Décision

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Gabarit de jugement pour la cour d'appel

Chambre des notaires du Québec c. Compagnie d'assurances FCT ltée

2018 QCCA 1362

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

N° :

500-09-027033-174

(500-17-064726-113)

 

DATE :

28 août 2018

 

 

CORAM :

LES HONORABLES

MARK SCHRAGER, J.C.A.

ROBERT M. MAINVILLE, J.C.A.

SUZANNE GAGNÉ, J.C.A.

 

 

CHAMBRE DES NOTAIRES DU QUÉBEC

APPELANTE / INTIMÉE INCIDENTE — demanderesse/défenderesse reconventionnelle

et

 

BARREAU DU QUÉBEC

APPELANT / INTIMÉ INCIDENT — demandeur

c.

 

COMPAGNIE D’ASSURANCES FCT LTÉE

COMPAGNIE DE TITRES FIRST CANADIAN LIMITÉE

INTIMÉES / APPELANTES INCIDENTES — défenderesses

et

 

COMPAGNIE D’ASSURANCE TITRES CHICAGO

COMPAGNIE FNF CANADA

INTIMÉES — défenderesses/demanderesses reconventionnelles

et

 

OFFICE DES PROFESSIONS DU QUÉBEC

STÉPHANIE VALLÉE, ès qualités de ministre de la Justice

PIERRE ARCAND, ès qualités de ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

OFFICIER DE LA PUBLICITÉ FONCIÈRE

ORDRE DES ARPENTEURS-GÉOMÈTRES

MIS EN CAUSE — mis en cause

 

ARRÊT

 

 

[1]           La Chambre des notaires du Québec (la « Chambre des notaires ») et le Barreau du Québec (le « Barreau ») (collectivement les « Appelants ») se pourvoient en appel d’un jugement du 24 juillet 2017 de la Cour supérieure, district de Montréal (l’honorable Chantal Chatelain) (2017 QCCS 3388), rejetant leur demande pour un jugement déclaratoire et une injonction permanente visant les centres de traitement de prêts hypothécaires des sociétés intimées, soit, d’une part, la Compagnie d’assurances FCT Ltée et la Compagnie de titres First Canadian Limitée (collectivement désignées le « Groupe FCT ») et, d’autre part, la Compagnie d’assurance titres Chicago et la Compagnie FNF Canada (collectivement désignées « Groupe Chicago »).

[2]           Lors d’un refinancement hypothécaire, plusieurs institutions financières exigent une assurance couvrant la validité des titres de propriété sur l’immeuble hypothéqué et visant à compenser les pertes qu’elles subiraient en cas de vice de titres ou si l’hypothèque n’est pas opposable aux titres. Ces polices d’assurance titres sont apparues aux États-Unis et se sont étendues au Canada. Elles pénètrent le marché au Québec au cours des années 1990. L’auteur François Brochu décrit comme suit l’assurance titre[1] :

Exception faite de deux textes publiés en 1957 et 1974, ce n’est que récemment que l’assurance-titre a commencé à faire parler d’elle au Québec. Création américaine, cette forme d’assurance a pris naissance en 1876, à Philadelphie, afin de protéger les acquéreurs contre les pertes ou les dommages pouvant résulter de vices de titres. Elle est aujourd’hui présente dans tous les états américains sauf l’Iowa, ainsi que dans un nombre croissant de pays, dont le Canada et l’Australie. Contrairement aux autres types d’assurance qui protègent habituellement les preneurs contre les risques découlant d’évènements futurs, l’assurance-titre indemnise l’assuré des pertes financières qui résultent de la présence de vices de titres existant déjà au moment de la souscription de la police. En d’autres mots, l’assureur s’engage à corriger les vices des titres actuels du preneur et à régler les problèmes de conformité, comme ceux tirant leur origine d’un empiétement, dans la mesure où ces irrégularités sont dénoncées par un tiers pendant la durée de la police. L’assureur prend en charge les honoraires et les déboursés nécessaires pour défendre le titre de l’assuré sans égard à la faute. L’assurance-titre se distingue donc de l’assurance de dommage « classique » du fait que l’assuré ne verse qu’une seule prime pour être protégé contre les conséquences d’évènements passés qui pourraient toucher son immeuble pendant qu’il demeure propriétaire. Au Canada, l’assurance-titre est offerte par quelques sociétés dont le siège se trouve aux États-Unis, ainsi que par le Barreau ontarien.

[Renvois omis]

[3]           Parmi les sociétés qui émettent de telles polices au Québec on retrouve le Groupe Chicago et le Groupe FCT. Ces sociétés ne se contentent pas d’œuvrer dans le domaine de l’assurance. Lorsqu’une institution financière prêteuse exige la souscription d’une assurance titres dans le cadre d’un refinancement hypothécaire, elles offrent aussi à celle-ci des services de gestion des prêts hypothécaires.

[4]           Ce sont ces services de gestion de dossiers qui indisposent les appelants. Ils reprochent au Groupe FCT et au Groupe Chicago de poser ainsi des actes qui sont du ressort exclusif des notaires et des avocats.

[5]           Le reproche principal porte sur la préparation des actes d’hypothèques, des actes de subrogation hypothécaires, ainsi que des quittances et des quittances subrogatoires. La Chambre des notaires et le Barreau soutiennent aussi que les centres de gestion de dossiers de prêts hypothécaires font de la vérification des titres de propriété, donnent des avis et consultations d’ordre juridique et, de façon plus générale, contrôlent l’entièreté du processus portant sur la préparation et la rédaction des actes juridiques servant à garantir les prêts de refinancements hypothécaires.

[6]           Le Groupe FCT se pourvoit aussi en appel incident. Il réclame 50 000 $ de la Chambre des notaires comme sanction en vertu de l’article 342 du Code de procédure civile (« C.p.c. ») pour ce qu’il soutient être des manquements importants dans le déroulement de l’instance.

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

[7]           Pour mieux comprendre le litige, il y a lieu de reproduire d’emblée les principales dispositions législatives pertinentes.

[8]           Le Code civil du Québec :

 

1655. La subrogation consentie par le débiteur ne peut l’être qu’au profit de son prêteur et elle s’opère sans le consentement du créancier.

 

Il faut, pour que cette subrogation soit valable, que l’acte de prêt et la quittance soient faits par acte notarié en minute ou par acte sous seing privé établi en présence de deux témoins qui le signent. En outre, il doit être déclaré, dans l’acte de prêt, que l’emprunt est fait pour acquitter la dette, et, dans la quittance, que le paiement est fait à même l’emprunt.

 

 

 

2693. L’hypothèque immobilière doit, à peine de nullité absolue, être constituée par acte notarié en minute.

 

2694. L’hypothèque immobilière n’est valable qu’autant que l’acte constitutif désigne de façon précise le bien hypothéqué.

1655. Subrogation may not be made by a debtor in favour of anyone except his lender and it takes effect without the consent of the creditor.

 

In order for subrogation to be valid in this case, the loan instrument and the acquittance shall each be made in the form of a notarial act en minute or by a private writing drawn up before two witnesses who sign it. In addition, a statement shall be made in the loan instrument that the loan is granted for the purpose of paying the debt, and, in the acquittance, that the debt is paid out of the loan.

 

2693. An immovable hypothec must, on pain of absolute nullity, be granted by notarial act en minute.

 

2694. An immovable hypothec is valid only so far as the constituting act describes in a precise manner the hypothecated property.

2813. L’acte authentique est celui qui a été reçu ou attesté par un officier public compétent selon les lois du Québec ou du Canada, avec les formalités requises par la loi.

 

 

L’acte dont l’apparence matérielle respecte ces exigences est présumé authentique.

 

2813. An authentic act is one that has been received or attested by a competent public officer in accordance with the laws of Québec or of Canada, with the formalities required by law.

 

An act whose material appearance satisfies such requirements is presumed to be authentic.

 

2814. Sont authentiques, notamment les documents suivants, s’ils respectent les exigences de la loi:

[…]

 

 L’acte notarié;

[…]

 

2814. The following documents in particular are authentic if they conform to the requirements of the law:

(…)

 

(6)  notarial acts;

[…]

2818. Les énonciations, dans l’acte authentique, des faits que l’officier public avait mission de constater ou d’inscrire, font preuve à l’égard de tous.

2818. The recital, in an authentic act, of the facts which the public officer had the task of observing or recording makes proof against all persons.

2819. L’acte notarié, pour être authentique, doit être signé par toutes les parties; il fait alors preuve, à l’égard de tous, de l’acte juridique qu’il renferme et des déclarations des parties qui s’y rapportent directement.

 

 

[…]

2819. To be authentic, a notarial act shall be signed by all the parties; it then makes proof against all persons of the juridical act which it sets forth and of those declarations of the parties which directly relate to the act.

 

(…)

2988. Le notaire qui reçoit un acte donnant lieu à l’inscription ou à la suppression d’un droit sur le registre foncier, ou à la réduction d’une inscription, atteste, par sa seule signature, qu’il a vérifié l’identité, la qualité et la capacité des parties, et que le document traduit la volonté exprimée par elles.

2988. A notary who executes an act giving rise to the registration of a right in or the removal of a right from the land register, or the reduction of an entry, certifies, merely by signing the document, that he has verified the identity, quality and capacity of the parties, and that the document represents the will expressed by the parties.

2991. L’acte sous seing privé donnant lieu à l’inscription ou à la suppression d’un droit sur le registre foncier, ou à la réduction d’une inscription, doit indiquer la date et le lieu où il a été dressé; il y est joint l’attestation par un notaire ou un avocat qu’il a vérifié l’identité, la qualité et la capacité des parties, la validité de l’acte quant à sa forme et que le document traduit la volonté exprimée par les parties.

2991. A private writing giving rise to the registration of a right in or the removal of a right from the land register, or the reduction of an entry, must indicate the date and place it is drawn up and be accompanied by a certificate of a notary or advocate certifying that he has verified the identity, quality and capacity of the parties and the validity of the act as to form, and that the document represents the will expressed by the parties.

 

[9]           La Loi sur le notariat[2] :

10. Le notaire est un officier public et collabore à l’administration de la justice. Il est également un conseiller juridique.

 

En sa qualité d’officier public, le notaire a pour mission de recevoir les actes auxquels les parties doivent ou veulent faire donner le caractère d’authenticité qui s’attache aux actes de l’autorité publique, d’en assurer la date et, s’il s’agit d’actes reçus en minute, d’en conserver le dépôt dans un greffe et d’en donner communication en délivrant des copies ou extraits de ces actes.

 

10. A notary is a public officer and takes part in the administration of justice. A notary is also a legal adviser.

 

The mission of a notary, in his or her capacity as a public officer, is to execute acts which the parties wish or are required to endow with the authenticity attaching to acts of public authority, to provide such acts with a fixed date, and to keep all acts executed en minute in his or her notarial records and issue copies of or extracts from them.

 

11. Dans le cadre de sa mission d’officier public, le notaire a le devoir d’agir avec impartialité et de conseiller toutes les parties à un acte auquel elles doivent ou veulent faire donner le caractère d’authenticité.

 

11. In his or her role as a public officer, a notary is duty-bound to act impartially and to advise all parties to an act which the parties wish or are required to endow with authenticity.

15. Sous réserve des dispositions de l’article 16, nul autre qu’un notaire ne peut, pour le compte d’autrui:

 

1°  recevoir les actes qui, suivant le Code civil ou une autre loi, doivent être reçus sous forme notariée;

 

2°  dresser des actes sous seing privé se rapportant à des immeubles et requérant leur inscription au registre foncier ou la radiation d’une telle inscription;

[…]

 

 donner des avis ou des consultations d’ordre juridique;

[…]

 

 représenter des clients dans toute procédure non contentieuse, préparer, rédiger ou présenter pour ceux-ci les demandes s’y rapportant de même que les demandes non contestées […] en inscription sur le registre foncier […] ou en rectification, en réduction ou en radiation d’une inscription sur l’un ou l’autre de ces registres […]

15. Subject to the provisions of section 16, no person other than a notary may, on behalf of another person,

 

(1)  execute acts which, under the Civil Code or any other legislative provisions, require execution in notarial form;

 

(2)  draw up acts under private signature relating to immovables and requiring registration in the land register or the cancellation of such registration;

 

(…)

 

(5)  give legal advice or opinions;

 

(…)

(7)  represent clients in any non-contentious proceeding, prepare, draw up or present any related application on their behalf or uncontested applications […] for registration in the land register […] or the correction, reduction or cancellation of a registration in either of those registers (…).

 

 

 

16. Aucune des dispositions de l’article 15 ne doit être interprétée comme limitant ou restreignant:

[…]

 

2°  les droits conférés aux avocats par la Loi sur le Barreau (chapitre B-1);

[…]

16. No provision of section 15 may be interpreted as limiting or restricting

(…)

 

(2)  the rights conferred upon advocates by the Act respecting the Barreau du Québec (chapter B-1);

31. Nul ne peut, contrairement aux dispositions de la présente loi, poser un acte ou utiliser un titre réservé au notaire s’il n’est membre de l’Ordre.

31. No person may, in contravention of the provisions of this Act, perform an act or use a title reserved for notaries unless the person is a member of the Order.

34. Un acte notarié est reçu en minute ou en brevet.

34. A notarial act is executed en minute or en brevet.

35. L’acte en minute est celui que le notaire doit verser dans un greffe pour qu’il y soit conservé et qu’il en soit délivré des copies ou des extraits authentiques.

[…]

35. An act en minute is an act that a notary must deposit and preserve in his or her notarial records, and from which authentic copies or extracts may be issued.

(…)

38. L’acte en brevet est celui que le notaire reçoit en original simple ou multiple et qu’il peut remettre aux parties. Aucune copie ou extrait authentique ne peut en être délivré.

 

Peuvent être reçus en brevet les procurations, autorisations, quittances et autres actes simples.

 

38. An act en brevet is an act, in the form of one or more originals, that a notary executes and may deliver to the parties. No authentic copy of or extract from an act en brevet may be issued.

 

Powers of attorney, authorizations, acquittances and other ordinary acts may be executed en brevet.

 

43. Le notaire doit, par tout moyen raisonnable, vérifier l’identité, la qualité et la capacité des parties à un acte notarié dont il reçoit la signature.

