 8, 53, 54 à 67, 83 à 88, 94, 135 et 147, étant donné que divers dossiers d’organismes provinciaux ont été constitués sur la demanderesse et son fils, qu’ils ont été consultés, et que leur contenu a été communiqué à de tiers en l’absence de consentement de la demanderesse.

[167]     Enfin, les articles 283 et 285 du Code criminel, sur l’enlèvement d’enfants et les défenses offertes pour contrer cette infraction, font partie de l’analyse.

[168]     C’est sur cette toile de fond juridique que nous amorçons notre analyse.

6.      la décision

            6.1       Les fautes des défendeurs

6.1.1    Les manœuvres pour se donner juridiction

[169]     Dès le premier contact entre Fortin et L’ACQ, il est clair que cet organisme n’a pas juridiction pour intervenir, que ce soit dans le cadre d’une demande de retour (article 10) ou d’une demande visant la mise en place de droits de visite du père à son enfant, au Québec.

[170]     En effet, dans l’un ou l’autre de ces divers scénarios d’intervention, il faut absolument que l’enfant en cause ait moins de seize (16) ans, que le pays où il avait sa résidence habituelle, immédiatement avant l’enlèvement allégué, soit un État désigné, au sens de la Loi, et que la demande d’assistance visant à le retrouver, provienne de l’un ou l’autre de ces États.

[171]     La directrice concède facilement que Fortin lui confirme d’entrée de jeu que la résidence habituelle de l’enfant est l’Arabie saoudite, au moment de l’enlèvement, et qu’il sait que ce pays n’est pas un État désigné, au sens de la Loi. La directrice déclare que la conversation à ce sujet est claire.

[172]     Elle reconnaît aussi que lors de ce premier contact, elle-même est au courant des conditions d’application de la Loi pour travailler un dossier de retour d’enfant, et que ces conditions ne sont pas satisfaites, après la présentation initiale de Fortin[59].

[173]     À diverses reprises, ensuite, elle ajoute que pour qu’elle puisse intervenir, il lui faut ouvrir un dossier, et que cela passe nécessairement par une demande officielle en provenance d’un État désigné, et qu’elle a donné ce renseignement à Fortin.

[174]     Même si la suite de la discussion entre les protagonistes, qui n’est rapportée que par la directrice, est ensuite floue, il est clair que c’est dans ce contexte que Fortin évoque les procédures entreprises en Angleterre, dans le but de retrouver l’enfant, puisque lui seul est au courant de ce fait, à ce moment, et que la conversation se termine avec une recette à préparer, pour qu’une demande d’assistance soit faite par l’Angleterre, afin de permettre à L’ACQ d’ouvrir un dossier et d’avoir juridiction pour intervenir.

[175]     Mais qui, au juste, énonce la recette à appliquer pour déloger le grain de sable qui empêche a priori L’ACQ d’intervenir pour aider le père de l’enfant en cause?

[176]     Sans aucune hésitation, nous concluons que c’est la directrice de L’ACQ, puisque lorsqu’interrogée sur ce sujet, elle commence par répondre que « c’est possible » que ce soit elle. Ensuite, « elle ne s’en souvient pas ». Après, nous avons droit à « ce n’est pas impossible », pour enfin finir par « c’est probable »[60].

[177]     Le malaise est palpable et il est clair qu’elle hésite à confirmer ce simple fait, parce que c’est entre autres ce qui donne le ton à tout le reste de son témoignage, quand elle tente ensuite de justifier ses faits et gestes par toutes sortes d’interprétations de la Loi qui sont incompatibles avec ses connaissances étendues en matière d’enlèvements d’enfants, son expérience terrain de ce genre de dossier, et le rôle prédominant que son employeur lui reconnaît dans le domaine, tant ici qu’à l’international.

[178]     Pourquoi ne pas simplement avouer, sans détour, qu’à la lumière des informations reçues de l’avocat, elle a sincèrement cru que le père pouvait valablement faire un détour par l’Angleterre pour que L’ACQ ouvre un dossier et que cette suggestion venait d’elle, alors qu’elle déclare que tout ce qu’elle a fait dans ce dossier, était motivé par l’intérêt supérieur de l’enfant en cause?

[179]     Comme elle tourne autour du pot, cela nous aide à conclure que la croyance « honnête » qui est invoquée aujourd’hui, n’en était pas une, et qu’en référant le père à l’Angleterre, Rémillard a élaboré un plan avec Fortin pour contourner la Loi, afin de se créer une apparence de droit, car nous verrons que peu importe le contenu de cette demande, ce qui se cachait derrière celle-ci ne lui permettait pas d’enquêter sur la demanderesse et son enfant, pour le bénéfice du père.

[180]     Avec toute l’expérience qu’elle avait alors, il est invraisemblable que la directrice n’ait pas rapidement posé les questions qui s’imposaient sur le lien de rattachement de l’enfant avec l’Angleterre, au-delà du fait qu’il y soit né et qu’il y ait séjourné quelques mois après sa naissance, avant de retourner à Ville C, alors qu’il était clair que c’est à ce dernier endroit qu’il a vécu avec sa mère, avant qu’elle se sauve avec lui de l’Arabie saoudite.

[181]     D’ailleurs, ce soi-disant lien de rattachement anglais n’existait pas autrement qu’à travers des jugements rendus en 2006 et en 2010, qui n’ont absolument rien donné de concret en ce qui concerne l’établissement du lieu de résidence habituelle de l’enfant.

[182]     En effet, entre juillet 2005 et février 2013, l’enfant n’a jamais été vu en Angleterre, malgré l’avis de surveillance mis en place aux frontières et transmis à divers organes de l’État susceptibles de le voir apparaître un jour ou l’autre, tels les écoles et les hôpitaux.

[183]     Même les vérifications effectuées par des enquêteurs privés, année après année, n’avaient rien donné de concret pour soutenir que cet enfant avait un quelconque lien avec l’Angleterre, que ce soit immédiatement avant l’enlèvement, ce qui est la portion pertinente, et même après, portion qui n’a aucune espèce de pertinence.

[184]     L’enfant n’a jamais tenté d’entrer ni de sortir de l’Angleterre, au cours de toutes ces années, et lorsque Fortin appelle la directrice de L’ACQ, c’est qu’il a des raisons de croire que la mère et l’enfant se trouvent à Ville A depuis 2011, alors qu’une adresse ici vient tout juste de lui être communiquée.

[185]     En présence de deux (2) parents vivant en Arabie saoudite, mariés et divorcés dans ce pays, avec un jugement saoudien confiant la garde de l’enfant à la mère et des accès supervisés au père, chez le grand-père maternel à Ville C, avec la déclaration du père de l’enfant, qui énonce que la mère et l’enfant vivaient chez le grand-père maternel à Ville C, avant de se sauver de l’Arabie saoudite, en l’absence de localisation de la mère et de l’enfant en Angleterre, entre 2006 et 2013, avec une déclaration judiciaire émanant du grand-père maternel, en 2011, que sa fille (mère de l’enfant) vivait à Ville A, et avec une adresse précise toute fraîche où la mère habiterait à Ville A, il y avait loin de la coupe aux lèvres pour justifier une quelconque juridiction pour L’ACQ dans ce dossier, même en faisant faire un grand détour au père en Angleterre, pour tenter de s’en attribuer une.

[186]     C’est donc sur cette prémisse que nous apprécions la vraisemblance de la thèse présentée en défense, puisque, disons-le franchement, l’on tente de nous faire avaler que la directrice de L’ACQ bénéficiait d’une apparence sérieuse de droit pour intervenir dans la vie de la demanderesse et que sa conduite était animée par le meilleur intérêt de cet enfant, alors que ce n’est pas ce qui est démontré par la preuve.

[187]     De plus, lorsqu’elle reçoit enfin une demande d’assistance de son vis-à-vis anglais, Martyn Newbold (Newbold), qui sollicite une intervention du Québec afin de venir en aide au père, sept (7) semaines après le premier contact de Fortin, et environ cinq (5) semaines après que le père ait mis le plan convenu au jour 1 à exécution, en signant sa demande d’assistance à l’Angleterre, le 8 mars, l’on ne peut valablement prétendre que la situation était urgente pour justifier que le jour-même de la réception de cette demande, L’ACQ débute immédiatement ses incursions dans la vie privée de la demanderesse en se ruant au Ministère de l’éducation pour savoir si l’enfant fréquente une école au Québec, et ce, en utilisant les pouvoirs de la Loi et le papier entête de L’ACQ, pour ce faire.

[188]     C’est pourtant ce que l’on plaide en défense.

[189]     L’ensemble de la preuve nous mène à la conclusion que dès le départ, la mise en œuvre de ce plan avait pour but de contourner les prescriptions claires de la Loi que la directrice avait pour mission d’appliquer, afin d’offrir un service VIP à un client qui avait su se montrer persuasif et qui a convaincu cette dernière d’adhérer à sa cause.

[190]     Mais supposons un instant que nous ayons tout faux, que Fortin n’ait donné aucun détail sur les tenants et aboutissants du dossier judiciaire anglais, tel que nous venons de l’extrapoler[61], et présumons que la seule chose qu’il ait dite à la directrice est qu’un tribunal anglais a déclaré cet enfant « Ward of the Court », en 2010, peut-être que c’est cela qui a créé un doute dans son esprit, et donc une croyance honnête la justifiant de proposer d’explorer la piste outre-mer, afin d’approfondir l’impact d’un tel statut, dans l’intérêt de l’enfant.

[191]     Soulignons toutefois que la directrice n’a pas de souvenir précis de cette partie de la première conversation avec Fortin, mais qu’elle déclare qu’à l’époque, elle ne connaissait pas la signification de « Ward of the Court ».

[192]     Mais lorsqu’elle reçoit la demande d’assistance, elle en prend connaissance le jour même, ainsi que de la documentation qui l’accompagne et en précise les fondements. Dès lors, elle est en mesure d’évacuer le doute que ce statut a pu faire naître, puisque la « thèse anglaise » ne tient pas plus la route que la réalité associée à l’Arabie saoudite, pour lui donner juridiction et lui permettre d’ouvrir un dossier.

[193]     À titre d’exemple, même la case où il faut indiquer le nom du pays où l’enfant avait son lieu de résidence habituelle au moment de l’enlèvement, n’est pas remplie!

[194]     Considérant qu’il s’agit « DU » critère essentiel pour intervenir, ce détail dans la paperasse ne peut avoir été manqué, car il est tout sauf anodin. Et tout le reste de la documentation ramène un lecteur le moindrement aguerri en matière d’enlèvements internationaux, vers l’Arabie saoudite.

[195]     Pour s’en convaincre, on y lit entre autres que l’enfant a habité dans ce pays durant un (1) an et demi (1/2), avant l’enlèvement allégué, et que la première trace apparente de son « nouveau » lieu de résidence, après cet enlèvement, est Ville A, en 2011.

[196]     C’est là que la sauce se gâche pour les défendeurs, et tout particulièrement pour la directrice, dont l’expérience aurait dû faire en sorte qu’elle décline immédiatement juridiction, conformément à l’article 16 de la Loi, qu’elle connaît pourtant bien, puisque l’Arabie saoudite n’est pas signataire de la Convention de La Haye. Dès lors, peu importe l’itinéraire parcouru pour arriver à son but, le père ne pouvait pas se prévaloir de la Loi pour obtenir l’aide du Québec dans la traque de son ex-épouse et de son fils.

[197]     Même si la preuve avait révélé que l’enfant a été vu ne serait-ce qu’une seule journée en Angleterre, APRÈS l’enlèvement, ce qui n’est pas le cas, et même un tribunal anglais l’a désigné « Ward of the Court », en 2010, la directrice savait que tout cela n’avait strictement aucune pertinence dans le cadre de son analyse de la demande reçue.

[198]     La situation était tellement claire qu’elle n’avait même pas à référer cette demande au contentieux du Ministère, sous prétexte qu’elle entretenait un doute quelconque[62].

[199]     Nous croyons qu’en réalité, cette pseudo consultation n’a fait que lui servir de prétexte pour gagner du temps, ce qui lui permettait d’entamer des recherches immédiates en invoquant une fausse urgence, qui n’est pas soutenue par la documentation ni par la chronologie des faits, par ailleurs.

[200]     Ce n’est pas une dizaine de jours qui auraient changé grand-chose à ce dossier, puisque rien, dans la preuve, ne démontre qu’il y avait péril en la demeure justifiant la nécessité de fouiller immédiatement dans le dossier du Ministère de l’éducation et dans le dossier du Ministère de l’immigration et du statut de réfugié.

                         6.1.2    Les faits et gestes fautifs              

[201]     À supposer que la directrice ait véritablement entretenu un doute, la prudence élémentaire et le contexte auraient dû faire en sorte qu’elle attende le résultat de la consultation qu’elle a initiée auprès du contentieux, avant d’aller fouiller dans les dossiers de la demanderesse au MELS et ceux du Ministère de l’immigration[63].

[202]     Lorsque l’avocate du contentieux lui donne son opinion, quelques jours après avoir été interpellée, et qu’elle lui dit de fermer son dossier, au motif que le PGQ n’interviendra pas, la théorie du « doute » ne tient plus la route.

[203]     Les démarches effectuées pour fouiner dans la vie privée de la demanderesse et de son fils, au cours des huit (8) mois qui suivent, et le partage du fruit de telles incursions avec l’avocat du père et la police, entre autres[64], ne peuvent qu’être illicites et fautives.

[204]     Dans un tel contexte, il est paradoxal que les défendeurs invoquent les grandes connaissances de la directrice en matière d’enlèvement d’enfants, sa vaste expérience, le fait qu’elle soit coauteure la Loi annotée sur le sujet, qu’elle est désignée depuis des années, pour représenter le Québec au Canada et à l’international, dans cette matière.

[205]      On souligne aussi elle enseigne aux juges, aux avocats, à la police, et aux divers responsables d’organismes gouvernementaux qui sont susceptibles d’être impliqués dans les dossiers d’enlèvement d’enfants.

[206]     Comment peut-elle être tout cela à la fois et prétendre avoir cru à une zone grise sur la résidence habituelle de l’enfant en cause avant l’enlèvement, après avoir pris connaissance des documents transmis avec la demande d’assistance et avoir eu un « no go » du contentieux pour aller de l’avant ?

[207]     Comment adhérer à la position des défendeurs que tout ce qui est dénoncé dans la demande dont nous disposons respecterait la lettre et l’esprit de la Loi que cette directrice a pour mission d’appliquer depuis autant d’années?

[208]     Cette tentative, pour justifier à tout le moins ses deux (2) premières incursions au MELS et ses deux (2) contacts au Ministère de l’Immigration et du statut de réfugié, en avril, avant d’avoir eu l’opinion du contentieux, doit échouer, puisque les connaissances et l’expérience de la directrice excluent la vraisemblance du doute évoqué. 

[209]     Il en est de même de l’argument que cette employée aurait fait preuve de discernement, lorsqu’elle a branché le télécopieur au motif qu’une urgence s’inférait de la nature même de la demande reçue, le jour même de la réception de la demande, avant que le soi-disant doute ait été dissipé, alors que la documentation ne démontre pas cette urgence.

[210]     Pourquoi arrivons-nous à ces conclusions sur les fautes de la directrice et celles de son employeur?

[211]     Parce que l’employée travaille à L’ACQ depuis 1988, qu’elle dirige seule ce département, depuis 1997-1998, après que le Ministre de la justice lui ait délégué cette importante fonction[65], au décès de l’ancien directeur, un avocat sous les ordres duquel elle a travaillé comme technicienne juridique durant dix (10) ans.

[212]     Parce qu’avant de déléguer une fonction aussi importante et délicate, nous nous serions attendus à ce que le Ministre choisisse une personne compétente, qu’il aurait mis en place des mesures adéquates pour encadrer l’exécution des tâches qu’il venait ainsi de déléguer, et qu’un quelconque mécanisme de reddition de comptes des interventions de cette personne aurait été prévu, si ce n’était pas déjà le cas du temps du directeur précédent.

[213]     Or, la preuve ne révèle rien de tel.

[214]     La personne nommée directrice est détentrice d’une technique en secrétariat, obtenue en 1987-88, et d’un certificat en droit. À l’époque où elle travaille comme technicienne juridique, elle se réfère à « l’avocat conseil », lorsque jugé « nécessaire »[66].

[215]      Au décès de l’avocat directeur de L’ACQ[67], le Ministère de la justice demande à cette employée de prendre la relève des dossiers « de cette nature-là », en référant aux dossiers d’enlèvement d’enfants, mais pour l’exécution de ses nouvelles fonctions, elle n’a qu’une description de tâches verbale.

[216]     En 2006, elle obtient une promotion et devient « attachée d’administration », titre d’emploi pour lequel il existe cette fois une description écrite de tâches[68].

[217]      Au moment des faits en litige, en 2013, elle exerce ses fonctions à la « direction des services professionnels, entraide internationale »[69]. Une fois de plus, il n’y a pas de description de tâches particulière pour cette fonction, que la directrice résume ainsi :

« On me dit, on te met responsable de telles choses et je le gère, on me donne la liberté de voir à l’appliquer, en parlant de la loi (sur les enlèvements) »[70].

[218]     Il est donc clair que la directrice de L’ACQ a carte blanche pour agir, et que tout repose sur son discernement, son bon jugement, son expérience, ses connaissances étendues de la Loi, et sa bonne foi[71].

[219]     Elle seule décide du sort accordé aux demandes d’assistance reçues à L’ACQ.

[220]     Lorsqu’elle décide d’intervenir, aucun contrôle n’est exercé sur ses dossiers ni sur la manière dont elle s’y prend, et ce, que ses activités soient « en vertu de la Convention » ou « hors Convention », comme elle les divise et les qualifie[72].

[221]     Ayant le parfait contrôle de ses dossiers, elle peut en faire ce qu’elle veut, comme elle veut.

[222]     L’employeur n’encadre pas le travail de la directrice et ne le supervise pas[73]. Il ne lui demande pas davantage de rendre compte de ses activités[74].

[223]     Malgré la confirmation de la directrice qu’elle a des activités « hors Convention », ce qui est en soi surprenant, vu le libellé de la Loi, aucune statistique n’est tenue pour faire état de leur fréquence, contrairement aux dossiers « réguliers ».

[224]     Ainsi, personne d’autre que la directrice de L’ACQ ne sait ce qui se fait dans le cadre de tels dossiers et il est impossible de vérifier si cette dernière prend souvent le genre de liberté qu’elle s’est autorisée dans ce dossier pour intervenir dans la vie privée des gens, sans justification, tout simplement lorsque l’envie lui prend d’assister un parent dont le dossier ne se qualifie pas en vertu de la Loi.

[225]     Lorsque la question lui est posée à savoir combien d’autres dossiers du genre elle a traités, elle déclare n’avoir aucune idée, se contentant d’ajouter qu’ils sont rares.

[226]     Mais comment vérifier si elle dit vrai, lorsqu’elle confirme ne pas avoir de comptes à rendre à quiconque?

[227]     Il est surprenant de constater que personne ne lui a même demandé de s’expliquer, depuis l’institution du recours, en juillet 2016[75], et que l’employeur ne lui tienne rigueur d’absolument rien, ce dernier ratifiant au contraire l’ensemble de son œuvre[76].

[228]     La défense énonce clairement que dans l’hypothèse où un cas similaire se présente à nouveau, la même ligne de conduite pourrait être adoptée, puisque tant la directrice que son employeur la considèrent adéquate et conforme à la lettre et à l’esprit de la Loi, même après avoir entendu la preuve et les représentations de la demanderesse.

[229]     La ratification de l’employeur passe même par un argument en droit administratif : la juridiction automatique de L’ACQ.

[230]     Selon la défense, la directrice pouvait a priori présumer que la demande satisfaisait aux critères de la Loi, car le vis-à-vis britannique avait certainement dû faire son « due diligence », avant de s’adresser à L’ACQ.

[231]     Cet argument n’est pas sérieux.

[232]     Comment Newbold aurait-il pu vérifier si les critères de la Loi québécoise étaient satisfaits pour que L’ACQ puisse agir à l’intérieur de la Convention ?

[233]     La théorie invoquée implique que L’ACQ abdique son devoir de vérifier si les conditions de la Loi qu’elle a pour mission d’appliquer sont satisfaites, lorsqu’elle reçoit une demande d’assistance.

