Décision

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Gabarit de jugement pour la cour d'appel

Vigi Santé ltée c. Syndicat québécois des employées et employés de service, section locale 298 (FTQ)

2017 QCCA 959

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

N° :

500-09-025561-150

(500-17-082423-149)

 

DATE :

14 juin 2017

 

 

CORAM :

LES HONORABLES

LORNE GIROUX, J.C.A.

MARK SCHRAGER, J.C.A.

ÉTIENNE PARENT, J.C.A.

 

 

VIGI SANTÉ LTÉE

APPELANTE - Requérante

c.

 

SYNDICAT QUÉBÉCOIS DES EMPLOYÉES ET EMPLOYÉS DE SERVICE, SECTION LOCALE 298 (FTQ)

INTIMÉ - Mis en cause

et

JEAN BARRETTE, ès qualités d’arbitre de grief

MIS EN CAUSE - Intimé

 

 

ARRÊT

 

 

[1]           L’appelante se pourvoit contre un jugement rendu le 3 août 2015 par la Cour supérieure du district de Montréal (l’honorable Micheline Perrault), qui a rejeté sa requête en révision judiciaire d’une sentence arbitrale rendue le 14 avril 2014.

[2]           Par cette sentence, l’arbitre mis en cause a accueilli le grief de l’intimé et ordonné à l’appelante d’enlever la caméra installée dans la chambre d’une résidente d’un centre d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) privé subventionné.

[3]           Pour les motifs du juge Parent, auxquels souscrit le juge Schrager, LA COUR :

[4]           ACCUEILLE l’appel;

[5]           INFIRME le jugement de la Cour supérieure du 3 août 2015, avec les frais de justice;

[6]           INFIRME la décision arbitrale du 14 avril 2014;

[7]           REJETTE le grief de l’intimé.

[8]           Pour les motifs qu’il expose, le juge Giroux aurait plutôt rejeté l’appel, avec les frais de justice.

 

 

 

 

LORNE GIROUX, J.C.A.

 

 

 

 

 

MARK SCHRAGER, J.C.A.

 

 

 

 

 

ÉTIENNE PARENT, J.C.A.

 

Me Pierre Douville

Monette Barakett avocats

Pour l’appelante

 

Me Louis Ménard

Lafontaine & Ménard avocats

Pour l’intimé

 

Date d’audience :

21 février 2017


 

 

MOTIFS DU JUGE PARENT

 

 

[9]           J’ai pris connaissance des motifs de mon collègue le juge Giroux.

[10]        Avec beaucoup d’égards, et bien que je partage son analyse concernant la norme de contrôle applicable, j’estime que la décision de l’arbitre est déraisonnable.

[11]        En préambule, je reprends d’abord, sous forme schématique, les faits fort bien résumés par le juge Giroux. J’y ajoute un élément supplémentaire qui ne me paraît pas négligeable :

  1. La caméra est installée par la famille de la résidente dans sa chambre, où elle vit en permanence vu son état de santé;
  2. La caméra sert à assurer un contact visuel et sonore entre la mère et ses enfants, dont deux vivent outre-mer;
  3. Seuls les enfants ont accès aux images de la caméra sur leur téléphone cellulaire, lesquelles ne peuvent être enregistrées, mais dont une capture d’écran est possible;
  4. L’appelante, qui a permis l’installation du dispositif, n’a aucun accès aux images retransmises par la caméra;
  5. Aucun salarié de l’appelante, bien que dûment informé de la présence de la caméra, ne s’en est plaint;
  6. Aucun salarié ne s’est plaint davantage de la présence continue, pendant plusieurs heures, à raison de six jours par semaine, d’une dame de compagnie de la résidente;
  7. La famille ne remet pas en cause la qualité des services des salariés de l’appelante, dont elle se dit, au contraire, très satisfaite;
  8. Des caméras avaient été installées par la famille aux deux endroits où a habité la résidente avant d’emménager chez l’appelante.

[12]        Il convient également de reproduire les deux questions soumises par les parties à l’arbitre :

1.    L’employeur peut-il permettre l’installation d’une caméra[1], par la famille d’un résident, dans la chambre de celui-ci et ce, dans l’unique but de permettre aux membres de la famille de voir le résident?

2.    L’employeur devrait-il permettre à un membre de la famille d’un résident d’installer une caméra dans la chambre de ce résident si le but de l’installation de cette caméra est de surveiller les salariés de l’établissement?

[13]        Quelques mots maintenant sur la norme de contrôle de la décision raisonnable.

[14]        Je reconnais d’emblée la grande déférence que commande cette norme dans la démarche analytique en révision judiciaire. Il existe bien souvent plus d’une issue raisonnable aux questions en litige, et le tribunal agissant en révision doit éviter le piège de substituer son opinion à celle exprimée dans la décision attaquée, au motif inavoué que celle-ci lui paraît inappropriée[2].

[15]        Cela étant, le processus de révision n’en est pas pour autant stérilisé. Chaque aspect du syllogisme ayant conduit à la décision doit être analysé. Ainsi, l’assise factuelle à partir de laquelle le décideur construit son raisonnement doit reposer sur une interprétation raisonnable de la preuve. Si ce n’est pas le cas, la raisonnabilité de la décision risque d’être compromise, puisque cette dernière n’appartient pas alors « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits »[3].

[16]        Les propos du juge Cory, bien qu’antérieurs à l’arrêt Dunsmuir, demeurent fort pertinents :

Lorsqu’une cour de justice contrôle les conclusions de fait d’un tribunal administratif ou les inférences qu’il a tirées de la preuve, elle ne peut intervenir que «lorsque les éléments de preuve, perçus de façon raisonnable, ne peuvent étayer les conclusions de fait du tribunal»: Lester (W. W.) (1978) Ltd. c. Association unie des compagnons et apprentis de l’industrie de la plomberie et de la tuyauterie, section locale 740, [1990] 3 R.C.S. 644, à la p. 669, le juge McLachlin.[4]

[17]        Voilà en quoi j’estime ici que la décision de l’arbitre n’est pas raisonnable. Je m’explique, en soulignant au passage que l’absence de la transcription de la preuve ne représente d’aucune façon un obstacle à l’exercice de révision de la raisonnabilité de la décision attaquée puisque la trame factuelle, par ailleurs complète de l’aveu des parties, est non contredite.

[18]        L’arbitre développe sa décision à partir du constat selon lequel la caméra installée chez la résidente constitue une caméra de surveillance du travail effectué par les salariés qui prodiguent des soins à la résidente.

[19]        Or, la preuve ne permet pas raisonnablement d’en venir à cette conclusion, laquelle constitue la pierre d’assise de la sentence arbitrale. La situation aurait pu être différente si l’arbitre, devant une preuve contradictoire, avait conclu, par exemple, que l’appelant, par le biais de la famille, se servait d’un moyen indirect pour surveiller les salariés. Mais nous ne sommes pas dans ce cas de figure.

[20]        En l’espèce, la preuve n’est pas contredite. L’appelante n’a aucun contrôle sur la caméra, ni n’a accès à ses images. Elle en a uniquement permis l’installation, sans que soit d’ailleurs discutée, en arbitrage, la nécessité de cette autorisation.

[21]        En outre, l’arbitre ne met pas en doute l’affirmation selon laquelle la famille de la résidente n’a pas installé la caméra pour surveiller le travail des employés. Comme je l’ai souligné, des caméras étaient déjà présentes dans les deux milieux de vie précédents de la résidente. Enfin, fait important, aucun salarié ne s’est plaint qu’il se sentait observé ou épié, ou que la caméra lui imposait, de quelque façon, des conditions de travail injustes ou déraisonnables.

[22]        Malgré cette preuve non contredite, l’arbitre conclut que le dispositif installé par la famille est une « caméra de surveillance ». Dit autrement, l’arbitre estime que la caméra permet à l’employeur de surveiller le travail des salariés.

[23]        En effet, il applique la jurisprudence en la matière, qui requiert l’examen des motifs de l’employeur pour effectuer la surveillance de ses salariés[5]. Cet exercice pose un problème qui illustre, selon moi, la déraisonnabilité de sa conclusion factuelle. En effet, l’appelante n’avance aucun motif de surveillance de ses salariés, ce qui n’a rien de bien étonnant, puisqu’elle ne les surveille pas.

[24]        L’arbitre estime, dans ces circonstances, qu’il doit imputer à l’appelante les motifs de « surveillance » de la famille de la résidente. Or, un deuxième problème de logique survient à cette étape. La famille de la résidente ne souhaite pas surveiller le travail des salariés. Ainsi, l’analyse des motifs de la famille de la résidente, transposés comme étant ceux de l’appelante, amène l’arbitre à constater, sans surprise, qu’il n’existe aucun motif lié à des comportements inadéquats des salariés.

[25]        Saisi d’une requête en révision judiciaire d’une sentence arbitrale autorisant l’admission en preuve de l’enregistrement capté par une caméra installée dans la chambre d’un résident d’un CHSLD par un membre de sa famille, le juge Lacoursière estime que les motifs de ce tiers ne doivent pas être imputés à l’employeur. Il refuse d’intervenir à la suite de la décision de l’arbitre de permettre cette preuve. Bien que l’affaire ait été plaidée sous l’angle des droits garantis aux salariés en vertu des articles 4, 5 et 46 de la Charte[6], les propos suivants du juge Lacoursière m’apparaissent particulièrement intéressants dans le présent dossier :  

[70]      Comme préambule à l’analyse du mérite de la requête, soulignons que ce litige a ceci de particulier que, bien qu’il s’inscrive à l’intérieur du cadre général des obligations découlant d’un contrat de travail, en particulier d’une convention collective, sa source provient du geste d’un tiers, Chantal Contant, qui n’agit pas pour l’employeur. Chantal Contant place la caméra vidéo de son propre chef, à l’insu de l’Employeur.