 

Lorsque, en application du deuxième alinéa de l’article 50, la signature de l’une des parties est reçue par un autre notaire que le notaire instrumentant, il appartient à cet autre notaire de vérifier l’identité, la qualité et la capacité de la partie concernée.

 

43. A notary shall, by all reasonable means, verify the identity, quality and capacity of each party to a notarial act to be signed before the notary.

 

Where one of the parties signs before a notary other than the officiating notary pursuant to the second paragraph of section 50, it is incumbent upon that other notary to verify the identity, quality and capacity of the party concerned.

50. L’acte notarié est clos par la signature des parties et des témoins requis suivant le cas, en présence du notaire instrumentant et par la signature de ce dernier, qui doit être apposée le même jour et au même lieu où la dernière des parties à signer l’a fait.

 

La signature de toute partie à un acte notarié peut être donnée en présence d’un autre notaire que le notaire instrumentant pourvu que ce dernier reçoive la dernière signature; […] Dans ces cas, après signature de la partie et immédiatement au-dessous, le notaire qui l’a reçue doit inscrire et signer une attestation de la réception de cette signature devant lui et de la date à laquelle elle a été reçue.

 

[…]

50. A notarial act shall be closed by the signatures affixed in the presence of the officiating notary by the parties and the witnesses required in the matter, and by the signature of the officiating notary, which must be affixed on the day and at the place of signing by the last of the parties to do so.

 

Any party to a notarial act may sign it in the presence of a notary other than the officiating notary, provided that the last signature is affixed before the officiating notary. […] In such cases, after the party signs, the notary must enter and sign an attestation, immediately below the party’s signature, that the signature was affixed before him or her, indicating the date on which it was affixed.

 

(…)

51. L’acte notarié doit, avant signature, être lu à haute voix à chacune des parties par le notaire ou par un tiers commis par lui. Cette lecture n’est pas requise à l’égard des parties qui ont elles-mêmes lu l’acte ou lorsque les parties ont déclaré au notaire en avoir pris connaissance et en ont exempté ce dernier. Mention de ces déclarations et de cette exemption doit être faite dans l’acte, avant les signatures.

 

La mention «lecture faite» dans l’acte est une présomption simple que l’acte a été lu conformément aux dispositions de la présente loi.

 

51. Before it is signed, a notarial act must be read aloud to each of the parties by the notary or by a third person appointed by the notary. The act need not be read to parties who have themselves read the act or where the parties declare to the notary that they have taken cognizance of it and exempt the notary from reading it. Mention of the declarations and exemption must be made in the act, above the signatures.

 

The inclusion in the act of the words “After due reading hereof” constitutes a simple presumption that the act has been read in accordance with the provisions of this Act.

52. L’acte notarié spécifie: la date de l’acte, le nom, la qualité officielle et le lieu du domicile professionnel du notaire qui le reçoit, le nom, la qualité et l’adresse des parties, avec désignation des procurations ou mandats produits; la présence, le nom, la qualité et l’adresse des témoins requis; le lieu où l’acte est reçu; le numéro de la minute attribué à l’acte, le greffe où l’acte sera versé; le fait que l’acte est reçu en brevet, si tel est le cas; la lecture de l’acte ou, le cas échéant, la mention exigée dans les cas prévus à l’article 51.

52. A notarial act shall specify the date of the act, the name, official quality and place of the professional domicile of the notary who executes the act, the name, quality and address of each party and a designation of the powers of attorney or mandates produced, the presence, name, quality and address of any witness required, the place where the act is executed, the number of the minute given to the act, the notarial records in which the act will be deposited or the fact that the act is executed en brevet, and the fact that the act has been read or, where applicable, the mention required by section 51.

 

53. L’acte notarié doit contenir la signature des parties ou leur déclaration qu’elles ne peuvent signer, la signature des témoins et la signature officielle du ou des notaires.

 

 

La signature officielle de tout notaire, autre que le notaire instrumentant, qui reçoit la signature d’une des parties, constitue une désignation suffisante.

 

Lorsqu’une partie a signé un acte notarié en présence d’un notaire autre que le notaire instrumentant et que le notaire y a inscrit et signé l’attestation conformément au deuxième alinéa de l’article 50, elle est réputée avoir comparu devant le notaire instrumentant pour les fins de cet acte.

53. A notarial act must contain the signatures of the parties or their declaration that they are unable to sign, the signatures of the witnesses and the official signature of the notary or notaries.

 

The official signature of any notary, other than the officiating notary, before whom a party signs shall constitute a sufficient designation.

 

 

Where a party signs a notarial act in the presence of a notary other than the officiating notary, and the notary signs an attestation entered in the act pursuant to the second paragraph of section 50, the party is deemed for the purposes of the act to have appeared before the officiating notary.

 

[10]        La Loi sur le Barreau[3] :

 

128. 1.  Sont du ressort exclusif de l’avocat en exercice ou du conseiller en loi les actes suivants exécutés pour le compte d’autrui:

 

a)  donner des consultations et avis d’ordre juridique;

[…]

 

2.  Sont du ressort exclusif de l’avocat en exercice et non du conseiller en loi les actes suivants exécutés pour le compte d’autrui:

[…]

 

b)  préparer et rédiger un testament, un codicille ou une quittance et tout contrat ou document, sauf les baux, affectant des immeubles et requérant l’inscription ou la radiation d’une inscription au Québec;

[…]

 

128. (1)  The following acts, performed for others, shall be the exclusive prerogative of the practising advocate or solicitor:

 

(a)  to give legal advice and consultations on legal matters;

(…)

 

(2)  The following acts, performed for others, shall be the exclusive prerogative of the practising advocate and not of the solicitor:

(…)

(b)  to prepare and draw up a will or codicil or a discharge or any contract or document, except leases, affecting immovable property and requiring registration or cancellation of a registration in Québec;

 

(…)

129. Aucune des dispositions de l’article 128 ne limite ou restreint:

[…]

 

e)  le droit du notaire en exercice de poser les actes qui y sont énumérés […].

129. None of the provisions of section 128 shall limit or restrict: (…)

 

(e)  the right of a practising notary to perform the acts therein set forth (…).

133. Exerce illégalement la profession d’avocat au sens de l’article 132 et dans chacun des cas suivants, toute personne autre qu’un membre du Barreau qui:

a) usurpe les fonctions d’avocat;

 

b) en fait ou prétend en faire les actes;

 

c)  agit de manière à donner lieu de croire qu’elle est autorisée à remplir les fonctions d’avocat ou à en faire les actes.

 

133. Any person other than a member of the Bar practises the profession of advocate illegally within the meaning of section 132 and in each of the following cases, who:

(a)  usurps the functions of an advocate;

 

(b)  acts or claims to act as such;

(c)  acts in such manner as to lead to the belief that he is authorized to fulfil the functions of or to act as an advocate.

135. Est présumée usurper les fonctions d’avocat au sens de l’article 133 une personne autre qu’un membre du Barreau, agissant comme intermédiaire entre une tierce personne et un avocat, qui:

 

a)  fait ou promet, ou fait faire ou promettre à une tierce personne une réduction des frais de cet avocat, ou

 

b)  obtient d’un avocat qu’il abandonne une partie de ses frais, ou

 

c)  procure, promet ou convient de procurer à cette tierce personne des services professionnels, sans aucune responsabilité de sa part envers l’avocat pour ses frais, […]

[…]

135. Any person other than a member of the Bar who acts as intermediary between a third person and an advocate shall be presumed to usurp the functions of an advocate within the meaning of section 133, who:

 

(a)  makes or promises or causes to be made or promised to a third person any reduction in the charges of such advocate, or

 

(b)  persuades an advocate to forego any part of his charges, or

 

(c)  procures, promises or agrees to procure for such third person professional services, without any liability on his part towards the advocate for his charges […],

 

(…)

 

LE JUGEMENT DE PREMIÈRE INSTANCE

 

[11]        À la suite d’une longue analyse, la juge de première instance conclut que les actes reprochés au Groupe Chicago et au Groupe FCT ne sont pas réservés aux notaires et aux avocats.

[12]        La juge décrit en détail les services offerts par le Groupe Chicago et le Groupe FCT. Puisqu’il s’agit de conclusions de fait qui sont au cœur des questions de droit en litige, il y a lieu de reproduire in extenso cette description, ce qui permet aussi de mieux comprendre le contexte du dossier[4] :

 

[45]      Voici ce que le Tribunal retient de la preuve quant au cheminement typique des dossiers chez chacune des compagnies d'assurance titres.

 

1. Groupe Chicago

[46]      Me Nathalie Dragon, notaire, est employée de [Compagnie] FNF [Canada]. Elle supervise les opérations relatives aux dossiers de refinancements hypothécaires auprès de Groupe Chicago. Deux à cinq techniciens juridiques l'assistent pour ce travail.

[47]      Me Dragon explique le cheminement d'un dossier lorsqu'une institution prêteuse fait appel à Groupe Chicago pour l'obtention d'une assurance titres et la fourniture des services connexes dans le cas d'un refinancement impliquant la constitution d'un acte d'hypothèque :

a) l'institution prêteuse et l'emprunteur négocient ensemble les conditions et modalités du prêt, et ce, à l'exclusion totale de Groupe Chicago;

b) une fois la demande de refinancement approuvée par l'institution prêteuse, cette dernière fait une demande pour l'émission d'une police d'assurance titres et la fourniture des services connexes qui inclut la préparation et le traitement du dossier;

c) l'institution prêteuse transmet par voie informatique, sur un portail ou une plate-forme informatique dédiée à cette fin, toute l'information requise pour traiter le dossier, notamment :

·                     ses instructions;

·                     le gabarit de l'acte de prêt hypothécaire qu'elle souhaite utiliser, lequel est en principe identique à celui également disponible sur le site Internet de la CNQ [la Chambre des notaires du Québec]; 

·                     les renseignements relatifs à la désignation des parties (noms, adresses, etc.);

·                     l'état matrimonial de l'emprunteur;

·                     la désignation de la propriété visée; et

·                     le montant du prêt et les conditions afférentes, dont le taux d'intérêt, les modalités de remboursement, le paiement des taxes et les pénalités en cas de défaut.

d) Groupe Chicago valide l'information transmise par l'institution prêteuse. À cet égard, elle peut corriger une information relative à la désignation cadastrale de l'immeuble si la désignation transmise par l'institution prêteuse est incomplète ou comporte une erreur. Si requis, Groupe Chicago peut aussi communiquer avec l'emprunteur pour vérifier ou compléter les renseignements nominatifs le concernant, dont son état matrimonial;

e) Groupe Chicago effectue une vérification des charges existantes sur la propriété et une vérification sommaire du titre de propriété. Elle avise l'institution prêteuse si elle décèle une difficulté limitant la possibilité de souscrire la police d'assurance titres et l'informe des moyens pour pallier cette difficulté, le cas échéant;

f) si les critères de souscription de l'assurance titres sont satisfaits, Groupe Chicago confirme l'émission de la police d'assurance;

g) Groupe Chicago génère le projet d'acte d'hypothèque en fusionnant de façon automatisée le formulaire standard d'hypothèque et les renseignements liés à la transaction précédemment transmis par voie informatique par l'institution prêteuse;

h) Groupe Chicago transmet ensuite par voie informatique le dossier à un notaire externe qui devra compléter les formalités requises et instrumentaliser l'acte. Le notaire prend possession de ses instructions et des documents par l'entremise de la plate-forme informatique;

i) de façon exceptionnelle, soit dans moins de 5 % des cas, en plus du notaire instrumentant, Groupe Chicago fait appel à un notaire délégué pour recevoir la signature de l'emprunteur;

j) le notaire instrumentant reçoit les documents suivants de Groupe Chicago par l'entremise de sa plate-forme informatique :

·         le mandat au notaire;

·         le formulaire d'acte d'hypothèque de l'institution prêteuse dans lequel les blancs ont été préremplis de façon automatisée par Groupe Chicago;

·         le relevé d'hypothèque (état de compte transmis par le prêteur);

·         l'extrait pertinent de l'index aux immeubles;

·         une note de service à l'attention des emprunteurs qui explique l'implication de Groupe Chicago dans le processus; et

·         le cas échéant, une délégation de signature, permettant à un employé du notaire de signer l'acte d'hypothèque pour et au nom du prêteur;

k) le notaire instrumentant reçoit un mandat limité : il n'a pas à effectuer une vérification des titres, à analyser le fonds de l'acte, ou à procéder à la radiation des charges hypothécaires antérieures grevant la propriété;

l) les déboursements hypothécaires (c'est-à-dire le transfert des fonds destinés aux créanciers hypothécaires ou à l'emprunteur) ne transitent pas par le compte en fidéicommis du notaire, Groupe Chicago se chargeant généralement d'aviser le prêteur de procéder aux déboursements requis, le cas échéant, une fois l'acte hypothécaire signé;

m) le notaire procède ensuite à l'instrumentalisation de l'hypothèque. À la suite de l'approbation de Groupe Chicago, il est autorisé à modifier l'acte notamment pour rectifier la désignation de l'immeuble et l'information relative aux parties ou à l'état civil de l'emprunteur, mais ce, uniquement si les modifications n'altèrent pas les conditions stipulées par le prêteur; et

n) en dernier lieu, le notaire instrumentant procède à la publication de l'acte d'hypothèque et transmet copie des documents pertinents à Groupe Chicago qui finalise le dossier avec l'institution prêteuse.

[48]      Quant à l'obtention des quittances et à la radiation des hypothèques antérieures affectant la propriété, Groupe Chicago génère de façon automatisée l'acte de radiation, et ce, en fusionnant un formulaire standard et l'information transmise par l'institution prêteuse.

[49]      Ensuite, l'institution qui donne la quittance ou une personne qui détient une procuration à cette fin signe l'acte de radiation. L'acte est par la suite transmis à un notaire externe pour fins d'attestation des signatures et de publication au registre foncier.

[50]      Lorsque la publication au registre foncier est confirmée, le notaire externe transmet une copie de l'acte de radiation et la preuve de publication à Groupe Chicago.

[51]      Quant aux dossiers de refinancement impliquant un acte de prêt subrogatoire et une quittance subrogatoire, le cheminement du dossier diffère sensiblement. L'acte de prêt subrogatoire implique le transfert d'une hypothèque d'une institution prêteuse à une autre, sans augmentation du montant de la garantie et sans la nécessité de constituer une nouvelle hypothèque.