[234]     Or, à notre avis, le simple fait que la demande émane d’un État désigné, sans que le Québec en ait vérifié le contenu, ne constitue pas un exercice de juridiction valable, car aucun fonctionnaire québécois ne peut déléguer ses tâches au fonctionnaire d’un autre pays.

[235]     En effet, si la double délégation au profit d’un fonctionnaire n’est pas possible, en droit québécois, l’idée qu’une telle sous délégation intervienne au profit d’un gouvernement étranger fait encore moins de sens, en droit.

[236]     C’est donc à la directrice qu’il incombait de vérifier si les critères de sa Loi habilitante lui permettant d’aller mettre son nez dans les affaires de la demanderesse étaient satisfaits.

[237]     Si elle a vraiment abdiqué son pouvoir au profit de Newbold, comme les défendeurs le laissent entendre, cette conduite est fautive.

[238]     Si elle a fait les devoirs que la Loi lui imposait, ce que nous croyons qui a été le cas, sans qu’elle veuille trop le reconnaître, sa conclusion hâtive qu’elle avait juridiction pour justifier ce qu’elle a fait à partir d’avril 2013, était une grossière erreur qui ne peut rester sans conséquence.

[239]     Au lieu d’agir, elle aurait dû écouter l’avocate consultée, qui était en principe tout à fait qualifiée pour interpréter les subtilités de la Loi et évaluer le dossier qu’elle a pris la peine de lui soumettre.

[240]     Après s’être fait dire qu’elle devait fermer son dossier pour absence de juridiction, avec les motifs de cette demande (pas un cas d’article 10 de la Loi) en prime, la directrice aurait dû battre en retrait et passer à un autre appel.

[241]     Tous ses gestes ayant été posés sans aucune juridiction, il y a donc abus de droit et détournement des pouvoirs de la Loi, ce que l’employeur cautionne, de façon étonnante.

[242]     La preuve démontre que la directrice connaissait très bien les paramètres d’application de la Loi sur les aspects civils des enlèvements internationaux et interprovinciaux d’enfants, les dispositions de la Convention de La Haye, et leur nécessaire interrelation, puisque ce sont ces deux (2) textes juridiques qu’elle applique au quotidien, dans l’exercice de ses fonctions.

[243]     Elle sait pertinemment que le législateur a mis en place un impressionnant arsenal de moyens, dans cette Loi, et que c’est ce qui permet à L’ACQ d’être aussi efficace lorsqu’un dossier se qualifie pour qu’elle intervienne afin de rechercher un enfant sur le territoire québécois, afin que les droits consacrés dans la Convention de La Haye soient respectés.

[244]     Elle sait quels sont les trois (3) critères habituels qui lui permettent d’intervenir dans un dossier, que ce soit pour une demande de retour ou pour faciliter l’exercice de droits de visite :

1)  la demande d’assistance doit venir d’un État désigné;

            2)  l’enfant en cause doit être âgé de moins de seize (16) ans;

3) le lieu de résidence habituelle de cet enfant, immédiatement avant l’enlèvement allégué (atteinte au droit de garde ou de visite), doit être dans l’un de ces États désignés[77].

[245]     C’est la base qu’il faut connaître pour décider si une intervention peut avoir lieu, ou s’il faut décliner juridiction, tout tournant autour de trois (3) concepts assez simples :

1)    le lieu de résidence habituelle de l’enfant, immédiatement AVANT l’enlèvement;

2)    l’identité de l’État qui présente la demande, lequel doit avoir signé la Convention de La Haye, et

3)    la nature de la demande :

a) le retour de l’enfant dans son pays, ou

b) la mise en place de droits de visite.

[246]     Il n’existe que deux (2) scénarios possibles : à l’intérieur de la Convention ou à l’extérieur de cette Convention.

[247]     Et à l’intérieur de la Convention, on ne s’en sort pas : pour ouvrir un dossier, les deux (2) hypothèses exigent la preuve des mêmes conditions[78].

[248]     Cela nous amène à la qualification que fait la directrice de la demande d’assistance reçue le 12 avril 2013 et à l’évaluation des explications qu’elle donne pour justifier ses faits et gestes.

                         6.1.3    L’invraisemblance de la thèse justifiant la juridiction de L’ACQ

[249]     Il est invraisemblable que la directrice de L’ACQ ait sérieusement pensé que la demande du 12 avril puisse être autre chose qu’une demande de retour, et qu’elle ait honnêtement pu croire qu’en tout temps pertinent, après avoir reçu la réponse du contentieux, elle ait aidé le père en vue de rétablir des droits de visite.

[250]     Notre conclusion s’impose du fait qu’elle avoue ne pas avoir pensé à cette défense à l’époque des faits, et qu’elle reconnaît y avoir soudainement pensé lorsque l’huissier a frappé au bureau du PGQ pour signifier le recours de la demanderesse[79].

[251]     Cette thèse n’est donc d’aucune utilité pour valider la légalité des appels qu’elle a faits à Alfred Pichard, Nicole Morin et Jeanne L’Heureux.

[252]     Elle ne peut davantage servir à justifier ses écrits au MELS et au Ministère de l’immigration, en utilisant le papier entête de L’ACQ, qui laisse croire au récipiendaire de ses demandes qu’elle fait appel à eux dans le cadre d’un enlèvement d’enfant qu’elle enquête en vertu d’un dossier « à l’intérieur de la Convention »[80].

[253]     En sus de faire fi de la consigne reçue, la directrice a même laissé le contentieux sur l’impression qu’elle fermerait son dossier[81], alors que par derrière, elle n’a fait qu’à sa tête, comme si elle était « à l’intérieur de la Convention », sachant pourtant qu’elle était dorénavant «  hors Convention », et que ses pouvoirs n’étaient pas les mêmes, dans cet autre contexte.

[254]     Avec le pedigree mis en preuve, l’on se serait attendu à ce que la responsable de L’ACQ fasse preuve de tout le discernement et du jugement que son importante mission exige.

[255]     Ce n’est pas ce qui s’est passé.

[256]     Avant de se lancer tête baissée dans cette quête quasi « obsessionnelle »[82], cette employée du Ministère de la justice a manqué de la prudence élémentaire dont une personne raisonnable aurait fait preuve dans les mêmes circonstances[83].

[257]     Devant un tel scénario, elle savait que la seule chose qui lui restait à faire était de référer Fortin aux autres organismes susceptibles de lui venir en aide, tels la police, les tribunaux civils et criminels, les ambassades, les consulats, le Ministère des affaires étrangères, et autres organismes du genre, dont elle avait préparé une liste.

[258]     Paradoxalement, c’est ce qu’elle déclare faire lorsqu’elle s’adonne à de d’activités « hors Convention »[84], ajoutant même que lorsqu’elle informe les parents de son impossibilité d’intervenir en vertu de la Loi, elle « pète un petit peu leur balloune », et ne peut plus agir comme « bouée de sauvetage » pour eux[85].

[259]     Devant un cas aussi patent, le forfait qu’elle pouvait offrir au père saoudien aurait dû se limiter au service de références, lequel ne comprend pas l’option ingérence dans les dossiers de d’autres organismes ni l’aide à ceux-ci dans la gestion de leur mission respective, et encore moins l’utilisation de la super carte de visite de L’ACQ qui ouvre toutes les portes et permet d’accéder au trésor d’informations personnelles que les dossiers de divers organismes gouvernementaux contiennent sur tout un chacun.

[260]     En l’absence de juridiction valable, cette collaboration générale ne lui permettait pas davantage de transférer l’information et les documents qu’elle a obtenus sans droit à des tiers, sous prétexte qu’ils portaient sur un enlèvement d’enfant, car rien, dans la Loi ne permet de justifier la théorie des vases communicants d’un organisme gouvernemental à un autre.

[261]     Ainsi, l’ouverture et la fermeture officielle, ou apparente, n’ont aucun effet sur les pouvoirs qu’elle détenait réellement.

[262]     Si L’ACQ pouvait agir ainsi « hors Convention », à quoi bon alors analyser les critères d’intervention pour déterminer si elle pouvait agir « à l’intérieur de la Convention », si le forfait offert était le même, dans les deux (2) cas?

[263]     Voilà où la thèse de la défense ne résiste pas à l’analyse et qu’elle doit être rejetée.

[264]     Si l’on devait retenir l’interprétation proposée par le PGQ pour justifier toutes les interventions dont la légalité est contestée, cela signifierait que peu importe qu’un pays ait signé ou non la Convention, le Québec aurait juridiction pour assister ses citoyens lorsqu’ils soupçonnent qu’un de leurs enfants se trouve ici, qu’ils veulent le retourner dans leur pays de résidence ou instaurer des droits de visite ici, aux frais des contribuables québécois.

[265]     Le problème est que lorsque la Loi a été adoptée, ce n’est pas le choix qu’a fait le législateur[86].

[266]     Cette interprétation des défendeurs fait donc fi de l’article 1 (2) de la Loi, qui énonce les objets de ce texte législatif, ainsi que des articles 2(2º) et (3º), 3, 8(6º), 31 et 41, lorsqu’on en fait une lecture globale et cohérente, comme les règles d’interprétation nous le suggèrent.

[267]     La défenderesse Rémillard ne peut donc éviter les conséquences résultant du fait qu’elle a reconnu à plusieurs occasions, de différentes manières et à diverses personnes que le dossier soumis par l’Angleterre n’était pas un cas où l’article 10 de la Loi trouvait application[87].

[268]     La documentation disponible au Ministère de la justice, qu’elle aurait eu intérêt à consulter[88], précise qu’il faut parfois rejeter une demande d’assistance même si cela est « regrettable ». L’on ajoute toutefois que c’est « parfois nécessaire », et que dans un tel cas, les parents peuvent ensuite s’adresser aux tribunaux pour trouver de l’aide. L’on y lit également que les conditions d’application pour les demandes de retour sont exactement les mêmes que celles requises pour intervenir dans le but de faciliter des droits de visite[89].

[269]     Tout cela explique notre conclusion que la demande d’assistance transitant par l’Angleterre n’était qu’une manière ingénieuse pour agir en douce afin de pouvoir aider le père à ramener son fils dans son pays, la directrice sachant pertinemment qu’en passant ainsi par la bande et en n’ayant aucun compte à rendre sur ses activités « hors Convention », qu’elle pourrait ainsi contrôler le dossier en avoir toute latitude pour utiliser les pouvoirs de la Loi à sa guise, tout en minimisant les risques de se faire prendre.

[270]     La créativité que la description de tâches de cette employée requiert[90] lui aura à tout le moins servi pour tenter d’enlever le grain de sable pris dans l’engrenage, pour que la machine de L’ACQ puisse s’activer.

[271]     Mais malgré tout, au final, c’est le texte même de sa loi habilitante et sa grande expérience qui auront mis du bois dans les roues du carrosse que la directrice a conduit en 2013, pour servir celui qui s’est adressé à elle.

6.1.4    Les choix stratégiques en défense

[272]     Un autre fait important nous aide à évaluer l’histoire que la défenderesse nous raconte: la décision de ne pas faire entendre Me Fortin, alors qu’il a joué un rôle capital dans ce dossier.

[273]     C’est lui qui appelle la directrice de L’ACQ, car il la connaît pour avoir traité d’autres cas similaires dans les quatre (4) ou cinq (5) ans précédant notre dossier, Rémillard lui ayant même enseigné les critères d’application de la Loi, lors d’une formation[91].

[274]     Entre février et décembre 2013, c’est lui qui l’interpelle à plusieurs reprises, au fur et à mesure que des développements surviennent dans la gestion de son dossier.

[275]     C’est ce dernier qui lui demande diverses informations sur la demanderesse et son enfant, et qui les obtient, tout comme il bénéficie de son avis sur une foule de sujets pertinents à la gestion de son dossier, que ce soit lorsqu’il s’adresse à la Cour supérieure, chambre de la famille, à deux reprises, au SPVM ou à la DPJ[92].

[276]     C’est à lui que Rémillard propose d’intervenir auprès du SPVM[93].

[277]     C’est aussi lui qui reçoit divers suivis de la directrice, au fur et à mesure qu’elle effectue des démarches qu’il ne lui a pas demandées expressément[94].

[278]     Une foule de questions pertinentes restent donc en plan et pour mesurer l’importance du choix stratégique qui a été fait, des exemples s’imposent.

[279]     Qu’est-ce que Fortin a déclaré sur les faits pertinents du dossier, lors de son premier appel? Quels conseils Rémillard lui a-t-elle donnés, à ce moment précis? Puisqu’il était clair (pour les deux (2)) que l’enlèvement est survenu en Arabie saoudite, comment Rémillard aborde-t-elle la recette à suivre, pour que le gâteau lève et qu’elle puisse l’aider? Quelle est la nature des contacts qu’ils ont eus, entre février et avril, étant donné que le dossier était si « urgent »? Est-ce Rémillard, Fortin ou les deux (2), qui ont pris à tour de rôle l’initiative des suivis? Rémillard a-t-elle participé à la rédaction de la demande du 8 mars? Quand se sont-ils parlé, après que la demande d’assistance soit entrée? Qu’est-ce que Rémillard a dit à Fortin, après avoir analysé le dossier? Lui a-t-elle avoué que le contenu des jugements anglais ne lui donnait pas davantage de juridiction qu’à la fin de leur premier contact? A-t-elle discuté avec lui de son intention de s’adresser au contentieux, si oui dans quel but? Fortin a-t-il été informé des faits que Pichard a révélés à la directrice, à la mi-avril, lesquels confirmaient les soupçons du père que Madame était à Ville A, et non en Angleterre, ce qui était une grosse avancée dans sa quête? Fortin a-t-il été informé des résultats des deux (2) recherches au MELS, en avril? Quand Rémillard a-t-elle fait part de l’opinion du contentieux à Fortin? Lui a-t-elle dit que ses instructions étaient de fermer le dossier, parce qu’il ne se qualifiait pas, ou a-t-elle gardé ce renseignement pour elle et agi de manière à lui faire croire qu’elle avait le « ok » pour intervenir, au cas où il retourne sa veste, un jour? Pourquoi ne pas avoir immédiatement confirmé à Fortin qu’elle fermait son dossier et n’avoir envoyé un écrit à cet effet que le 24 mai 2013, un (1) mois plus tard? Lorsqu’elle l’a verbalement informé du fait qu’elle devait fermer son dossier (le 25 avril), ont-ils discuté d’une stratégie consistant à fermer le dossier le plus tard possible, « administrativement »? Pourquoi avoir informé Fortin de ce qu’elle écrirait à son contact anglais et avoir écrit « je confirmerais que nous fermons notre dossier »? Ce « typo », tel qu’elle veut le faire croire, en est-il vraiment un ou ne trahit-il pas ce dont elle a convenu avec Fortin, soit qu’elle ferait semblant de fermer son dossier en reportant cette fermeture à plus tard, alors que tous deux (2) savaient qu’elle continuerait d’agir comme elle l’avait fait depuis le premier jour[95]? Pourquoi n’avoir écrit à Newbold que quelques mois après avoir su que le dossier ne se qualifiait pas, plutôt que dès le moment où elle a su qu’elle devait le fermer? Cette stratégie a-t-elle été discutée avec Fortin ou l’a-t-elle gardée pour elle? Est-il vraisemblable que durant tout ce temps, elle n’ait pas informé son vis-à-vis anglais du progrès du dossier, vu sa nature « urgente »? Qu’est-ce que Fortin savait de tout cela? Quels sont les renseignements « généraux » qu’elle a fournis à Fortin pour la suite des choses, et à partir de quand? Ont-ils élaboré un plan détaillé quant aux démarches qu’il devait faire devant la Cour supérieure, chambre familiale, à chaque fois qu’il s’y est présenté? Est-ce que Rémillard lui a offert de le « coacher » pour préparer ses diverses procédures ou est-ce lui qui a demandé son aide?  Dans quel contexte est-elle arrivée à réviser les procédures de Fortin et à lui fournir des références jurisprudentielles pertinentes à son dossier? Combien de jugements lui a-t-elle transmis et que lui a-t-elle dit à leur sujet[96]? Au lendemain du jugement qui lui a refusé ce qu’il voulait, en juin, Fortin a-t-il appelé Rémillard pour avoir son avis sur les démarches qu’il aurait intérêt à faire? Avant d’aller porter plainte au SPVM, Rémillard a-t-elle briefé Fortin? Lorsque Fortin avise Rémillard que le SPVM refuse sa plainte, le 5 juin, que lui dit-elle pour justifier son offre d’intervention auprès de Morin? Après avoir reçu le jugement de la juge Arcand qui lui refuse l’avis de surveillance des frontières, le 24 juillet, que dit Fortin à Rémillard et que lui répond-elle, avant d’appeler son contact L’Heureux pour requérir l’émission de cet avis de surveillance? Est-ce Fortin qui propose de lui envoyer le jugement refusant cet avis, ou est-ce elle qui le demande? Que lui fait-elle comme représentations pour qu’il lui envoie ce jugement, le cas échéant? Que Fortin lui dit-il pour qu’elle intervienne de nouveau au MELS, en décembre 2013, pour vérifier si l’enfant était inscrit dans une école? Ont-ils eu d’autres contacts, par la suite, si oui, dans quel but et jusqu’à quand?

[280]     Ce dernier paragraphe, bien que long et fastidieux, était nécessaire pour démontrer l’impact de l’absence de Fortin, qui aurait pu en dire long sur ce qui s’est réellement passé entre L’ACQ et lui.

[281]     La version des faits de cet acteur important de l’histoire aurait certainement jeté un éclairage différent sur la seule version des faits qui nous a été offerte.

[282]     Ce n’est certainement pas le secret professionnel qui empêchait ce témoignage, car rien, dans tout ce que nous venons d’énumérer, n’est protégé. En effet, Fortin s’est adressé à un tiers et lui a divulgué certains renseignements, sachant pertinemment que ce tiers n’était tenu à aucun secret.

[283]     De plus, l’information que ce tiers a donnée à Fortin n’était couverte par aucun quelconque secret dont la directrice aurait pu se prévaloir devant une Cour de justice.

[284]     Avec ce témoignage, les réelles intentions de la personne qui incarne L’ACQ, dans ce dossier, auraient pu être mises plus facilement au grand jour, même si ce qui a été soumis a quand même permis de s’y retrouver.

[285]     L’on conviendra facilement qu’en ne faisant pas témoigner Me Fortin, la directrice avait moins de chances d’être contredite.

[286]     L’utilité de ne pas le faire témoigner se reflète aussi dans le contrôle des documents que Rémillard et lui ont échangés.

[287]     En effet, Fortin était astreint à des obligations déontologiques et professionnelles l’obligeant à conserver les documents consignés dans son dossier durant un certain nombre d’années. Contrairement à ce que la directrice a fait, il ne pouvait aléatoirement décider d’en supprimer, selon l’inspiration du moment ou selon les besoins de la cause[97].

[288]     Qui sait ce que Fortin a pu conserver, que la directrice prétend ne pas avoir retrouvé dans les dossiers dont elle avait le contrôle, et que la demanderesse aurait pu lui demander de produire, selon ce qui serait ressorti de ce témoignage?

[289]     Pour comprendre notre propos, une analogie s’impose avec ce qui s’est produit avec le témoin L’Heureux, au sujet de l’avis de surveillance du 25 juillet.

[290]     L’Heureux déclare que Rémillard lui a transmis le jugement de la juge Arcand, du 24 juillet 2013, dans un courriel et qu’elle a gardé non seulement ce courriel demandant sa collaboration à l’égard de la mise en œuvre dudit jugement, mais aussi la copie du jugement

[291]     Sur ce courriel, dont Rémillard ne trouve plus de trace dans son dossier, L’Heureux a noté que la demande d’émission d’un avis de surveillance était faite « à la demande de France ». Ses documents confirment que cet avis a été inscrit comme « mesure d’exécution », ce qui signifie que la directrice a réussi à lui faire croire que le jugement Arcand autorisait un tel avis, alors que c’était tout à fait le contraire. C’est, du moins, le souvenir qu’en a L’Heureux.