[71]      Ceci amène le Tribunal à aborder la question des motifs qui poussent Chantal Contant à installer cette caméra.

[72]      Le Syndicat plaide que cette dernière n’avait pas de motifs raisonnables pour le faire et se livrait à une partie de pêche tout azimut pour satisfaire sa curiosité, sans soupçonner qui que ce soit de vilains traitements envers son père. Selon le Syndicat, ceci devrait en soi justifier l’exclusion de la preuve.

[73]      Le Tribunal n’est pas d’accord et estime que, en l’instance, les circonstances entourant la pose de la caméra font qu’il n’est pas pertinent de considérer à ce stade les motifs qui y sont sous-jacents et ce, pour les raisons suivantes.

[…]

[75]      Or, en l’instance, en l’absence de preuve de connivence entre l’Employeur et Chantal Contant, la question du motif raisonnable pour installer la caméra ne se pose pas et n’a pas de pertinence. Et l’Employeur et le Syndicat sont avisés pratiquement en même temps de l’existence de la preuve vidéo. Il ne saurait être question ici de partie de pêche, de subterfuge ou de tentative arbitraire de la part de l’Employeur de piéger ses employés en général ou de procéder à des vérifications, injustifiées, de leur comportement au travail.

[76]      Que Chantal Contant ait installé la caméra parce qu’elle voulait connaître l’origine des marques aux bras et aux mains de son père ou parce qu’elle était frustrée par le traitement fait par l’Employeur de ses plaintes n’est pas pertinent.

[77]      Il n’y a pas eu en l’instance de « mesures prises par l’Employeur » au sens où l’entend la Cour d’appel dans Bridgestone et le problème s’articule plutôt autour du traitement à donner à cette preuve, comme à toute autre preuve émanant d’un tiers. Comme cette preuve peut impliquer la vie privée d’une personne, il s’agit donc d’appliquer l’article 2858 C.c.Q. en faisant les adaptations nécessaires.[7]

[Je souligne]

[26]        Cela étant, l’arbitre va encore plus loin. Il porte un jugement de valeur sur le choix des enfants d’installer une caméra pour garder contact avec leur mère, après avoir rappelé qu’en plus de la caméra, les enfants assurent à leur mère la présence d’une dame de compagnie, six jours par semaine, de 10 h à 18 h. L’accompagnatrice utilise parfois l’application Skype pour permettre à l’un des enfants de prendre directement des nouvelles de sa mère. Enfin, ce dernier, ainsi que son père, la visitent presque quotidiennement à divers moments de la journée. Il est étonnant, pour ne pas dire davantage, de constater que l’arbitre s’immisce dans cette relation :

[102]    Le Tribunal note que le fils et la famille de cette résidente ne se basent sur aucun reproche ou aucun élément factuel démontrant une maltraitance de cette résidente pour justifier l'installation d'un tel dispositif de surveillance.

[103]    En tout respect pour ceux-ci, une inquiétude démesurée, comme en l'instance, ne peut constituer un motif juste raisonnable pour procéder à l'installation d'une caméra qui surveille même indirectement, le travail des salariés à l'égard de cette résidente.

[104]    Comme le Tribunal l'a souligné précédemment, l'employeur n'a mis en preuve aucun autre motif qui pourrait justifier l'installation d'une caméra dans la chambre de cette résidente. [8]

[Je souligne]

[27]        Avec égards, ce passage démontre également les conséquences de la prémisse déraisonnable selon laquelle la caméra en est une de surveillance des activités des salariés de l’appelante. Cela affecte irrémédiablement la conclusion de l’arbitre. La question qu’aurait dû se poser l’arbitre était de savoir si l’employeur surveillait ses employés par l’entremise de cette caméra. La Charte protège les employés contre la surveillance par l’employeur au lieu de travail sans motif valable. Elle ne vise pas, comme telle, la présence de toute caméra ou de tout autre mécanisme qui a le potentiel de capter une image ou un son.

[28]        La situation pourrait être comparée, dans une certaine mesure, à celle de nombreux établissements commerciaux munis de caméras continuellement en marche qui, non seulement captent les images, mais les enregistrent. Pensons aux milliers de dépanneurs où les salariés sont continuellement sous l’objectif de ces caméras. Elles permettent aux commerçants de contrer le vol ou de capter tous autres gestes criminels qui pourraient survenir, ou des caméras installées en milieu carcéral pour des motifs de sécurité évidents.

[29]        Selon le raisonnement de l’arbitre, ces dispositifs devraient être considérés comme des « caméras de surveillance » puisque, indirectement, le travail des salariés peut être ainsi surveillé. Suivant la jurisprudence invoquée par l’arbitre, les caméras devraient être retirées, à moins d’une preuve de comportements inadéquats des salariés.

[30]        Le résultat me paraît absurde. Comme il s’agit d’outils de prévention et de répression des crimes, et non de dispositifs visant à surveiller le travail des salariés, il ne saurait être question de conditions de travail injustes ou déraisonnables. L’employeur n’a pas à démontrer un comportement inadéquat de ses employés pour éviter une sentence arbitrale lui intimant d’enlever ses caméras.

[31]        La présente situation est encore plus flagrante puisque les images sont accessibles uniquement aux enfants, et non à l’employeur. De plus, ces images ne sont pas enregistrées. Cela signifie que la surveillance hypothétique par l’employeur ne pourrait survenir que lors d’une visite des enfants à l’établissement, à moins qu’ils ne décident de confier leur appareil mobile à un représentant de l’appelante. Ce scénario souligne le caractère déraisonnable de la prémisse factuelle retenue par l’arbitre selon laquelle les employés sont surveillés par l’employeur.

[32]        Revenant à la présence de caméras dans de nombreux établissements commerciaux, la jurisprudence arbitrale « reconnaît le droit de l’employeur de surveiller les lieux de travail, dans la mesure où le système de surveillance n’a pas pour objet de surveiller directement la prestation de travail des salariés »[9].

[33]        À titre d’exemple, dans Poulies Maska inc. et Syndicat des employés de Poulies Maska inc., l’arbitre note :

L'arbitre est d'opinion que le contrôle utilisé par l'employeur est acceptable dans la société dans laquelle on vit. L'arbitre ne prétend pas que cette surveillance est une condition de travail déraisonnable au sens de l'article 46 de la Charte. Ce n'est pas déconsidéré l'administration de la justice que d'utiliser pareil système de vidéo.

Répétons-le, de nombreux travailleurs dans les magasins à grande surface sont filmés et ce n'est pas considéré comme étant une intrusion dans leur vie privée.

[…]

On n'a pas installé ces caméras pour suivre à la minute près les travailleurs, pour les surveiller partout où ils vont. Il n'apparaît pas à l'arbitre qu'il y a abus de la part de la compagnie.

On est en présence d'un système de sécurité qui vise à protéger les locaux de la compagnie, son équipement et les secrets industriels.[10]

[Je souligne]

[34]        Dans une autre affaire, l’arbitre abonde dans le même sens :

Bien qu’il n’y ait pas de preuve d’un problème substantiel et récurrent de vol, j’estime que l’Employeur est en droit de sécuriser les lieux y compris au moyen de l’installation d’une caméra étant donné d’une part, la valeur de l’inventaire et, d’autre part, les possibilités de circulation sans motif légitime de personnes à l’intérieur du magasin. 

 […]

Il n’est pas interdit à la Ville d’installer des caméras de surveillance en permanence à l’extérieur ou à l’intérieur de ses bâtiments pour protéger les biens et les personnes à titre préventif.[11]

[Je souligne]

[35]        Dernier exemple de sentence arbitrale traitant du sujet, l’affaire Syndicat démocratique des employés de commerce Saguenay-Lac-St-Jean et Potvin & Bouchard inc., où l’arbitre constate :

[58]      L’objectif poursuivi par l’employeur est de dissuader les voleurs par la présence des caméras. Il est en preuve que l’employeur subit des pertes par les vols et que ce genre d’installation existe de plus en plus dans les commerces de vente au détail du même genre que ceux opérés par l’employeur et qu’il a une certaine efficacité pour lutter contre ces délits.

[59]      Le choix des moyens pour atteindre cet objectif de diminuer ses pertes en luttant contre les vols appartient à l’employeur sous réserve que l’atteinte aux droits et libertés des employés soit la plus petite possible.

[60]      Les caméras ont été installées pour visualiser les endroits stratégiques et éviter les vols. Les témoignages des représentants de l’employeur à cet effet sont confirmés par les photographies prises par les 16 caméras (pièce E-2).

[61]      Les représentants de l’employeur ont affirmé que l’installation des caméras n’avait pas pour but de surveiller les salariés, ni de les contrôler dans l’exécution de leur travail.