[52]      En ce qui a trait à l'acte de prêt subrogatoire, les étapes du cheminement du dossier sont les suivantes :

a) l'acte de prêt subrogatoire est généré de la même façon que l'acte d'hypothèque, à savoir par la fusion automatisée du formulaire standard de l'acte de prêt subrogatoire fourni par l'institution prêteuse et de l'information saisie par l'institution prêteuse dans la plate-forme informatique de Groupe Chicago;

b) avant la fusion, Groupe Chicago valide l'information saisie par l'institution prêteuse quant à sa forme et son contenu;

c) une fois l'acte de prêt subrogatoire généré et imprimé, l'acte est transmis à un notaire externe afin qu'il procède à l'attestation de la signature de l'emprunteur;

d) l'acte est ensuite retourné chez Groupe Chicago, lequel le renvoie à un notaire externe instrumentant afin qu'il atteste la dernière signature, soit celle du prêteur. C'est un employé de Groupe Chicago qui signe pour et au nom du prêteur en vertu d'une procuration à cette fin du prêteur;

e) le notaire externe instrumentant voit à la clôture de l'acte (réception en minute) et le retourne à Groupe Chicago pour fins de publication; et

f) Groupe Chicago procède ensuite à la publication de l'acte de prêt subrogatoire avec la quittance subrogatoire.

[53]      Quant à la quittance subrogatoire, elle n'est pas notariée, mais plutôt établie sous seing privé devant témoin. Dans ces cas, Me Dragon veille à la préparation de la quittance et le dossier chemine selon les étapes suivantes :

a) l'acte de quittance subrogatoire est généré de la même façon que l'acte de subrogation, à savoir à la suite de la fusion automatisée de l'information saisie par l'institution prêteuse dans la plate-forme informatique avec le gabarit de la quittance;

b) Groupe Chicago valide l'information saisie par l'institution prêteuse quant à sa forme et son contenu;

c) une fois l'acte de quittance subrogatoire généré et imprimé, Me Dragon vérifie l'acte et atteste la signature de la quittance subrogatoire par le prêteur initial; et

d) ensuite, elle procède à la publication, conjointement, de l'acte de prêt subrogatoire et de la quittance subrogatoire.

2. Groupe FCT

[54]      En ce qui a trait à Groupe FCT, les dossiers cheminent sensiblement de la même façon que chez Groupe Chicago, sous réserve de ce qui suit :

a) le mandat d'effectuer la vérification sommaire des titres de propriété est confié à un cabinet externe de notaires, l'étude Boucher & Associés;

b) le notaire instrumentant dans la majorité des cas est un notaire de l'étude Boucher & Associés; et

c) Groupe FCT n'a recours à des notaires délégués que dans environ 1,6 % des cas.

[55]      En terminant, dans tous les cas, c'est Groupe Chicago ou Groupe FCT qui mandatent directement le notaire instrumentant et le notaire délégué, selon le cas.

[56]      Groupe Chicago ou Groupe FCT payent également les honoraires et frais du notaire, et ce, à même les frais globaux facturés aux institutions prêteuses pour l'obtention de l'assurance titres et la fourniture des services connexes. Groupe Chicago et Groupe FCT ne sont pas impliqués dans les discussions ni dans la négociation entre l'institution prêteuse et l'emprunteur quant au partage ou à la prise en charge de ces coûts.

[Soulignement dans l’original; renvois omis]

[13]        De façon préliminaire, la juge rejette la prétention du Groupe Chicago et du Groupe FCT selon laquelle les conditions d’ouverture pour un jugement déclaratoire ne sont pas satisfaites, dont notamment la prétention voulant que le recours entrepris soit motivé par des considérations liées au protectionnisme corporatif. À la lumière de la preuve devant elle, la juge conclut que la principale motivation à instituer le recours était de trouver une réponse utile à une question juridique qui représente une difficulté réelle à résoudre dans l’accomplissement de la mission de protection du public de la Chambre des notaires et du Barreau[5].

[14]        La juge identifie ensuite la règle d’interprétation qu’elle doit suivre aux fins de son analyse. S’appuyant notamment sur l’arrêt Pauzé c. Gauvin[6] de 1953, la juge interprète de manière restrictive la portée des actes professionnels réservés[7], énonçant que « [s]i un doute subsiste quant au sens ou à la portée de la disposition étudiée, le doute joue en faveur de la personne à qui l’on reproche d’exercer un acte réservé aux membres d’un ordre professionnel »[8].

[15]        La juge étudie ensuite un à un les reproches faits par la Chambre des notaires et le Barreau à la lumière de cette règle d’interprétation restrictive, soit la réception des actes, la préparation et la rédaction des actes hypothécaires, des hypothèques subrogatoires, des quittances et des quittances subrogatoires, la vérification des titres, les limitations du mandat du notaire instrumentant, la désignation du notaire délégué, le déboursement des fonds et les avis juridiques. Voici ses conclusions sur chacun de ces reproches.

La réception des actes hypothécaires

[16]        Appliquant la règle d’interprétation statutaire restrictive au paragraphe 15(1) de la Loi sur le notariat, laquelle réserve aux notaires le droit de « recevoir les actes qui, suivant le Code civil ou une autre loi, doivent être reçus sous forme notariée », la juge conclut que les termes « recevoir les actes» n’incluent pas la rédaction de ceux-ci. Puisque le notaire peut recevoir la signature d’une personne en regard d’un acte qu’il n’a pas lui-même rédigé, elle conclut que l’expression « recevoir » au paragraphe 15(1) de la Loi sur le notariat n’a pas la même signification que l’expression « préparer et rédiger »[9].

La préparation et la rédaction des actes hypothécaires

[17]        Quant au paragraphe 15(2) de la Loi sur le notariat et l’alinéa 128(2)b) de la Loi sur le Barreau, qui réservent aux notaires et aux avocats le droit de dresser, préparer et rédiger pour autrui des contrats ou des documents, sauf les baux, affectant des immeubles et requérant l’inscription ou la radiation d’une inscription, la juge ne se prononce pas sur leur portée, car elle est d’avis que ni le Groupe Chicago ni le Groupe FCT ne dressent, ne préparent ou ne rédigent des actes hypothécaires puisqu’ils ne feraient que remplir des blancs sur des formulaires préconçus provenant des institutions financières, ce qui constituerait une « tâche […] de nature administrative et routinière et, la plupart du temps, automatisée afin de fusionner l’information relative à une transaction particulière au formulaire »[10].

[18]        La juge prend d’ailleurs appui sur l’arrêt de la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick dans Barreau du Nouveau-Brunswick c. FCT Insurance Company[11] et elle cite les conclusions de la Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick dans cette affaire[12] à l’appui de sa propre conclusion portant sur l’absence de préparation et de rédaction d’actes hypothécaires[13] :

[182]    D'abord, en fonction du régime législatif applicable au Nouveau-Brunswick, la Cour du Banc de la Reine conclut que les services fournis par FCT sont autorisés par la Loi sur le Barreau du Nouveau-Brunswick. Cette conclusion est peu pertinente en l'espèce compte tenu des différents régimes législatifs dans les deux provinces. Mais, fait plus important, la Cour du Banc de la Reine poursuit son analyse et conclut que de toute manière, les activités de FCT consistent généralement à remplir des formulaires types stéréotypés et non pas à exercer le droit :

[97]       Si j'ai tort de conclure que la Loi sur le Barreau n'interdit pas les services dispensés par les demanderesses, je ne suis pas persuadé que la FCT ou la FCTCL exercent le droit. Je souscris au raisonnement que la Cour d'appel des États-Unis a adopté dans l'arrêt Merrick (précité) en établissant une distinction entre les services essentiels et les services connexes. Les services dispensés par la FCT et la FCTCL sont connexes à leurs activités autorisées. Dans l'affaire Merrick, la défenderesse était une société de fiducie qui était autorisée à se livrer à des activités de nature fiduciaire et remplissait des conventions de fiducie. Les services et le travail effectués par la FCT et la FCTCL sont connexes à leurs activités autorisées, soit l'assurance titres. Ils consistent généralement à remplir des formules types stéréotypées. Ces formules sont analogues à celles que remplissent les agents immobiliers pour vendre ou louer un bien-fonds, à celles que remplissent les agents d'assurance dans le domaine de l'assurance, à celles que remplissent les banquiers pour consentir un prêt, à celles que remplissent les vendeurs d'automobiles dans le cadre de l'achat et du financement de véhicules automobiles et à celles que remplissent les vendeurs de matériel et de chatels dans le cadre des demandes et contrats de carte de crédit.

[Soulignement de la juge de première instance]

[19]        La juge conclut donc comme suit son analyse des paragraphes 15(1) et 15(2) de la Loi sur le notariat et de l’alinéa 128(2)b) de la Loi sur le Barreau[14] :

[184]    De la même manière [qu’au Nouveau-Brunswick], au Québec, le fait de remplir électroniquement des blancs ne peut certainement être ce que le législateur avait à l'esprit lorsqu'il a choisi de réserver au notaire la mission de recevoir les actes qui, suivant la loi, doivent être reçus sous forme notariée, ni lorsqu'il a réservé aux notaires et aux avocats le fait de dresser, préparer ou rédiger pour autrui les actes juridiques en cause ici.

[185]    L'affirmation de la [Chambre des notaires] et du [Barreau] voulant que le notaire soit dispensé de procéder à l'analyse et à la vérification des formulaires remplis qu'il reçoit est par ailleurs inexacte.

[186]    En effet, le notaire demeure tenu de vérifier les renseignements contenus dans l'acte, de prodiguer les explications et conseils requis à l'emprunteur et de recevoir l'acte selon les prescriptions de la loi.

[Soulignement ajouté; renvois omis]

                        Les quittances et quittances subrogatoires

[20]        La juge s’attaque ensuite aux arguments portant sur les quittances et les quittances subrogatoires. La Chambre des notaires et le Barreau se fondent encore une fois sur l’alinéa 128(2)b) de la Loi sur le Barreau et le paragraphe 15(2) de la Loi sur le notariat.

[21]        La juge accepte la description du processus portant sur ces quittances faite dans le plan d’argumentation du Groupe Chicago, qu’elle fait sienne. Puisqu’il s’agit ici aussi de conclusions de fait sur des questions essentielles à la résolution du litige, il y a lieu de reproduire in extenso cette description[15] :

[197]     Dans son plan d'argumentation, Groupe Chicago décrit ainsi le processus relatif à la préparation des quittances :

72.        Lorsqu'un emprunteur obtient un refinancement auprès d'un nouveau prêteur, le processus lié à la préparation des quittances (autres que subrogatoires) et des mainlevées est le suivant :

a) FNF remplit les blancs dans un modèle type, incluant les mentions essentielles identifiées sur le site internet de la [Chambre des notaires], suivant les instructions du prêteur;

b) La notaire de FNF effectue une première vérification de la conformité entre les données entrées dans le modèle et le registre foncier;

c) FNF transmet le document pré rempli au prêteur initial accompagné d'un chèque en remboursement de sa créance;

d) Suite aux vérifications effectuées par le prêteur, ce dernier signe le document et le retourne à FNF, qui le transmet à son tour à un notaire externe pour fins d'attestation;

e) Le notaire externe dispose, aux fins d'attestation, des mêmes informations que dans un dossier n'impliquant pas FNF, à savoir, une procuration et une résolution du prêteur, les cartes d'affaires du signataire et des déclarations assermentées de témoins à la signature;

f) Le notaire externe atteste l'acte de radiation, puis l'envoie pour publication via le portail électronique du registre foncier ;

g) Lorsque la publication est confirmée, le notaire transmet une copie de l'acte et la preuve de publication à FNF.

73.        En cas de refinancement auprès d'un même prêteur, le processus lié aux actes de radiation (autres que dans un contexte subrogatoire) est sensiblement le même, sauf qu'une employée de FNF est alors autorisée à signer le formulaire au nom du prêteur, en vertu d'une procuration et d'une résolution de ce prêteur. L'acte de radiation signé est alors transmis au notaire externe pour fins d'attestation et de publication.

[198]    Quant aux quittances subrogatoires, Groupe Chicago précise que le notaire qui atteste la quittance est généralement Me Dragon, la notaire à l'emploi de FNF.

[199]     Le processus est similaire pour Groupe FCT.

[22]        La juge conclut qu’il ne s’agit pas là d’une contravention à la Loi sur le notariat ou à la Loi sur le Barreau puisque (a) les actes de radiation sont des formulaires très simples fournis par les institutions prêteuses ou facilement disponibles sur Internet; (b) le Groupe Chicago et le Groupe FCT ne font que générer de façon automatisée la quittance par la fusion du formulaire préétabli avec l’information saisie par l’institution prêteuse sur la plate-forme informatique; et (c) les quittances sont attestées puis publiées par des notaires[16].

La vérification des titres

[23]        La Chambre des notaires et le Barreau reprochent au Groupe Chicago et au Groupe FCT de faire la vérification des titres et de donner une opinion sur les titres aux institutions prêteuses avec qui ils sont en relation d’affaires.

[24]        La juge décrit le cadre factuel de ces activités et il y a lieu de reproduire ici encore ses conclusions de fait à ces égards[17] :

[210]     Au sein du Groupe Chicago, ce sont les techniciens légaux de FNF œuvrant sous la responsabilité de Me Dragon qui effectuent cette vérification sommaire des titres de propriété.

[211]     Au sein du Groupe FCT, cette vérification sommaire est confiée à un cabinet de notaire externe, l'étude Boucher & Associés.

[212]     Dans les faits, si un problème quant au titre est décelé lors de cette vérification sommaire, les compagnies d'assurance titres avisent le prêteur en lui transmettant une télécopie ou un formulaire qui identifie, par catégorie, la nature du problème rencontré ainsi que des solutions possibles afin que les critères de souscription soient satisfaits.

[213]     Dans le formulaire transmis par Groupe Chicago, le prêteur doit cocher la case qui correspond à la solution retenue. Dans le cas de Groupe FCT, l'avis de la découverte d'un problème affectant l'assurabilité de la transaction ainsi que les solutions possibles sont transmis par un notaire de l'étude Boucher & Associés.