[292]     Ces notes, dans le dossier de L’Heureux, contredisent carrément Rémillard, qui nie que Fortin lui a envoyé le jugement Arcand, le ou vers le 24 juillet. Elle déclare plutôt qu’elle n’a pris connaissance de ce jugement que vers le 16 septembre 2013[98]. Elle déclare aussi que c’est le SPVM qui a requis cet avis et qu’elle n’y était pour rien. Elle se serait intervenue auprès de L’Heureux qu’à l’époque où l’enfant était encore recherché, qu’elle situe en avril, mais avant le 11 juillet[99].

[293]     L’on voit bien que le témoignage de L’Heureux aura eu son importance, ainsi que la documentation trouvée dans son dossier, et la demanderesse a bien fait de l’assigner, car n’eût été de ce témoignage, notre travail pour décider de la responsabilité de la directrice en lien avec cet avis, aurait été plus compliqué.

[294]     Il faut aussi retenir de tout cela qu’à la suite de l’intervention de « France », l’avis a été émis sur le champ.

[295]     Voilà en quoi le témoignage de L’Heureux et la documentation contenue dans son dossier se sont révélés très utiles pour nous aider à séparer l’ivraie du bon grain dans le témoignage de la directrice, qui a une fois de plus travaillé fort dans les coins, pour nous faire croire qu’elle était étrangère à cet avis de surveillance, alors que ce qu’elle a fait avec le jugement Arcand, est des plus discutables.

[296]     Il faut mentionner que  même si elle confirme avoir eu des échanges écrits avec son contact L’Heureux, la directrice déclare n’avoir rien retrouvé dans son propre dossier.

[297]     C’est pourquoi nous tirons une inférence négative de l’absence de Fortin au procès.

[298]     Cela nous amène à élaborer sur les méthodes de conservation de documents adoptées par L’ACQ, dans ce dossier.

[299]     D’une part, les politiques de gestion en vigueur n’ont pas été respectées, ce que reconnaît Rémillard, d’autre part, cette dernière a fait preuve de laxisme, dans sa tenue de dossier[100].

[300]     Les hypothèses émises pour expliquer son impossibilité de retrouver plusieurs documents qu’on se serait attendu à retrouver dans son dossier, lors de l’audition de la demande d’accès à l’information, il y a plusieurs années, sont peu crédibles, pour ne pas dire autre chose[101].

[301]     Ce qu’il en ressort est que les documents potentiellement compromettants ont été « égarés », car Rémillard reconnaît en avoir reçu des personnes avec qui elle a interagi au cours de la gestion de ce dossier, mais force est de constater qu’il n’en reste que très peu, au sortir de la Commission d’accès à l’information[102].

[302]     Pour expliquer la situation, elle prétend que certains de ceux-ci sont disparus par erreur dans la « poubelle informatique » de son ordinateur, après un « ménage » lui ayant fait conclure qu’ils n’étaient pas pertinents. Ensuite, d’autres ont peut-être été être oubliés dans une imprimante ou dans un photocopieur, et les personnes qui ont pu tomber dessus, n’ont probablement pas jugé pertinent de lui ramener, même son nom était dans la rubrique émetteur ou récepteur, alors qu’elle dirige L’ACQ[103].

[303]     Par ailleurs, elle déclare qu’il n’existe aucune directive régissant ce qu’elle doit garder ni sur ce qu’elle peut détruire[104]. Elle connaît l’existence d’un Manuel de gestion intégrée, mais affirme ne pas en respecter les prescriptions.

[304]     Force est de conclure, encore une fois, qu’elle a également un entier contrôle sur ce qu’elle devrait conserver ou non, dans ses dossiers.

[305]     Revenons à la thématique des témoins qui n’ont pas été entendus en défense, et dont le témoignage aurait pu s’avérer pertinent.

[306]     Après Fortin, Pichard, du Ministère de l’immigration et du statut de réfugié, est le premier contact à qui la directrice s’adresse pour obtenir de l’information sur la demanderesse[105].

[307]     Que Rémillard lui a-t-elle dit pour qu’il accepte de lui communiquer des détails aussi délicats sur le statut de la demanderesse et de son fils? Que lui a-t-il révélé du contenu de la décision leur accordant le statut de réfugiés? Pourquoi Rémillard a-t-elle pris des notes sur les menaces de mort que la demanderesse a reçues de son ex-mari et sur les liens politiques que celui-ci entretenait avec certaines personnes très influentes[106]? Est-ce parce qu’il a discuté de cela avec elle ou parce qu’avant même de le contacter, elle connaissait ces faits, que ce dernier ne lui a que simplement confirmés[107]?

[308]     Encore une fois, nous devons nous en remettre à la version que veut bien nous donner la directrice de la discussion qu’elle se souvient avoir eue, alors que le contenu de cette discussion, du point de vue de l’autre interlocuteur, aurait pu jeter un éclairage pertinent sur ce qu’elle a appris en tout début d’enquête.

[309]     Mais au moins, elle reconnaît qu’au sortir de cette discussion, elle savait que le pays de résidence de l’enfant était l’Arabie saoudite[108], avant l’enlèvement et que la mère avait plaidé être en danger pour obtenir le statut de réfugié, ce qui n’a pas ému la directrice, qui a ajouté que plusieurs personnes disent bien ce qu’elles veulent pour obtenir ce qu’elles désirent.

[310]     Pichard, tout comme L’Heureux l’a fait, aurait pu lui aussi expliquer la manière dont la directrice s’est adressée à lui pour qu’il accepte de partager avec elle des renseignements aussi sensibles qu’ultra confidentiels, dont il était le gardien.

[311]     Peut-être aurions-nous pu apprécier si le doute qu’elle allègue avoir eu au sortir de cette conversation méritait vraiment un appel à l’aide au contentieux, ce dont nous doutons, après avoir révisé la preuve.

[312]     Cela ajoute à notre surprise de voir le PGQ cautionner les explications de la directrice et ses méthodes de travail.

[313]     Il est maintenant temps d’appeler un chat un chat et de conclure qu’en l’absence de juridiction, l’aide que L’ACQ a apportée au père de l’enfant en cause était illégale, et qu’entre le 12 avril et la mi-décembre 2013, la directrice a utilisé les pouvoirs que la Loi lui confère en donnant lieu de croire qu’elle était en mission officielle au nom de l’organisme, en vertu de la Convention, alors que tel n’était manifestement pas le cas.

[314]     En agissant de la sorte, elle a fait indirectement ce que le législateur ne lui permettait pas de faire directement, d’où le détournement de pouvoirs[109] ou l’absence de pouvoirs, les conséquences étant les mêmes, à notre avis, peu importe le vocabulaire.

[315]     Sa conduite a causé des atteintes illicites et intentionnelles aux droits fondamentaux de la demanderesse et de son fils.

[316]     L’employeur a laissé passer le train, alors qu’il aurait pu et dû intervenir. Le fait qu’il ratifie toute la séquence décrite précédemment fait en sorte que sa conduite est aussi fautive[110].

[317]     Mais il demeure une question importante et sérieuse, à savoir si l’ensemble du préjudice allégué a été causé par les défendeurs, ou si des tiers n’auraient pas posé des gestes qui ont interrompu la chaîne de causalité essentielle au succès du recours de la demanderesse, ce sur quoi la prochaine section fait le point.

6.2       Le lien de causalité entre les fautes commises et le préjudice subi

                         6.2.1    Les atteintes à la vie privée

[318]     C’est parce qu’elle donnait tout lieu de croire qu’elle agissait à l’intérieur de juridiction pour aider un État désigné dans une demande valable d’assistance, que toutes les portes se sont ouvertes aussi rapidement lorsque L’ACQ y a frappé.

[319]     Si elle n’avait pas exhibé son précieux badge de L’ACQ, elle n’aurait jamais obtenu toute l’information personnelle qu’elle a ensuite consignée dans un dossier sur la demanderesse et son fils, qu’elle n’avait aucun droit de constituer puisqu’elle était sans juridiction.

[320]     Si elle avait cessé d’agir dès le moment où il est devenu clair qu’elle ne pouvait intervenir, c’est-à-dire dès le début, le père n’aurait pas obtenu les précieuses informations et conseils qui l’ont guidé tout au long de son parcours judiciaire et qui lui ont permis de présenter des procédures étoffées devant la Cour supérieure, chambre de la famille, au printemps, puis à l’été 2013.

[321]     Ces procédures ont nui au bien-être de la demanderesse et son fils.

[322]     Même chose pour ce qui est du dossier que Fortin a pu remettre au SPVM pour que la sergente détective Morin ait tout cuit dans le bec pour enquêter la plainte d’enlèvement d’enfant que la directrice de L’ACQ a insisté pour lui soumettre, alors qu’elle n’avait aucune juridiction pour intervenir auprès de qui que ce soit, en juin 2013.

[323]     Si L’ACQ avait fermé son dossier dès le début, le SPVM n’aurait pas eu le bénéfice des informations qu’elle a illégalement recueillies entre le 12 avril et le 5 juin. Il n’aurait pas davantage obtenu le bénéfice de son aide pour effectuer de nouvelles démarches d’enquête susceptibles de faire progresser l’enquête plus rapidement vers le dénouement que nous connaissons[111].

[324]     Cette collaboration avec la police n’aurait pu avoir lieu que si L’ACQ avait eu juridiction pour intervenir, en vertu de sa Loi habilitante.

[325]     Si L’ACQ avait fermé son dossier, elle n’aurait pas donné suite aux demandes que le SPVM lui a faites en préparation de l’arrestation, et ensuite, dont la couronne s’est servie pour s’opposer à la remise en liberté de la demanderesse[112].

[326]     Si L’ACQ avait fermé son dossier, le jugement de la juge Arcand refusant l’avis de surveillance des frontières n’aurait pas été contourné; aucun avis de surveillance n’aurait été émis au lendemain de ce jugement et ne serait demeuré en vigueur jusqu’à l’été 2017.

[327]     Ce qui est le plus préoccupant, dans cet avis, est la connexité de la démarche avec le jugement de notre Cour ayant refusé qu’il soit émis.

[328]     La question se pose à savoir à quoi il sert aux justiciables de se présenter devant les tribunaux pour obtenir justice, si L’ACQ passe par derrière pour appliquer la sienne, lorsqu’elle n’est pas d’accord avec un jugement.

[329]     En ce faisant, non seulement L’ACQ ne se contente-t-elle pas d’usurper le rôle du législateur, en tentant de réécrire les conditions d’application de la Loi et le contexte dans lequel ses super pouvoirs peuvent être utilisés, mais en plus, elle se permet d’agir comme si elle siégeait à la Cour d’appel, en renversant sur un simple coup de fil les effets d’un jugement de première instance qui a refusé l’un des remèdes recherchés par le père, après avoir dûment analysé le dossier à la lumière des principes de droit et avoir considéré qu’il n’était pas justifié.

[330]     Si L’ACQ avait fermé son dossier, elle n’aurait pas alimenté le père pour qu’il initie une nouvelle enquête à la DPJ, en décembre 2013.

[331]     Ainsi, la mère et l’enfant n’auraient pas été embêtés une nouvelle fois par l’organisme pour aller rendre des comptes sur les études du fils de Madame. La mère et l’enfant se seraient évité un nouveau stress et beaucoup d’insécurité à l’idée d’être de nouveau séparés, alors que leur dernier traumatisme remontait à peine à cinq (5) mois, lors de cette nouvelle interpellation[113].

[332]     Si la demanderesse avait saisi le Tribunal d’une demande de révision judiciaire, nous en serions arrivés à la conclusion qu’en décidant d’intervenir comme elle l’a fait, L’ACQ a commis un excès de compétence ab initio, et que tout ce qu’elle a décidé de faire par la suite, devrait être annulé.

[333]     Mais c’est sous l’angle du préjudice subi à cause de ces illégalités que nous devons continuer notre analyse, en évaluant en quoi le PGQ a contribué à ce préjudice.

[334]     Le PGQ cautionne la conduite de son employée de A à Z et il ne l’a jamais empêchée[114], alors qu’il était prévisible que l’exercice des pouvoirs extraordinaires que le Ministre de la justice a délégués à la directrice Rémillard, implique des atteintes à la vie privée des gens, qu’il sait être protégée mur à mur dans divers textes de lois constitutionnelles, quasi constitutionnelles et ordinaires.

[335]     Il est inquiétant que le PGQ approuve l’interprétation que la directrice de L’ACQ fait de sa loi habilitante, alors qu’il est bien connu que la Loi sur les aspects civils des enlèvements internationaux et interprovinciaux d’enfants n’est qu’un prolongement logique de l’existence de la Convention de La Haye, son but étant d’en assurer la mise en œuvre au Québec, à l’instar de ce que font les autres États désignés auxquels la Loi réfère, afin que l’entraide internationale qui y est préconisée trouve écho dans des mesures concrètes, sur le terrain.

[336]     Le PGQ n’est donc pas sans savoir que chaque loi « maison » qui est adoptée par les États désignés, vise à adapter les objectifs de la Convention à la réalité des institutions locales qui sont investies de la mission de mettre en œuvre ces objectifs. Il sait qu’ici, la Cour supérieure s’est vue conférer d’importants pouvoirs, à cet effet.

[337]     Rien dans les grands principes de ces textes ne colle avec l’interprétation du PGQ voulant qu’à défaut d’avoir juridiction en vertu de l’article 10 de la Loi, pour une demande de retour d’enfant, L’ACQ puisse utiliser tout son arsenal de pouvoirs pour agir comme si elle avait juridiction dans le contexte d’une assistance offerte à un parent pour la mise ne place de droits de visite, lorsque les conditions d’application de la Loi ne sont pas démontrées.

[338]     Voilà pourquoi la juge soussignée ne peut encourager un tel détournement de la Loi en passant l’éponge sur la conduite de la directrice Rémillard, que le PGQ aurait dû mieux choisir, former, et encadrer dans l’exécution de ses fonctions, afin d’éviter un tel abus des importants pouvoirs qui lui ont été conférés par le législateur québécois.

[339]     Il est inapproprié de plaider que l’intérêt de l’enfant justifiait l’ensemble de la conduite de L’ACQ et du PGQ. Cet intérêt ne peut davantage supplanter les dispositions d’un texte de loi clair, les principes généraux du droit administratif, et encore moins permettre qu’un fonctionnaire ou que le Ministre de la justice réécrivent une Loi, chacun devant respecter les limites de son propre mandat.

[340]     L’argument que le père avait aussi droit d’accéder au dossier scolaire de son fils n’absout en rien la conduite illégale de L’ACQ et le lien de causalité qui est démontré.

[341]     Sans l’aide de L’ACQ, le père aurait pris de nombreux mois à obtenir ce type d’information sur son fils, tout particulièrement avec le nom sous lequel il a demandé à L’ACQ d’enquêter. N’eût été des informations complémentaires obtenues « d’Alfred » que le père n’aurait jamais obtenues, il n’aurait jamais su que son fils portait aussi un autre nom, depuis son arrivée au Canada.

[342]     Le préjudice pour les atteintes à la vie privée est loin d’être inexistant ou simplement hypothétique, tel que les défendeurs le plaident, car si la directrice et le père partageaient bien ensemble une certaine autorité, celle dirigée par Rémillard était beaucoup plus efficace que celle du père, pour obtenir de tels renseignements.

[343]     De plus, la jurisprudence que le père s’est déclaré fort content d’avoir reçue pour l’aider dans ses démarches, lui a certes octroyé un avantage dans son dossier devant la Cour supérieure, chambre de la famille, puisqu’il l’a invoquée à son bénéfice pour convaincre la juge du bien-fondé de plusieurs de ses demandes.

[344]     Toutes ces atteintes au droit à la vie privée sont facilement imputables aux défendeurs, et particulièrement à la directrice de L’ACQ[115], puisque c’est elle qui présente sa carte de visite apparaissant sur le papier entête de L’ACQ et qui utilise la ligne directe lui donnant accès à ses divers contacts au sein des organismes gouvernementaux que nous avons énumérés.

[345]     Tant les gestes eux-mêmes que le fait qu’ils aient pu être commis en l’absence de contrôle de l’employeur, relient ces fautes aux deux (2) défendeurs.

[346]     Il y a donc des violations au droit à la vie privée, protégé par l’article 8 de la Charte canadienne, par les articles 5 et 24.1 de la Charte québécoise, les articles 5 et 36 à 40 du Code civil du Québec , les articles 19 et 59 de la Loi (fédérale) sur l’accès, et l’article 8 de la Loi (provinciale) sur l’accès et la protection des renseignements personnels[116].

[347]     Cela clos nos commentaires sur le lien entre la conduite fautive et le préjudice relié aux atteintes à la vie privée.

[348]     Abordons maintenant la causalité entre la conduite des défendeurs et une partie importante du préjudice allégué : l’arrestation et ses suites.

6.2.2    Les atteintes à la sécurité et à la liberté

[349]     Un argument sérieux soulevé par le PGQ demeure : le lien de causalité entre la majeure partie des dommages réclamés et les gestes posés par L’ACQ et le PGQ.

[350]     En effet, l’arrestation de la demanderesse et la séparation de celle-ci de son enfant ne sont pas a priori directement liées aux gestes de L’ACQ, puisque le SPVM, le DPCP, puis la DPJ sont intervenus dans ce qui a mené à ces faits juridiques, dont les défendeurs n’auraient pas été les instigateurs[117].

[351]     Selon les défendeurs, ce serait le fait personnel de ces tiers, tant dans leur nature que dans le temps, qui a occasionné les traumatismes allégués. Il serait donc inapproprié et injuste d’imputer les importants montants de dommages réclamés aux défendeurs, qui n’y sont pour rien dans cette partie de l’histoire, chaque organisme ayant exécuté sa propre mission et L’ACQ n’étant pas responsable de ce que font ces organismes ni de la manière dont ils travaillent.

[352]     Cet argument des défendeurs repose sur l’interprétation de l’article 1607 C.c.Q.. Ils plaident que le dernier critère à satisfaire pour avoir gain de cause dans un recours en responsabilité, soit le lien de causalité, ne serait pas démontré pour les dommages importants résultant de l’arrestation et ses suites[118].

[353]     Pour faire échec à cette défense, la demanderesse plaide que n’eût été des interventions actives de L’ACQ, la sergente détective Nicole Morin serait gentiment restée dans son bureau à s’occuper de d’autres dossiers, puisque la plainte d’enlèvement d’enfants de Fortin a été rejetée, ce que Rémillard reconnaît dans son témoignage.

[354]     En passant par-dessus l’agent Lessard, la directrice de L’ACQ aurait agi comme catalyseur dans le but précis de faire renaître la plainte, afin qu’elle soit enquêtée par Morin, dans le but que la mère soit arrêtée et traduite en justice pour ce qu’elle a fait à l’enfant.

[355]     Si la directrice s’était mêlée de ses affaires et qu’elle n’avait pas alimenté la police avec les renseignements qu’elle a illégalement obtenus, cette arrestation et toutes ses suites n’auraient probablement pas eu lieu.

[356]     C’est en ce sens que la demanderesse plaide que l’agent actif de l’arrestation et de ses suites est bel et bien la directrice, sans qui le deuxième chapitre de l’histoire ne se serait pas terminé de la même manière.

[357]     La question des défendeurs, fort pertinente, nous amène à décider où le couperet doit tomber dans la chronologie entre la plainte et l’arrestation, face à des intervenants multiples. Elle se pose aussi par rapport à l’intervention de la DPJ.

[358]     Après avoir étudié ces arguments, la séquence particulière et la nature des faits et gestes de L’ACQ, nous sommes d’avis que « n’eût été »[119] :

·     des informations glanées illégalement par L’ACQ;

·     de la décision de L’ACQ d’intervenir auprès du SPVM, pour que la décision de l’agent Lessard soit révisée, car elle considérait qu’elle ne faisait aucun sens;

·     du précieux contact au SPVM[120] avec qui L’ACQ a partagé tout ce qu’elle avait colligé dans son dossier, alors qu’elle était habituée de collaborer avec la sergente Morin sur des dossiers de cette nature;

·     du fait que L’ACQ a transmis une série de renseignements à Morin, en continuant d’alimenter son dossier en informations pertinentes au dépôt d’une plainte d’enlèvement d’enfant, puis à l’émission d’un mandat d’arrestation;

·     du fait que le dossier de L’ACQ était supposé être fermé depuis longtemps, lorsqu’elle est intervenue auprès du SPVM;

·     du fait que le type de dossier que L’ACQ a gardé ouvert ne lui permettait pas de faire une telle intervention auprès du SPVM,

l’arrestation par la police, après avoir été préalablement autorisée par le DPCP, ne change rien à l’imputabilité de celle-ci à L’ACQ et au PGQ, par le truchement des articles 1463 C.c.Q. et 1457 C.c.Q., étant donné que l’employeur aussi est fautif pour ne pas avoir empêché qu’un tel scénario se produise.