[62]      Dans ces circonstances, la demande du syndicat de retirer les caméras est mal fondée.[12]

[Je souligne]

[36]        Je vois difficilement pourquoi il en irait autrement en l’espèce. En fait, et avec respect pour l’opinion contraire, la situation me paraît encore plus patente que dans les exemples précédents, où l’on reconnaît que le fait de voir, accessoirement, les salariés ne constitue pas une activité de surveillance lorsque la preuve démontre qu’il s’agit d’une conséquence incidente à un objectif légitime de l’employeur.

[37]        Outre le fait que les images ne sont pas accessibles à l’appelante et ne sont pas enregistrées, nous sommes ici en présence d’une personne à qui on refuse le droit à la présence d’une caméra dans ce qui m’apparaît indubitablement être sa résidence[13], son domicile, bref, sa véritable demeure au sens de la Charte. C’est l’endroit où elle vit en permanence, à cause de sa perte d’autonomie. Son état de vulnérabilité limite manifestement ses déplacements et ce moyen technologique simple qu’est la caméra lui permet de demeurer en contact avec les siens, dont deux de ses enfants qui vivent à des milliers de kilomètres. Dans ce contexte, j’estime que ce choix commande le plus grand respect et que l’objectif de la famille a au moins autant de valeur que celui de l’employeur qui veut éviter le vol à l’étalage dans son commerce.

[38]        J’ajoute, avec égards, que l’on ne peut évacuer de l’analyse les articles 1, 4, 5 et 7 de la Charte. Il me semble que les droits des résidents vont bien au-delà des garanties assurées aux personnes âgées et handicapées par l’article 48 de la Charte, notamment contre toute forme d’exploitation. Ces personnes continuent de jouir de tous les droits fondamentaux garantis par la Charte.

[39]        Le raisonnement de l’arbitre remet ainsi en cause le droit de la résidente à la présence chez elle des membres de sa famille et de l’accompagnatrice. Voici pourquoi. Comme la dame de compagnie est présente six jours par semaine, de 10 h à 18 h, elle peut sans doute constater de visu les services rendus à la résidente par les salariés. S’ajoutent à cela les nombreuses visites du mari et de l’un des enfants de la résidente, ainsi que les contacts par l’application Skype, ce qui augmente encore la « surveillance » possible du travail des salariés. Et si la famille demandait une présence encore plus importante de l’accompagnatrice, ou que le mari souhaitait passer ses journées avec son épouse, la « surveillance » pourrait devenir presque continue.

[40]        Suivant la sentence arbitrale, il pourrait alors s’agir d’une inquiétude démesurée de la famille, et la présence de l’entourage devrait être limitée, puisque cette forme de surveillance indirecte créerait des conditions de travail qui ne seraient pas « justes et raisonnables » au sens de l’article 46 de la Charte. Je note d’ailleurs qu’à la suite d’une question de l’un des membres de la formation ayant entendu le pourvoi, le procureur de l’intimé a reconnu qu’il s’agissait d’une conséquence possible de la sentence arbitrale. Cela aussi me paraît une confirmation du caractère déraisonnable de la décision de l’arbitre.

[41]        Avec égards, une distinction fondamentale doit être faite entre la surveillance des salariés, par le biais d’une caméra ou par tout autre moyen, et le lien qu’une famille veut maintenir avec son proche qui vit en permanence dans une résidence du type de celle exploitée par l’appelante. En confondant les deux situations, l’arbitre commet une erreur déraisonnable qui vicie le reste du syllogisme fondant sa décision.

[42]        Cela aurait dû amener l’arbitre à répondre par la négative à la première question soulevée par le grief concernant la présence de la caméra dans la chambre de la résidente[14].

[43]        En ce qui concerne la deuxième question soumise à l’arbitre[15], j’estime que l’absence de contexte observable ne permet pas raisonnablement d’y répondre de manière utile. En fait, la réponse, comme la question, demeurent théoriques. Par exemple, quels sont les motifs précis qui amèneraient un membre de la famille à demander la permission d’installer une caméra pour surveiller les salariés? S’agit-il d’une situation justifiée par le refus de l’établissement de corriger des lacunes dénoncées par la famille? Y a-t-il eu des avertissements donnés aux salariés visés par la surveillance?

[44]        Il m’apparaît que l’exercice de répondre à la question théorique des parties comporte de trop nombreux écueils, alors que la preuve démontre précisément que la famille n’a pas installé une caméra dans le but de surveiller les salariés. La réponse offerte serait de peu d’utilité.


 

[45]        J’accueillerais donc l’appel, infirmerais le jugement de première instance, je déclarerais nulle la décision de l’arbitre du 14 avril 2014 et rejetterais le grief syndical, avec frais de justice contre l’intimé.

 

 

 

ÉTIENNE PARENT, J.C.A.



 

 

MOTIFS DU JUGE GIROUX

 

 

[46]        L’appelante se pourvoit contre un jugement rendu le 3 août 2015 par la Cour supérieure du district de Montréal (l’honorable Micheline Perrault), qui a rejeté sa requête en révision judiciaire[16] d’une sentence arbitrale rendue le 14 avril 2014.

[47]        Par cette sentence, l’arbitre mis en cause a accueilli le grief de l’intimé et ordonné à l’appelante d’enlever la caméra installée dans la chambre d’une résidente du CHSLD privé subventionné exploité par l’appelante[17].

1.    Les faits

[48]        En septembre 2013, le fils d’une résidente hébergée au CHSLD de l’appelante a installé, avec l’accord du directeur général de l’établissement, une caméra dans la chambre de sa mère afin de pouvoir l’observer et s’assurer qu’elle se porte bien. Peu après son installation, les salariés de l’appelante en ont été avisés.

[49]        Cette caméra n’est pas dissimulée et est visible pour toute personne qui entre dans la chambre. Elle est orientée vers le lit de la résidente et l’endroit où elle peut s’asseoir. Elle permet de voir ce qui se passe dans la chambre et de prendre des photos, mais elle ne permet pas d’enregistrer les images prises.

[50]        Le fils de la résidente de même que sa sœur et son frère qui vivent à l’étranger peuvent ainsi voir leur mère en tout temps, de jour comme de nuit, à partir de leur téléphone cellulaire ou d’un ordinateur. Le fils de la résidente visionne d’ailleurs plusieurs fois par jour les images captées par la caméra. L’appelante, pour sa part, n’a pas accès à ces images.

[51]        Le fils de la résidente déclare qu’il n’a pas installé la caméra pour surveiller les employés du CHSLD. Il n’a pas d’inquiétude particulière ni de méfiance à l’égard du personnel de l’appelante. Au contraire, il se déclare très satisfait des services et des soins prodigués à sa mère. Il aurait plutôt installé la caméra pour calmer son anxiété et celle de son frère et de sa sœur.

[52]        Le 4 octobre 2013, l’intimé dépose un grief contestant la décision de l’appelante de laisser la famille de la résidente installer une caméra dans la chambre de cette dernière.

2.    Les décisions antérieures

2.1       La sentence arbitrale du 14 avril 2014

[53]       Les parties ont soumis à l’arbitre deux questions :

1.     L’employeur peut-il permettre l’installation d’une caméra de surveillance, par la famille d’un résident, dans la chambre de celui-ci et ce, dans l’unique but de permettre aux membres de la famille de voir le résident?

2.     L’employeur devrait-il permettre à un membre de la famille d’un résident d’installer une caméra dans la chambre de ce résident si le but de l’installation de cette caméra est de surveiller les salariés de l’établissement?

[54]        L’arbitre expose d’abord les principes de droit applicables que les parties déclarent ne pas contester. La jurisprudence arbitrale reconnaît qu’une surveillance complète et continue des salariés constitue généralement une condition de travail injuste et déraisonnable selon l’article 46 de la Charte des droits et libertés de la personne[18]. L’employeur qui veut procéder à une telle surveillance doit être en mesure de démontrer l’existence de motifs raisonnables qui la rendent légitime. Cette analyse préalable des motifs justifiant une surveillance électronique est capitale dans la détermination des droits des parties[19].

[55]        Appliquant ensuite ces principes aux faits, l’arbitre rejette l’argument de l’appelante voulant que la résidente soit « chez elle » dans sa chambre et que son droit à la vie privée lui permette d’y installer une caméra. Selon l’arbitre, tant en vertu du code d’éthique de l’appelante qu’en vertu de la Charte, les droits de la résidente doivent cohabiter avec ceux des salariés. Le droit de la résidente de vivre dans un milieu de vie de substitution ne décharge pas l’employeur de fournir des conditions de travail justes et raisonnables à ses salariés[20].

[56]        En se basant sur ses caractéristiques, l’arbitre détermine que la caméra installée dans la chambre de la résidente est une caméra de surveillance[21].

[57]        L’arbitre conclut que la preuve n’a démontré aucun motif justifiant une telle surveillance. En l’absence de reproche de la famille de la résidente quant aux soins fournis à cette dernière ou de tout élément factuel, une inquiétude démesurée comme celle démontrée par le fils ne peut constituer un motif juste et raisonnable pour installer une caméra qui surveille, même indirectement, le travail des salariés[22]. L’arbitre rappelle d’ailleurs tous les autres moyens dont dispose le fils de la résidente pour s’assurer du bien-être de cette dernière[23]. En l’absence de motifs justes et raisonnables pour justifier cette surveillance, il estime qu’il n’est pas pertinent d’analyser la question de sa durée[24].