[214]     La nature des problèmes pouvant être découverts à la suite de la vérification sommaire est variée, mais comprend à titre d'exemple l'existence d'une hypothèque antérieure non radiée, l'existence d'une déclaration de résidence familiale, l'existence d'un avis de vente pour taxes, des procédures de divorce en cours, le décès d'un des propriétaires, etc.

[215]     De façon générale, il appartient au prêteur ou à l'emprunteur de régler la difficulté, habituellement avec l'assistance d'un notaire externe. Le prêteur doit ensuite en aviser Groupe Chicago ou Groupe FCT, selon le cas, afin que le dossier puisse reprendre son cours. Dans tous les cas, le prêteur a l'option de tout simplement annuler sa demande pour l'émission d'une assurance titres, ce qui met fin au dossier.

[Renvois omis]

[25]        La juge conclut de la preuve que les vérifications sommaires des titres par le Groupe Chicago et le Groupe FCT ne sont pas effectuées pour le compte des institutions financières, mais pour leurs propres fins liées à l’émission des polices d’assurance titres[18]. Elle ajoute que « la simple vérification de titres, sans qu’une opinion soit rendue à cet égard, ne relève pas de l’exercice exclusif du notaire ou de l’avocat »[19].

La limitation du mandat et de la responsabilité du notaire

[26]        Les mandats des notaires sont restreints. Les conclusions de fait de la juge de première instance quant aux limites des mandats sont les suivantes[20] :

[224]     Groupe Chicago confirme que le mandat du notaire instrumentant ainsi que celui du notaire délégué sont limités. Le formulaire de mandat de FNF au notaire le prévoit d'ailleurs en ces termes :

1- LIMITATION DE MANDAT

Votre mandat se limite à ce qui suit :

·       procéder à la lecture de l'acte et fournir les explications requises, conformément à vos obligations professionnelles. A cet effet, vous devez vous assurer d'exercer votre devoir de conseil, le tout en conformité avec la législation en vigueur ;

·       recevoir la signature des débiteurs/ constituants, du représentant de [prêteur] et des intervenants, le cas échéant;

·       vérifier l'identité de chacune des parties, faire des copies des pièces d'identité, compléter et signer le formulaire prévu à cet effet, si requis;

·       [texte se trouvant dans le mandat du notaire instrumentant uniquement] minuter l'acte et transmettre les copies requises au bureau de la publicité des droits pour fin de publication, et ce, dans les cinq (5) jours ouvrables suivant la signature de l'acte.

·       [texte se trouvant dans le mandat du notaire délégué uniquement] signer l'acte, et faire tout ce qui est requis pour les fins de l'application de l'article 50 de la Loi sur le Notariat.

·       [texte se trouvant dans le mandat du notaire délégué uniquement] Nous retourner l'original de l'acte ainsi que les documents dans les meilleurs délais.

Par conséquent, FNF Canada reconnaît ne pas vous avoir mandaté pour effectuer l'examen des litres, l'analyse du fond de l'acte ni de procéder à la radiation de charges hypothécaires ou autres droits grevant l'immeuble, à moins d'instructions contraires. La présente limitation de mandat ne constitue pas en tout ou en partie un dégagement de votre responsabilité professionnelle quant à votre devoir de conseil et autre obligation prévue au Code de déontologie ou de toute autre législation pertinente. Une copie de l'index aux immeubles est annexée au dossier.

[225]     Toutefois, Groupe Chicago nie que ses pratiques comprennent une limitation de la responsabilité du notaire autrement que de façon corrélative à la limitation du mandat.

[226]    Quant à Groupe FCT, les limites au mandat sont décrites comme suit :

Cependant, Services de Titres FCT ne vous mandate pas à procéder à la rédaction et l'analyse de l'acte hypothécaire ainsi qu'à la vérification des dispositions incluses à l'acte. Également, Services de Titres FCT ne vous mandate pas à la recherche et à la vérification des titres et ne vous mandate pas à procéder à la préparation de la quittance du ou des créancier(s) existant(s), le cas échéant ainsi qu'à sa publication.

[227]     Ainsi, Groupe FCT confirme également la limitation du mandat et la limitation de la responsabilité du notaire de façon corrélative à l'étendue du mandat.

[Soulignement par la juge de première instance; renvois omis]

[27]        Selon la juge, en limitant ainsi le mandat des notaires, le Groupe Chicago et le Groupe FCT ne porteraient atteinte à aucune disposition de la Loi sur le notariat ou la Loi sur le Barreau[21].

Les notaires délégués

[28]        Dans environ 5 % des dossiers, le Groupe Chicago a recours à des notaires délégués qu’il mandate directement pour recevoir la signature de l’emprunteur tandis qu’un deuxième notaire, le notaire instrumentant, est mandaté pour recevoir la dernière signature, soit celle du représentant de l’institution prêteuse, et de clôturer l’acte hypothécaire.

[29]        Malgré les prétentions contraires de la Chambre des notaires et du Barreau, la juge de première instance conclut que cette façon d’agir ne contrevient à aucune disposition de la Loi sur le notariat[22].

Les déboursements hypothécaires et la remise des fonds empruntés

[30]        La Chambre des notaires et le Barreau reprochent aussi au Groupe Chicago et au Groupe FCT de recevoir directement des institutions financières les sommes empruntées à même le prêt hypothécaire et d’en faire les déboursements sans que ces fonds transitent par le compte en fidéicommis du notaire instrumentant.

[31]        La juge ne retient pas ce reproche puisqu’il n’y aurait aucune disposition de la Loi sur le notariat ou de la Loi sur le Barreau qui serait enfreinte par une telle pratique[23].

Les avis juridiques

[32]        La Chambre des notaires et le Barreau du Québec soumettent aussi que le Groupe Chicago et le Groupe FCT donnent des avis juridiques aux institutions financières en contravention du paragraphe 15(5) de la Loi sur le notariat et de l’alinéa 128(1)a) de la Loi sur le Barreau.

[33]        La juge reconnaît que lorsque l’analyse des titres s’avère négative, le Groupe Chicago et le Groupe FCT avisent les institutions prêteuses des raisons pour lesquelles ils ne peuvent émettre une police d’assurance titres et les informent des options disponibles afin que leurs critères de souscription puissent être satisfaits[24].

[34]        S’appuyant sur l’arrêt de la Cour dans Charlebois c. Barreau du Québec[25], la juge conclut qu’il ne s’agit pas là « d’avis juridiques », mais plutôt « d’informations juridiques », deux notions qui, selon elle, ne doivent pas être confondues. Elle conclut aussi que ces activités ne sont pas faites pour le compte des institutions financières clientes, mais pour les besoins du Groupe Chicago et du Groupe FCT liés à l’émission des polices d’assurance titres[26].

La demande reconventionnelle du Groupe FCT

[35]        Finalement, la juge rejette la demande reconventionnelle du Groupe FCT se fondant sur l’article 342 C.p.c. au motif « qu'aucun reproche ne peut être formulé à l'endroit de la [Chambre des notaires] et du [Barreau du Québec] quant à leur décision d'avoir entrepris ce recours ou quant à leur comportement dans le cadre du déroulement de l'instance »[27]. Elle ajoute que, de toute manière, le Groupe FCT n’a pas fait la preuve de la valeur des honoraires professionnels qu’il réclame ni fourni quelque information utile à cet égard[28].

LES MOYENS D’APPEL

[36]        Les moyens d’appel invoqués par la Chambre des notaires et le Barreau peuvent être reformulés comme suit, dans l’ordre des présents motifs :

(a)  la juge aurait erré quant à la règle d’interprétation statutaire applicable aux lois portant sur l’exercice exclusif d’une profession;

(b)  elle aurait erré en restreignant son analyse du paragraphe 15(1) de la Loi sur le notariat portant sur la réception des actes sous forme notariée en omettant de tenir compte des dispositions du Code civil concernant les hypothèques immobilières;

(c)  elle aurait erré dans l’interprétation et l’application de l’alinéa 128(2)b) de la Loi sur le Barreau et du paragraphe 15(2) de la Loi sur le notariat réservant aux avocats et notaires le droit de dresser, préparer et rédiger pour autrui une quittance, un contrat ou un document affectant un immeuble et requérant l’inscription ou la radiation d’inscription au registre foncier;

(d)  elle aurait aussi erré en concluant que le Groupe Chicago et le Groupe FCT ne donnent pas des avis juridiques contrairement à l’alinéa 128(1)a) de la Loi sur le Barreau et au paragraphe 15(5) de la Loi sur le notariat;

(e)  finalement, elle aurait erré dans l’interprétation des articles 50 et 53 de la Loi sur le notariat en concluant que le Groupe Chicago et le Groupe FCT avaient le droit de mandater des notaires délégués.

[37]        Le Groupe FCT soulève deux moyens à l’appui de son appel incident :

(f)    la juge aurait erré en fait et en droit en concluant que la Chambre des notaires n’aurait pas commis de manquements importants dans le déroulement de l’instance au sens de l’article 342 C.p.c.;

(g)  la juge aurait dû exercer sa discrétion pour fixer une compensation en vertu de l’article 342 C.p.c. même en l’absence de preuve sur la valeur des honoraires professionnels encourus; ce second moyen dépend du résultat sur le premier.

ANALYSE

(a)  La règle d’interprétation statutaire applicable

[38]        La Chambre des notaires et le Barreau soutiennent que la juge de première instance aurait erré en retenant une règle d’interprétation restrictive des lois portant sur l’exercice exclusif d’une profession.

[39]        La juge a retenu cette règle en s’appuyant sur les propos tenus il y plus de 60 ans par le juge Taschereau dans l’affaire Pauzé c. Gauvin[29]. Cette affaire portait sur une réclamation d’honoraires par un ingénieur pour des services liés à la préparation de plans et devis et à la surveillance de travaux pour la construction d’un immeuble. Le débiteur invoquait la nullité du contrat de service vu les dispositions de la loi régissant les architectes qui prévoyaient que « [t]oute personne qui n’était pas enregistrée comme membre de la dite association [des architectes], prend, ou emploie tel nom, titre ou désignation ou agit comme architecte ou fournit des plans et devis rémunérés pour la construction ou la reconstruction d’édifices, soit directement ou indirectement, est passible d’une amende […] »[30] [soulignement ajouté].

[40]        Tous les juges de la formation étaient d’avis que les dispositions du contrat de service en cause portant sur la fourniture des plans et devis contrevenaient à cette loi et ne pouvaient lier les parties, car elles étaient contraires à l’ordre public. Tous les juges étaient aussi d’avis que la loi en cause ne conférait pas aux architectes le droit exclusif de surveiller des travaux de construction d’immeubles, mais seulement de fournir des plans et devis. Les juges se sont par contre divisés sur la question du caractère accessoire des dispositions du contrat de service portant sur la surveillance des travaux par rapport à celles portant sur la fourniture des plans et devis. Les juges Taschereau, Fauteux et Cartwright étaient d’avis que les dispositions du contrat portant sur la surveillance des travaux pouvaient être scindées de celles portant sur la fourniture des plans et devis, tandis que les juges Rand et Kellock étaient d’avis contraire. La conclusion majoritaire était donc de refuser de rémunérer l’ingénieur pour les plans et devis, mais de faire droit à sa réclamation d’honoraires pour la surveillance des travaux.

[41]        C’est dans ce contexte que le juge Taschereau énonçait que les lois créant des monopoles professionnels devaient être strictement appliquées[31] :

Les statuts créant ces monopoles professionnels sanctionnés par la loi, dont l'accès est contrôlé, et qui protègent leurs membres agréés qui remplissent des conditions déterminées, contre toute concurrence, doivent cependant être strictement appliqués. Tout ce qui n'est pas clairement défendu peut être fait impunément par tous ceux qui ne font pas partie de ces associations fermées.

[42]        Ces propos doivent cependant être lus avec ceux aussi tenus par le juge Taschereau et portant sur le caractère d’ordre public des lois conférant des monopoles à certains professionnels, vu que ces lois servent l’intérêt public[32] :

Ce n'est pas la première fois que les tribunaux sont saisis d'un semblable litige et qu'on ait eu à décider que cette loi des Architectes était une loi d'ordre public. Je suis entièrement d'accord avec cette jurisprudence, de même qu'avec les opinions émises par les juges dissidents dans la présente cause. Le préambule de la loi créant la Corporation, invoque comme justification de son adoption par la Législature, précisément l'intérêt public. On a évidemment avec raison voulu procurer des hommes de l'art réellement compétents au public, qui à juste titre requiert que les édifices soient convenablement construits.

[43]        Ainsi, la règle d’interprétation qui se dégage de l’arrêt Pauzé c. Gauvin n’est pas simplement qu’il faut toujours interpréter restrictivement les lois conférant à un professionnel un droit d’exercice exclusif, mais plutôt que l’interprétation de ces lois, lorsque leurs dispositions sont ambiguës, ne peut étendre le droit d’exercice exclusif au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objet de la loi, soit la protection du public. Il y a là une nuance importante.

[44]        C’est d’ailleurs cette règle qui se dégage de l’article 26 du Code des professions[33] :

26.  Le droit exclusif d’exercer une profession ne peut être conféré aux membres d’un ordre que par une loi; un tel droit ne doit être conféré que dans les cas où la nature des actes posés par ces personnes et la latitude dont elles disposent en raison de la nature de leur milieu de travail habituel sont telles qu’en vue de la protection du public, ces actes ne peuvent être posés par des personnes ne possédant pas la formation et la qualification requises pour être membres de cet ordre.

[Soulignement ajouté]

26. The members of an order shall not be granted the exclusive right to practise a profession except by an Act; that right must not be granted except in cases where the acts done by these persons are of such a nature and the freedom to act they have by reason of the nature of their ordinary working conditions are such that for the protection of the public they cannot be done by persons not having the training and qualifications required to be members of the order.

(Emphasis added)

[45]        Cette règle s’inscrit d’ailleurs bien dans le cadre de la règle dite « moderne » d’interprétation des lois[34] :

[TRADUCTION] Aujourd’hui, il n’y a qu’un seul principe ou solution : il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur.

[46]        L’interprétation d’une loi conférant un acte réservé à une profession doit donc s’accomplir d’une façon qui s’harmonise avec l’esprit, l’objet et l’intention d’une telle loi, soit la protection du public. Ainsi, si l’acte professionnel réservé ne peut s’étendre au-delà de ce qui est nécessaire pour protéger le public, il doit aussi s’interpréter de façon à ce que le but visé par l’acte réservé, c’est-à-dire la protection du public, soit effectivement accompli.