[359]     En clair, si L’ACQ avait fermé son dossier, la demanderesse n’aurait probablement pas été arrêtée, puisque rien ne démontre de manière prépondérante, qu’un tel événement se serait autrement produit.

[360]     La demanderesse n’aurait pas subi le traumatisme qu’elle a décrit et qui lui a été causé, lors de cette période sombre de sa vie.

[361]     Si L’ACQ avait fermé son dossier, l’enfant n’aurait pas été séparé de sa mère ni été placé en foyer d’accueil aussi longtemps. Il n’en garderait pas aujourd’hui le pénible souvenir.

[362]     Si L’ACQ avait fermé son dossier, la DPJ ne l’aurait pas contactée comme elle l’a fait, au lendemain de l’arrestation[121].

[363]     À notre avis, le dernier critère du recours de la demanderesse est donc satisfait, car les deux (2) défendeurs ont contribué au préjudice allégué[122].

[364]     Que leurs fautes aient été d’actions ou d’omissions, ils sont directement la cause du préjudice allégué en lien avec les atteintes à la sécurité et à la liberté de la mère et de l’enfant.

[365]      La directrice a non seulement agi comme bougie d’allumage ou catalyseur pour la suite des choses, après le rejet de la plainte par Lessard, mais elle a aussi mis quelques bûches dans le poêle, ce qui a directement mené au résultat que nous connaissons : l’arrestation et ses suites logiques, qu’elle connaissait parfaitement, vu son expérience de ce genre de dossiers.

[366]     La pression sur la sergente détective Morin a clairement été le moteur que L’ACQ a mis en marche pour que le rouleau compresseur soit ensuite mis sur la route de la demanderesse et son fils.

[367]     La contribution de L’ACQ, hors norme pour un dossier du genre, ne peut être étrangère au résultat que nous connaissons.

[368]     D’ailleurs, aucune preuve prépondérante n’a été présentée que Morin ou une autre personne serait inévitablement intervenue dans ce dossier n’eût été de l’appel à l’aide de la directrice.

[369]     Rien de démontre qu’un enquêteur aurait obtenu toute l’information que L’ACQ a communiquée à Fortin et à Morin et que le dossier aurait suffi à convaincre le DPCP d’autoriser une plainte d’enlèvement pour qu’un mandat d’arrestation, qui en est l’accessoire, soit ensuite émis[123].

[370]     La contribution de L’ACQ est telle qu’elle ne peut qu’avoir causé directement les dommages dont se plaignent aujourd’hui la demanderesse et son fils, en lien avec cette arrestation.

[371]     Ce dont se plaint la demanderesse n’est pas la manière dont l’arrestation, la détention et la séparation mère-enfant se sont déroulées, comme on le voit dans les cas où la brutalité ou le contexte humiliant d’une arrestation sont soulevés. C’est  plutôt le fait de l’arrestation, de la détention, de la séparation et leurs conséquences inéluctables, qui fondent les réclamations en dommages moraux et punitifs.

[372]     Nous ne saurons jamais ce que Rémillard a réellement dit à Morin sur les paramètres de son activité « hors Convention », pour expliquer en vertu de quoi elle se permettait d’utiliser son téléphone rouge le jour-même où la plainte de Fortin est rejetée, afin que Morin rattrape la bévue de son collègue et que justice soit faite.

[373]     Au moment de son témoignage, Morin est retraitée du SPVM depuis 2014, lorsqu’elle témoigne quatre (4) ans plus tard. Elle reconnaît qu’elle a eu besoin de se rafraîchir la mémoire, avant de venir témoigner. Et sans ses notes d’enquête, qu’elle n’a pas retrouvées, elle est bien obligée de concéder que sa mémoire des faits n’est pas la meilleure.

[374]     Cependant, elle se souvient que « France » lui a transmis la décision accordant le statut de réfugié à la demanderesse et son fils, des jugements de la Cour supérieure, des documents obtenus du MELS, dont certains, à sa demande, et elle ajoute ceci, qui est intéressant : « car elle avait déjà les contacts au Ministère » pour les obtenir.

[375]     La fin de son témoignage révèle son excellente relation passée avec la défenderesse[124], qu’elle donne l’impression de vouloir protéger : « les documents reçus (de France) ne changeaient rien à mon enquête ».

[376]     Morin situe le début de son enquête au 6 juin, ce qui contredit le témoignage de son amie France qui a essayé une autre fois de situer les faits à un moment moins compromettant, dans le temps, c’est-à-dire, plus tard, lors de son témoignage devant nous, alors qu’elle admet  deux reprises dans son interrogatoire au préalable, que c’est le jour même du rejet de la plainte que Fortin l’appelle, et du poste de police, de surcroît[125].

[377]     Morin a aussi parlé à L’Heureux, mais précise que ce n’était que pour vérifier si la demanderesse et son fils étaient sortis du Canada, depuis 2005[126].

[378]     Enfin, un fait troublant mérite d’être souligné pour apprécier le témoignage de la directrice et celui de Morin : ni l’une ni l’autre n’a retrouvé quelque note que ce soit sur leurs interactions entre le 5 juin et le 11 juillet 2013, ainsi qu’à l’automne 2013, alors que toutes deux (2) confirment avoir échangé certains écrits durant cette période.

[379]     Même le DPCP n’a rien retrouvé au sujet de tels échanges, dans la preuve colligée lors du dossier criminel.

[380]     L’ACQ aura donc été à la fois le patron de Morin, au SPVM, pour l’inciter à intervenir, puis ensuite le valet de cet organisme, lors de la gestion de l’enquête, Rémillard nous ayant déclaré que c’était « son devoir » de donner suite aux demandes de la police, puisqu’elle enquêtait un enlèvement d’enfant[127], et Morin ayant clairement déclaré « « on est là pour s’entraider », devant la soussignée.

[381]     Avec tout cela, nous concluons que si la directrice avait investi son temps et ses énergies ailleurs, l’histoire ne serait probablement pas terminée par l’arrestation de la mère et le placement de son fils en foyer d’accueil.

[382]     Le lien de causalité est donc prouvé selon la balance des probabilités non seulement pour les atteintes à la vie privée, mais pour les autres violations alléguées.

[383]     Abordons maintenant les dommages.

6.3       Les dommages

[384]     Après un nombre aussi élevé d’années d’expérience, la directrice devait certainement savoir que chaque jour où elle exerce ses fonctions au nom de L’ACQ, les droits fondamentaux enchâssés dans les deux (2) chartes des droits, ceux du Code civil et de diverses lois sur la protection des renseignements personnels, risquent d’être touchés.

[385]     C’est précisément pour cette raison que sa description de tâches requérait qu’elle fasse preuve d’un grand discernement et de beaucoup de jugement.

[386]     S’il nous fallait banaliser ce genre d’intrusion dans la vie privée des gens dans un contexte tel que celui décrit, nous enverrions un message aux fonctionnaires qu’ils peuvent constituer un dossier sur qui ils veulent, comme bon leur semble, et qu’ils peuvent ensuite en partager le contenu avec qui ils jugent pertinent de le faire[128], puisqu’aucune sanction ne peut résulter d’un tel comportement, alors qu’il est pourtant illégal.

[387]     S’il nous fallait acquiescer aux faibles montants de dommages cités par le PGQ, pour de « banales » intrusions dans la vie privée des gens, nous continuerions à mal desservir les valeurs fondamentales que notre société a choisi d’élever à un rang supérieur, et de protéger.

[388]     Dans de telles circonstances, qui révèlent tout sauf une situation banale, des remèdes efficaces et dissuasifs doivent être accordés pour envoyer le message que toute conduite a un prix, qu’il n’est pas payant d’ainsi faire fi de la loi lorsque des violations aux droits fondamentaux d’autrui en résultent, et que la mission que les tribunaux se sont vus confier est mise en œuvre.

[389]     C’est dans cet esprit que nous abordons à la fois les divers dommages et leur quantum, sans nécessairement les séparer, pour éviter les répétitions.

[390]     La prémisse qui justifie notre octroi de dommages est la suivante : c’est en toute conscience et en connaissant les conséquences immédiates et naturelles ou extrêmement probables que sa conduite engendrerait[129] que la directrice est intervenue dans ce dossier, de sorte que non seulement s’est-elle rendue responsable des dommages moraux réclamés(payables par son employeur), mais elle se qualifie également pour une condamnation à des dommages punitifs importants, vu la nature des atteintes et leur gravité, dans le contexte de vie particulier de la demanderesse et son fils, sur lequel elle avait suffisamment d’informations, après avoir fouillé dans le dossier de son comparse Alfred, au tout début du dossier.

[391]     Elle ne pouvait donc pas ne pas savoir que ses interventions, notamment celles auprès du SPVM, auraient l’effet d’un catalyseur et que cela aiderait le père à mettre le grappin sur son ex-femme et son fils.

[392]     Elle ne pouvait pas ne pas connaître les conséquences habituelles d’une telle démarche, soit l’arrestation. Elle ne pouvait ignorer que cet événement est susceptible de causer un choc encore plus important à des personnes qui se cachent depuis des années pour éviter un mal plus grand ni que la détention, qui est la suite logique de l’arrestation, dans un tel contexte, causerait une privation de liberté à la personne ainsi arrêtée et à l’enfant qui serait inévitablement placé en foyer d’accueil[130].

[393]     À moins d’être totalement insensible, elle ne pouvait ignorer les angoisses provoquées par une arrestation et une détention, ainsi que celles occasionnées par le retrait d’un enfant à sa mère durant un certain temps, et vice-versa, de même que le stress et le désarroi qui en résultent, tant pour la mère que l’enfant, surtout dans un contexte tel que celui décrit dans ce jugement.

[394]     La directrice ne pouvait pas ne pas savoir que la mère aurait peur pour son enfant et elle-même, en sachant que son ex-mari les avait enfin retrouvés, grâce aux bons services de L’ACQ.

[395]     Qu’elle ait douté de la vraisemblance de ce que son copain Alfred lui a appris sur les circonstances qui ont donné lieu à la décision d’accorder le statut de réfugié à ces deux (2) ressortissants saoudiens, témoigne d’un manque flagrant de sensibilité[131], mais démontre aussi que la directrice a vite fait d’épouser la thèse du père.

[396]     En effet, la preuve révèle que ce dernier a toujours fermement nié qu’il avait fait des menaces de mort à son épouse et son enfant, et qu’il avait violenté cette dernière.

[397]     Dans ses écrits aux plus hautes instances des autorités saoudiennes, à qui il a demandé de l’aide, il se présente en victime déshonorée par une femme indigne, sans aucune raison.

[398]     Cet acharnement de L’ACQ à persister dans ses interventions, même après avoir reconnu que le dossier devait être fermé, ne peut s’expliquer par autre chose que par des raisons obscures, qui donnent à penser que la directrice y a trouvé un quelconque bénéfice.

[399]     Que ce soit parce qu’elle s’est sentie investie d’une mission spéciale, auquel cas elle doit être pleinement satisfaite de ses efforts, ou que quelqu’un lui ait fait comprendre les bienfaits de fournir le service VIP décrit dans ce jugement[132], la conclusion qui s’impose est qu’on aura été suffisamment persuasif pour qu’elle pose ces gestes à la fois inappropriés, illégaux, et intentionnels.

[400]     Ces commentaires s’imposent, puisque l’analyse des critères pour l’octroi des dommages punitifs inclut la motivation justifiant la conduite reprochée[133].

[401]     Ainsi, est-ce que le petit clin d’œil que la directrice insère dans un courriel à l’intention de son vis-à-vis Newbold, en commentant la demande d’assistance qu’il lui a transmise comme n’étant pas « an average case ;o) »[134], combiné à ses explications que le « ;o) » (wink ou clin d’œil) ne révèle pas autre chose que ce qu’elle déclare, soit qu’il s’agissait d’un dossier complexe, est crédible?

[402]     La réponse est non. Le dossier qui lui a été soumis n’avait rien de particulièrement complexe pour quelqu’un d’expérience, comme elle.

[403]     Newbold était-il alors au courant que sa demande d’assistance n’était qu’un prétexte permettant à L’ACQ d’ouvrir un dossier? A-t-il prêté son concours à ce processus, sachant que la demande provenait en réalité de l’ambassade de l’Arabie saoudite, après que France et lui se soient parlé de la manière dont ils s’y prendraient pour donner satisfaction au client?

[404]     Est-ce que cela expliquerait que Newbold ait pu « oublier » de cocher la case identifiant le pays de résidence habituelle de l’enfant et qu’il ait « omis » d’y inscrire le nom de son propre pays comme étant ce pays de résidence, avant de transmettre la demande?

[405]     Est-ce que de telles discussions expliqueraient pourquoi le dossier ne contient également aucun échange écrit entre le Québec et l’Angleterre, entre le 12 avril et la fin juillet, alors qu’il s’agissait soi-disant d’un dossier très urgent?

[406]     Cela commence à faire pas mal de questions sans réponses, après avoir épluché la preuve.

[407]     En ce qui a trait aux dommages moraux subis par chaque victime, les atteintes au droit à la vie privée, à la sécurité, à la liberté des deux (2) sont démontrées par leur témoignage non contredit.

[408]     Il nous faut souligner que le PGQ a fait preuve de délicatesse en ne contre-interrogeant pas trop longtemps la mère et en décidant de ne pas contre-interroger le fils.

[409]     Le témoignage des deux (2) victimes a en partie été corroboré par celui du représentant de la DPJ, [intervenant 1].

[410]     Il est manifeste de ce témoignage que ce dossier extraordinaire l’a visiblement marqué et qu’il en garde un souvenir vivide. Il décrit tout particulièrement la qualité de la relation mère-enfant qu’il a pu observer, comme professionnel impliqué au moment des faits, et leur détresse respective.

[411]     Lui aussi[135] a jugé les propos de la mère crédibles, dans le cadre de l’évaluation du signalement dont il n’a pas compris les fondements, tellement ce qu’il a constaté n’avait rien à voir avec les informations que la DPJ avait reçues[136].

[412]     Il a aussi été aux premières loges pour constater l’état dans lequel mère et enfant étaient, aux moments pertinents, soit au lendemain de l’arrestation et du placement, et ce, jusqu’à la fin juillet.

[413]     Vu l’historique de la relation entre la demanderesse et le père de l’enfant et l’existence de la décision accordant le statut de réfugiés à cette femme et son enfant, tous deux connus de L’ACQ, le père était donc la pire personne à qui la directrice pouvait refiler l’information obtenue sans droit. En ce faisant, elle confirmait au père que celle qu’il pourchassait depuis des années se cachait bel et bien à Ville A, ce qu’il n’aurait pas su sans ses interventions.

[414]     En communiquant les jugements rendus par les tribunaux québécois à l’avocat du père, et en lui faisant remarquer que ceux-ci semblaient drôlement correspondre à l’histoire de son ex-femme et de son fils, L’ACQ a contourné l’esprit des ordonnances émises par des juges de la Cour supérieure et de la Cour d’appel, qui était d’éviter que quiconque fasse de tels rapprochements.

[415]     Ces deux (2) faits en ajoutent une couche aux atteintes à la sécurité psychologique et physique de ces deux (2) personnes[137].

[416]     Il en est de même des interventions faites auprès de la police, qui ont permis davantage au père de se rapprocher de la mère, mettant ainsi à risque la vie de celle-ci et de son enfant.

[417]     Cette sécurité psychologique a aussi été affectée par l’arrestation de la mère, le placement de l’enfant en foyer d’accueil et la nouvelle enquête de la DPJ, en décembre 2013, lesquels leur ont causé de l’angoisse et bien du stress, sans oublier les traumatismes laissés par ces expériences de vie[138].

[418]     Au moment de leur interception, la mère et l’enfant sont en état de choc; ils n’ont jamais été séparés depuis la naissance de l’enfant.

[419]     Lorsqu’ils la séparent de son enfant, dans la gare centrale, la mère est hautement préoccupée pour son fils, car elle ignore ce qu’on lui fera. Et comme les informations sont embryonnaires, elle ne peut exclure l’idée qu’il soit remis au père qui a menacé de le tuer, quand il serait enfin seul avec lui, plusieurs années auparavant.

[420]     L’enfant est incroyablement perturbé par la séparation brutale d’avec sa mère; il est jeune et très vulnérable. L’on ne saurait minimiser l’impact que cette séparation, que la mère qualifie d’expérience horrible.

[421]     À l’époque contemporaine aux événements, la demanderesse décrit son fils en ces mots: « In shock, very disturbed, in his own world, not eating properly ».

[422]     Lorsqu’ils se sont vus grâce à l’initiative de [l'intervenant 1], qui a réalisé la détresse causée aux deux (2) par cette séparation, Madame déclare que son fils lui a demandé de le rassurer qu’ils ne seraient plus jamais séparés, ce qu’il lui a redemandé à plusieurs reprises, par la suite.

[423]     L’enfant décrit que lors de son très long séjour en foyer d’accueil, il posait sans cesse des questions sur sa mère, et que la dame chez qui il était hébergé ne savait pas quoi lui répondre.

[424]     Durant ce séjour, il ne mangeait pas et a à peine dormi. La seule chose qu’il se rappelle est qu’il a accepté de boire de l’eau. Il déclare: « I could not process anything, it was a shock to my system ».

[425]     Il se souvient encore de l’odeur de la nourriture que son hôte préparait, qu’il décrit comme ressemblant à des épices jamaïcaines. À chaque fois qu’il sent de telles odeurs, depuis ce temps, il dit avoir des flashback instantanés de son expérience, et qu’ils sont très désagréables.

[426]     Il se décrit comme ayant été « overwelmed, devastated and frightened » lors de cet interminable séjour sans sa mère.

[427]     Quand il a enfin de ses nouvelles, il dit qu’il a été « extremely extremely relieved », et confirme qu’il a demandé à sa mère de ne plus jamais le laisser.

[428]     Depuis qu’elle a été retrouvée par son ex-mari, la demanderesse craint le jour où elle tombera sur lui, alors qu’elle croyait avoir été oubliée par l’effet du temps écoulé entre son difficile départ et le moment où la directrice Rémillard s’est mise martèle en tête de la retrouver.

[429]     Elle souhaite qu’une telle expérience n’arrive jamais à une autre mère, et c’est l’une des raisons pour lesquelles elle a entrepris ce recours, dans le but avoué que L’ACQ, par l’intermédiaire de sa directrice actuelle, ne s’adonne plus jamais des interventions du genre, lorsqu’elle n’a pas juridiction.

[430]     Le contexte de vie de la mère et l’enfant, avant l’intervention de L’ACQ, est loin d’être banal et anodin. Le fait d’avoir à se cacher d’un homme qui les a menacés et qui bénéficiait de toute une armada pour les pourchasser au bout du monde, doit être pris en considération dans la détermination du quantum, d’un point de vue subjectif.

[431]     Depuis ce temps, l’enfant et sa mère regardent par-dessus leur épaule et l’enfant redoute d’être de nouveau séparé de sa mère.

[432]     Après avoir subi des atteintes aussi sérieuses à leurs droits fondamentaux, ces deux (2) personnes sont différentes, aujourd’hui.

[433]     Le quantum des dommages moraux est difficile à évaluer, car il ne repose sur aucune science et il ne peut être parfait. L’idée demeure toutefois de trouver un certain équilibre entre le montant accordé et la nature l’ampleur des atteintes[139].

[434]      Après avoir pris connaissance de la jurisprudence et du test en trois (3) volets, élaborés par la Cour suprême pour évaluer ce type de dommages, nous sommes d’avis que les dommages accordés à la mère et l’enfant devraient être similaires, en l’espèce.

[435]     Même s’il est vrai que la mère était plus consciente de la portée des circonstances et de leur impact à court, moyen et long terme, avec sa réflexion d’adulte, elle a vécu seule l’angoisse générée par la situation, car elle a tout fait pour ne pas effrayer son fils et l’insécuriser davantage.