[58]        Quant à la seconde question, l’arbitre rappelle que l’employeur a l’obligation de s’assurer du respect des règles de droit applicables à la surveillance électronique afin de respecter les droits des salariés au sens des articles 4, 5 et 46 de la Charte[25].

[59]        En conséquence, l’arbitre fait droit au grief syndical et ordonne à l’appelante d’enlever la caméra installée dans la chambre de la résidente et de ne pas y permettre l’installation d’une caméra ou d’un autre dispositif semblable[26].

2.2       Le jugement entrepris du 3 août 2015

[60]         Après la décision de l’arbitre, l’appelante présente une requête en révision judiciaire afin de la faire casser. Cette requête est rejetée par le jugement entrepris, le 3 août 2015[27].

[61]        Dans un premier temps, l’appelante plaide que la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte, alors que l’intimé prétend que la norme doit être celle de la décision raisonnable.

[62]        La juge de première instance donne raison à l’intimé. Contrairement à ce qu’avançait l’appelante, la juge considère que l’arbitre n’a pas interprété l’article 46 de la Charte, mais qu’il l’a seulement appliqué aux faits de l’affaire, d’autant que l’article est intimement lié au domaine des relations de travail et a fait l’objet d’application dans la jurisprudence arbitrale. Au surplus, en l’espèce, les faits et le droit ne peuvent être facilement dissociés. Enfin, il ne s’agit pas d’une question d’une importance capitale pour le système juridique, car le champ d’application de la sentence arbitrale se limite à la chambre d’une résidente du CHSLD et n’est pas non plus étrangère au domaine de compétence de l’arbitre[28].

[63]        Sur le fond, la juge rappelle d’abord le lourd fardeau de démonstration de l’appelante :

[38]      L’Employeur supporte donc un fardeau de démonstration très lourd : s’il existe plusieurs issues possibles et acceptables dans une situation donnée et que le premier décideur a retenu l’une d’elles, la cour de révision ne pourra pas y substituer une autre solution jugée plus acceptable ou mieux adaptée aux circonstances.[29]

[Renvoi omis]

[64]        Elle fait ensuite une analyse de la décision de l’arbitre dont elle explique le cheminement, qui commence par une étude de la jurisprudence arbitrale et de la doctrine afin d’en inférer les critères d’application de l’article 46 de la Charte :

[46]      Ayant complété sa revue de la jurisprudence et de la doctrine, l’Arbitre en arrive à la conclusion qu’en présence d’une surveillance électronique sur les lieux de travail, l’analyse des motifs justifiant une telle surveillance « est capitale dans la détermination des droits des parties », et que c’est à l’Employeur de démontrer « qu’il était, dans les circonstances, justifié de permettre l’installation d’une caméra ou de moyens de surveillance électronique de ses salariés » (par. 85, 86).[30]

[Renvoi omis]

[65]        Par la suite, la juge étudie comment l’arbitre a appliqué ces critères à la situation d’espèce en recherchant dans la preuve quels étaient les motifs qui ont présidé à l’installation de la caméra en litige. L’arbitre a d’abord constaté que l’appelante n’a pas mis en preuve de motif autre que ceux invoqués par le fils de la résidente pour justifier l’installation de la caméra[31]. Il s’est également prononcé sur la cohabitation des droits des résidents du CHSLD et de ceux des employés en déterminant que le motif fondé sur le milieu de vie de la résidente ne libère pas l’employeur de ses obligations selon les articles 4 et 46 de la Charte[32].

[66]        Rappelant la jurisprudence et la doctrine qui l’invitent à analyser le caractère juste et raisonnable des motifs avancés par la famille, l’arbitre analyse la preuve pour identifier les motifs pouvant justifier l’installation de la caméra dans la chambre de la résidente[33].

[67]        La juge de première instance reprend alors les motifs retenus par l’arbitre à la lumière de la preuve qui avait été administrée devant lui. Ainsi, l’arbitre a décidé que, malgré la thèse défendue par l’appelante, il s’agissait bien en l’espèce d’une caméra de surveillance. Confrontant ensuite le motif invoqué par le fils de la résidente aux faits révélés par la preuve, l’arbitre conclut à l’absence de motifs justes et raisonnables justifiant l’installation de la caméra[34].

[68]        Au terme de son analyse de la sentence arbitrale, la juge de première instance conclut que l’arbitre a emprunté un chemin intelligible, que sa décision fait partie des issues possibles pouvant se justifier au regard du droit et des faits. Elle se dit en accord avec la conclusion de l’arbitre selon laquelle la surveillance des salariés de l’appelante, qu’elle soit directe ou indirecte, ne constitue pas une condition de travail juste et raisonnable au sens de la Charte[35].

[69]        En ce qui concerne la deuxième question qui avait été soumise à l’arbitre, l’appelante a demandé en Cour supérieure qu’elle soit soumise à un autre arbitre pour éviter toute apparence de partialité. Cette demande a été rejetée par la juge de première instance qui a estimé que la réponse que l’arbitre avait donnée à la deuxième question était tout à fait cohérente avec sa conclusion quant à l’application de l’article 46 de la Charte[36].

3.    L’analyse

[70]        Dans ses moyens d’appel, l’appelante reprend en substance les arguments qu’elle avait fait valoir au soutien de sa requête en révision judiciaire. Elle prétend d’abord que la juge de première instance s’est trompée sur la norme de contrôle applicable en décidant que la décision de l’arbitre devait être analysée selon la norme de la raisonnabilité, alors que celle-ci aurait dû être assujettie à la norme de contrôle de la décision correcte. Elle plaide ensuite que, même si l’on applique la norme la plus déférente à la décision de l’arbitre, elle aurait dû être annulée car elle est déraisonnable.

3.1       La norme de contrôle

[71]        Selon l’appelante, la décision de l’arbitre est assujettie à la norme de la décision correcte parce que ce dernier a interprété l’article 46 de la Charte dans la mesure où il a déterminé quelles sont les conditions requises pour que cette disposition s’applique à une situation donnée. Il devait en outre faire de même à l’égard de dispositions du Code civil du Québec et de la Loi sur les services de santé et les services sociaux[37] relatives aux droits de la résidente du CHSLD.

[72]        Au soutien de sa prétention, l’appelante cite notamment le passage suivant de l’arrêt de la Cour suprême Mouvement laïque québécois c. Saguenay (Ville)[38] :

[46]      Lorsque le Tribunal agit à l’intérieur de son champ d’expertise et qu’il interprète la Charte québécoise et applique ses dispositions aux faits pour décider de l’existence de discrimination, la déférence s’impose (Saskatchewan (Human Rights Commission) c. Whatcott, 2013 CSC 11, [2013] 1 R.C.S. 467, par. 166-168; Mowat, par. 24).  Dans Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 R.C.S. 654, par. 30, 34 et 39, la Cour rappelle que, lors du contrôle judiciaire de la décision d’un tribunal administratif spécialisé qui interprète et applique sa loi constitutive, il y a lieu de présumer que la norme de contrôle est la décision raisonnable (Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Canada (Procureur général), 2014 CSC 40, [2014] 2 R.C.S. 135, par. 55; Front des artistes canadiens c. Musée des beaux-arts du Canada, 2014 CSC 42, [2014] 2 R.C.S. 197 (« MBA »), par. 13; Khosa, par. 25; Smith c. Alliance Pipeline Ltd., 2011 CSC 7, [2011] 1 R.C.S. 160, par. 26 et 28; Dunsmuir, par. 54). Dans ces situations, la déférence est normalement requise, quoique cette présomption puisse parfois être repoussée. Ce peut être le cas lorsqu’une analyse contextuelle révèle une intention claire du législateur de ne pas protéger la compétence du tribunal à l’égard de certaines questions; l’existence d’une compétence concurrente et non exclusive sur un même point de droit est un facteur important à considérer à cette fin (Tervita, par. 35-36 et 38-39; McLean, par. 22; Rogers, par. 15).[39]

[73]        Comme la Cour suprême le signale au paragraphe 51 de cet arrêt, la Charte québécoise confère au Tribunal des droits de la personne une compétence que le législateur a voulu non exclusive sur la question de droit relative aux contours de l’obligation de la neutralité de l’État qui découle de la liberté de conscience et de religion. En effet, le Tribunal l’exerce de façon concurrente avec les tribunaux de droit commun.

[74]        De plus, dans l’arrêt Tervita Corp. c. Canada (Commissaire de la concurrence)[40], cité par la Cour suprême dans l’extrait précité de l’arrêt Mouvement laïque québécois, la présomption que la norme de contrôle de la décision raisonnable doit s’appliquer a également été repoussée pour la même raison. En effet, en vertu de la Loi sur le Tribunal de la concurrence[41], la disposition prévoyant l’appel de la décision du Tribunal témoigne de l’intention claire du législateur de ne pas imposer la retenue judiciaire dans le contrôle des décisions du Tribunal puisqu’elle prévoit que les décisions et ordonnances de ce dernier sont susceptibles d’appel devant la Cour d’appel fédérale « […] tout comme s’il s’agissait de jugements de la Cour fédérale »[42].

[75]        En l’espèce, l’arbitre exerce la compétence qui lui est dévolue par l’article 100 du Code du travail. Dans le contexte des relations collectives de travail, les articles 101, 139 et 140 C.t. énoncent au contraire la volonté expresse du législateur que cette compétence soit exclusive de celle des tribunaux de droit commun. Selon la jurisprudence, la révision judiciaire des sentences rendues par les arbitres de grief est généralement assujettie à la norme de la décision raisonnable[43].