[47]        Le juge Gonthier énonçait le principe de façon claire dans Fortin c. Chrétien[35] :

[21]     L'ordre public est constitué de certains interdits sociaux qui restreignent la liberté contractuelle des parties. Ils marquent l'existence, au-delà des intérêts particuliers, d'intérêts généraux que les parties doivent respecter (art. 9 C.c.Q.). Le critère qui distingue les lois d'ordre public des autres types de loi réside dans l'intérêt public, plutôt que simplement privé, dont se soucie le législateur. Je partage l'opinion de la Cour d'appel selon laquelle les dispositions de la Loi sur le Barreau concernant l'exercice de la profession d'avocat sont d'ordre public, puisqu'elles tendent à protéger l'intérêt général. La doctrine est unanime à ce sujet. […]

[22]     Les tribunaux se sont également penchés sur la question. Dans l'affaire Pauzé c. Gauvin, [1954] R.C.S. 15, p. 19, notre Cour a déclaré que la Loi des architectes, S.R.Q. 1941, ch. 272, avait été adoptée en vue de protéger l'intérêt général et de procurer au public les services de personnes réellement compétentes, afin d'assurer que les édifices soient convenablement construits. Cette position fut réitérée dans l'affaire Garcia Transport Ltée c. Cie Trust Royal, [1992] 2 R.C.S. 499. À la page 524, le juge L'Heureux-Dubé, exprimant l'opinion de notre Cour, faisait état du fait que les tribunaux avaient jugé de façon constante que les lois établissant des normes professionnelles étaient d'ordre public, bien qu'en un sens elles protégeaient un groupe restreint au sein de la société. […]

[Soulignement ajouté]

[48]        C’est d’ailleurs en des termes similaires que s’exprimait récemment le juge Brown dans Barreau du Québec c. Québec (Procureure générale)[36] :

[29]   Il est généralement du ressort exclusif de l’avocat de fournir des services juridiques pour le compte d’autrui. Le monopole est garanti au Québec par la Loi sur le Barreau, loi qui régit l’exercice de la profession d’avocat. Cet « encadrement particulier de l’exercice de la profession juridique » est justifié par l’importance des actes accomplis par les avocats, par la vulnérabilité des justiciables qui leur confient leurs droits et par la nécessité de préserver la relation de confiance qui existe entre eux (Fortin, par. 17). Il convient de garder ces objectifs en tête dans l’interprétation des exceptions au monopole général d’exercice reconnu aux avocats.

[Soulignement ajouté]

[49]        Ainsi, les actes ou services professionnels qu’une loi décrète comme l’exercice exclusif d’une profession servent à protéger le public. Lorsqu’une disposition d’une telle loi est ambiguë, cette disposition ne doit pas être interprétée de façon à indûment étendre la portée des actes et services d’exercice exclusif, car cela ne servirait pas la protection du public[37]; par contre, la portée de la disposition ne doit pas non plus être indûment restreinte, de sorte que la protection du public soit mise en péril[38]. En somme, c’est la protection du public qui doit principalement guider l’interprétation d’une disposition législative conférant un acte ou un service exclusivement à une profession particulière.

[50]        La règle d’interprétation restrictive retenue par la juge de première instance doit donc être écartée en faveur de la règle plus nuancée ci-haut exprimée.

(b)  La réception des actes sous forme notariée

[51]        Le principal moyen d’appel invoqué par la Chambre des notaires et le Barreau s’appuie sur le droit exclusif des notaires de recevoir des actes qui, suivant le Code civil du Québec (« C.c.Q. »), doivent être reçus sous forme notariée, ce qui selon eux comprendrait le droit exclusif de rédiger ces actes. À cet effet, les appelants soutiennent que « l’acte notarié » visé par l’article 2693 C.c.Q. doit se distinguer de « l’acte reçu » par un notaire au sens de l’article 2988 C.c.Q.; ainsi, « l’acte reçu » n’aurait pas à être rédigé par un notaire, tandis que « l’acte notarié » devrait être rédigé par ce dernier.

[52]        La juge de première instance, avec raison, n’a pas retenu ces prétentions.

[53]        L’article 2693 C.c.Q. prévoit que l’hypothèque mobilière doit être constituée par acte notarié en minute. Le paragraphe 15(1) de la Loi sur le notariat précise aussi que la réception des actes qui, suivant le C.c.Q., doivent être reçus sous forme notariée, est réservée aux notaires. L’auteur Louis Payette explique ainsi ce formalisme[39] :

L’hypothèque immobilière doit, sous peine de nullité, être créée par acte notarié en minute (art. 2693). On explique généralement cette exigence de la forme notariée par la gravité de l’engagement pris par le constituant, par l’importance qu’un homme de loi le lui souligne et par la nature de la convention conclue. Ce formalisme se rattache à une vieille tradition civiliste et reflète aussi, suivant la très ancienne doctrine, un souci de protéger les tiers et les créanciers en empêchant les fraudes, plus faciles à commettre si les hypothèques avaient pu se « fabriquer » par acte sous seing privé.

[Renvois omis]

[54]        Ce rôle dévolu aux notaires fut acquis à la suite d’une longue évolution historique propre au droit civil[40]. Les juges L’Heureux-Dubé et Gonthier renvoient d’ailleurs aux travaux de l’auteur Pierre Ciotola pour expliquer que l’objet de la forme notariée vise à s’assurer qu’un officier public, le notaire, se porte garant de l’accomplissement des formalités contractuelles requises et de la bonne compréhension par les parties de la portée et des effets de la convention hypothécaire[41] :

[…] L'article 2693 C.c.Q. impose, sous peine de nullité absolue, que l'hypothèque immobilière soit constituée par acte notarié en minute. Le professeur Ciotola précise que « [l]e notaire intervient à la fois comme officier public, garant de l'accomplissement des formalités contractuelles, et comme conseil, garant de la compréhension par les parties de la portée et des effets de la convention. » (P. Ciotola, Droit des sûretés (3e éd. 1999), p. 401) L'importance d'un tel engagement expliquerait l'exigence de la forme notariée et c'est le constituant de l'hypothèque que « la loi veut protéger par ce formalisme » (Payette, op. cit., p. 295). […]

[55]        Par contre, la réception d’un acte d’hypothèque n’implique pas nécessairement sa rédaction puisque la rédaction de tels actes relève aussi du ressort exclusif de l’avocat, tel que le prévoit d’ailleurs le paragraphe 128(2)b) de la Loi sur le Barreau, ce qui permet ainsi de distinguer la réception d’un acte d’hypothèque de sa rédaction. Ainsi, plusieurs cabinets d’avocats rédigent nombre d’actes immobiliers qui sont par la suite reçus sous la forme notariée par un notaire. Cette réalité bien connue du milieu juridique fut d’ailleurs reconnue par le Directeur de l’inspection professionnelle de la Chambre des notaires,    Me Jean-Pierre Bertrand, qui, dans une note de service du 11 novembre 2003 portant sur l’instrumentalisation des actes d’hypothèque par les notaires mandatés par le Groupe FCT, concluait que cette pratique ne différait en rien des actes de financement, de fiducie ou autres, préparés au sein des cabinets d’avocats, mais instrumentés par des notaires[42] :

Il appert que selon les dispositions de la Loi sur le notariat, du Code de déontologie et du Règlement sur la tenue des dossiers et des études des notaires, les notaires qui instrumentent des actes de prêt hypothécaire pour FCT dans le cadre ci-dessus mentionné, ne contreviennent à aucune disposition réglementaire.

Cette façon de faire ne diffère en rien des actes de financement, de fiducie ou autres, préparés par les grands cabinets d’avocats mais instrumentés par des notaires dont la principale fonction est limitée à recevoir au nombre de leurs minutes l’acte en question.

[56]        L’article 2693 C.c.Q., lu avec l’article 2988 C.c.Q. et le paragraphe 15(1) de la Loi sur le notariat, n’exige pas que l’acte hypothécaire soit rédigé par un notaire, mais simplement que les formalités essentielles à cet acte (telles l’identification des parties, l’apposition des signatures, la date de l’acte) soient attestées par un notaire et que la portée de l’acte soit expliquée aux parties par ce professionnel. La loi assure ainsi que l’acte fasse preuve, à l’égard de tous, de l’acte juridique qu’il renferme, des déclarations des parties qui s’y rapportent directement et des faits que le notaire avait mission de constater ou d’inscrire : art. 2818 et 2819 C.c.Q.

[57]        C’est d’ailleurs ce qui ressort clairement de l’article 2988 C.c.Q., lequel prévoit que le notaire qui reçoit un acte donnant lieu à l’inscription d’un droit au registre foncier « atteste, par sa seule signature, qu’il a vérifié l’identité, la qualité et la capacité des parties, et que le document traduit la volonté exprimée par elles ». Cela ressort aussi des articles 10 et 11 de la Loi sur le notariat, qui disposent qu’en sa qualité d’officier public, le notaire « a pour mission de recevoir les actes auxquels les parties doivent ou veulent faire donner le caractère d’authenticité qui s’attache aux actes de l’autorité publique, d’en assurer la date et s’il s’agit d’actes reçus en minute, d’en conserver le dépôt dans un greffe et d’en donner communication en délivrant des copies ou extraits de ces actes » et que dans « le cadre de sa mission d’officier public, le notaire a le devoir d’agir avec impartialité et de conseiller toutes les parties à un acte auquel elles doivent ou veulent donner le caractère d’authenticité ».

[58]        D’ailleurs, les articles 43, 50, 51, 52 et 53 de la Loi sur le notariat sont au même effet, exigeant que le notaire respecte certains critères quant à la forme de l’acte notarié et qu’il procède à la vérification de l’identification des parties, qu’il recueille leurs signatures, qu’il fasse lecture de l’acte et qu’il s’assure que l’acte spécifie la date et les informations pertinentes sur lui-même et sur les témoins requis, le cas échéant.

[59]        Ainsi, aucune disposition du C.c.Q. ou de la Loi sur le notariat ne précise ou n’exige que l’acte soit rédigé par un notaire pour qu’il soit reçu sous la forme notariée. C’est plutôt la conclusion contraire qui se dégage des articles pertinents de ces lois, surtout lorsqu’on tient compte de l’alinéa 128(2)b) de la Loi sur le Barreau qui déclare qu’il est du ressort exclusif de l’avocat en exercice de préparer et de rédiger pour autrui des contrats affectant des immeubles et requérant une inscription au Québec. D’ailleurs, ce sont habituellement les contentieux des institutions financières qui rédigent les actes hypothécaires selon des modèles normalisés pour chaque telle institution, lesquels actes sont alors transmis au notaire instrumentant afin d’être reçus selon la forme notariée.

[60]        La Chambre des notaires et le Barreau soutiennent, à titre subsidiaire, que le processus mis en place par le Groupe Chicago et le Groupe FCT ne permet pas au notaire instrumentant de conseiller les institutions prêteuses parties à l’acte hypothécaire ni de conseiller adéquatement les constituants de l’hypothèque, ce qui ne permettrait pas au notaire d’être garant de la bonne compréhension par les parties de la portée et des effets de la convention hypothécaire.

[61]        Il est vrai que les institutions financières faisant affaire avec le Groupe Chicago ou le Groupe FCT ne sont pas conseillées par le notaire instrumentant quant à la portée de l’acte hypothécaire. En cela, la façon d’agir du notaire instrumentant dans ces cas varie peu avec sa façon d’agir lorsqu’il traite directement avec la plupart des grandes institutions financières. Dans ces derniers cas, le notaire instrumentant n’a souvent pas plus d’interaction avec les représentants des institutions financières que lorsque l’hypothèque transite par un centre de gestion de dossiers de prêts hypothécaires du Groupe Chicago ou du Groupe FCT. Il n’y a rien d’anormal ou d’inhabituel dans cette façon d’agit car, tel que le prévoit l’article 51 de la Loi sur le notariat, la lecture à haute voix de l’acte notarié « n’est pas requise à l’égard des parties qui ont elles-mêmes lu l’acte », ce qui comprend manifestement les institutions financières qui fournissent elles-mêmes au notaire instrumentant le formulaire préétabli d’acte hypothécaire.

[62]        Quant au devoir d’information du notaire instrumentant à l’égard du constituant, la preuve révèle que les honoraires versés sont minimes, soit de l’ordre de 100 $ par transaction[43], ce qui peut laisser croire que le notaire n’a pas un incitatif économique suffisant pour expliquer adéquatement les tenants et aboutissants de l’acte hypothécaire envisagé. Cependant, le dossier ne révèle pas que les notaires concernés ne respectent pas leur devoir d’information. Au contraire, la preuve révèle que le devoir d’information envers le constituant est exercé de la même façon par le notaire instrumentant, qu’il s’agisse d’un dossier d’acte hypothécaire fourni directement au notaire par une institution financière ou d’un dossier fourni par l’intermédiaire d’un centre de gestion de dossiers de prêts hypothécaires du Groupe Chicago ou du Groupe FCT[44].

[63]        De toute façon, il s’agit là d’une question qui relève de la déontologie des notaires et non pas de l’exercice exclusif de la profession.

(c)  Le droit de dresser, préparer et rédiger une quittance, un contrat ou un document affectant un immeuble et requérant l’inscription ou la radiation d’inscription

[64]        Le paragraphe 15(2) de la Loi sur le notariat réserve aux notaires le droit de « dresser [pour le compte d’autrui] des actes sous seing privé se rapportant à des immeubles et requérant leur inscription au registre foncier ou la radiation d’une telle inscription ». L’alinéa 128(2)b) de la Loi sur le Barreau déclare du ressort exclusif des avocats en exercice la préparation et la rédaction pour autrui d’« une quittance et tout contrat ou document, sauf les baux, affectant des immeubles et requérant l’inscription ou la radiation d’une inscription au Québec ». La Chambre des notaires et le Barreau soutiennent que les activités des centres de gestion de dossiers de prêts hypothécaires du Groupe Chicago et du Groupe FCT contreviennent à ces dispositions.