[436]     Mais de l’autre côté, le jeune âge de l’enfant, son senti de la situation et sa faible capacité de rationaliser ce qui se passait, méritent d’être soulignés, à cause de sa plus grande vulnérabilité.

[437]     Il ne faut pas oublier que la séparation qu’il a vécue a duré durant plusieurs jours[140], où il n’était pas libre de retourner à la maison; cela ajoute aux dommages auxquels il a droit, puisque sa vie a été placée sur pause, alors qu’il ne savait pas ce qu’il adviendrait de lui ni de sa mère.

[438]     C’est pourquoi, à leur façon, les deux (2) ont été privés de leur liberté, la mère, en séjournant en prison et en ayant ensuite à porter un bracelet GPS durant plusieurs mois pour garantir qu’elle ne prendrait pas la fuite avec son fils, et ce dernier, en étant forcé de séjourner en foyer d’accueil plus longtemps que le séjour carcéral de la mère, même si ce séjour a été tout de même plus confortable et moins humiliant que celui de sa mère[141].

[439]     Mais nous pouvons imaginer l’angoisse qu’il a vécue dans sa petite tête d’enfant, alors qu’il ignorait tout de ce qui se passait et que son seul repère, sa mère, n’était pas là pour le réconforter.

[440]     [L'intervenant 1] confirme que l’enfant était extrêmement stressé, très confus et préoccupé à l’idée de ne pas revoir sa mère. Il confirme que la mère était dévastée et qu’elle avait l’air de ne pas avoir dormi depuis longtemps, lorsqu’il l’a rencontrée.

[441]     Deux (2) à  trois (3) ans après les événements, l’enfant faisait encore des cauchemars, en lien avec cette expérience.

[442]      Sa mère confirme qu’elle lui a fait voir un psychologue, pour l’aider.

[443]     Aujourd’hui, cet enfant magnifique, très bien élevé et posé, nous déclare ceci :

« I am a different person today: always worried it could happen again. I look over my shoulder, i am scared for my life i don’t think it will never go away. »

[444]     Si une simple séparation de quelques jours peut générer peu de conséquences dommageables pour une autre personne, dans un autre contexte, en l’espèce, cette séparation a eu des effets sérieux sur les deux (2) demandeurs.

[445]     Il y a donc des dommages causés pour les atteintes au droit à la sécurité et à la liberté, protégés par les articles 7 de la Charte canadienne et l’article 1 de la Charte québécoise, tel qu’interprétés par la jurisprudence sur le concept de sécurité psychologique[142].

[446]     Combien de dommages moraux devraient être accordés pour ces atteintes à la vie privée?

[447]     À notre avis, les montants de 1 000 $ et de 5 000 $, accordés dans d’autres dossiers auxquels le PGQ réfère[143], ne correspondent pas à la mesure des conséquences des diverses violations en cause. Les atteintes démontrées doivent être compensées par l’octroi de dommages-intérêts moraux substantiellement plus importants.

[448]     Pour ces motifs, nous sommes d’avis qu’il y a lieu d’accorder 50 000 $ à la mère et 50 000 $ à l’enfant, pour les dommages moraux résultant de l’ensemble des violations à leurs droits fondamentaux.

[449]     Le Tribunal ne peut s’empêcher de souligner à quel point les activités « hors Convention » de L’ACQ auraient intérêt à être répertoriées et à faire l’objet d’un suivi rigoureux, car à défaut, cela laisse la porte toute grande ouverte pour que l’arbitraire et l’abus guident les interventions de cet organisme, cela ne desservant pas l’image du Ministère de la justice du Québec, qui en principe, est l’ambassadeur chargé d’assurer la protection des droits fondamentaux des personnes vivant sur notre territoire.

[450]     Cela nous amène aux dommages punitifs.

[451]     La thèse en défense était affectée d’un vice irrémédiable, qui a teinté le reste du dossier.

[452]     En effet, comment peut-on prétendre que la conduite reprochée à L’ACQ, pour la portion de sa mission qu’elle a réalisée entre février et le 11 juillet 2013, peut s’expliquer par des faits qu’elle n’a connus qu’en juin, mais dont elle n’a compris le caractère précieux que trois (3) ans après que sa mission ait été complétée?

[453]     L’illogisme évident semble dans le but d’éviter une condamnation, et l’invraisemblance de la thèse défendue s’ajoute aux autres motifs justifiant l’octroi de dommages punitifs. 

[454]     Le peu de crédibilité de cette thèse accrédite celle de la demanderesse que les atteintes ne pouvaient être qu’intentionnelles, tellement l’on tente de contourner ce que la preuve révèle.

[455]     Cette thèse est également loin de correspondre à l’expression de regrets ou d’excuses sincères pour les conséquences que la conduite a pu causer, que l’on plaide le caractère fautif ou non.

[456]     C’est pourquoi nous avons retenu la thèse de l’abus de pouvoir, après avoir passé les faits et gestes de L’ACQ et les omissions du PGQ au peigne fin, à la lumière des différentes explications données par la directrice, qui ne collent généralement pas à la preuve documentaire retrouvée dans le dossier ni à la preuve découlant des témoignages et autres documents qui ont pu être retrouvés dans les dossiers de L’Heureux[144].

[457]     De tout cela, nous concluons que les atteintes sont non seulement illicites mais qu’elles ont été causées intentionnellement, les critères de l’article 49(2) de la Charte des droits et libertés de la personne et de l’article 24(1) de la Charte (canadienne) des droits et libertés, tels qu’interprétés par la jurisprudence, étant satisfaits par rapport au deuxième fardeau exposé dans l’arrêt St-Ferdinand[145].

[458]     Les atteintes énoncées précédemment font en sorte que le Tribunal s’estime justifié d’accorder des dommages-intérêts punitifs (ou exemplaires, si l’on préfère) importants à la mère et à son enfant mineur, afin que le message d’opprobre qui transpire de ce jugement, soit entendu haut et fort,

[459]     Dans une société libre et démocratique, les gestes décrits et critiqués dans ce jugement sont inacceptables; un employeur ne devrait pas faire en sorte qu’ils puissent se produire. Si la situation lui échappe pour une raison qui lui est étrangère, il ne devrait pas les tolérer, les cautionner, ou, pire, les encourager, une fois qu’ils sont portés à sa connaissance. Au lieu de plaider que si une telle situation se représente il appliquerait la même recette, il devrait plutôt agir et sanctionner l’employée fautive et revoir ses façons de faire, pour retirer le goût amer qui reste dans la bouche de ceux qui ont bien malgré eux mangé une part du plat qui n’aurait jamais dû leur être servi[146].

[460]     En ne suivant pas le guide des bonnes pratiques[147], la directrice ne pouvait pas ne pas savoir qu’elle risquait de porter atteinte à des droits fondamentaux, par la nature même de ses fonctions.

[461]     Elle ne pouvait ignorer les conséquences inévitables sur les droits de la demanderesse et de son enfant, si elle offrait sa précieuse collaboration au père, alors qu’elle ne pouvait pas le faire.

[462]     Non seulement la directrice doit être condamnée à des dommages punitifs, pour ses faits et gestes, mais par ses choix et ses omissions, le PGQ s’offre en prime une condamnation de cette nature[148] pour ses propres gestes et omissions, en sus d’une condamnation à des dommages moraux.

[463]     Nous sommes d’avis que tous les critères sont satisfaits pour l’octroi d’un quantum de dommages punitifs importants.

[464]     Mais combien accorder contre chacun des défendeurs?

[465]     Nous sommes en présence d’une fonctionnaire à qui des fonctions très importantes ont été confiées et qui exerce des pouvoirs très importants.

[466]     Ce fait est très important dans notre appréciation, car il porte sur la gravité de la situation.

[467]     En plus, le Ministère de la justice ratifie tout un chacun des comportements reprochés, alors qu’il est un acteur important du système de justice[149].

[468]     À la fin de cette fâcheuse aventure, France Rémillard n’aura rien à payer de la condamnation aux dommages compensatoires que nous accordons, à cause des effets de l’article 1463 C.c.Q..

[469]     Si aucun dommage punitif ne lui est accordé, elle s’en tire quasi-indemne.

[470]     Outre les propos contenus dans notre jugement, qui traduisent l’opprobre du Tribunal par rapport à la partie de l’histoire qui implique la participation des défendeurs, et qui fait partie de l’exercice qui doit être fait lors de la détermination de l’opportunité d’exercer la discrétion judiciaire pour accorder des dommages punitifs, rien ne  dissuadera Rémillard et le PGQ de recommencer, puisque la position en défense est que la conduite est correcte.

[471]     Il y a donc lieu d’accorder une condamnation dissuasive, afin de décourager les défendeurs à récidiver, mais aussi pour que des tiers, tentés d’agir de la même manière, y pensent deux (2) fois plutôt qu’une (1) avant de s’aventurer dans des eaux troubles de la nature de celles expliquées avec force et détails, dans ce jugement.

[472]     La preuve de capacité financière de Rémillard est très peu étoffée.

[473]     Toutefois, cela n’est pas un empêchement pour l’octroi d’un quantum important de dommages punitifs, puisque les atteintes sont graves et que le besoin de dissuasion est particulièrement important, au regard de la preuve[150].

[474]     Pour ces motifs, France Rémillard mérite une condamnation de 50 000 $ en dommages-intérêts punitifs.

[475]     Chacun des demandeurs obtiendra donc 25 000 $ à ce titre, de la part de cette défenderesse, si la réclamation à son endroit n’est pas déclarée prescrite.

[476]      Par contre, pour ce qui est du Ministère de la justice, représenté par le PGQ, nous sommes d’avis que le montant réclamé de 50 000 $, pour chaque demandeur, est adéquat dans les circonstances.

[477]     La capacité de payer du Ministère n’étant pas en cause, et le message de dissuasion étant encore plus important, à cause de la position que le PGQ a prise dans cette histoire, cela justifie cet autre montant.

[478]     Chacun des demandeurs obtiendra donc 50 000 $ à ce titre, de la part de ce défendeur.

[479]     Vérifions maintenant si le quantum que nous venons de déterminer contre Rémillard devra être payé, ou si la réclamation à cet égard est plutôt prescrite, comme les défendeurs le plaident.

6.4       La prescription et la solidarité     

 

[480]     Le titre de cette section était embêtant à choisir, car bien qu’il faille en principe aborder la prescription en premier, c’est à travers le concept de la solidarité, qui ne peut se déterminer qu’à la toute fin de l’analyse, que l’argument sur la prescription des dommages punitifs peut être tranché.

[481]     Puisque ce qui suit n’est pas simple, remettons-nous en contexte sur la position détaillée des parties, que nous avons sommairement résumée dans une autre section du jugement.

[482]     Lors de la plaidoirie des défendeurs sur l’opposition aux modifications de la demande introductive visant à introduire la nouvelle défenderesse, nous avons considéré qu’il était inopportun de décider de l’argument de la prescription soulevé par les défendeurs pour contrer ces modifications, car l’argument était trop complexe.

[483]     De plus, il fallait évaluer la preuve au mérite, avant de disposer du concept de solidarité qu’invoquent les défendeurs, afin de faire échec à la réclamation importante qui était ajoutée contre Rémillard[151].

[484]     Rappelons qu’au début du dossier, seul le PGQ était poursuivi pour des dommages punitifs, en plus des dommages moraux, en lien avec les faits et gestes de son employée.

[485]     Les modifications demandées visaient à ajouter le nom de France Rémillard dans l’entête de la procédure, comme défenderesse en bonne et due forme, dans le but de pouvoir lui réclamer des dommages punitifs directement, pour sa propre conduite, longuement exposée dans les procédures originales, laquelle était jugée fautive et intentionnelle par la demanderesse.

[486]     Au départ, la demanderesse considérait ne pas avoir besoin de poursuivre l’employée du PGQ pour les dommages subis, à cause du régime de responsabilité « automatique » de l’employeur, créé par l’article 1463 C.c.Q, et qui fait en sorte que seul l’employeur est habituellement poursuivi pour des dommages de nature compensatoire qui résultent de la conduite fautive de son employé.

[487]     Les dommages moraux font partie de la catégorie des dommages de nature compensatoire, contrairement aux dommages punitifs, qui eux, visent d’autres buts dont la dissuasion, à titre d’exemple, laquelle n’a aucun lien avec l’idée de combler une perte, mais qui a à voir avec le but de passer un message à l’auteur de la violation ou à tous les justiciables pour qu’une conduite jugée répréhensible ne se reproduise plus.

[488]     L’idée de la demanderesse de ne poursuivre que le PGQ à cause de la fiction juridique opérée par cet article faisait donc en sorte qu’il était inutile de poursuivre aussi l’employée, puisque les gestes posés par celle-ci l’ont été lors de l’exécution de ses fonctions et que c’était à son employeur d’en répondre[152].

[489]     Mais la demanderesse poursuivait aussi le PGQ pour des dommages punitifs, à cause des atteintes illicites et intentionnelles causées par son employée Rémillard. C’est là que nous lui avons posé des questions, en plaidoirie, pour comprendre le choix de ne pas avoir également poursuivi l’employée, puisque nous voyions une possible lacune dans la procédure[153], la fiction de l’article 1463 C.c.Q. nous semblant causer problème, puisque les dommages punitifs ne sont pas en principe inclus dans le « forfait responsabilité » couvert par l’employeur, pour les raisons exposées précédemment[154].

[490]     Pour comprendre la suite, il faut savoir que lorsqu’il est question d’atteintes intentionnelles aux droits d’autrui, cette intention est intrinsèquement liée à l’état d’esprit d’une personne en particulier et que chacun est personnellement imputable de ses propres faits et gestes.

[491]     Selon l’arrêt Gauthier[155], ce n’est que si l’employeur a lui aussi participé d’une quelconque manière aux atteintes jugées intentionnelles, qu’une condamnation à des dommages punitifs peut être prononcée contre lui.  

[492]     C’est dans ce contexte que les défendeurs opposent une irrecevabilité à la viabilité de la réclamation en dommages punitifs à l’égard de Rémillard, au motif que cette réclamation serait prescrite, à défaut par la demanderesse d’avoir poursuivi l’employée du PGQ pour de tels dommages avant la fin du délai de trois ans applicable à cette réclamation, à compter des faits dommageables[156].

[493]     Ces faits ayant eu lieu en 2013 et la demande n’ayant été signifiée qu’en décembre 2018, elle serait clairement prescrite, d’où la demande que nous la rejetions.

[494]     Les défendeurs plaident aussi que le caractère autonome des réclamations en dommages punitifs, finalement reconnus par la Cour suprême dans De Montigny[157], après plusieurs années de polémique sur ce sujet, aurait dû faire en sorte que Rémillard soit identifiée comme défenderesse à part entière, dès le départ, si la demanderesse voulait obtenir une condamnation contre elle en dommages punitifs. Rien ne l’empêchait de procéder ainsi. Le défaut d’avoir suivi cette recette serait fatal et suffisant pour rejeter de cette importante réclamation contre Rémillard.

[495]     Avec cette présentation, la seule manière de contourner le problème de la prescription invoqué réside dans le fait que le dépôt du recours original puisse avoir interrompu la prescription contre Rémillard.

[496]     Or, pour arriver à ce résultat, il faut entrer dans un parcours parsemé d’embûches.

[497]     Tout d’abord, il faut que Rémillard puisse être considérée comme ayant été une « partie au litige » depuis le jour un (1) du dossier, donc depuis juillet 2016[158].

[498]     Son nom n’apparaissant pas dans l’entête de la procédure avant décembre 2018, voilà un premier obstacle.

[499]     C’est ici que l’effet créé par l’article 1463 C.c.Q., que nous venons de décrire, entre en considération.

[500]     Même si le législateur a prévu une façon de faire pour éviter aux créanciers de dommages compensatoires de devoir poursuivre à la fois l’employeur et l’employé pour la conduite fautive de cet employé, pour simplifier ce genre de litige, et faire écho au devoir de supervision de l’employeur, cette subtilité juridique évacuerait-t-elle la réalité qui se cache derrière ce genre de dossier en responsabilité civile, alors que ce qui est au cœur du litige est la conduite de cet employé?

[501]     Nous sommes d’avis que non.

[502]     Même si le nom de Rémillard n’apparaît pas noir sur blanc dans l’entête de la procédure avant décembre 2018, elle est malgré tout une « partie » aux procédures, au sens large.

[503]     Pour s’en convaincre, il faut savoir que c’est d’elle dont on parle dans la demande introductive d’instance originale et les pièces, en 2016. Elle a participé à toutes les étapes du dossier, que ce soit pour la confection de la défense, lors de son interrogatoire au préalable qui a suivi le dépôt de cette défense et lorsqu’elle a longuement témoigné comme unique témoin de la défense, lors de l’audition au mérite de la cause.

[504]     Elle a été tellement intéressée par le sort du litige qu’elle a été présente lors des sept (7) jours de l’audition, comme représentante du PGQ.

[505]     C’est d’elle et de tous ceux avec qui elle a interagi dans la gestion du dossier ouvert en 2013, dont il est question. Et ce sont les atteintes illicites et intentionnelles aux droits fondamentaux qu’elle a commises, dont se plaint la demanderesse, du début à la fin de ce dossier[159].

[506]     Lorsque le recours pour les dommages moraux que la demanderesse lui reproche d’avoir causés est entrepris contre l’employeur, en juillet 2016, les choses sont faites en temps opportun.

[507]     Même si son nom formel n’est pas dans l’entête des procédures ni dans les conclusions de la première version des procédures, la réalité derrière cette procédure initiale ne peut que générer des effets juridiques.

[508]     C’est ici que le concept de « même source », énoncé à l’article 2896(2) C.c.Q., vient au secours de la demanderesse et fait reculer un peu les défendeurs sur le sort de leur argument, qui s’annonçait plutôt bien aux premiers abords.

[509]     Voici ce que prévoit cet article :

2896. L’interruption résultant d’une demande en justice se continue jusqu’au jugement passé en force de chose jugée ou, le cas échéant, jusqu’à la transaction intervenue entre les parties.

Elle a son effet, à l’égard de toutes les parties, pour tout droit découlant de la même source.

(nos soulignements et emphase)

[510]     Cet article porte sur l’interruption de la prescription; il fournit la recette pour qu’une réclamation qui arrive sur le tard puisse être étudiée et faire l’objet d’un jugement favorable, si les conditions sont satisfaites, plutôt que d’être simplement rejetée du revers de la main, au motif de tardiveté à la faire valoir.

[511]     Pour que la demanderesse ait une chance d’obtenir les dommages punitifs qu’elle recherche contre la défenderesse Rémillard, il faut que la réclamation en dommages punitifs puisse être considérée comme découlant de la « même source » que celle qui a donné lieu à la réclamation en dommages moraux contre elle. C’est uniquement dans ce cas que la magie opère.

[512]     Si les deux réclamations (moraux et punitifs) résultent de la « même source », le calcul du délai pour faire valoir la réclamation en dommages punitifs est alors interrompu (arrêté) jusqu’au jugement passé en force de chose jugée. Ainsi, en décembre 2018, la réclamation en dommages punitifs entreprise contre Rémillard, n’était peut-être pas si prescrite que les défendeurs le prétendent.

[513]     C’est l’interprétation du mot « source », à l’article 2896(2) C.c.Q., qui nous fera avancer.

[514]     La demanderesse gagne un peu de terrain dans sa position, puisque ce mot doit recevoir une interprétation libérale[160].

[515]     Mais que veut-il dire au juste, même une fois que l’on sait qu’il est interprété largement?

[516]     Concrètement, une « source » est un ensemble de faits qui donne naissance à une réclamation. L’idée derrière ce concept est que toutes les conséquences qui se rattachent rationnellement à une conduite fautive puissent être considérées comme « découlant de la même source », afin d’avoir une solution complète lors d’un litige, pour une saine administration de la justice[161].

[517]     En l’espèce, la conduite de Rémillard dans la gestion du dossier dont il est fait état dans ce jugement est la source de la réclamation de la demanderesse contre l’employée pour dommages moraux, même si le recours est intenté contre son employeur, pour ces dommages particuliers.

[518]     Mais les dommages moraux qui résultent de cette conduite ne sont pas nécessairement les seuls à pouvoir être réclamés.