[76]        De plus, même si la décision de l’arbitre concerne l’article 46 de la Charte, j’estime que ce dernier ne l’a pas interprété, il l’a seulement appliqué aux faits de l’espèce qui lui étaient soumis[44]. La question de savoir si l’installation d’une caméra dans la chambre d’une résidente constitue une condition de travail injuste et déraisonnable contrevenant à l’article 46 de la Charte ne peut être tranchée en dissociant les faits de l’affaire de la question de droit[45].

[77]        Par ailleurs, les droits que confère l’article 46 de la Charte sont relatifs aux conditions de travail. L’arbitre de grief est dans une position privilégiée pour appliquer cette disposition de la Charte à un ensemble particulier de faits dans le contexte de sa loi habilitante[46]. En ce sens, l’application de l’article 46 de la Charte ne peut être considérée comme étant une question de droit générale d’importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et n’est certainement pas étrangère au domaine d’expertise de l’arbitre[47].

[78]        En conséquence, je suis d’avis que la juge de première instance a eu raison d’appliquer la norme de contrôle de la décision raisonnable à la sentence de l’arbitre du 14 avril 2014.

3.2       L’application de la norme de contrôle

[79]        En entreprenant l’étude du fond du pourvoi, il est utile de préciser ce qui doit être entendu par la « raisonnabilité » de la décision afin de mieux comprendre la portée de la déférence que l’application de cette norme de contrôle implique. Les propositions énoncées par le juge Morissette en 2010 à partir de son analyse des arrêts Dunsmuir[48] et Khosa[49] sont encore valables aujourd’hui :

[15]      Je reviens sur la norme ou le critère d’intervention. Les propositions suivantes ressortent, entre autres, des arrêts Dunsmuir et Khosa précités (je synthétise, en m’efforçant de demeurer rigoureusement fidèle aux textes d’origine) :

― le critère de la raisonnabilité prévaut lorsqu’une question soumise à un tribunal administratif n’appelle pas une seule solution précise, mais tolère un certain nombre de conclusions raisonnables et que le tribunal administratif peut librement opter pour l'une ou l'autre des différentes solutions rationnelles acceptables;

― en révision judiciaire, la cour déterminera dans un tel cas si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité;

― ces attributs s’apprécient principalement au regard de la justification de la décision, de la transparence et de l'intelligibilité du processus décisionnel, ainsi que de l'appartenance de la décision aux issues possibles et acceptables qui se justifient à la lumière des faits et du droit;

la norme de la raisonnabilité commande la déférence;

la cour chargée de la révision judiciaire ne peut substituer la solution qu’elle juge elle-même appropriée à celle qui a été retenue, mais doit plutôt déterminer si la solution retenue fait partie des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit »;

― en fin de compte, si le processus et l'issue en cause cadrent bien avec les principes de justification, de transparence et d'intelligibilité, la cour de révision ne peut substituer l'issue qui serait à son avis préférable.

[16]      Il importe au plus haut point de respecter ces contraintes : la procédure de révision judiciaire n’est pas une procédure d’appel, le critère qui l’encadre et qui en limite l’exercice existe dans le but de préserver l’autonomie décisionnelle de l’arbitre dont la sentence, en principe, doit être mise à exécution sans retard. […][50]

[80]        L’appelante prétend que la décision de l’arbitre est non seulement incorrecte, mais même déraisonnable. À l’appui de ce moyen, elle invoque deux motifs : d’une part, il aurait décidé, en l’absence de toute preuve et même à l’encontre d’une preuve non contredite, que la caméra installée dans la chambre de la résidente était une caméra de surveillance. D’autre part, il aurait interprété de façon déraisonnable les conditions nécessaires pour que s’applique l’article 46 de la Charte qui ont été énoncées par les autorités sur lesquelles il prétend se fonder.

3.2.1   La qualification de « caméra de surveillance »

[81]        Quant au premier motif, l’appelante rappelle que le fils de la résidente, le seul témoin entendu sur cette question, a déclaré que la caméra installée par ses soins n’avait aucunement pour but de surveiller les salariés de l’appelante. Il voulait seulement être capable de voir sa mère quelques minutes par jour à partir de cette caméra qui n’enregistre pas les images qu’elle capte. De plus, la preuve a démontré que les salariés ne pouvaient être vus que quelques minutes par quart de travail, à la condition qu’au même moment le fils de la résidente s’avère à regarder sa mère.

[82]        Ce motif est celui retenu par mon collègue le juge Parent pour justifier l’intervention de la Cour. J’ai eu l’avantage de prendre connaissance de ses motifs. Pour mon collègue, l’arbitre a commis une erreur déraisonnable en décidant qu’en l’espèce la caméra installée dans la chambre de la résidente était une caméra de surveillance.

[83]        Il s’agit d’une question de fait en lien avec le constat que l’arbitre a tiré de la preuve administrée devant lui. Selon mon collègue, la preuve ne permettait pas au décideur d’en venir raisonnablement à une telle conclusion.

[84]        Je note que, à l’exception des admissions produites par les parties lors de l’audition du grief, l’appelante, qui a invoqué ce premier moyen de fait, n’a pas jugé bon de produire la transcription des témoignages rendus devant l’arbitre.

[85]        Au soutien de ses motifs, mon collègue invoque notamment le jugement du juge Lacoursière dans Syndicat des travailleuses et travailleurs du CSSS du Sud de Lanaudière (CSN) c. Lalande[51].

[86]        J’estime nécessaire de signaler certains aspects particuliers de ce jugement :

-        dans le cadre d’une requête en révision judiciaire d’une sentence arbitrale ayant rejeté une objection à la preuve et un grief pour congédiement, la question principale à résoudre était celle de savoir si l’arbitre avait eu raison de juger admissible une preuve vidéo prise dans la chambre d’un résident d’un CHSLD et incriminant l’appelante. Cette dernière invoquait notamment l’article 2858 C.c.Q. pour demander l’exclusion de la preuve vidéo;

-        dans cette affaire, une caméra avait été dissimulée dans le téléviseur situé dans la chambre du résident par la fille de ce dernier, et ce, à l’insu de l’employeur[52]. Il s’agit d’une différence majeure avec la situation prévalant en l’espèce puisque, dans ce dernier cas, la caméra a été installée au vu et au su de l’employeur et avec son assentiment;

-        le juge de la Cour supérieure a appliqué la norme de contrôle de la décision correcte à la détermination de l’arbitre portant sur la recevabilité en preuve de l’enregistrement vidéo. Depuis l’arrêt de la Cour suprême dans Commission scolaire de Laval c. Syndicat de l’enseignement de la région de Laval[53], cette question est assujettie au critère de la décision raisonnable. Il s’agit d’une question d’administration de la preuve assujettie à la norme de la décision raisonnable puisque l’arbitre est maître de la preuve et de la procédure lors de l’arbitrage et qu’il a compétence exclusive à cet égard;

-        mon collègue considère que la solution retenue par l’arbitre équivaut à refuser à la résidente la présence d’une caméra dans ce qui lui apparaît indubitablement comme étant sa résidence[54]. Dans son jugement, le juge Lacoursière fait bien voir que la chambre d’un bénéficiaire dans un CHSLD constitue tout autant un lieu de travail pour les employés et même l’endroit où ils fournissent leur prestation de travail dans le cours normal des choses. Même la nuit, lorsque les lieux sont déserts, ne fait pas de cette chambre un lieu davantage privé[55].

[87]        Par ailleurs, mon collègue voit une confirmation du caractère déraisonnable de la décision de l’arbitre en invoquant le fait que ce dernier pourrait être amené à restreindre le droit pour l’entourage de la bénéficiaire à être présent auprès d’elle[56]. Avec égards, je ne peux voir en quoi ce raisonnement, qui consiste à présumer une décision que l’arbitre n’a jamais rendue en le plaçant dans une situation purement hypothétique qui ne correspond d’aucune façon aux faits dont il était saisis, pourrait constituer un moyen valable d’évaluer le caractère raisonnable ou déraisonnable de sa décision.

[88]        J’estime pour ma part que pour évaluer la raisonnabilité de la détermination factuelle de l’arbitre voulant que la caméra installée dans la chambre de la résidente soit une caméra de surveillance, il est utile de rappeler la règle de prudence énoncée par le juge Morissette dans l’arrêt de la Fraternité des policiers et policières de la MRC des Collines-de-l'Outaouais :

[25]      Alors que de nos jours le critère d’intervention en appel sur des questions de fait est lui-même fort restrictif (c’est la norme de l’erreur manifeste et dominante), il serait à la fois paradoxal et erroné qu’en matière de révision judiciaire la notion d’absence de preuve permette à une cour supérieure de substituer son appréciation de la preuve à celle du tribunal administratif d’abord saisi du problème. Ce n’est donc manifestement pas de cela qu’il s’agit et il ne peut être question dans ce cadre de refaire un débat contradictoire sur une preuve partagée de part et d’autre, comportant des divergences, et qu’il revenait au tribunal administratif de soupeser avant de statuer sur les faits. Il n’y a absence de preuve que lorsque le syllogisme juridique sur lequel s’appuie la décision s’écroule en raison d’une lacune ou d’une discontinuité dans la preuve, précise et clairement circonscrite, qui prive complètement la décision d’une assise nécessaire.[57]

[Renvoi omis]

[89]        La lecture de la sentence arbitrale démontre que l’arbitre a bel et bien considéré les éléments de la preuve qui a été administrée devant lui sur la question de la qualification de la caméra. Il les a évalués à la lumière de l’ensemble de la preuve, notamment le témoignage du fils de la résidente. Je rappelle que l’appelante n’a pas fourni la transcription des témoignages.