[65]        La juge de première instance ne s’est pas prononcée sur la portée de ces dispositions, concluant plutôt que les activités du Groupe Chicago et du Groupe FCT étaient de nature administrative plutôt que juridique et consistaient simplement à remplir des blancs avec des moyens informatiques dans des formulaires préétablis. Elle s’est d’ailleurs appuyée sur la conclusion de la Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick[45] voulant que ces activités soient analogues à celles que remplissent les agents immobiliers pour vendre ou louer un immeuble, les agents d’assurance dans le domaine de l’assurance, les banquiers pour consentir un prêt, les vendeurs d’automobiles lors de la vente et le financement d’un véhicule ou les vendeurs de biens à crédit.

[66]        Cela dit avec respect, ces analogies sont inapplicables au Québec. En effet, ni la Loi sur le notariat ni la Loi sur le Barreau ne confèrent aux avocats et notaires un monopole général sur la préparation et la rédaction de contrats pour autrui. Le droit exclusif des avocats et notaires du Québec s’étend seulement à la préparation et la rédaction pour autrui de contrats qui revêtent une importance particulière pour le droit civil propre au Québec, soit les testaments et les contrats ou documents, sauf les baux, affectant des immeubles et qui sont susceptibles d’être publiés au registre foncier du Québec. Ainsi, l’analogie avec les agents d’assurance, les banquiers, les vendeurs d’automobiles ou les vendeurs à crédit est trompeuse.

[67]        Quant aux agents immobiliers, la Loi sur le courtage immobilier[46] et le Règlement sur les contrats et formulaires[47] autorisent explicitement ces derniers à se livrer à une opération de courtage relative à l’achat, la vente, la promesse d’achat ou de vente d’un immeuble, ce qui leur permet de préparer les promesses d’achat et de vente et autres documents similaires sans enfreindre les actes d’exercice exclusif des avocats et des notaires. D’ailleurs, les dispositions de la Loi sur le courtage immobilier doivent être lues avec l’alinéa 129b) de la Loi sur le Barreau et le paragraphe 16(1) de la Loi sur le notariat qui disposent que les actes d’exercice exclusif des avocats et des notaires ne restreignent ni ne limitent « les droits spécifiquement définis et donnés à toute personne par toute loi d’ordre public ou privé ». Ainsi, au Québec à tout le moins, l’analogie avec les agents immobiliers n’est guère pertinente.

[68]        Dans la tradition civiliste du Québec, tant la Loi sur le Barreau que la Loi sur le notariat prévoient que la protection du public exige que les contrats portant sur des transactions immobilières publiées au registre foncier du Québec soient préparés et rédigés pour autrui par des avocats ou des notaires du Québec. Cela découle, entre autres, des particularités du régime immobilier du Québec. Le régime civiliste du droit immobilier se distingue d’ailleurs fortement des autres systèmes de transfert de propriété immobilière, tels que le système en common law ou le système dit « Torrens » qui tend à le remplacer[48].

[69]        C’est donc l’objectif d’assurer la protection du public et le maintien de l’intégrité du régime foncier québécois qui expliquent que la préparation et la rédaction pour autrui d’une quittance, d’un contrat ou d’un document affectant un immeuble et requérant l’inscription ou la radiation d’une inscription au Québec, soient réservés aux avocats et aux notaires. C’est sous ce prisme qu’il faut analyser les activités du Groupe Chicago et du Groupe FCT afin de déterminer si leurs activités sont compatibles avec l’intérêt public que vise à protéger le législateur en conférant ce droit exclusif aux avocats et aux notaires.

[70]        Il faut noter d’emblée qu’il est acquis au débat que les actes d’hypothèques et les actes de subrogation hypothécaires en cause proviennent des institutions financières concernées et sont des contrats types rédigés par les avocats ou notaires œuvrant auprès de ces institutions. Ce n’est donc pas la rédaction de ces actes qui est en cause dans le débat opposant les parties, mais plutôt l’inscription d’informations particulières additionnelles (noms, numéros de cadastre, taux d’intérêt, etc.) à ces contrats types préétablis. 

[71]        À cet égard, la juge de première instance a conclu, comme question de fait, que le Groupe Chicago et le Groupe FCT fournissent un service de traitement informatisé de données qui consiste essentiellement à inscrire sur des formules préétablies d’actes hypothécaires[49] ou d’actes de prêts hypothécaires subrogatoires[50], les informations fournies par les institutions financières portant sur le nom, l’état matrimonial, l’adresse, la désignation de l’immeuble visé, le montant garanti par hypothèque, le taux d’intérêt, les modalités de remboursement, le paiement des taxes et les pénalités en cas de défaut.

[72]        Cependant, les activités de ces deux groupes ne se limitent pas à la fusion d’informations sur une plate-forme informatique. Selon les conclusions factuelles de la juge de première instance, tant le Groupe Chicago que le Groupe FCT[51] :

(a)  valident les informations transmises par les institutions financières;

(b)  corrigent les informations relatives à la désignation cadastrale de l’immeuble si les informations transmises par l’institution financière à cet égard sont incomplètes ou erronées;

(c)  vérifient et complètent les renseignements nominatifs concernant l’emprunteur;

(d)  vérifient et complètent les informations concernant l’état matrimonial de l’emprunteur.

[73]        Dans le contexte du présent dossier et vu la preuve devant nous, nous sommes d’avis que ces vérifications ne constituent pas des services qui relèvent du ressort exclusif des avocats en exercice sous l’alinéa 128(2)b) de la Loi sur le Barreau, soit « préparer et rédiger [pour le compte d’autrui]  […] une quittance et tout contrat ou document […] affectant des immeubles et requérant l’inscription ou la radiation d’une inscription au Québec » ou du ressort exclusif des notaires en vertu du paragraphe 15(2) de la Loi sur le notariat, soit « dresser [pour le compte d’autrui] des actes sous seing privé se rapportant à des immeubles et requérant leur inscription au registre foncier ou la radiation d’une telle inscription ».

[74]        Il est d’ailleurs rare pour un avocat ou un notaire de préparer et rédiger un acte immobilier ab initio, puisque presque toutes les transactions immobilières importantes sont balisées par des modèles et des formulaires préétablis disponibles de diverses sources. C’est presque toujours à l’aide de ces modèles et formulaires que les avocats et les notaires préparent et rédigent les actes immobiliers. Cette pratique est prévue depuis longtemps par la loi. Dès 1875, le législateur indiquait que[52] « [l]es notaires ne sont pas tenus d'écrire eux-mêmes les actes qu'ils reçoivent; ils peuvent se servir d'une main étrangère, ou de blancs imprimés ou manuscrits ». Bien qu’elle ait évolué depuis, cette disposition se retrouve encore à l’article 45 de la Loi sur le notariat : « L’emploi de formulaires multipliés par tout moyen technique est permis pourvu qu’ils possèdent les mêmes caractéristiques que les actes dactylographiés ou imprimés ».

[75]        Ce n’est certainement pas l’inscription des informations portant sur les parties, l’immeuble et les conditions du prêt dans ces modèles ou formulaires qui constitue la tâche réservée par le législateur aux avocats et aux notaires, mais plutôt la vérification de ces informations et l’identification des problèmes juridiques qui pourraient découler de cette vérification. Ce sont d’ailleurs habituellement des employés de bureau et non des juristes qui procèdent à l’inscription de ces informations dans les actes d’hypothèques et autres documents semblables. Si le législateur, avec la protection du public à l’esprit, exige que ce soit des avocats ou des notaires qui préparent et rédigent les actes immobiliers, c’est pour permettre à un professionnel jugé compétent par le législateur de valider les informations pertinentes à la transaction et d’identifier les problèmes juridiques qui pourraient survenir à la suite de cette validation et non pas pour réserver des tâches de bureau à ces professionnels.

[76]        Or, la preuve au dossier révèle qu’il y a effectivement deux vérifications des informations colligées, l’une par le Groupe FCT ou le Groupe Chicago et l’autre par le notaire instrumentant. La décision de la juge de première instance voulant qu’il n’y ait ainsi aucune entorse à la Loi sur le notariat et la Loi sur le Barreau s’explique donc aisément à la lumière de la preuve au dossier.

[77]        Premièrement, ce sont seulement les dossiers de refinancement hypothécaire qui sont visés par les activités du Groupe FCT et du Groupe Chicago, Ainsi, les transactions en cause concernent des immeubles dont les constituants des hypothèques sont déjà propriétaires et qui ont vraisemblablement déjà fait l’objet de recherches et de vérifications de titres lors de leurs achats antérieurs par ces derniers. La validité des titres immobiliers a donc vraisemblablement déjà fait l’objet d’une vérification par un notaire lors de l’achat de l’immeuble par le constituant. Une vérification subséquente de ces mêmes titres lors d’un refinancement est donc moins pressante.

[78]        Deuxièmement, il se dégage de la preuve que le notaire instrumentant agit pour les parties à l’acte et non pour le Groupe FCT ou le Groupe Chicago lorsqu’il reçoit un acte de refinancement hypothécaire, ces dernières sociétés n’étant que les gestionnaires administratifs des dossiers hypothécaires des institutions financières en cause[53].

[79]        Troisièmement, la preuve non contredite révèle aussi que les informations colligées par le Groupe FCT et le Groupe Chicago, à même leurs plates-formes informatiques, sont à nouveau vérifiées une seconde fois par le notaire instrumentant. Le témoignage de la notaire Veilleux est d’ailleurs explicite à ces égards[54] :

Q. Vous les validez. Donc, les informations qui ont été remplies chez FNF, vous les validez…

R. Bien sûr.

Q. … avec l’emprunteur?

R. Bien sûr.

La preuve de ces validations est d’ailleurs abondante au dossier et s’étend notamment à la description cadastrale, à l’état matrimonial du constituant, au nom et à l’adresse du constituant, à l’identité du constituant, etc.[55]. Bref, l’ensemble des informations colligées à l’acte par le Groupe FCT et le Groupe Chicago font également l’objet d’une vérification par le notaire instrumentant.

[80]        Dans ce contexte, on comprend mal en quoi la protection du public serait mise en péril du fait que le Groupe FCT et le Groupe Chicago procèdent eux aussi à une vérification préalable des informations colligées dans les actes en cause, puisque ces informations sont aussi vérifiées par le notaire instrumentant. L’objectif de protection du public est ainsi accru par cette double vérification. Ni la Chambre des notaires ni le Barreau n’expliquent en quoi l’intérêt public serait ainsi compromis.

[81]        Il existe une exception à cette double vérification par un notaire externe, soit le cas des quittances. La preuve révèle en effet que les quittances sont fournies par le Groupe Chicago ou le Groupe FNC, selon le cas, sans que ces documents soient transmis par ces dernières à un notaire ou avocat indépendant pour vérification. Ces quittances sont, de fait, des formulaires standards produits par les centres de traitement de prêts hypothécaires à même des modèles types (notamment les modèles préparés par la Chambre des notaires elle-même et disponibles sur Internet) et dans lesquels on fusionne sur la plate-forme informatique les informations fournies par les institutions financières[56].

[82]        Il faut noter que ce sont les créanciers déchargés qui sont obligés de fournir les quittances selon l’article 1697 du Code civil du Québec. La transmission d’un modèle type de quittance à un créancier déchargé sur paiement par le Groupe Chicago ou le Groupe FCT n’est donc qu’une courtoisie pour ce créancier, lequel est juridiquement requis de préparer lui-même la quittance sur réception de paiement.

[83]        Dans les faits, les créanciers déchargés sont des banques à chartes ou d’autres grandes institutions financières. On ne peut présumer que ces grandes institutions signent ces quittances à l’aveuglette, mais plutôt après une vérification interne par leurs cadres et juristes.  En l’absence d’une preuve contraire, la Chambre des notaires et le Barreau du Québec n’ont pas rempli leur fardeau de démontrer qu’en transmettant un modèle de quittance, le Groupe Chicago et le Groupe FNC feraient ainsi entorse à la Loi sur le notariat ou à la Loi sur le Barreau.

 

 

(b)  Les avis juridiques

[84]        Il n’est pas contesté que le Groupe Chicago et le Groupe FTC effectuent des recherches sommaires de titres, ce qui comprend la confirmation des droits détenus par l’emprunteur dans l’immeuble hypothéqué, la conformité de la description et de la désignation cadastrale de l’immeuble et l’existence d’hypothèques immobilières, droits réels ou autres charges grevant l’immeuble[57]. Lorsque ces recherches permettent d’identifier un problème, ils informent les institutions financières de la nature de celui-ci ainsi que des solutions possibles[58]. Les problèmes pouvant être découverts à la suite de cette vérification sommaire de titres sont variés, mais comprennent, par exemple, l’identification d’une hypothèque antérieure non radiée, d’une déclaration de résidence familiale, d’un avis de vente pour taxes, de procédures de divorce en cours, du décès d’un des propriétaires, et ainsi de suite[59].

[85]        Au sein du Groupe Chicago, ce sont des techniciens œuvrant sous la responsabilité d’une notaire employée par le groupe qui effectuent les vérifications sommaires des titres; tandis qu’au sein du Groupe FCT, cette vérification sommaire est confiée à un cabinet externe[60].

[86]        La Chambre des notaires et le Barreau soutiennent qu’il s’agit là d’activités visées par le paragraphe 15(5) de la Loi sur le notariat (« donner [pour le compte d’autrui] des avis ou des consultations juridiques ») et par la disposition similaire prévue à l’alinéa 128(1)a) de la Loi sur le Barreau.

[87]        Pour contrer cet argument, le Groupe Chicago et le Groupe FCT soutiennent, en premier lieu, que la simple vérification de titres, sans qu’une opinion soit rendue à cet égard, ne relève pas de l’exercice exclusif du notaire ou de l’avocat. La juge de première instance a retenu cette prétention[61], prenant appui sur le jugement de la Cour supérieure dans Association professionnelle des notaires du Québec c. Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec[62] (« Courtage immobilier ») et l’arrêt de la Cour dans Charlebois c. Barreau du Québec[63].

[88]        En second lieu, le Groupe Chicago et le Groupe FTC soutiennent que leurs activités de validation et de vérification des charges immobilières et du titre immobilier et la communication aux institutions financières des problèmes identifiés à ces égards, le cas échéant, ne sont pas faites « pour le compte d’autrui », mais plutôt dans le cadre des souscriptions des polices d’assurance titres afin de vérifier si leurs critères de souscription sont satisfaits. Ils agiraient donc pour eux-mêmes plutôt que pour les institutions financières clientes. La juge de première instance a aussi retenu cette prétention[64].