[519]     En effet, même si le but des dommages punitifs est différent de celui des dommages moraux, rien n’exclut que tous deux soient réclamés à la suite des mêmes faits et gestes (source).

[520]     Ainsi, que les dommages soient pécuniaires, moraux ou punitifs importe peu.

[521]     Si l’on veut bénéficier du mécanisme juridique prévu à l’article 2896(2) C.c.Q., ce qui est essentiel est de pouvoir les rattacher aux mêmes faits.

[522]     Pour imager le concept, il s’agit du même arbre (les faits/source), et de différentes branches de ce même arbre (dommages moraux/dommages punitifs).

[523]     Il arrive souvent que ce concept de « source » et un autre, celui de « cause d’action », soient l’objet de confusion[162].

[524]     Pour les distinguer, disons que le premier est à connotation factuelle[163], alors que le deuxième est à saveur juridique[164]. Pour réussir un recours en dommages, il faut les deux.

[525]     En l’espèce, la « source » des dommages punitifs provient des mêmes faits que ceux ayant donné lieu aux dommages moraux; il s’agit de la conduite de la défenderesse Rémillard et de celle du PGQ.

[526]     Quant à la «  cause d’action » permettant de réclamer des dommages moraux, elle se trouve dans des textes de loi tels les articles du Code civil sur la protection de la vie privée, l’article 1457 C.c.Q., divers articles des lois sur la protection de la vie privée, et l’article 49(1) de la Charte québécoise, à titre d’exemples.

[527]     La « cause d’action » qui permet de réclamer des dommages punitifs se retrouve dans l’article 49 (2) de la Charte québécoise et dans l’article 24(1) de la Charte canadienne, en l’espèce[165].

[528]     Maintenant que nous avons déterminé que la source des dommages punitifs est la même que celle des dommages moraux, nous passons à la dernière étape, la plus difficile de l’exercice : la solidarité. Tout se joue par l’intermédiaire d’un autre article, soit 2900 C.c.Q..

[529]     Cet article fait aussi partie du chapitre sur la prescription et c’est le principal sur lequel s’appuient les défendeurs, alors en voici le contenu :

2900. L’interruption à l’égard de l’un des créanciers ou des débiteurs d’une obligation solidaire ou indivisible produit ses effets à l’égard des autres. (nos soulignements et emphase)

[530]     Cet article est difficile à comprendre puisqu’on y parle à la fois de créanciers et de débiteurs et qu’il n’est pas toujours évident d’y voir clair.

[531]     Ce qu’il faut en retenir est qu’il crée un cas d’interruption de prescription dans un contexte spécial, soit lorsque l’obligation entre deux personnes peut être qualifiée de solidaire, entre eux, au bénéfice du créancier. S’il y a une obligation solidaire entre deux débiteurs, le fait pour le créancier d’avoir fait valoir ses droits résultant de cette obligation solidaire contre l’un des débiteurs qui en est imputable en temps opportun, interrompt le délai à l’égard de l’autre qui n’a pas encore été interpellé en justice pour répondre de cette même obligation qui pourrait lui être aussi attribuable. 

[532]     Pour la suite de notre analyse, il faut déterminer si le PGQ et Rémillard sont solidaires d’une quelconque obligation envers la demanderesse.

[533]     La demanderesse plaide que l’obligation du PGQ à l’égard de la demanderesse, pour les dommages moraux, est solidaire à celle de son employée Rémillard, car ils étaient tous deux tenus d’avoir une conduite acceptable à son endroit, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce[166].

[534]     Ainsi, le recours entrepris dans les trois (3) ans contre le PGQ pour ces dommages moraux, pour la conduite fautive de l’employée (arbre), aurait interrompu le calcul du délai de prescription de trois ans à l’égard de cet autre débiteur solidaire qu’est l’employée Rémillard pour tout autre type de réclamations découlant de cette conduite (branches), telle une réclamation pour dommages punitifs.

[535]     C’est cette solidarité à l’égard des dommages moraux qui ferait en sorte que l’article 2896(2) C.c.Q. génère ses effets, permettant ainsi à la demanderesse d’aller de l’avant avec sa nouvelle réclamation en dommages punitifs contre la débitrice Rémillard, puisque le délai pour la faire valoir aurait été interrompu depuis juillet 2016 et qu’il ne serait d’ailleurs pas encore échu, aucun jugement n’ayant encore été rendu et n’étant passé en force de chose jugée[167].

[536]     L’on comprend maintenant qu’il fallait minimalement se rendre à un jugement pour déterminer si la solidarité existe dans ce dossier. Cela explique en partie notre décision de rejeter l’opposition aux modifications pour pouvoir étudier le mérite des modifications accordées, car ce concept de solidarité autour duquel tout l’argument de la prescription tourne, en est un qui ne peut être réglé qu’une fois que le jugement final intervient. En effet, il faut minimalement qu’une condamnation intervienne contre un débiteur « principal », comme prérequis, car tout comme il faut être deux pour danser le tango, il faut être au moins deux pour parler de solidarité.

[537]     Si nous étions arrivés à la conclusion qu’aucune faute n’a été commise et qu’aucun dommage n’était dû par le PGQ, la solidarité aurait immédiatement cessé d’être un enjeu[168].

[538]     Mais comme tel n’est pas le cas et qu’il y a condamnation, voyons comment les défendeurs abordent l’analyse de l’«obligation solidaire » dont il est fait mention à l’article 2900 C.c.Q..

[539]     Selon eux, le caractère solidaire de l’obligation à analyser ne serait pas celui des dommages moraux, mais plutôt celui des obligations en lien avec les dommages punitifs, puisqu’au final, c’est cette réclamation qui cause problème à la demanderesse, au chapitre de la prescription.

[540]     Mais leur position de repli est qu’à la limite, s’il faut analyser la situation sous l’angle de la solidarité pour les dommages moraux, l’article 1463 C.c.Q. ferait échec à cette solidarité, puisqu’il aurait dû n’y avoir qu’un défendeur, le PGQ, la présence de la défenderesse Rémillard étant inutile pour disposer de la réclamation en dommages moraux.

[541]     La demanderesse ne pourrait donc par faire un détour et passer par une soi-disant solidarité à l’égard des dommages moraux pour ensuite permettre aux dommages punitifs d’entrer en jeu, parce que ce qu’elle recherche, en réalité, n’est qu’une solidarité à l’égard des dommages punitifs, qui n’existe pas en droit, depuis l’arrêt Cinar.

[542]     Comme il y a absence de solidarité entre les défendeurs pour les dommages punitifs, le fait d’avoir entrepris un recours en temps opportun contre le PGQ pour de tels dommages n’aurait pas pu interrompre la prescription de la réclamation en dommages punitifs déposée contre Rémillard, L’article 2900 C.c.Q. ne serait alors d’aucune utilité pour la demanderesse, puisque ses conditions d’application ne sont pas démontrées.

[543]     Maintenant que nous avons résumé la position détaillée des protagonistes et les divers enjeux qu’elles soulèvent, sans doute que les parties comprennent mieux que nous ayons gardé cet intéressant sujet pour notre décision sur le mérite du dossier, vu la complexité de l’argument et le mécanisme de solidarité qui en est la pierre angulaire.

[544]     Les défendeurs ont raison de prétendre qu’il n’existe aucune obligation solidaire lorsqu’il est question de dommages punitifs, depuis l’arrêt Cinar.

[545]     Par contre, l’angle sous lequel ils nous proposent d’approcher l’étude de l’article 2900 C.c.Q. est incorrect, car il est possible de passer par la détermination d’une solidarité entre les défendeurs par rapport à l’obligation liée aux dommages moraux, puisqu’il en existe bel et bien une même si la défenderesse Rémillard n’était pas nommée aux procédures, en 2016.

[546]     L’article 1463 C.c.Q. ne modifie pas la réalité qui se joue derrière le mécanisme de responsabilité créé par le législateur : l’employé et l’employeur sont solidaires pour les dommages compensatoires (moraux, en l’espèce) résultant de la conduite de l’employée Rémillard.

[547]     Si la demanderesse avait entrepris son recours initial en poursuivant à la fois le PGQ et son employée pour les dommages moraux, l’employeur aurait demandé que le recours contre son employée soit rejeté, en invoquant l’article 1463 C.c.Q. pour alléguer qu’elle est déjà indirectement visée par les procédures.

[548]     La preuve en est faite que c’est exactement ce que le PGQ a plaidé lorsqu’il s’est opposé aux modifications visant à ajouter Rémillard comme défenderesse pour les dommages moraux.

[549]     Il a alors mis l’emphase sur le fait que cet ajout n’était qu’un prétexte pour faire indirectement ce que l’article 2900 C.c.Q. ne lui permettait pas de faire directement, soit invoquer une solidarité inutile et inexistante, en lien avec les dommages moraux, pour ensuite atteindre le but recherché, soit d’attraper son employée in extremis pour lui refiler une facture salée en dommages punitifs, après avoir réalisé que cette facture ne faisait pas partie du forfait du PGQ et alors que l’employée était justifiée de s’être sentie hors d’atteinte, après avoir constaté que son nom n’était pas dans l’entête de la procédure originale, en temps opportun.

[550]     À notre avis, cela confirme que Rémillard est implicitement partie aux procédures depuis le début, si son ajout officiel comme défenderesse est inutile.

[551]     La gymnastique procédurale de la demanderesse consistant à modifier ses procédures pour y apporter les divers ajouts dont nous avons fait état précédemment, pour ensuite plaider qu’il existe une solidarité entre les défendeurs pour leurs fautes respectives, lesquelles ont contribué au même préjudice que sont les dommages moraux, était adéquate.

[552]     En vertu des articles 2900 et 2986(2) C.c.Q., cette solidarité a pour effet que la prescription pour la réclamation en dommages punitifs contre la défenderesse Rémillard a été interrompue rétroactivement au jour 1 du dossier judiciaire, et qu’elle le sera jusqu’au jugement final.

[553]     C’est parce que les dommages moraux et punitifs découlent de la même source que cela est rendu possible.

[554]     Maintenant que nous avons conclu à la responsabilité d’au moins l’un des débiteurs pour l’obligation dont il est solidaire avec la défenderesse Rémillard, ce qui est le cas du PGQ, qui est responsable des dommages moraux tant pour les faits et gestes de son employée que pour les siens, il peut donc y avoir solidarité entre ces deux défendeurs, pour ces dommages.

[555]     C’est cette solidarité qui règle le sort de l’argument de la prescription et permet de le rejeter.

[556]     Tout cet exercice démontre que la réclamation pour dommages punitifs contre la défenderesse, qui est l’une des branches de l’arbre dont il est question dans ce dossier, pouvait valablement être décidée sur son mérite, ce que nous avons déjà fait, dans le chapitre pertinent aux dommages.

[557]     Cela permet d’apporter une solution complète au litige opposant les parties, qui colle à la preuve présentée, telle que nous l’avons évaluée à la lumière des principes applicables en matière d’octroi de dommages punitifs.

[558]     Les diverses fautes extracontractuelles de chacun des défendeurs qui ont contribué au préjudice allégué par les victimes, prouvé de manière prépondérante, nous permettent aussi de boucler la boucle sur ce sujet, en vertu de l’article 1526 C.c.Q. [169].

[559]     En conclusion, même cinq (5) ans après la conduite fautive (source), la demanderesse pouvait valablement réclamer des dommages punitifs à l’employée du PGQ pour les violations à ses droits fondamentaux et à ceux de son fils mineur, protégés par divers articles des chartes des droits et libertés de la personne, tel que l’article 24(1) de la Charte canadienne et l’article 49(2) de la Charte québécoise le permettent.

[560]     Cela dit, le caractère autonome des dommages punitifs devrait-il modifier la manière de faire les choses, lorsque la conduite d’un employé a causé des atteintes aux droits fondamentaux d’une personne, au cas où une réclamation en dommages punitifs puisse éventuellement être soulevée, une fois la preuve close?

[561]     Le nom de cet employé devrait-il être systématiquement ajouté dans l’entête d’un recours original mettant en cause ce type de réclamation?

[562]     Pas nécessairement.

[563]     S’il fallait conclure autrement, cela signifierait que pour éviter un potentiel argument de prescription de dommages punitifs, les plaideurs se mettraient à poursuivre à la fois l’employeur et l’employé pour les dommages compensatoires, au cas où, afin d’éviter de perdre ses droits découlant de la même source.

[564]     À notre avis, cela alourdirait indûment ce genre de litiges.

[565]     Mais en l’espèce, aurait-il été mieux d’ajouter la défenderesse dès le début du litige, puisque des dommages punitifs découlant manifestement de sa conduite, étaient clairement demandés?

[566]     Probablement.

[567]     Cela aurait à tout le moins évité la désagréable surprise de dernière minute que cette employée a eue, ainsi qu’un incident procédural en fin d’audition, lequel a retardé quelque peu le dénouement du dossier, même si personne n’a jugé pertinent de présenter de complément de preuve, après que nous ayons autorisé la demanderesse à aller de l’avant tant avec l’ajout du nom de Rémillard et des conclusions la visant, ainsi que l’ajout d’allégations contre le PGQ pour bien cibler le comportement de ce dernier donnant ouverture aux arguments plaidés. 

[568]     Enfin, un mot sur le partage de la responsabilité entre l’employeur et l’employé, en guise d’obiter, puisqu’il y a maintenant deux défenderesses « officielles ».

[569]     Comme nous avons conclu à la présence de fautes contributoires causant un même préjudice, si ce n’était pas l’employeur qui ramassait la facture totale des dommages moraux, donc si nous avions été dans un autre contexte que dans une relation employé-employeur, soit en présence de deux défendeurs non liés par un lien de préposition mais tout aussi fautifs à l’égard d’une victime de leur comportement respectif, nous aurions eu à élaborer sur le pourcentage de responsabilité attribuable à chacun.

[570]     Dans un tel cas de figure, nous aurions attribué 2/3 de la responsabilité à la défenderesse Rémillard, car elle est de loin celle qui a été le plus active dans les dommages causés. Le PGQ aurait été déclaré responsable du 1/3 restant.

7.    Conclusion

[571]     Si la directrice de L’ACQ avait eu tous les éléments requis pour s’investir dans ce dossier, de la manière dont elle l’a fait, nous n’aurions pu que féliciter sa détermination et sa perspicacité.

[572]     Dans un tel scénario, au lieu de causer tous les dommages que nous avons décrits, les interventions de L’ACQ auprès de la police auraient connu le dénouement qui s’imposait, et elles auraient été saluées pour leur efficacité.

[573]     Ce qui est arrivé à Madame A n’aurait alors été qu’une parfaite illustration du fait que la recette d’entraide internationale dont les ingrédients se retrouvent dans la Loi sur les aspects civils de l'enlèvement international et interprovincial d'enfants, fonctionne très bien au Québec, et le PGQ n’aurait pu que s’enorgueillir avec raison d’un tel succès.

[574]     Si les conditions de cette Loi avaient été respectées, les très nombreux pays qui ont décidé d’unir leurs voix pour faire front commun pour contrer le fléau des enlèvements internationaux d’enfants, auraient eu de quoi se réjouir d’avoir signé la Convention de La Haye et peut-être que d’autres, qui ne l’ont pas encore signée, y auraient trouvé l’inspiration nécessaire pour y adhérer.

[575]     Malheureusement, pour les motifs énoncés tout au long du jugement, ce qui s’est produit, en l’espèce, ne devrait pas figurer au palmarès des histoires à succès de L’ACQ.

[576]     Peu importe la suite des choses, nous sommes convaincus qu’il fallait intervenir pour définir les frontières à ne pas franchir dans l’interprétation de cette Loi.

[577]      En conclusion, nous sommes d’avis que la demanderesse avait raison d’entreprendre ce difficile recours, pour éviter qu’un autre parent soit victime des indiscrétions de L’ACQ, et que des objectifs étrangers à l’objet de la Loi puissent de nouveau guider la directrice de cet organisme dans ses interventions, ou toute autre personne amenée à poser des gestes dans ce genre de dossiers, avec pour résultat qu’un autre enfant demeure traumatisé par des expériences qu’il n’aurait jamais dû connaître, et qui étaient loin d’être dans son meilleur intérêt.

[578]     FOR THESE REASONS, THE COURT[170] :

[579]     CONDEMNS Defendants, solidarily, to pay Plaintiff the amount of $50,000 (moral damages), the whole bearing interest at the legal rate, plus the additional indemnity provided by law, to accrue from the date of notification of the application;

[580]     CONDEMNS Defendants, solidarily, to pay Plaintiff, in her capacity as tutor of her child, the amount of $50,000 (moral damages), the whole bearing interest at the legal rate, plus the additional indemnity provided by law, to accrue from the date of notification of the application;

[581]     CONDEMNS Defendant Attorney General for Quebec to pay Plaintiff the amount of $50,000 (punitive damages), the whole bearing interest at the legal rate, plus the additional indemnity provided by law, to accrue from the judgement;

[582]     CONDEMNS Defendant Attorney General for Quebec to pay Plaintiff in her capacity as tutor of her child, the amount of $50,000 (punitive damages), the whole bearing interest at the legal rate, plus the additional indemnity provided by law, to accrue from the judgment;

[583]     CONDEMNS France Rémillard to pay Plaintiff the amount of $25,000 (punitive damages), the whole bearing interest at the legal rate, plus the additional indemnity provided by law, to accrue from the judgement;

[584]     CONDEMNS France Rémillard to pay Plaintiff in her capacity as tutor of her child, the amount of $25,000 (punitive damages), the whole bearing interest at the legal rate, plus the additional indemnity provided by law, to accrue from the judgment;

[585]     THE WHOLE with legal costs.

 

                                                                            

CLAUDE DALLAIRE, j.c.s.

 

 

 

Me Jean-François Towner

Jeansonne, Avocats inc.

Me Monica Maynard

Cabinet de Me Monica Maynard

            Avocats de la demanderesse

 

Me Manuel Klein

Me Bruno Deschênes

Ministère de la Justice (DGAJLAJ)

            Avocats des défendeurs

 

Dates d’audience :

Les 6, 7, 10, 11 et 12 décembre 2018

Les 5 avril et 16 septembre 2019

 

 

Date de délibéré :

Le 16 septembre 2019

 

 

Demande de transcription :

Le 16 avril 2020

 

 



[1]     Un jugement rendu le 6 juillet 2016, par la juge Johanne Mainville, ordonne la mises sous scellés du dossier judicaire, permet que les procédures soient entreprises sous un pseudonyme, interdit la publication de l’identité de la demanderesse et de son fils, ainsi que tout renseignement permettant de les identifier, aux yeux de tiers.

[2]     Le jugement a été rendu séance tenante. Comme le permet l’arrêt Kellogg's Company of Canada c. P.G. du Québec, [1978] C.A. 258, 259-260, au moment de rendre sa décision, le Tribunal s'est réservé le droit d'en modifier, amplifier et remanier les motifs. La soussignée les a donc remaniés pour en améliorer la présentation et la compréhension.

[4]     Pour les détails, il faut lire les pièces D-6 et D-7, soit les récits préparés par la demanderesse en avril 2011, qui ont servi de base à la décision rendue par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié leur accordant le statut de réfugiés, le 12 juillet 2011. Le narratif fait état des faits qui ont amené la demanderesse à craindre pour sa vie et celle de son fils, de l’implication du pouvoir politique, religieux et judiciaire auxquels elle a été confrontée pour gérer son entreprise florissante et ensuite, pour obtenir le divorce, de même que des liens précis de son mari avec ces hautes autorités. Il précise les violences et les nombreuses menaces de mort que son mari lui a faites, les mesures prises par sa famille et elle pour la protéger, ainsi que l’enfant tant à venir que né, et tout cela explique son départ précipité, en juillet 2005. Ce narratif explique le climat de terreur dans lequel elle vit depuis décembre 2002 et le régime fait aux femmes. La Commission l’a jugée crédible. La demanderesse ne pouvait pas retourner dans son pays, ayant été mise sur une liste des personnes recherchées « Wanted list » (paragraphe 108) pour avoir humilié son mari en ne respectant pas les règles d’obéissance, après s’être mariée.

[5]     La date est omise puisqu’une ordonnance de confidentialité et de scellés a été émise dès le début du dossier, et qu’elle est toujours en vigueur. Voir note 1. 