[90]        La détermination de l’arbitre sur cette question est clairement exprimée et motivée au paragraphe 95 de sa décision :

[95]      Le Tribunal ne partage pas cette analyse de la preuve, même si le fils de cette résidente a indiqué qu’il ne désirait pas ainsi surveiller les salariés qui prodiguaient des soins à sa mère. La réalité est tout autre. La caméra est placée de manière à voir continuellement tous les soins prodigués à cette résidente, à toutes les occasions où ils sont donnés par les salariés affectés à celle-ci.  Même s’ils sont de dos à certaines occasions, il est possible de les distinguer, de les entendre, de les évaluer et de les photographier.  En effet, le fils de cette résidente a indiqué qu’il pouvait prendre des photos à partir de son téléphone cellulaire ou d’un ordinateur.  Il n’a pas hésité à indiquer qu’il visionnait plusieurs fois par jour et à tout moment pour s’assurer du bien-être de sa mère.[58]

[91]        Comme l’a bien vu la juge de première instance qui avait été saisie du même argument, « […] on constate à la lecture de la décision que l’arbitre a pris le temps d’évaluer les faits mis en preuve afin de déterminer s’il s’agissait en l’espèce d’une caméra de surveillance ou non »[59].

[92]        L’arbitre a soupesé les éléments de preuve et a statué sur les faits. Il ne s’agit nullement « […] d’une lacune ou d’une discontinuité dans la preuve, précise et clairement circonscrite, qui prive complètement la décision d’une assise nécessaire » selon l’expression du juge Morissette[60].

[93]        L’arbitre avait à trancher un litige de droit du travail. Le CHSLD est à la fois un milieu de vie pour les résidents et un milieu de travail pour ceux qui y œuvrent. Le premier alinéa de l’article 83 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux[61] fait bien voir que la prestation des services les plus essentiels constitue la mission fondamentale d’un CHSLD[62] :

83.  La mission d’un centre d’hébergement et de soins de longue durée est d’offrir de façon temporaire ou permanente un milieu de vie substitut, des services d’hébergement, d’assistance, de soutien et de surveillance ainsi que des services de réadaptation, psychosociaux, infirmiers, pharmaceutiques et médicaux aux adultes qui, en raison de leur perte d’autonomie fonctionnelle ou psychosociale, ne peuvent plus demeurer dans leur milieu de vie naturel, malgré le support de leur entourage.

[…]

[94]        En l’espèce, ce milieu de travail est assujetti au régime de la négociation collective et les conflits susceptibles d’y survenir sont résolus par la négociation ou, en dernier recours, par le recours à un tribunal spécialisé, l’arbitre de grief[63]. Lorsqu’il rend sa décision, l’arbitre ne s’adresse pas aux cours de justice, mais aux parties qui doivent se côtoyer pendant la durée de la convention collective[64]. En conséquence, ce n’est pas parce que le tribunal de révision est en désaccord avec la solution retenue par l’arbitre, même si celle-ci n’est pas intuitive pour un généraliste, qu’il y a lieu de conclure qu’elle est déraisonnable en fonction d’une autre lecture de la preuve :

[13]   C’est dans cette optique, selon moi, qu’il faut interpréter ce que la Cour voulait dire dans Dunsmuir lorsqu’elle a parlé de « la justification de la décision [ainsi que de] la transparence et [de] l’intelligibilité du processus décisionnel ». À mon avis, ces propos témoignent d’une reconnaissance respectueuse du vaste éventail de décideurs spécialisés qui rendent couramment des décisions — qui paraissent souvent contre-intuitives aux yeux d’un généraliste — dans leurs sphères d’expertise, et ce en ayant recours à des concepts et des termes souvent propres à leurs champs d’activité. C’est sur ce fondement que notre Cour a changé d’orientation dans Syndicat canadien de la Fonction publique, section locale 963 c. Société des alcools du Nouveau-Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 227, où le juge Dickson a insisté sur le fait qu’il y avait lieu de faire preuve de déférence en appréciant les décisions des tribunaux administratifs spécialisés. Cet arrêt a amené la Cour à faire preuve d’une déférence accrue envers les tribunaux, comme en témoigne la conclusion, tirée dans Dunsmuir, qu’il doit être « loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables » (par. 47).[65]

[95]        Lorsque, comme l’a conclu la Cour suprême, le processus suivi par le décideur spécialisé et l’issue en cause cadrent bien avec les principes de justification, de transparence et d’intelligibilité, la cour de révision ne peut y substituer l’issue qui serait à son avis préférable[66], ni tenter de déterminer qu’elle serait la meilleure issue possible[67].

3.2.2   L’interprétation des conditions d’application de l’article 46 de la Charte

[96]        L’appelante reproche ensuite à l’arbitre d’avoir interprété de façon déraisonnable les conditions d’application de l’article 46 de la Charte. Ainsi, en déterminant, à tort, que la jurisprudence et la doctrine avaient établi qu’en l’absence de motif une surveillance, même minime, constitue une condition de travail injuste et déraisonnable, l’arbitre aurait entaché son processus décisionnel d’une erreur grossière affectant l’issue de la décision.

[97]        La question du droit de l’employeur d’installer une ou plusieurs caméras de surveillance sur les lieux de travail a été débattue dans le contexte de l’article 46 de la Charte portant sur le caractère juste et raisonnable des conditions de travail davantage que dans celui du droit à la vie privée. En effet, en milieu de travail et sauf exception particulière, comme aux toilettes, les expectatives légitimes en matière de vie privée sont très restreintes[68].

[98]        La présente affaire serait la première dans laquelle la question du droit d’installer une caméra de surveillance au regard de l’article 46 de la Charte se soulève devant la Cour. Toutefois, l’application de cet article dans le cas d’interception de communications téléphoniques d’un préposé sur les lieux de travail a déjà été étudiée par notre Cour dans l’arrêt Srivastava c. Hindu Mission of Canada (Quebec) Inc.[69].

[99]        Il s’agissait d’une action en dommages-intérêts pour diffamation intentée par les appelants contre l’intimée, une mission hindoue. L’appelant Sharma avait été engagé comme prêtre par l’intimée. En raison de plaintes et de soupçons principalement reliés à l’exercice de ses fonctions au temple, le téléphone du temple avait été mis sous écoute par le comité de direction du temple. Les membres de ce comité ont été bouleversés d’apprendre de ces enregistrements que les appelants avaient une relation amoureuse. L’appelant exerçait diverses fonctions au temple. À la suite de ces révélations, il a dû démissionner. Il a ensuite remis cette démission en cause par le biais d’une plainte à la Commission des normes du travail. Cette plainte a été rejetée au motif que la démission de l’appelant privait l’arbitre de toute compétence. L’appelant et l’appelante ont alors poursuivi la mission hindoue en diffamation et pour atteinte à leur vie privée. Rejetée en Cour supérieure, l’action a été accueillie en appel.

[100]     Un des motifs d’appel des appelants se fondait sur une violation du droit à des conditions de travail justes et raisonnables selon l’article 46 de la Charte. Écrivant pour une formation unanime, le juge en chef Robert puise dans la jurisprudence arbitrale[70] les conditions d’application de l’article 46 de la Charte :

[78]      Dans leur mémoire, les appelants affirment que l'enregistrement clandestin des conversations téléphoniques de Sharma constituait une violation du droit à des conditions de travail justes et raisonnables, protégées par l'article 46 de la Charte québécoise. D'après la jurisprudence sur le sujet, la H.M.C. pouvait avoir recours à un mode de surveillance électronique de Sharma si le critère de la nécessité était satisfait et si cette surveillance était utilisée de manière à limiter la violation des droits de ce dernier. Or, en l'espèce, je crois que les motifs mentionnés dans la résolution du 31 mars 1991 ne justifiaient pas l'enregistrement clandestin des conversations de Sharma. En effet, il est peu probable que l'écoute électronique du téléphone aurait pu fournir des preuves quant à l'identité du voleur recherché. De plus, l'enregistrement des conversations téléphoniques d'un prêtre, qui entend souvent des confidences, constitue une grave violation qui ne peut être justifiée que par des motifs importants ayant un lien logique avec les conversations enregistrées. Donc, je crois que la Hindu Mission of Canada a commis une violation de l'article 46 de la Charte québécoise, en enregistrant les conversations téléphoniques de Sharma. Je crois que H.M.C. doit être condamnée à payer 5 000 $ à Sharma pour avoir violé l'article 46 de la Charte québécoise.[71]

[Renvois omis]

[101]     Même s’il s’agissait alors d’un contrat individuel de travail, cet arrêt de la Cour avalise les critères d’application de l’article 46 de la Charte développés par la jurisprudence arbitrale.