[89]        En appel, la Chambre des notaires et le Barreau contestent ces conclusions. Qu’en est-il?

[90]        La juge de première instance a conclu, à bon droit, que l’examen du registre immobilier afin de déceler des problèmes possibles de titres ne relève pas de l’exercice exclusif du notaire ou de l’avocat. Le registre immobilier est ouvert au public et toute personne qui le requiert peut consulter ce registre et obtenir un état certifié des droits réels, ou des seules hypothèques ou charges, subsistant à l’égard d’un immeuble, de même que des copies des documents qui sont conservés dans les bureaux de la publicité des droits[65].

[91]        De plus, simplement informer une personne de possibles problèmes de titres ou de l’existence de charges à l’égard d’un immeuble ne relève pas non plus de l’exercice exclusif de l’avocat et du notaire. Par analogie avec la décision de la Cour supérieure dans l’affaire portant sur le Courtage immobilier[66], il faut distinguer, d’une part, entre l’identification de problèmes juridiques potentiels au registre foncier -  laquelle ne relève pas exclusivement du notaire ou de l’avocat - et, d’autre part, une opinion juridique sur la qualité des titres ou la préparation d’actes juridiques pour assurer la correction des problèmes juridiques quant aux titres, lesquelles relèvent de l’exercice exclusif de ces professions[67].

[92]        Quoiqu’il soit toujours difficile de cerner la limite entre l’opinion ou l’avis juridique et la simple information de type juridique, il faut éviter de voir des « consultations et avis d’ordre juridique » à toutes les occasions lorsqu’un problème d’ordre juridique se pose. Tout dépend du contexte. Comme le soulignait le juge Rochette dans Charlebois c. Barreau du Québec, le critère de différenciation déterminant est celui de l’intérêt public que le législateur a voulu protéger en conférant aux avocats et aux notaires le droit exclusif de donner des consultations et avis juridiques[68] :

[24]     Il existe un doute persistant sur le sens et la portée de l'article 128(1)a) de la Loi sur le Barreau. Les dispositions de cette loi portant sur l'exercice de la profession d'avocat sont d'ordre public puisqu'elles tendent à protéger l'intérêt général. Mais que faut-il entendre par ces "consultations et avis d'ordre juridique" qui relèvent exclusivement de l'avocat, de par la volonté du législateur d'assurer la protection du public?

[25]     L'intimé plaide que l'application de principes de droit à une situation donnée constitue, dans tous les cas, "un avis d'ordre juridique". Je suis en désaccord avec cette proposition. Cela signifierait que toute référence à une règle de droit par quiconque, en relation avec une situation concrète, constitue une infraction à la Loi sur le Barreau, quelles que soient les circonstances.

[26]     Ainsi, pourrait être poursuivie en justice pour exercice illégal de la profession d'avocat la personne qui conseille à son voisin de prendre un recours en annulation de vente d'une résidence pour vices cachés en vertu du Code civil, à son amie de présenter une requête pour pension alimentaire en vertu de la Loi sur le divorce, voire à son codétenu de rédiger et présenter un recours en habeas corpus ou une requête pour preuve nouvelle au stade de l'appel. Avec égards, cette interprétation ne me paraît pas raisonnable.

[27]     Qu'en est-il du professeur de droit qui, sans être un avocat en exercice, émaille son enseignement d'exemples concrets et répond, à l'occasion, à des problématiques vécues par ses étudiants ou des gens de leur entourage?

[Soulignement dans l’original]

[93]        Dans le contexte d’un prêt hypothécaire, le simple fait qu’un responsable de crédit auprès d’une institution financière, après consultation du registre foncier, informe le client qui cherche un emprunt qu’une hypothèque antérieure pourrait être inscrite contre l’immeuble qu’il souhaite hypothéquer ne constitue pas une opinion ou un avis juridique au sens de la Loi sur le Barreau ou la Loi sur le notariat. Il en est de même lorsque l’institution financière informe le client que l’immeuble est grevé d’une hypothèque légale ou qu’un autre droit est inscrit contre l’immeuble.  Les exemples pourraient être multipliés. Or, il n’y a aucune logique d’intérêt public qui permet de conclure que l’institution financière doit requérir les services d’un avocat ou d’un notaire pour simplement informer son client de tels problèmes qui découlent d’un simple examen du registre foncier.

[94]        Bien sûr, lorsqu’il s’agit de rédiger les actes requis pour corriger les problèmes identifiés afin de procéder à une inscription au registre foncier ou s’il s’agit d’émettre une opinion juridique sur la qualité des titres, alors l’intérêt public commande qu’un professionnel jugé compétent par le législateur accomplisse le travail requis. Cependant, ce ne sont pas là des activités du Groupe Chicago ou du Groupe FCT selon les conclusions de fait de la juge de première instance[69] :

[215]     De façon générale, il appartient au prêteur ou à l'emprunteur de régler la difficulté, habituellement avec l'assistance d'un notaire externe. Le prêteur doit ensuite en aviser Groupe Chicago ou Groupe FCT, selon le cas, afin que le dossier puisse reprendre son cours. Dans tous les cas, le prêteur a l'option de tout simplement annuler sa demande pour l'émission d'une assurance titres, ce qui met fin au dossier.

[95]        En l’occurrence, le Groupe Chicago et le Groupe FCT informent les institutions financières des problèmes qui font suite à leurs examens sommaires du registre foncier, lesquelles institutions financières en informent à leur tour leurs clients emprunteurs afin qu’ils prennent les moyens pour résoudre ces problèmes. Toutes ces activités visent à obtenir l’émission d’une police d’assurance titres et non pas une opinion sur les titres. Comme la juge de première instance l’a conclu, il ne s’agit pas là de « consultations et d’avis d’ordre juridique » au sens de la Loi sur le notariat ou de la Loi sur le Barreau vu que la Chambre des notaires et le Barreau n’identifient pas l’intérêt public à protéger qui permettrait de conclure qu’il s’agit là d’actes réservés aux avocats et aux notaires. C’était d’ailleurs l’opinion du président antérieur de la Chambre des notaires[70] :

[221]     C'est d'ailleurs ce qu'écrivait déjà en avril 2005 le président de la CNQ dans une lettre adressée à un notaire qui se plaignait des pratiques des compagnies d'assurance titres. Citant l'opinion juridique alors reçue, le président de la CNQ écrit [Pièce FCT D-54] :

Et les examens (de) titres qui ne sont d'ailleurs pas de la compétence exclusive des notaires et des avocats servent à l'évaluation du risque à couvrir par la compagnie d'assurance-titres et non à la confection d'une opinion juridique sur titres.

[96]        Cette lettre du président d’alors de la Chambre des notaires, Me Denis Marsolais, révèle que les vérifications de l’inspection professionnelle, du syndic et des services juridiques n’ont permis de constater aucune contravention à la Loi sur le notariat par les centres de gestion des dossiers de prêts hypothécaires[71] :

Je dois vous dire d’abord que les processus du centre de traitement ont déjà fait l’objet de vérification de la part de l’Inspection professionnelle, du Syndic et des Services juridiques de la Chambre. La conclusion des différentes enquêtes qui ont été menées est claire : les processus utilisés alors étaient conformes à la Loi sur le notariat et à ses règlements et on ne peut prétendre à une pratique illégale de la part du centre.

Il faut comprendre que le travail effectué par le centre de traitement a tout d’abord été requis par l’institution financière selon ses instructions. La préparation d’un dossier hypothécaire est confiée au personnel de bureau du centre sous la supervision d’un notaire. On procède à la préparation matérielle de l’acte à l’aide du formulaire standard de l’institution financière; on vérifie les informations requises par celle-ci; on voit à l’expédition de la documentation nécessaire. Il est clair pour nos observateurs que ce travail est purement clérical et personne du centre ne s’adresse directement ou indirectement au débiteur.

Vous soutenez, je crois, que ce travail (ou peut-être certains gestes) constitue un acte professionnel au sens du Code des professions. Rien ne nous permet, selon nous, de conclure que ces gestes seraient réservés aux notaires. Rien en effet dans le travail effectué au centre de traitement ne s’apparente à un conseil, à un avis ou à une consultation d’ordre juridique, à un travail de rédaction ou de composition juridique, ou à une réception de signatures (sauf, dans de rares cas, celle du représentant de l’institution financière à la demande du notaire instrumentant).

Quelles sont les activités réservées aux notaires dont parle l’article 32 du Code des professions? On les retrouve sous le chapeau des droits exclusifs à l’article 15 de la Loi sur le notariat. La lecture de cet article m’amène à croire qu’aucun des gestes posés par le centre de traitement ne constitue un droit exclusif à la profession contrairement aux exemples que vous apportez dans votre lettre.

(c)  Les notaires délégués

[97]        De façon exceptionnelle, soit dans moins de 5 % des cas, en plus du notaire instrumentant, le Groupe Chicago mandate directement un notaire délégué pour recevoir la signature de l’emprunteur sur l’acte d’hypothèque[72]. Le document est alors acheminé au notaire instrumentant pour recevoir la signature de l’institution financière prêteuse et pour l’inscrire au registre foncier. Le mandat du notaire délégué est le suivant[73].

Votre mandat se limite à ce qui suit :

·         procéder à la lecture de l’acte et fournir les explications requises, conformément à vos obligations professionnelles. À cet effet, vous devez vous assurer d’exercer votre devoir de conseil, le tout en conformité avec la législation en vigueur;

·         recevoir la signature des débiteurs/constituants, du représentant de et des intervenants, le cas échéant;

·         vérifier l’identité de chacune des parties, faire les copies des pièces d’identité, compléter et signer le formulaire prévu à cet effet, si requis;

·         signer l’acte, et faire tout ce qui est requis pour les fins de l’application de l’article 50 de la Loi sur le notariat;

·         Nous retourner l’original de l’acte ainsi que les documents dans les meilleurs délais.

[98]        La Chambre des notaires et le Barreau soutiennent que seul le notaire instrumentant peut désigner un notaire délégué à ces fins. La juge de première instance a conclu que cette prétention n’a aucune assise dans la Loi sur le notariat[74]. Elle a raison.

[99]        Le second alinéa de l’article 50 de la Loi sur le notariat prévoit que la signature d’une partie à un acte notarié peut être donnée en présence d’un autre notaire que le notaire instrumentant pourvu que ce dernier reçoive la dernière signature. Le notaire qui reçoit ainsi cette signature doit inscrire et signer une attestation de la réception de celle-ci devant lui et de la date à laquelle elle a été reçue. Dans ce cas, la partie est alors réputée avoir comparu devant le notaire instrumentant pour les fins de l’acte notarié[75].

[100]     Aucune disposition de la Loi sur le notariat n’indique que seul le notaire instrumentant peut mandater le notaire délégué. D’ailleurs, on comprend mal pourquoi il faudrait que ce soit ainsi. Les appelants soutiennent que ce principe découlerait implicitement du contrôle que doit avoir le notaire instrumentant sur l’acte notarié; or, le notaire délégué assumera toutes les obligations prévues au Code de déontologie et à la Loi sur le notariat à l’égard de la partie dont il recevra la signature. Ainsi, il devra l’identifier, lui faire lecture de l’acte conformément aux principes déjà énoncés et l’informer adéquatement de l’étendue des droits et obligations qui en découlent. Il devra également s’assurer du caractère libre et éclairé de son consentement[76].

[101]     Ainsi, la Chambre des notaires et le Barreau n’expliquent pas en quoi la protection du public justifierait de conclure que la désignation d’un notaire délégué relève de la compétence exclusive du notaire instrumentant. Ils n’identifient pas l’intérêt public qui justifierait une telle conclusion.

(d)  L’appel incident

[102]     L’article 342 C.p.c. prévoit ce qui suit :

342. Le tribunal peut, après avoir entendu les parties, sanctionner les manquements importants constatés dans le déroulement de l’instance en ordonnant à l’une d’elles, à titre de frais de justice, de verser à une autre partie, selon ce qu’il estime juste et raisonnable, une compensation pour le paiement des honoraires professionnels de son avocat ou, si cette autre partie n’est pas représentée par avocat, une compensation pour le temps consacré à l’affaire et le travail effectué.

342. The court, after hearing the parties, may punish substantial breaches noted in the conduct of the proceeding by ordering a party to pay to another party, as legal costs, an amount that it considers fair and reasonable to cover the professional fees of the other party’s lawyer or, if the other party is not represented by a lawyer, to compensate the other party for the time spent on the case and the work involved.

[103]     En première instance, le Groupe FCT soutenait que le recours entrepris par la Chambre des notaires était motivé par le protectionnisme corporatif plutôt que par la mission de protection du public qui lui est dévolue par la loi. La juge n’a pas retenu ces prétentions. En appel, le Groupe FCT reprend le même débat.

[104]     Or, les moyens d’appel invoqués par le Groupe FCT heurtent directement les conclusions de fait de la juge de première instance qui, à la suite d’une longue et minutieuse revue de la preuve, a conclu que la Chambre des notaires avait institué le recours dans le but principal de protéger le public et non pas dans un but de protectionnisme corporatif[77] :

[69]      Les compagnies d'assurance titres soumettent que le recours entrepris par la CNQ [Chambre des notaires] et le BQ [Barreau du Québec] n'est pas motivé par la recherche de la protection du public, mais plutôt par une attaque en règle contre les compagnies d'assurance titres dans le but avoué de mettre fin à la concurrence que subissent les notaires et les avocats de la part des compagnies d'assurance titres.

[…]

[71]     Néanmoins, le Tribunal est satisfait que la CNQ et le BQ ont institué le présent recours dans le but principal de protéger le public, et non pas dans un but de protectionnisme corporatif indépendamment de la protection du public.

[…]

[98]      Il est exact que le BQ s'était d'abord penché sur les pratiques des compagnies d'assurance titres en 2009 et avait décidé, après analyse, de fermer son dossier et de ne pas entreprendre de recours pénal à l'encontre de ces dernières pour exercice illégal de la profession. À ce moment, le BQ estimait que le dossier n'était pas mûr et que la preuve dont il disposait était insuffisante pour justifier l'institution d'un recours pénal.