[6]     Pièces P-6b), P-7 et P-9.

[7]     Pièce P-6a). Paragraphe 84 défense modifiée.

[8]     Pièce P-8.

[9]     Pièce D-1, p. 23.

[10]    Pièce D-7 par.77 à 99, pour tous les détails du processus judiciaire en Arabie saoudite.

[11]    Allégations 42 à 47 de sa demande modifiée, et témoignage lors de l’audition.

[12]    Pièce P-13 confirme ce fait. Le seul dossier qui a été constitué sur eux est celui consigné au Ministère de l’Immigration et du statut de réfugié, lequel est supposé demeurer très confidentiel, par sa nature. Voir Québec (Procureur général) c. Allaire, 2002 CanLII 19850 (Qc CQ), par. 43 et 35.

[13]    Pièce P-9, p. 6. Pourtant, dans la pièce P-11, il est confirmé que les hôpitaux, les écoles, auraient été avisés du jugement rendu en avril 2010.

[14]    Pièces P-11, P-14 et D-1, p. 29.

[15]    Pièce D-1, déclaration du père dans la demande d’assistance du 12 avril 2013.

[16]    Pièce P-1. Il est question de « gender-related persecution ».

[17]    Information que la directrice a obtenue au cours de son enquête en collaboration avec le SPVM et Fortin, en juin 2013.

[18]    Pièces D-5 et P-14 (où il est question d’ «extensive enquiries »). Voir aussi pièce P-15.

[19]    Service de police de la Ville de Montréal, et Direction de la protection de la jeunesse.

[20]    Pièce P-41, ce fait est confirmé dans le rapport de la DPJ. L’enfant dit « i was really scared because it was obvious something was wrong. It was very overwhelming ». Il a été interrogé en se faisant rappeler la différence entre un mensonge et la vérité « like if i am a liar ». Il s’est ensuite fait dire qu’il était emmené quelque part « for the week end », alors que cela a duré plusieurs jours. Parce qu’il pleure, il raconte s’être fait rabrouer par la travailleuse sociale qui l’a prise en charge et qui lui aurait dit d’arrêter de pleurer après lui avoir fait ce qui lui a semblé être comme un sermon, sur le sujet.  

[21]    Pièce P-35. Ce signalement allègue des risques sérieux de négligence, des problèmes d’adaptation sociale et d’instabilité chez la mère, de négligence de l’enfant sur le plan éducatif, des mauvais traitements sur le plan psychologique, par un contrôle excessif de la mère sur l’enfant.

[22]    Pièce P-36. Pourtant dans la déclaration de Fortin et du père au SPVM, le 5 juin, pièce P-30, le père ne croit pas que l’enfant soit en danger. Que s’est-il passé pour que le portrait dressé ait autant changé entre le 5 juin et le 9 juillet, date d’émission du mandat, et le 10 juillet, date du signalement qui fait état de ce nouveau portrait de Madame? Pièce D-5, document de la police, qui ne contient rien à ce sujet.

[23]    Pièce P-40, par. 8.

[24]    Pièce P-26.

[25]    Les mêmes motifs que ceux qu’une avocate du contentieux du Ministère de la justice avait donnés à Rémillard, quelques mois au préalable, en lui demandant de fermer son dossier, car L’ACQ n’avait pas de juridiction pour intervenir.

[26]    La défense modifiée fait clairement état d’une décision illégale et déraisonnable, pour expliquer pourquoi L’ACQ s’est sentie interpellée, pour ensuite frapper à la porte de son contact Morin, une sergente détective spécialisée dans les enlèvements d’enfants, depuis des années.

[27]    Lorsque la Loi s’applique.

[28]    La preuve en est faite que Nicole Morin, au cours de son enquête, s’adresse à L’ACQ pour qu’elle fasse diverses demandes au MELS, ce qui est fait, et produit des effets dans moins de quarante-huit (48) heures, alors que les délais associés à l’obtention d’un mandat de perquisition et à ceux résultant des demandes d’accès à l’information sont substantiellement plus longs, sans oublier qu’il n’a pas été démontré que le SPVM aurait eu droit à un mandat de perquisition à ce moment-là de l’enquête.

[29]    Pièce P-36. Dans un jugement, la juge Nicole Bénard écrit que la DPJ a décidé d’intervenir sur la base de la preuve que l’enfant n’était pas scolarisé. Voir par. 20 de la pièce P-51. C’est L’ACQ qui a obtenu cette preuve et qui l’a remise au SPVM.

[30]    Pièce P-40, par. 10 et 11, témoignage de la demanderesse, pièces P-36 et P-49.

[31]    Déclaration de l’avocate du DPCP, lors de l’audition. Pièce P-49.

[32]    Il faut lire les allégations et conclusions (la 7ième) de la procédure à l’origine dudit jugement et les comparer avec les conclusions du jugement. Voir pièce P-56.  Voir aussi pièce P-40.

[33]    Sur le courriel, pièce P-39, p. 9, il y a deux (2) mentions intéressantes : « à la demande de France », « supporting document » (le jugement Arcand a été transmis par L’ACQ) et « judicial request », pour justifier la demande. Cela est très significatif, surtout avec le témoignage complémentaire de L’Heureux, qui dit, à la fin de son interrogatoire en chef  « Elle me le transmettait (le jugement), car le juge avait émis un ordre pour que ça se fasse ». Elle ajoute que si le juge n’ordonne pas qu’un avis de surveillance soit inscrit, elle ne le fait pas. En contre interrogatoire, elle précise que le paragraphe 20 du jugement Arcand est ce sur quoi elle s’est appuyée pour aller de l’avant avec l’avis demandé par « France ».

[34]    Pièce P-60. Il est inscrit « enforcement actions », et « judicial request » et une référence est faite à un « jugement ». En février 2015, il est question d’un « look out extended », puis le dossier est rouvert, en juin 2017, pour être définitivement fermé, le 6 juillet 2017, près de quatre (4) ans après que L’ACQ ait fermé son dossier. Une mention apparaît le 14 septembre 2016, dans le dossier de cet organisme, à l’effet que l’enfant n’a jamais été inscrit dans une école, alors que cela ne concerne pas l’ASFC. L’on y trouve aussi une référence au dossier de police du SPVM, pour un incident portant le numéro [...], donc en lien avec la plainte déposée par Fortin, le 5 juin 2013. Aucun juge au criminel n’a ordonné que cet avis soit émis.  

[35]    Quelques semaines auparavant, le SPVM voulait aussi obtenir la même chose de L’Heureux, mais ce sont les représentations de L’ACQ qui ont permis d’aboutir à ce résultat, le jour même où la directrice appelle son contact à L’ASFC. L’avis est levé à la suite d’un « ménage » administratif, alors qu’il n’était plus « d’actualité » depuis l’acquittement du mois d’août 2014, selon ce qu’on peut lire du dossier. Mais il avait été renouvelé, en 2015, pour une raison inconnue. Pièces P-39 et P-40.

[36]    De telles demandes avaient déjà été faites à plusieurs autres reprises (3), avant l’arrestation.

[37]    Les honoraires de Fortin ont été payés par l’Ambassade de l’Arabie saoudite. Pièce P-61, p. 193.

[38]    Témoignage non contredit de la mère et de l’enfant, lors de l’audience.

[39]    Pages 85, 87, 88, 91 et 98 de son interrogatoire au préalable.

[40]    Ces questions sont celles soumises par la demanderesse.

[41]    Ces questions sont celles des défendeurs.

[42]    Cette question est celle du Tribunal, à la suite des modifications autorisées à l’acte de procédure de la demanderesse, en toute fin d’audition.

[43]    Expression utilisée lors des plaidoiries.

[44]    Découlant de l’article 31 de la Loi.

[45]    Pièce P-16 confirme que Rémillard a reçu la demande du père en vertu de la Convention, « for the return to UK ».

[46]    Loi  sur l’accès à l’Information et sur la protection des renseignements personnels, RLRQ c. A-2.1. Voir aussi pages 130 et 173 de l’interrogatoire au préalable, où elle avoue ce fait.

[47]    Se fondant sur les arrêts Hill c. Église de scientologie de Toronto, [1995] 2 R.C.S. 1130; Rizzuto c. Rocheleau, [1996] RRA 448; Proulx c. Québec (Procureur général), [2001] 3 RSC 9; Lizotte c. RBC Dominion valeurs mobilières inc., [1999] R.J.Q. 2877; Leblanc c. Turpin, 2003 CanLII 72291 (QC CA); Fillion c. Chiasson, 2007 QCCA 570.

[48]    Elle n’avait besoin que d’une demande, Voir page 73 de l’interrogatoire au préalable.

[49]    Pièce P-22.

[50]    Demandes d’information au Ministère de l’éducation pour savoir si l’enfant fréquentait une école, qui sont revenues négatives, et une demande d’information au Ministère de l’immigration pour connaître le statut de Madame et de son fils.

[51]    Page 92 de l’interrogatoire au préalable. Devant la soussignée, elle explique entre autres que la vérification de décembre 2013 pouvait selon elle être faite, car elle avait déjà eu un dossier d’ouvert sur cet enfant.

[52]    De Montigny c. Brossard (Succession), 2010 CSC 51; Hinse c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 35, par. 161.

[53]    Qui fait en sorte que le recours en dommages moraux n’avait pas à être intenté contre l’employée du Ministère de la justice, puisqu’il était suffisant de le déposer uniquement contre son employeur, le PGQ.

[54]    Cinar corporation c. Robinson, [2013] 3 R.C.S. 1168; Blackwater c. Plint, 2005 3 R.C.S. 3.

[55]    Pour éviter d’alourdir le texte, vu leur grand nombre, ils sont reproduits en annexe au jugement. 

[56]    Voir Droit de la famille - 163185, 2016 QCCS 6672, par. 9 à 11.

[57]    Loi sur l’accès à l’information, LRC 1985, c. A-1; Loi sur la protection des renseignements personnels L.R.C. (1985), ch. P-21; Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, RLRQ c. A-2.1 

[58]    Les audiences en matière de statut de réfugiés sont tenues à huis clos, car il est question de droit à la vie et à la sécurité. À l’article 13b) de la Convention, une présomption est édictée que le retour d’un enfant qui a obtenu ce statut dans son pays, lui causera un danger. Voir A.I. v. K.R., 2011 ONCA 417, par. 71 et 74; Németh c. Canada (Justice), [2010] 3 R.C.S. 281, par. 109 et 111; Blencoe c. British Columbia (Human rights Commission), [2000] 2 R.C.S. 307, par. 45 et 56; New Brunswick (Minister of health and Community services) c. G. (J.), [1999] 3 R.C.S. 46, par. 58 à 62, 81 et 84.

[59]    Voir pages 67, 80, 81, 85, 86, 106, 107, 109, 111, 113, 193, 231, 232 de son interrogatoire au préalable.

[60]    Pages 83 à 91 de son interrogatoire au préalable.

[61]    Parce que Rémillard demeure floue sur cette partie de leur première conversation et que la défense n’a pas fait entendre Fortin.

[62]    Dans son témoignage à la Cour, elle évoque avoir eu un doute, pour expliquer pourquoi elle a référé au contentieux du Ministère de la justice, afin de se faire éclairer. Par contre, dans son interrogatoire au préalable, l’on comprend qu’elle a plutôt écrit au contentieux afin qu’il entreprenne des procédures immédiates, en vertu de l’article 10 de la Loi, en donnant l’impression à la directrice du contentieux qu’elle considérait après analyse, que les critères étaient satisfaits pour une telle intervention. Mais une (1) semaine après avoir reçu le dossier, vers la fin avril, le contentieux lui confirme qu’il n’entreprendra aucune procédure, faute de juridiction, en vertu de cet article précis sur lequel, à l’évidence, la demande était fondée.

[63]    Ciment du Saint-Laurent inc. c. Barrette, 2008 CSC 64, par.36.

[64]    Pièce P-30 est un exemple d’information sur le statut de la demanderesse, remis à Nicole Morin. Pièce P-31, même chose, en date du 13 juin, où elle transmet les informations du MELS, de son confrère Alfred, ainsi que des décisions des autorités judiciaires québécoises ordonnant la confidentialité des informations et interdisant de communiquer le contenu de manière à ce que la demanderesse et son fils puissent être identifiés. Rémillard admet qu’elle savait que ces décisions étaient confidentielles, pages 156à 161 de l’interrogatoire au préalable.  

[65]    Article 6 de la Loi.

[66]    Dans son interrogatoire au préalable, elle confirme avoir eu le même réflexe en contactant le contentieux, après avoir lu la documentation accompagnant la demande qui nous intéresse.

[67]    La date n’est pas précisée.

[68]    Pièce P-54. L’on y lit qu’elle doit favoriser le retour d’un enfant dans le milieu où il vivait avant le déplacement. Elle doit aussi faire respecter « au Québec », les droits de visite « existant dans un État désigné ». 

[69]    Il y est question de responsabilité ministérielle et gouvernementale pour les enlèvements d’enfants, avec les 67 États signataires de la Convention de La Haye. Il est aussi prévu que son assistance aux parents et à leurs avocats « du privé » doit se faire « en application de la Loi et de la Convention ». Il y est aussi prévu que la coordination qu’elle doit faire avec la police, la DPJ et les autres intervenants, a lieu lorsque la décision d’un juge ordonne le retour de l’enfant. Pièce P-54.

[70]    Page 19 de son interrogatoire au préalable.

[71]    Pièce P-54, sa description de tâches fait état d’un « haut degré d’autonomie », d’une grande latitude et son témoignage confirme aussi qu’elle n’a pas besoin d’approbations de son supérieur immédiat ni d’une personne ressource pour exécuter ses fonctions. Elle ne consulte que « lorsque la situation le requiert » et elle n’a d’ailleurs personne sous ses ordres qui pourrait faire état d’un quelconque comportement pouvant être jugé irrégulier. La pièce P-54 fait également état qu’elle « doit être capable d’initiatives dans des situations souvent dramatiques ». Elle doit aussi « posséder un sens de la créativité afin de proposer des solutions adéquates et parfois inédites et posséder d’excellente capacité de recherches (sic) et être dotée d’un très bon jugement. » Enfin, l’on requiert qu’elle ait une « excellente connaissance de la Convention de La Haye […] et de la Loi sur les enlèvements […] afin d’être en mesure de répondre à leurs objectifs. », ainsi qu’une « bonne connaissance du milieu judiciaire. ». Un diplôme de 1er cycle en droit est requis, ou deux (2) années d’expérience pertinentes aux attributions de ce corps d’emploi, pour chaque année de scolarité manquante (elle l’avait), et une expérience d’un (1) an dans les enlèvements internationaux », puisqu’elle intervient dans des « situations de crise » (nos soulignements et emphase).

[72]    Interrogatoire au préalable, pages 41 et 42.

[73]    Page 61 de l’interrogatoire au préalable. Elle gardait lesdits dossiers sous clé, dans des classeurs situés dans son bureau, donc sous son entier contrôle.

[74]    Page 92 de l’interrogatoire au préalable. Voir Le Havre des femmes inc. c. Dubé, [1998] CanLII 13167 (QC CA), pages 10 à 13.

[75]    Il ne lui a même pas demandé de rapport sur la situation, page 93 de l’interrogatoire au préalable.

[76]    Tel qu’on le lit dans la défense modifiée.

[77]    Voir les articles cités à l’annexe.

[78]    Rémillard le reconnait à la page 32 de son interrogatoire au préalable.

[79]    Voir les pages 96, 97, 176 à 181 et 194 à 198 de l’interrogatoire au préalable, qui fait état d’une demande de droits de visite du père au motif qu’il aurait résidé aux États-Unis, alors que la preuve démontre qu’il n’y était que de passage durant deux (2) semaines, en juin, avec un visa, moment où elle est mise au courant de ce fait pour la première fois. Voir pages 97 et 180 de l’interrogatoire au préalable. Non seulement ce fait est-il fondé sur du ouï-dire (Fortin), mais rien dans la preuve ne permet de conclure que le père ait résidé dans un quelconque État désigné, de manière prépondérante, tel que l’aurait souhaité la directrice, pour se donner une nouvelle apparence de droit, pour justifier ses interventions.

[80]    Ce papier avec entête précise aux organismes qui reçoivent ses correspondances qu’une réponse immédiate s’impose : « À titre d’Autorité centrale désigné par le Ministre de la justice, nous voyons à l’aspect civil des enlèvements d’enfants… ». Pièce P-17 confirme que les organismes donnent des réponses immédiates à ses demandes.

[81]    Elle déclare que la fermeture du dossier était même une « décision commune » intervenue entre l’avocate Lavoie-Cardinal et elle.

[82]    Qualification des avocats de la demanderesse.

[83]    Cinar corporation c. Weinberg, 2008 QCCS 6023, précité note 54, par. 36 et 41. (Non révisé en Cour suprême, sur ce sujet).

[84]    Pour se convaincre qu’elle savait exactement ce qu’elle faisait, nous référons à l’exemple qu’elle cite spontanément, lorsqu’elle traite des demandes d’intervention en provenance de l’Égypte, sachant que la Loi ne s’applique pas aux enlèvements survenus dans ce pays. Dans un tel cas, elle reformule le discours qu’elle tient à la personne qui lui a demandé de l’aide, ainsi : « La convention ne s’applique pas, je leur suggère de faire appel au barreau, je les réfère aux autorités policières, mais (je ne donne) pas plus que de l’information générale ».

[85]    Elle reconnaît devant la soussignée que les démarches qu’elle peut alors faire sont très limitées.

[86]    Il y a lieu de référer à Canada (Procureur général) c. Thouin, 2017 CSC 46 et à Montréal (Ville) c. Lonardi, 2018 CSC 29, par. 22, qui reprennent les principes d’interprétation des lois sur le contexte global, le sens ordinaire et grammatical des mots qui s’harmonise avec l’économie de la loi, son objet et l’intention du législateur.

[87]    Pièce P-24, dans laquelle elle écrit qu’elle n’a pas le pouvoir « d’aller plus loin» dans sa démarche, dans le contexte d’une demande en vertu de la Convention de La Haye », et que son dossier doit être fermé. Devant nous, elle déclare « la Convention n’est pas une option », en parlant de la position en avril. La pièce P-55 fait état de la date d’ouverture du dossier, le 12 avril, et de sa fermeture, le 24 juillet 2013. Le dossier y est qualifié comme un cas de « déplacement illicite » (donc un cas d’article 10 de la Loi) et non d’un cas d’exercice de droits de visite. Même chose dans la pièce P-29, le 18 juin 2013, dans laquelle elle confirme ceci : « I did not have enough to justify such a request […] », parce que la résidence de l’enfant « has never been in UK ». Dans la pièce P-38, le 24 juillet, elle écrit à Newbold : « I will be closing my file because I could not validate that the child had his habitual residence in the UK before the abduction. Pursuing the Hague Convention would have been pointless […], pour ensuite confirmer que le dossier a été géré par le biais du Code criminel et par les tribunaux civils, afin que son vis-à-vis sache comment les choses se sont terminées. Même chose, en essence, dans la pièce P-55. De plus, dans la pièce P-36, le 12 juillet, elle déclare à la DPJ, qui l’a contactée pour une raison qu’elle ne peut expliquer, que l’Autorité centrale n’interviendra pas parce que la Convention de La Haye ne s’applique pas. Elle ajoute alors que « tout va se jouer selon la Loi de la DPJ.». Voir aussi pièce P-37, où l’on comprend qu’elle est impliquée dans le dossier de la DPJ, puisqu’elle fait le trait d’union entre Fortin et cet organisme, le 12 juillet, au lendemain de l’arrestation.

[88]    Lors de son interrogatoire préalable, elle a reconnu ne pas l’avoir fait depuis plusieurs années.

[89]    Pièce P-59, pages 49, 69 et 82. 

[90]    Pièce P-54, description de tâches.

[91]    Interrogatoire au préalable de Rémillard.

[92]    Il n’y a rien dans le témoignage de la directrice qui permette de croire qu’elle ait refusé quoi que ce soit que Fortin lui a demandé.

[93]    Rémillard reconnaît avoir proposé cette aide supplémentaire et confirme cette date à deux (2) reprises au moins, lors de son interrogatoire au préalable. Mais lors de l’audition, elle déclare que ce n’est que quelques semaines après le refus du 5 juin, qu’on l’a informée de la situation, et que ce n’est qu’à ce moment qu’elle a offert d’intervenir, ce que la preuve documentaire contredit en plus de son propre témoignage.