[102]     En l’espèce, l’arbitre n’a pas commis d’erreur en invoquant cette jurisprudence pour trancher le grief qui lui était soumis. Il était certainement bien fondé à rechercher dans la preuve l’existence d’un motif justifiant l’installation de la caméra. De plus, contrairement à ce que plaide l’appelante, s’il est vrai que les décisions arbitrales considèrent qu’en l’absence d’un tel motif une surveillance continue contrevient généralement à l’article 46 de la Charte, elles reconnaissent également que même dans le cas d’une surveillance ponctuelle, l’employeur devra établir des motifs permettant de la justifier[72]. C’est le rôle de l’arbitre d’appliquer les règles générales de l’article 46 de la Charte aux situations particulières susceptibles de survenir en milieu de travail. D’ailleurs, en l’espèce, les parties ont insisté auprès de l’arbitre pour qu’il « […] analyse la présente affaire comme un cas particulier »[73].

[103]     L’arbitre a suivi la démarche préconisée par la jurisprudence en évaluant les motifs invoqués pour justifier l’installation de la caméra. Il note dans un premier temps que les seuls motifs mis en preuve par l’employeur sont ceux invoqués par le fils de la résidente. Il rappelle que, même si le CHSLD est le milieu de vie de la résidente, cela ne dispense pas l’appelante de respecter ses obligations aux termes de l’article 46 de la Charte envers les salariés de son établissement. Par conséquent, l’arbitre détermine qu’en permettant l’installation de la caméra par le fils de la résidente, l’appelante prenait à sa charge les motifs invoqués par la famille et avait le fardeau de prouver que ces motifs ne contrevenaient pas aux exigences de la Charte[74].

[104]     L’arbitre fait ensuite l’évaluation des motifs qui ont conditionné l’installation de la caméra par le fils de la résidente et son acceptation par l’appelante :

[97]      Ce dernier [le fils de la résidente] indique qu’il est très important pour celui-ci de s’assurer de l’état de sa mère, si elle a besoin de soins ou d’aide, et ce, en tout temps, de jour, de soir ou de nuit. Il est indispensable pour celui-ci d’être certain qu’elle n’est pas dans un état critique ou vulnérable pour apaiser son anxiété. Il permet aussi à sa sœur en Égypte et à son frère à Londres de voir leur mère. Il a également précisé que si le fabricant développait un dispositif lui permettant de communiquer avec sa mère, il l’installerait dans la chambre de celle-ci. Si l’enregistrement était possible, le Tribunal se demande s’il en serait de même.

[98]      La preuve a aussi démontré qu’aucun reproche n’est adressé à l’égard des soins ou des services donnés à sa mère par l’établissement ou les salariés concernés. Il louange même la qualité des soins et le personnel qui s’occupe quotidiennement de sa mère.

[99]      Plus encore, cette preuve démontre qu’une accompagnatrice payée par la famille est présente avec cette résidente six (6) jours par semaine, entre 10h00 et 18h00 et que le mari et le fils de cette dernière sont présents dans la chambre de la résidente à chaque jour, même plusieurs fois dans une même journée pour accompagner celle-ci.

[100]    Le fils a aussi indiqué qu’il communiquait par un dispositif internet « skype » avec l’accompagnatrice pour s’enquérir de l’état de sa mère.

[101]    L’établissement de l’employeur a aussi mis en place divers plans de travail et de rapports qui visent à s’assurer de la qualité des services donnés aux résidents et la fréquence où ceux-ci doivent être prodigués à chacun. Il s’agit d’un système qui assure le bien-être des résidents de son établissement.

[102]    Le Tribunal note que le fils et la famille de cette résidente ne se basent sur aucun reproche ou aucun élément factuel démontrant une maltraitance de cette résidente pour justifier l’installation d’un tel dispositif de surveillance.

[103]    En tout respect pour ceux-ci, une inquiétude démesurée, comme en l’instance, ne peut constituer un motif juste raisonnable pour procéder à l’installation d’une caméra qui surveille, même indirectement, le travail des salariés à l’égard de cette résidente.

[104]    Comme le Tribunal l’a souligné précédemment, l’employeur n’a mis en preuve aucun autre motif qui pourrait justifier l’installation d’une caméra dans la chambre de cette résidente.

[105]    En l’absence de motifs justes et raisonnables qui mettent en doute les soins, les services prodigués à une résidente ou tous autres motifs qui visent le travail d’un salarié, son honnêteté, la santé ou la sécurité d’un résident ou d’autres motifs administratifs ou organisationnels, la jurisprudence soumise par les parties indique que l’employeur ne peut permettre l’installation d’une caméra pour surveiller, même indirectement, le travail des salariés, sans enfreindre à cette occasion leur droit à des conditions de travail justes et raisonnables au sens de l’article 46 de la Charte.

[106]    Il n’est alors pas pertinent d’analyser la durée de cette surveillance pour conclure à sa justesse comme l’employeur le soutient; aucun motif juste et raisonnable mis en preuve ne supporte celle-ci.[75]

[105]     Considérés sous l’angle de la raisonnabilité et selon les critères retenus par la Cour suprême dans les arrêts Dunsmuir[76] et Khosa[77], le processus suivi par l’arbitre et l’issue en cause cadrent bien avec les exigences de la justification, de la transparence et de l’intelligibilité. La cour de révision ne peut substituer la solution qu’elle juge plus appropriée à celle retenue par l’arbitre. Elle ne peut que se demander si la solution retenue par le décideur fait partie des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit »[78].

[106]     Il se peut qu’une autre solution puisse être tout aussi justifiée et rationnelle au regard des faits et du droit. Cela ne peut permettre l’intervention du tribunal de révision dans le contexte du contrôle de la rationalité. Le passage suivant d’un arrêt de la Cour explique clairement la portée de cette règle du droit administratif :

[41]   Le rôle du premier décideur n’est pas d’emporter l’adhésion enthousiaste de toutes les parties qui s’affrontent devant lui mais d’apporter une solution raisonnable à un différend qui survient en application de la loi. Or, on ne mesure pas toujours tout ce qu’implique ce principe pourtant fermement ancré en droit administratif. Il implique notamment ceci. Dès lors qu’une pluralité de critères est en jeu, que chacun d’entre eux relève en priorité de l’appréciation de ce décideur, et qu’il se dégage de part et d’autre du litige quelque chose comme une équipollence des propositions, il faut accepter qu’un « résultat faisant partie des issues possibles » puisse consister en une chose de même que son contraire. Selon les circonstances, il peut être également raisonnable dans une même affaire présentant ce genre de profil de conclure qu’il y a eu aliénation d’entreprise, ou de conclure qu’il n’y a pas eu aliénation d’entreprise : l’une et l’autre de ces deux issues peuvent résulter d’une appréciation raisonnable des circonstances de l’espèce.[79]

[107]     L’arbitre a suivi le processus élaboré et les critères retenus par la jurisprudence arbitrale confirmée par notre Cour pour l’application de l’article 46 de la Charte. Il a ensuite apprécié la preuve administrée à la lumière de ces critères. L’appelante n’a pas démontré que le raisonnement qui sous-tend sa décision était défectueux au point de rendre déraisonnable sa décision[80] et c’est à raison que la juge de première instance a refusé d’intervenir.

[108]     Enfin, il importe de souligner à nouveau qu’avant de prononcer ses conclusions, l’arbitre a rappelé la portée limitée de sa décision en indiquant que « [d]ans les circonstances particulières de cette affaire, l’installation d’une caméra par la famille d’une résidente dans la chambre de celle-ci viole les droits des salariés à des conditions de travail justes et raisonnables au sens de l’article 46 de la Charte »[81].

3.3       La question supplémentaire

[109]     L’appelante reprend enfin en appel un argument qu’elle avait soulevé dans sa requête en révision judiciaire en Cour supérieure.

[110]     Dans sa requête, l’appelante explique qu’à la fin de l’audience tenue devant l’arbitre, le 20 janvier 2014, les avocats des parties n’ont pas argumenté verbalement. Ils ont cependant avisé ce dernier qu’ils lui soumettraient une « question supplémentaire » sur le libellé de laquelle ils s’entendraient pour ensuite plaider par écrit.

[111]     L’appelante reconnaît que les parties se sont effectivement entendues sur le texte de la question supplémentaire. Elle reproche toutefois à l’avocat de l’intimé d’avoir modifié la teneur de la première question dans sa plaidoirie écrite en mentionnant dans son libellé que la caméra installée dans la chambre de la résidente était une « caméra de surveillance » alors que l’appelante a toujours plaidé le contraire.

[112]     Toujours selon l’appelante, en affirmant erronément que son avocat lui avait présenté une question par laquelle il avait reconnu que la caméra en litige était une « caméra de surveillance » alors que toute l’argumentation de son avocat était dans le sens contraire, « l’arbitre a jeté un doute sur son impartialité »[82]. L’appelante demande en conséquence que la question supplémentaire soit soumise à un autre arbitre « pour éviter toute apparence de partialité ».

[113]     Ce moyen est sans valeur. Au premier chef, tant dans son argumentation écrite du 24 février 2014 que dans sa réplique du 13 mars 2014 à l’argumentation syndicale du 25 février 2014, l’appelante a abondamment fait valoir l’argument que la caméra en litige n’était pas une caméra de surveillance. Pour sa part, l’arbitre a tranché cette question à partir de la preuve administrée devant lui et des arguments qui lui ont été soumis[83]. Rien dans la sentence arbitrale ne permet d’y voir une quelconque apparence de partialité selon les critères applicables[84].