[99]      Toutefois, comme l'explique à l'audition la secrétaire du BQ, Me Champagne, à l'automne 2010, le BQ décide de revoir sa position. En janvier 2011, après avoir effectué des vérifications et analyses additionnelles quant à l'opportunité d'une demande pour jugement déclaratoire, le BQ adopte une résolution autorisant l'institution du présent recours.

[100]     En octobre 2011, en marge de la demande pour jugement déclaratoire qui suit alors son cours, le Comité sur l'exercice illégal de la CNQ discute de la possibilité de « prendre une poursuite pénale contre une petite compagnie utilisant des procédés comparables aux Centres de traitement pour construire une jurisprudence ». Il était également suggéré de « déposer des plaintes disciplinaires contre les notaires employés de Centres de traitement ».

[101]    En novembre 2011, la CNQ intervient dans le cadre des auditions publiques de la commission parlementaire sur le projet de loi No 24 intitulé Loi visant principalement à lutter contre le surendettement des consommateurs et à moderniser les règles relatives au crédit à la consommation. La CNQ invite le législateur à examiner les pratiques des compagnies d'assurance titres et à en baliser sa distribution, tout en indiquant que l'utilité de ce produit est « fort discutable ».

[102]     C'est dans ce contexte que les compagnies d'assurance titres invitent le Tribunal à conclure que le présent recours est motivé par des considérations indépendantes de la mission de protection du public de la CNQ et du BQ.

[103]     Or, loin d'y voir là un abus de droit, un protectionnisme mal avisé ou un détournement de la mission de protection du public de la CNQ et du BQ, le Tribunal y voit plutôt la détermination de deux ordres professionnels qui tentent de mettre en œuvre leur importante responsabilité de contrôle de la profession et qui estiment nécessaire de faire trancher par les tribunaux la question de la légalité des pratiques des compagnies d'assurance titres.

[104]     Ce faisant, dans la mesure où la CNQ et le BQ agissent de bonne foi et qu'ils ont comme principal motif la protection du public, le Tribunal estime qu'ils peuvent se tromper sans que cela constitue un exercice illégitime de leurs pouvoirs.

[105]     Selon le Tribunal, le fait que la volonté de la CNQ et du BQ de protéger le public puisse également concorder avec l'intérêt économique des notaires ou des avocats ne vient pas nécessairement annihiler la légitimité et la légalité de démarches visant la mise en œuvre de leur mission première de protection du public.

[…]

[111]     Au final, même si la demande pour jugement déclaratoire est rejetée, le Tribunal est d'avis que la principale motivation qui a amené la CNQ et le BQ à instituer le présent recours est de trouver une réponse utile à une question juridique qui représente une difficulté réelle à résoudre, et ce, dans l'accomplissement de leur mission de protection du public.

[…]

[263]     La demande de compensation de Groupe FCT doit être rejetée.

[264]     En effet, les arguments de Groupe FCT au soutien de sa demande de compensation se recoupent ici avec ceux avancés quant aux conditions d'ouverture au jugement déclaratoire. Comme indiqué, malgré que le recours soit rejeté, le Tribunal est d'avis qu'aucun reproche ne peut être formulé à l'endroit de la CNQ et du BQ quant à leur décision d'avoir entrepris ce recours ou quant à leur comportement dans le cadre du déroulement de l'instance. Aucun manquement important ou sérieux n'a été observé.

[Soulignement ajouté; renvois omis]

[105]     Il y a amplement d’éléments au dossier qui permettent de soutenir ces conclusions essentiellement factuelles. Le Groupe FCT demande à la Cour de procéder à une nouvelle appréciation de la preuve pour y substituer une conclusion qui lui serait plus favorable. Ce n’est pas le rôle de la Cour, comme le signalait le juge Morissette dans J.G. c. Nadeau[78].

LES CONCLUSIONS 

[106]     Pour ces motifs, LA COUR :

[107]     REJETTE l’appel, avec frais de justice;

[108]     REJETTE l’appel incident, avec frais de justice en faveur de la Chambre des notaires du Québec.

 

 

 

 

MARK SCHRAGER, J.C.A.

 

 

 

 

 

 

 

ROBERT M. MAINVILLE, J.C.A.

 

 

 

 

 

 

 

SUZANNE GAGNÉ, J.C.A.

 

Me Michel Décary

Me Annie Mathieu

BCF

Pour les appelants/intimés incidents

 

Me Simon V. Potter

Me Céline Legendre

Me Geneviève St-Cyr-Larkin

McCARTHY TÉTRAULT

Pour Compagnie d’assurances FCT Ltée et Compagnie de titres First Canadian Limitée

 

Me Sylvain Lussier

Me Julien Hynes-Gagné

OSLER, HOSKIN & HARCOURT

Pour Compagnie d’assurance Titres Chicago et Compagnie FNF Canada

 

Me Chantal Hamel

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

Pour Autorité des marchés financiers

 

Me Anik Fortin Doyon

ORDRE DES ARPENTEURS-GÉOMÈTRES DU QUÉBEC

Pour Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec

 

 

Date d’audience :

14 juin 2018

 



[1]     François Brochu, Le système Torrens et la publicité foncière québécoise, (2002) 47 R.D. McGill 625, p. 661-662.

[2]     Loi sur le notariat, RLRQ, c. N-3.

[3]     Loi sur le Barreau, RLRQ, c. B-1.

[4]     Jugement entrepris, par. 45-56.

[5]     Jugement entrepris, par. 111.

[6]     Pauzé c. Gauvin, [1954] R.C.S. 15.

[7]     Jugement entrepris, par. 134-138.

[8]     Ibid., par. 138.

[9]     Ibid., par. 168.

[10]    Ibid., par. 179

[11]    Barreau du Nouveau-Brunswick c. FCT Insurance Company, 2009 NBCA 22.

[12]    FCT Insurance Company c. Barreau du Nouveau-Brunswick, 2007 NBBR 347, par. 97.

[13]    Jugement entrepris, par. 182.

[14]    Ibid., par. 184-186.

[15]    Ibid., par, 197-199.

[16]    Ibid., par. 202-203.

[17]    Ibid., par. 210-215.

[18]    Ibid., par. 219.

[19]    Ibid., par. 220.

[20]    Ibid., par. 224-227.

[21]    Ibid., par. 230.

[22]    Ibid., par. 241-244.

[23]    Ibid., par. 251-252.

[24]    Ibid., par. 255.

[25]    Charlebois c. Barreau du Québec, 2012 QCCA 788.

[26]    Jugement entrepris, par. 219.

[27]    Ibid., par. 264.

[28]    Ibid., par. 265-266.

[29]    Pauzé c. Gauvin, supra, note 6.

[30]    Ibid., p. 17.

[31]    Ibid., p. 18.

[32]    Ibid., p. 19.

[33]    Code des professions, RLRQ, c. C-26, art. 26.

[34]    Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, 2002 CSC 42, [2002] 2 R.C.S. 559, par. 26, citant Elmer A. Driedger, Construction of Statutes, 2e éd., Toronto : Butterworths, 1983. Cette règle a été reprise à de nombreuses occasions, voir notamment : Société Radio-Canada c. SODRAC 2003 Inc., 2015 CSC 57, [2015] 3 R.C.S. 615, par. 48; R. c. Steele, 2014 CSC 61, [2014] 3 R.C.S. 138, par. 23.

[35]    Fortin c. Chrétien, 2001 CSC 45, [2001] 2 R.C.S. 500, par. 21-22. Voir aussi Tremblay c. Dionne, 2006 QCCA 1441, par. 42.

[36]    Barreau du Québec c. Québec (Procureure générale), 2017 CSC 56, [2017] 2 R.C.S. 488, par. 29. Le juge Brown s’exprime pour les huit juges majoritaires et des propos similaires sont repris par la juge Côté dans ses motifs dissidents au par. 95. Voir aussi Pharmascience inc. c. Binet, 2006 CSC 48, [2006] 2 R.C.S. 513, par. 35.

[37]    Bibeau c. Ordre des ingénieurs du Québec, 2015 QCCA 360, par. 51-53 et 57; Charlebois c. Barreau du Québec, supra, note 25, par. 23; Vézina c. Corporation professionnelle des médecins du Québec, [1998] R.J.Q. 2941 (C.A.), [1998] J.Q. n° 3107 (QL), par. 24-25 de l’éd. QL.

[38]    Fortin c. Chrétien, supra, note 35, par. 21-22.

[39]    Louis Payette, Les sûretés dans le Code civil du Québec, 5e éd., 2015, Éditions Yvon Blais, n° 700.

[40]    Voir notamment André Vachon, Histoire du notariat canadien, Québec, Presse de l’Université Laval, 1962; Julien S. Mackay, La Loi sur le notariat, son évolution et son histoire, 1989 R. du N. 421 (partie I), 1989 R. du N. 573 (partie II) et 2002 R. du N. 49 (partie III); Paul-Yvan Marquis, La responsabilité civile du notaire, Cowansville, Yvon Blais, 1999, par. 40, p. 21-22.

[41]    CIBC Mortgage c. Vasquez, 2002 CSC 60, [2002] 3 R.C.S. 168, par. 35, citant Pierre Ciotola, Droit des sûretés, 3e éd., Montréal, Thémis, 1999.

[42]    Pièce FCT D-35, Exposé en appel du Groupe FCT, p. 504.

[43]    Pour le Groupe FCT, voir pièces P-15, P-16, P-22 et P- 24, Exposé des appelants, p. 577, 581 et 584-606. Les honoraires versés sont légèrement supérieurs pour le groupe Chicago, voir pièces P-38 et    P-41, Exposé des appelants, p. 1281 et 1286-1309.

[44]    Témoignage de la notaire Marie Veilleux du 13 avril 2017, p. 25 ligne 1 à p. 26 ligne 12 (p. 2458-2459) et p. 60 lignes 12 à 24 (p. 2493). Les pages entre parenthèses sont des renvois à l’Exposé des appelants.

 

[45]    FCT Insurance Company c. Barreau du Nouveau-Brunswick, supra, note 12.

[46]    Loi sur le courtage immobilier, RLRQ, c. C-73.2, art. 1.

[47]    Règlement sur les contrats et formulaires, RLRQ, C-73.2. r. 2.1.

[48]    Pour une description du système de transfert de propriété immobilière en common law et du système « Torrens », voir notamment Greg Taylor, The Law of the Land : The Advent of the Torrens System in Canada, Toronto, University of Toronto Press, 2008; F. Brochu, Le système Torrens et la publicité foncière québécoise, supra, note 1.

[49]    Jugement entrepris, al. 47c) et g) et par. 175-177.

[50]    Ibid., par. 52a).

[51]    Ibid., par 47d), 52b), 53b), 54 et 197.

[52]    Acte pour amender et refondre les différents actes concernant le notariat en cette province, (1875) 39 Vict., c. 33, art. 51.

[53]    Voir à cet égard l’article 11 de la Loi sur le notariat et le témoignage non contredit de la notaire Marie Veilleux du 13 avril 2017, p. 17 ligne 12 à ligne 21 et p. 49, lignes 9 à 19, reproduites aux p. 2450 et 2482 de l’Exposé des appelants.

[54]    Témoignage de la notaire Marie Veilleux du 13 avril 2017, p. 32 ligne 7 à ligne 11, reproduite à la            p. 2465 de l’Exposé des appelants.

[55]    Voir notamment le témoignage de la notaire Nathalie Dragon du 12 avril 2017, p. 26, lignes 1 à 3            (p. 2197), p. 28 lignes 18 à 24 (p. 2199), p. 52 ligne 23 à p. 53 ligne 5 (p. 2223-2224), p. 54 lignes 4 à 21 (p. 2225), p. 70 ligne 19 à p. 71 ligne 1 (p. 2241-2242), p. 75 ligne 22 à p. 76 ligne 5 (p. 2246-2247), p. 154 lignes 17 à 21 (p. 2325). Voir aussi le témoignage de la notaire Marie Veilleux du 13 avril 2017, p. 16 lignes 13 à 25 (p. 2449), p. 24 lignes 3 à 25 (p. 2457), p. 32 lignes 7 à 11 (p. 2465), p. 32 ligne 24 à p. 33 ligne10 (p. 2465-2466), p. 35 ligne 24 à p. 36 ligne 13 (p. 2468-2469), p. 6. Les pages entre parenthèses sont des renvois à l’Exposé des appelants.

[56]    Jugement entrepris, par. 48, 53 a), 197 et 200-202.

[57]    Jugement entrepris, par. 204, 209 et 254.

[58]    Ibid., par. 212-213 et 255.

[59]    Ibid., par. 214.

[60]    Ibid., par. 210-211.

[61]    Ibid., par. 220.

[62]    Association professionnelle des notaires du Québec c. Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec, 2016 QCCS 572, par. 40, conf. 2018 QCCA 265.

[63]    Charlebois c. Barreau du Québec, supra, note 25.

[64]    Jugement entrepris, par. 219.

[65]    C.c.Q., art. 3019; Règlement sur la publicité foncière, RLRQ, c. CCQ, r. 6, art. 75-81.

[66]    Association professionnelle des notaires du Québec c. Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec, supra, note 62.

[67]    Ibid., par. 6.

[68]    Charlebois c. Barreau du Québec, supra, note 25, par. 24-27.

 

[69]    Jugement entrepris, par. 215.

[70]    Ibid., par. 221, citant la pièce FCT D-54, reproduite à l’exposé du Groupe FCT, p. 531-532.

[71]    Pièce FCT D-54, reproduite à l’exposé du Groupe FCT, p. 531-532

[72]    Jugement entrepris, par. 47 j).

[73]    Pièce P-39, Mandat au notaire délégué par Compagnie FNF (Groupe Chicago), reproduit à la p. 690 de l’Exposé des appelants.

[74]    Jugement entrepris, par. 242-244.

[75]    Loi sur le notariat, art. 53, 2e alinéa.

[76]    Voir l’article 43, 2e alinéa de la Loi sur le notariat et Alain Roy, Déontologie et procédure notariales, Montréal, Thémis, 2002, par. 212.

[77]    Jugement entrepris, par. 69-71, 98-105, 111 et 263-264.

[78]    J.G. c. Nadeau, 2016 QCCA 167 (demande de permission d'appeler à la Cour suprême du Canada rejetée, [2016] C.S.C.R. n° 140, 2 mars 2017, dossier 36924).

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