Décision

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Poulin c. Gagnon

2022 QCTAL 15585

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Québec

 

No dossier :

607253 18 20220118 G

No demande :

3439352

 

 

Date :

30 mai 2022

Devant la juge administrative :

Micheline Leclerc

 

Harold Poulin

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

Martin Gagnon

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Le locateur réclame le loyer impayé à la date de l’audience, avec les intérêts et les frais, la résiliation du bail, l’éviction du locataire et de tous les occupants du logement ainsi que l’exécution provisoire nonobstant appel.

LA PREUVE 

[2]         Les parties sont liées par un bail reconduit au loyer mensuel de 580 $ pour la période du 1er juillet 2021 au 30 juin 2022.

[3]         Le locateur réclame la somme de 3 491,49 $ à titre de loyer impayé jusqu’au mois de mai 2022 inclusivement ainsi que des frais de déneigement de 200 $ que le locataire n’a pas payés.

[4]         Il a produit les deux chèques au montant de 580 $ retournés et les deux chèques au montant de 772,22 $ que le locataire n’a pas remplacés ainsi que la lettre du locataire datée du 11 avril 2022 dans laquelle il écrit devoir 3 204,44 $.

[5]         Le locataire dit qu’il ne peut pas valider le montant réclamé, mais il reconnaît que les loyers des mois de mai et juin 2021 n’ont pas été payés et qu’il a fait un arrêt de paiement sur le loyer du mois de novembre 2021 parce que des travaux avaient été faits sans avis.

[6]         Le loyer du mois de décembre n’a pas été payé pour les mêmes raisons.

[7]         Il allègue que le montant mentionné dans sa lettre était destiné à conclure une entente.

DÉCISION

[8]         La preuve a révélé que les parties sont liées par un bail reconduit au loyer mensuel de 589 $ pour la période du 1er juillet 2021 au 30 juin 2022, lequel prévoit que les frais de déneigement sont à la charge du locataire.


[9]         Dans sa lettre du 11 avril dernier, le locataire écrit:

« (…) Pour rappel voici le montant que vous demandiez.

4084,44 $. À ce montant il faut déduire 880.00 $ pour le loyer de janvier et le déneigement 2022 qui vous ont été remis en main propre et signé de votre part. Il reste donc un montant de 3204,44 $. »

[10]     Il propose par la suite de payer une somme de 1 700 $ en invoquant diverses raisons, proposition que le locateur a refusée.

[11]     Le locataire a soulevé une défense d’exception d’exécution prévue à l’article 1591 C.c.Q. :

« 1591. Lorsque les obligations résultant d'un contrat synallagmatique sont exigibles et que l'une des parties n'exécute pas substantiellement la sienne ou n'offre pas de l'exécuter, l'autre partie peut, dans une mesure correspondante, refuser d'exécuter son obligation corrélative, à moins qu'il ne résulte de la loi, de la volonté des parties ou des usages qu'elle soit tenue d'exécuter la première. »

[12]     La jurisprudence exige qu’un locataire paie son loyer et introduise le recours approprié si le locateur ne respecte pas ses obligations comme l’a rappelé le Tribunal dans l’affaire Nguyen c. Savard[1].

[13]     Il ressort de la preuve que deux chèques de 580 $ et de 772,22 $ n’ont pas été remplacés, pour un total de 2 704,44 $, auquel il faut ajouter les frais de déneigement de 200 $ que le locataire reconnaît ne pas avoir payés, pour un total de 2 904,44 $.

[14]     CONSIDÉRANT le bail;

[15]     CONSIDÉRANT qu’à la date de l’audience, le locataire doit une somme de 2 904,44 $ à titre de loyer;

[16]     CONSIDÉRANT que le Tribunal a discrétion pour résilier le bail tel que reconnu par l’Honorable juge Théroux dans l’affaire 3104-2583 Québec Inc. c.  Gingras[2]:

« [34] S'il s'agit d'un retard de plus de trois semaines dans le paiement du loyer, la Régie ne peut ordonner au locataire d'exécuter son obligation, c'est-à-dire de payer le loyer en retard, dans un délai qu'elle détermine.  Elle doit alors prononcer la résiliation du bail et l'éviction du locataire.

[35] Une précision s'impose ici.

[36] L'article 1973 du C.c.Q. vise toutes les obligations réciproques, du locataire et du locateur, dont le non-respect est susceptible d'entraîner la résiliation du bail.  Il accorde à la Régie la discrétion de différer la résiliation en ordonnant au débiteur de l'obligation de s'exécuter dans un délai qu'elle détermine.  Cette discrétion n'existe pas si la demande de résiliation découle du motif énoncé à l'article 1971 :  le locataire est en retard de plus de trois semaines pour le paiement du loyer.

[37] Avec égards pour l'opinion contraire, le Tribunal ne croit pas que le fait d'exclure la discrétion accordée à la Régie par l'article 1973 dans les cas de retard de plus de trois semaines dans le paiement du loyer a automatiquement pour effet de la contraindre à prononcer obligatoirement la résiliation du bail dans tous les cas où le motif est invoqué.

[38] Conclure en ce sens équivaudrait à supprimer la fonction juridictionnelle de la Régie pour la transformer en simple automatisme.  Ce n'est certainement pas l'intention exprimée par le législateur à l'article 1973 du C.c.Q.

[39] La loi prévoit que le locateur peut obtenir la résiliation du bail si le locataire est en retard de plus de 3 semaines pour le paiement du loyer (article 1971).

[40] Sa demande est soumise à la Régie qui a pleine juridiction pour en disposer, après instruction de l'affaire.  Elle peut donc, sur un strict plan juridictionnel, l'accueillir ou la rejeter pour les motifs qu'elle retient.

[41] La loi empêche toutefois la Régie de différer la résiliation en ordonnant au locataire de payer le loyer (en retard de plus de trois semaines) dans un délai qu'elle détermine (art. 1973).

[42] Une contravention à cette restriction peut être révisée en appel au motif d'excès de compétence comme l'illustre la jurisprudence de la Cour du Québec.

[43] Or, la situation en l'espèce est bien différente.  La Régie n'a pas différé la résiliation aux termes de l'article 1973; elle a plutôt rejeté la demande sur le fond.

[44] Pouvait-elle le faire?  La réponse est oui si elle avait un motif suffisant. »

[17]     CONSIDÉRANT que la demande du locateur ne reflétait pas la somme due lorsqu’il a introduit son recours;

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[18]     ACCUEILLE en partie la demande;

[19]     CONDAMNE le locataire à payer au locateur la somme de 2 904,44 $, avec l’intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, à compter du 1er mai 2022, en plus des frais judiciaires et de signification de 103 $.

[20]     REJETTE quant au surplus.

 

 

 

 

 

 

 

 

Micheline Leclerc

 

Présence(s) :

le locateur

le locataire

Date de l’audience : 

3 mai 2022

 

 

 


 


[1] (2004) J.L. 201 (R.L.)

[2] 3104-2583 Québec Inc. c.  Gingras, 460-80-000989-127, le 12 avril 2013, Honorable Patrick Théroux J.C.Q.

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