[94]    Les premières démarches au MELS, au Ministère de l’immigration et à l’ASFC, pour celles offertes.

[95]    Interrogée sur le temps de verbe utilisé, elle déclare qu’il ne s’agit que d’une simple erreur. Mais vu la suite des choses, ce temps de verbe n’est pas anodin, à notre avis. En effet, si le dossier devait être fermé, pourquoi ne l’a-t-il pas été dès qu’il lui a été demandé de le faire, en avril 2013, plutôt qu’à la fin juillet, plus de trois (3) mois plus tard? Et pourquoi avoir confirmé une opération au conditionnel, plus d’un (1) mois après que la décision ait été prise? Pourquoi avoir écrit à Newbold, le 24 juillet, pour lui dire « I will be closing my file », si tard dans le processus (pièce P-38)? Est-ce pour donner une apparence de légitimité aux interventions qu’elle a faites jusque-là? C’est ce que nous croyons qui a été le cas. À titre d’exemple, vers le 22 mai 2013, pièce P-26, deux (2) jours avant de lui écrire pour lui dire qu’elle fermerait son dossier, elle vient tout juste de réviser de nouveaux projets de procédures de Fortin. Sur ce sujet, elle tente de nous faire croire que son rôle a été bien minime et qu’elle n’aurait révisé que les conclusions de ces procédures, sans même lire les allégations qui y donnaient lieu. Pourtant, ces allégations parlent du rôle qu’elle a joué auprès de l’avocat Fortin. Elle reconnaît que c’est elle qui lui a suggéré l’avis de surveillance, page 167 de l’interrogatoire au préalable. Est-il vraisemblable que Fortin ne l’ait pas prévenue qu’il parlait d’elle dans ces procédures, avant de lui demander de les réviser ? Elle avoue ensuite qu’elle a « détruit » les courriels de transmission accompagnant « ces procédures ». Pourquoi? Cela nous permet de tirer une inférence négative de cette destruction, vu ses explications peu crédibles : il y avait probablement des instructions sur la feuille de transmission de ces procédures et celles-ci trahissaient probablement des faits qui n’étaient pas à l’avantage de L’ACQ. La page 149 de l’interrogatoire au préalable est pertinente sur ce sujet. Ces procédures, une fois corrigées, portent la date du 30 mai, et la juge Micheline Perrault rend jugement sur celles-ci le 4 juin et refuse d’ordonner la tenue d’une enquête policière, comme ordonnance de sauvegarde. Pièces P-26 à P-28. Enfin, alors qu’elle écrit à Newbold qu’elle fermera son dossier le 24 juillet, le lendemain, elle continue d’agir en demandant l’émission d’un avis de guet au nom de L’ACQ, comme si son dossier était encore ouvert. Puis elle continue de suivre le dossier pour obtenir des documents à y classer (copie du mandat d’arrestation). Voir pièce P-66, le 9 juillet. Voir aussi le 16 septembre 2013, pièce P-42. Le 17 octobre, elle envoie une nouvelle demande de renseignements au MELS en utilisant du papier entête de L’ACQ, le même que celui utilisé lors des trois (3) demandes précédentes, lorsque son dossier « administratif » était ouvert. Pourtant, son dossier est supposé être « administrativement » fermé depuis près de trois (3) mois, selon les inscriptions fournies. Pièce P-43. Lorsqu’elle reçoit la réponse du MELS, elle la transmet immédiatement à son amie Nicole qui en a besoin pour le suivi de son dossier criminel. Pièces P-44 et P-45. Puis le même scénario recommence, le 3 décembre, mais cette fois, à la demande de Fortin, à qui elle transmet le document obtenu du MELS. Pièces P-46 et P-47. Un nouveau signalement à la DPJ résulte de l’information que L’ACQ a transmise à l’avocat du père, au début décembre 2013, quatre (4) mois et demie (1/2) après la supposée fermeture du dossier. Pièce P-48. 

[96]    Voir pièce P-23, par. 38, où trois (3) décisions sont citées dans les procédures du père, le 22 mai 2013, soit les décisions du 15 juin 2012, du 13 décembre 2012 et du 14 janvier 2013, pour justifier la croyance du père que la mère est à Ville A, et Fortin allègue que son client est « absolutely certain that the above listed decisions involve defendant and his son […] », parce que L’ACQ l’a aidé à faire tous ces liens.

[97]    L’ACQ avait aussi des obligations légales, mais elles ne sont pas déontologiques.

[98]    Pages 207, 208, 209, 217 de l’interrogatoire au préalable

[99]    Pages 161 à 171, 207, 209, 218 et 238 de son interrogatoire au préalable. Devant la soussignée, elle laisse entendre que ce n’est pas grave de transmettre un jugement à l’ASFC, car il s’agit d’un jugement qui concerne un enlèvement d’enfant et elle dit « avoir oublié » d’imprimer le courriel échangé avec L’Heureux.

[100]   Nous référons à tout le moins à la Loi sur les archives RLRQ ch. A-21.1, art. 13.

[101]   Imperial Tobacco Canada ltée c. Conseil québécois sur le tabac et la santé, 2019 QCCA 358, par. 1137, 1256 et 1275.

[102]   Devant la soussignée, elle déclare qu’on lui a toujours dit que ces dossiers ne vont pas devant les tribunaux. Est-ce pour cela qu’elle les gère de cette manière, en les délestant des documents qui pourraient lui causer des ennuis?

[103]   Pages 130, 132, 173 à 181, 194 à 197 de l’interrogatoire au préalable.

[104]   Page 56 de son interrogatoire au préalable.

[105]   Elle a bien envoyé une demande d’information au MELS, mais elle n’a eu de contact autre que documentaire avec eux, à ce moment.

[106]   Ces notes sont sur le document transmis par Pichard confirmant le statut de la mère et l’enfant, après sa demande du 12 avril.

[107]   Pièce P-20. En l’espèce, le père était suffisamment « branché » pour que le gouvernement saoudien coupe l’électricité de l’usine appartenant à la demanderesse durant de nombreux mois, afin de la forcer à rentrer au pays pour régler ce problème et avoir une opportunité de lui mettre la main au collet. Il a aussi réussi à faire enlever son nom du Registre civil saoudien, comme mère de l’enfant des parties. Pièce P-10. Voir aussi pièce P-61, qui donne des détails très pertinents sur les relations entre le père de l’enfant et son pays.

[108]   Témoignage devant la soussignée, lors duquel elle a ajouté que les informations communiquées par Pichard lui ont confirmé qu’il ne s’agissait pas d’un cas d’article 10 de la Loi.

[109]   Frank Roncarelli et The Honorable Maurice Duplessis, [1959] R.C.S. 121, pages 141-143.

[110]   Béliveau St-Jacques v. Fédération des employées et employés de services publics inc., [1996] 2 R.C.S. 345, par. 120; R. c. Dyment, [1988] 2 R.C.S. 417, pages 426 à 430; Aubry c. Éditions Vice-Versa inc., [1998] 1 R.C.S. 591, par. 21; Godbout c. Longueuil (Ville), [1997] 3 R.C.S. 844, par. 65; Gazette (The) (Division Southam inc.) c. Valiquette, [1997] R.J.Q. 30, 1996 CanLII 6064 (QC CA), p. 10; Comité paritaire de l’industrie de la chemise c. Potash, [1994] 2 R.C.S. 406, pages 417-418.

[111]   À la page 90 de son interrogatoire au préalable, Rémillard avoue que le SPVM n’avait pas accès aux mêmes informations que L’ACQ.

[112]   La demande d’accès au MELS, du 8 juillet.

[113]   L’enfant décrit qu’il avait peur de retourner au bureau de la DPJ à la suite de la plainte de décembre 2013. Il dit ne pas avoir dormi, pas beaucoup mangé durant les jours précédant la visite, et au cours de celle-ci, comme il n’était pas dans la salle avec sa mère, il était très anxieux.

[114]   Genex communications inc, c. Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo, 2009 QCCA 2201, par. 108 à 123

[115]   Pièce P-32, une vérification auprès du MELS, en date du 8 juillet, quelques jours à peine avant l’arrestation du 11 juillet. Pièce P-33, la réponse reçue est transmise dès le lendemain, ce qui démontre une collaboration active de L’ACQ à l’enquête du SPVM, par l’utilisation des pouvoirs de la Loi, puisque le mandat d’arrestation est ensuite émis, le même jour. Pièce P-34. Dans la pièce P-26 la juge Perrault écrit que le père s’est fait remettre « des jugements » par l’Autorité centrale, et que son avocat est « très content ». Voir aussi les pièces P-29, P-63. La directrice admet avoir transmis plusieurs informations reçues dans le cadre de ses fonctions, telles que le résultat des vérifications au MELS, partagées avec Fortin et le SPVM, et le contenu de la discussion avec Pichard, sur le statut de Madame et son fils.

[116]   Les références sont dans la section sur les dispositions pertinentes.

[117]   Le PGQ invoque l’arrêt Ciment du Saint-Laurent inc. c. Barrette, précité note 63, par. 21, 32-34, 36 et Sarrazin c. Québec (Procureur général), 2010 QCCA 996, par. 26 à 33.

[118]   Ils invoquent la décision Succession de Hogue c. PGQ, 2018 QCCS 4993, par. 27; Voir aussi sur le sujet Jean-Pierre c. Benhachmi, 2018 QCCA 348 et Lapierre c. Sormany, 2006 QCCS 4190; Roy c. Mout, 2015 QCCA 692, par. 28.

[119]   L’expression consacrée par la jurisprudence, dans Clements c. Clements, [2012] 2 R.C.S. 181, par. 8 et 9 et reprise dans Jean-Pierre v. Benhachmi, précité note 118, par. 47 et 48.

[120]   Admis au paragraphe 65 de la défense modifiée.

[121]   Pages 190-191 de l’interrogatoire au préalable.

[122]   Montréal (Ville) c. Lonardi, 2018 CSC 29, précité note 86, par. 57, 72 et 81.

[123]   Dans ses notes et autorités, le PGQ reprend un passage de l’interrogatoire de Morin sur lequel il se fonde, pour faire la démonstration que le dossier était encore actif et prêt à être enquêté, lorsque Rémillard a fait son appel, le 5 juin. Ce passage contient du ouï-dire lorsqu’elle déclare que le dossier « était à un autre enquêteur à l’époque» et contredit le contenu du document produit. De plus, elle déclare du même coup ne pas se souvenir de la conversation entre elle et Rémillard, lors de cet appel. Voir page 17 des notes, par. 61.

[124]   Cette bonne collaboration s’infère aussi pour ses autres contacts, tel que la pièce P-19 « Bonjour Alfred », pièces P-15, P-29 et P-38 «Dear Martyn», «Nicole » par-ci et «Jeanne» par-là, comme dans la pièce P-31, le démontrent.

[125]   Pages 123, 171 et 172 de son interrogatoire au préalable.

[126]   Ce fait est contredit par des courriels  en lien avec l’avis de surveillance, en juillet.

[127]   Elle nous déclare d’ailleurs qu’elle le fait avec tous les coordonnateurs des organismes avec qui elle est en relation; cela est inquiétant.

[128]   La directrice reconnaît qu’elle a même partagé ces informations très sensibles avec des tiers, non impliqués dans le dossier, notamment, le 12 novembre 2013, lors d’une réunion de son groupe d’action, car le cas de Madame A « faisait  école » ce jour-là, pour l’éducation de son groupe d’entraide qui est supposé n’intervenir que dans des cas en « à l’intérieur de la Convention ».

[129]   Gauthier c. Beaumont, [1998] 2 R.C.S. 3, par. 106.

[130]   Elle le reconnaît lors de son témoignage devant la soussignée

[131]   Page 121 de l’interrogatoire au préalable, elle avoue ne pas avoir tenu compte des menaces de mort dont Pichard lui a parlées, dans sa décision d’enquêter.

[132]   C’est à tout le moins les représentations qu’il fait devant la juge Perrault, pages 10 à 13, où il est question d’être « hors Convention ». Il est aussi question du caractère « expéditif » des dispositions de la Loi, lorsqu’un pays signataire demande de l’aide, à la page 12, et du fait qu’il y a intervention d’urgence de la DPJ dans un tel cas, à la page 13. Et il qualifie la réception des décisions qu’il a reçues de L’ACQ de « pure chance », à la page 17, ce qui confirme qu’il sait très bien qu’il a eu un traitement de faveur, puisqu’il est maintenant certain que Madame et son fils sont à Ville A (page 20 de la pièce P-58). Il déclare à la juge qu’il a ajouté une ordonnance dans ses conclusions (la notification à l’ASFC), à la suite d’une « recommandation de l’Autorité centrale » (pièce P-58, page 23).

[133]   Sur les critères, voir Markarian c. Marchés mondiaux CIBC inc., 2006 QCCS 3314, par. 578 et 685; Brochu c. Agence du revenu du Québec, 2018 QCCS 722, par. 172 et 202; Agence du revenu du Québec, c. Groupe Enico inc., 2016 QCCA 76, par. 175 à 179, 188.

[134]   Pièce P-29.

[135]   En référence à la décision de la Commission du statut de réfugié, en 2011 et à notre évaluation.

[136]   Il parle de « wonderful relation » entre la mère et l’enfant, et vice-versa. Il décrit la mère comme étant « completely nerve wrecked » et qu’elle avait un « tremendous amount of fear as she told her story ». Elle avait très peur de perdre son fils et elle avait l’air « exhausted », car elle n’avait visiblement pas dormi lorsqu’il l’a rencontrée. Il décrit la « wave of relief » lors d’un bref accès supervisé par lui, le 19 juillet, où il a constaté les émotions suivantes de leur part : « mixture of emotions : joyfull, tearfulll, fearfull. » Il termine en disant que la séparation d’avec la mère était ce qui était pire que tout, pour l’enfant.

[137]   Pièces P-28 et P-29.

[138]   Il ne s’agit pas d’un préjudice « fugace », au sens de l’arrêt Cinar, précité notes 54 et 83, par.115.

[139]   Lizotte c. RBC Dominion valeurs mobilières inc, [1999] R.J.Q. 2877, précité note 47, p. 90; Valiquette, précité note 110; Malhab c Métromédia C.B.R. Montréal inc., [2003] R.J.Q. 1011, p.1020.

[140]   Le 11 et le 22 juillet 2013.

[141]   Pièce P-41, rapport de la DPJ. La demanderesse raconte qu’elle était en cellule avec une femme accusée d’avoir tué son frère et qu’elle était apeurée.

[142]   La jurisprudence invoquée par la mère, et citée dans le résumé de la section du jugement résumant sa position, était pertinente. Nous nous en sommes inspirés pour conclure aux atteintes au droit à la sécurité de ces deux (2)  personnes.

[143]  La jurisprudence déposée fait état de montants de 1 000 $ et de 5 000 $, au maximum. Voir Wellman c. Québec (Ministère de la sécurité du revenu-secrétariat), [2002] AZ-50140449 et  St-Amant c. Meubles Morigeau ltée, 2006 QCCS 2482. Dans Courtemanche c. Poisson, 2004 CanLII 19943 (C.S.), 30 000$ ont été accordés pour des violations à la vie privée qui se sont déroulées durant quatre-vingt-quatre (84) mois.

[144]   Il faut ici noter que les défendeurs, dans leur acte de défense, s’en remettent souvent auxdits documents. Or, ce qu’ils en extraient dans le texte précédant ces références est souvent en contradiction avec le contenu de ces pièces.

[145]   Québec (Curateur public) c. Syndicat national des employés de l’Hôpital St-Ferdinand, [1996] 3 R.C. S. 211, par. 121. La directrice ne pouvait pas ne pas savoir qu’en posant les gestes fautifs, elle allait nécessairement enfreindre les droits fondamentaux de la demanderesse et de son fils, ou qu’il était extrêmement probable que c’est ce qui en résulterait.

[146]   Le but de dissuasion, de transmission de la réprobation des tribunaux est ce que qui est recherché par les dommages punitifs. Voir De Montigny, précité note 52, par. 47, 51 à 53 (sur la fonction rétributive, utilitariste et déclaratoire de ces dommages); Jean-Pierre c. Benhachmi, 2018 QCCA 348, précité note 118 et 119, par. 61; Cinar, précité notes 54, 83 et 138, par. 138.                             

[147]   Aux pages 41 à 44 de son interrogatoire au préalable, la directrice fait la démonstration qu’il n’existe aucun encadrement, aucunes lignes directrices ou « directives » pour l’aider dans l’exécution de sa fonction. Mais il existe un Guide sur les bonnes pratiques, dont elle décrit l’utilité ainsi : « C’est pour les nouveaux États qui n’ont pas encore d’Autorité de créée, c’est juste des suggestions. » Lorsqu’on lui demande à quand remonte sa dernière consultation de ce guide, elle répond : «Il y a longtemps ».

[148]   Gauthier c. Beaumont, précité, note 129.

[149]   Dans Commission de la construction du Québec c. Veillette, 2009 QCCA 2160, la Cour d’appel a retenu le fait que l’auteur de la violation était un corps public pour accorder un quantum de dommages plus important, et un montant de 10 000 $ de dommages punitifs a été maintenu.

[150]   À la page 222 de son interrogatoire au préalable, Rémillard déclare qu’elle serait prête à agir de nouveau de la même manière.

[151]   Pour plus de détails sur le jugement rendu sur l’opposition aux modifications, qui a été rejetée voir A c. Procureure générale du Québec, 2019 QCCS 5960.

 

[152]   Syndic de Montréal c'est électrique c. Ville de Montréal, 2018 QCCS 5258, par. 57; Havre des femmes, précité, note 74, p. 13; Métromédia CMR Montréal inc. c. Johnson, 2006 QCCA 132, par. 107.

[153]   Nous avons invoqué l’article 268 C.p.c.

[154]   Ils n’obéissent pas à la logique compensatoire du régime de responsabilité civile. Voir Montréal (Ville) c. Lonardi, précité notes 86 et 122, par. 80.

[155]   Précité notes 129 et 148. Voir aussi Lapierre c. Sormany, 2012 QCCS 4190, précité note 118, par. 93 à 95.

[156]   En vertu de l’article 2925 C.c.Q., pour les réclamations personnelles.

[157]   Précité notes 52 et 146.

[158]   Bédard c. Pinard, 2016 QCCS 2998, par. 44, 45.

[159]   Léger c. Maheux, 2016 QCCS 1577.

[160]   Ciment du Saint-Laurent inc. C. Barrette, précité, notes 63 et 117.

[161]   Digital shape technologies inc., c. Walker, 2017 QCCA 1341, par. 29.

[162]   Rocois Construction Inc. c. Québec Ready Mix Inc., [1990] 2 R.C.S. 440, par. 225.

[163]   Jumbo motors Express Ltee c. François Nilon ltée, [1985] 1 R.C.S. 423, p. 434; ABB Inc. c. Domtar Inc., 2007 3 R.C.S. 461, par. 95 et 97.

[164]   L’auteure Céline Gervais, aujourd’hui juge à la Cour Québec, dans son traité sur la prescription, simplifie ainsi ces deux concepts.

[165]   Mais il existe aussi diverses lois qui prévoient que des dommages punitifs peuvent être réclamés, dans certaines circonstances, comme dans la Loi sur les arbres, à titre d’exemple.

[166]   Genex communications inc, c. Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo, 2009 QCCA 2201, précité note 114. 

[167]   D’Anjou c. Thibault, REJB 2001-23912 (C.A.), par. 30.

[168]   Beaulieu c. Gaudet, [1986] RDJ 313, par. 6; Celluland Canada Inc. c. Rogers Wireless Inc., 2008 QCCS 2189, par. 59 à 63.

[169]   Il ne s’agit pas en l’espèce d’un cas « d’aventure commune », au sens de l’arrêt Montréal (Ville) c. Lonardi de la Cour suprême, précité notes 86, 122 et 154, par. 19, 57, 61, 65, 72 et 74.

[170]   Les conclusions sont en anglais car lors de la lecture du jugement, le Tribunal voulait s’assurer que la demanderesse comprenne le résultat du jugement, car elle était présente.

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