[114]     En second lieu, l’arbitre s’est prononcé sur la question supplémentaire[85] et l’appelante ne fait voir aucun motif justifiant qu’elle soit renvoyée à un autre arbitre. Au demeurant, compte tenu de la réponse donnée à la première question, on voit mal comment l’arbitre aurait pu donner à la question supplémentaire une réponse autre que celle qu’il a formulée.

[115]     La question des conditions de vie des aînés, et particulièrement des aînés plus vulnérables qui vivent dans des établissements spécialisés, n’est pas sans porter une charge émotive d’importance.

[116]     Cette question a été soumise au législateur québécois dans le cadre de l’étude du projet de loi no 115 : Loi visant à lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité.

[117]     L’article 31 de ce projet de loi prévoit la modification de l’article 505 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux[86] pour autoriser le gouvernement à adopter par règlement des dispositions afin de :

30°  déterminer les modalités d’utilisation par un usager et son représentant visé à l’article 12 des mécanismes de surveillance, tels des caméras ou tout autre moyen technologique, dans les installations maintenues par un établissement, dans les ressources intermédiaires ou les ressources de type familial, dans les résidences privées pour aînés ou dans tout autre lieu en lien avec la prestation de services de santé et de services sociaux qu’il détermine.[87]

[118]     La présence de caméras dans des lieux d’hébergement pour aînés est susceptible de soulever plusieurs enjeux de droits fondamentaux garantis par la Charte, notamment la possibilité de conflits entre les droits conférés par l’article 46 sur le droit à des conditions de travail raisonnables et par l’article 48 sur le droit pour toute personne âgée ou handicapée d’être protégée contre l’exploitation. En l’espèce, il faut noter que l’article 48 ne s’applique pas puisque le fils de la résidente s’est déclaré satisfait des services fournis par l’appelante à sa mère. Seul l’article 46 reçoit application.

[119]     Je suis cependant d’avis que les préoccupations légitimes que soulève la question de la présence de caméras en milieu d’hébergement pour aînés ne peuvent avoir pour effet d’altérer les règles relatives au contrôle judiciaire et le corridor étroit d’intervention du tribunal de révision lorsque la décision de l’arbitre de grief est assujettie à la norme de contrôle de la décision raisonnable.

[120]     Pour ces motifs, je rejetterais cet appel.

 

 

 

 

LORNE GIROUX, J.C.A.

 



[1]     Je souligne que l’expression « caméra de surveillance », et non « caméra », apparaît à la première question, ce qui paraît paradoxal puisque l’arbitre est appelé à trancher la raison de la présence de ce dispositif; d’ailleurs, la deuxième question fait référence à une « caméra ».

[2]     Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, paragr. 47-48. Voir également : Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339, paragr. 59.

[3]     Ibid., Dunsmuir, paragr. 47; à titre d’illustration, voir Belval c. Bureau de la sécurité privée, 2016 QCCA 1499. Dans cet arrêt, notre Cour accueillait une requête en révision judiciaire et infirmait une décision d’un tribunal administratif, puisque l’application de la norme de la décision raisonnable par la Cour supérieure était incorrecte, cette dernière n’ayant pas tenu compte des faits bien particuliers de l’affaire et de la situation singulière du requérant. Voir en particulier les paragraphes 49 à 51, 67, 70 et 76 de l’arrêt.

[4]     Conseil de l’éducation de Toronto (Cité) c. F.E.E.E.S.O., district 15, [1997] 1 R.C.S. 487, paragr. 45. Ce passage est repris par la Cour dans : Fraternité des policiers et policières de la MRC des Collines-de-l'Outaouais c. Collines-de-l'Outaouais (MRC des), 2010 QCCA 816, paragr. 24.

[5]     À cet égard, pour un rappel des critères retenus par la jurisprudence arbitrale, voir : Linda Bernier, Lukasz Granosik et Jean-François Pedneault, Les droits de la personne et les relations du travail, Cowansville, Yvon Blais, 1997 (feuilles mobiles, mise à jour no 39, novembre 2016), no  22.005; Aliments Multibar inc. et Unifor, section locale 698, 2015 QCTA 1019, paragr. 51-56; Hydro-Québec et Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 1500, 2015 QCTA 90, paragr. 10-13.

[6]     Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12.

[7]     Syndicat des travailleuses et travailleurs du CSSS du Sud de Lanaudière (CSN) c. Lalande, 2010 QCCS 1239, paragr. 70-73 et 75-77 (requête pour permission d’appeler rejetée, 2010 QCCA 947).

[8]     Jugement entrepris, paragr. 102-104.

[9]     Québec (Gouvernement du) (Sécurité publique) et Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec, D.T.E. 2010T-758, paragr. 186 (T.A.), décision de l’arbitre François Blais.

[10]    Poulies Maska inc. et Syndicat des employés de Poulies Maska inc., D.T.E. 2001T-620, p. 9-10 (T.A.), décision de l’arbitre Nicolas Cliche.

[11]    Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal, section locale 301 et Montréal (Ville de) (arrondissement Côte-St-Luc—Hampstead—Montréal-Ouest), [2005] R.J.D.T. 1068, D.T.E. 2005T-507, p. 29-30 (T.A.), décision de l’arbitre Carol Jobin. Voir également : Manufacture de Lambton ltée et Syndicat des salariés de Manufacture Lambton (C.S.D.), D.T.E. 2003T-997, paragr. 90 (T.A.); Syndicat des travailleuses et travailleurs de la Fabrique Notre-Dame — CSN et Fabrique de la paroisse Notre-Dame, D.T.E. 2006T-56, paragr. 141 et 147 (T.A.).

[12]    Syndicat démocratique des employés de commerce Saguenay-Lac-St-Jean et Potvin & Bouchard inc., [2006] R.J.D.T. 221, D.T.E. 2006T-75, paragr. 58-62 (T.A.), décision de l’arbitre Carol Girard.

[13]    Code civil du Québec, art. 77 : « La résidence d’une personne est le lieu où elle demeure de façon habituelle […]. »

[14]   Je souligne à cet égard qu’il est pour le moins étonnant que l’arbitre ordonne l’enlèvement de la caméra et interdise, sans aucune nuance, son installation future par la famille de la résidente alors que cette dernière n’est pas partie au litige. Cela étant, vu la conclusion que je propose et l’absence d’argumentation des parties à cet égard, cet aspect n’est pas traité dans les présents motifs.

[15]   Voir le paragraphe [12] des présents motifs.

[16]     2015 QCCS 3564 [ci-après cité : jugement entrepris].

[17]     2014 QCTA 453 [ci-après citée : sentence arbitrale].

[18]     Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12 [ci-après citée : Charte].

[19]     Sentence arbitrale, supra, note 2, par. 82-87.

[20]     Ibid., par. 89-92.

[21]     Ibid., par. 94-95.

[22]     Ibid., par. 97 et 102-105.

[23]     Ibid., par. 98-101.

[24]     Ibid., par. 105-106.

[25]    Ibid., par. 107.

[26]    Ibid., par. 111.

[27]    Jugement entrepris, supra, note 1.

[28]    Ibid., par. 31-36.

[29]    Ibid., par. 38.

[30]    Ibid., par. 46.

[31]    Ibid., par. 47.

[32]    Ibid., par. 48-51.

[33]    Ibid., par. 52-53.

[34]    Ibid., par. 54-63.

[35]    Ibid., par. 63-64.

[36]    Ibid., par. 65-68.

[37]    Loi sur les services de santé et les services sociaux, RLRQ, c. S-4.2.

[38]    Mouvement laïque québécois c. Saguenay (Ville), [2015] 2 R.C.S. 3, 2015 CSC 16 [ci-après cité : Mouvement laïque québécois].

[39]    Ibid., par. 46, p. 29-30.

[40]    Tervita Corp. c. Canada (Commissaire de la concurrence), [2015] 1 R.C.S. 161, 2015 CSC 3 [ci-après cité : Tervita].

[41]    Loi sur le Tribunal de la concurrence, L.R.C. 1985, c. 19 (2e suppl.).

[42]    Arrêt Tervita, supra, note 25, par. 34-39, p. 183-185. L’extrait cité est au paragraphe 38, p. 185.

[43]    Commission scolaire de Laval c. Syndicat de l’enseignement de la région de Laval, [2016] 1 R.C.S. 29, 2016 CSC 8, par. 33, p. 48.

[44]    Doré c. Barreau du Québec, [2012] 1 R.C.S. 395, 2012 CSC 12, par. 45, p. 421; Syndicat des employées et employés professionnels et de bureau, section locale 574, SEPB, CTC-FTQ c. Groupe Pages jaunes Cie, 2015 QCCA 918, par. 52; Québec (Procureure générale) c. Association des juristes de l’État, 2017 QCCA 103, par. 23-24.

[45]    Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, 2008 CSC 9, par. 51 et 53, p. 222 et 223; Smith c. Alliance Pipeline Ltd., [2011] 1 R.C.S. 160, 2011 CSC 7, par. 26, p. 173.

[46]    Doré c. Barreau du Québec, supra, note 29, par. 47-48, p. 422-423.

[47]    Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, supra, note 30, par. 60, p. 226; Smith c. Alliance Pipeline Ltd., supra, note 30, par. 26, p. 173.

[48]    Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, supra, note 30.

[49]    Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, [2009] 1 R.C.S. 339, 2009 CSC 12 [ci-après cité : Khosa].

[50]    Fraternité des policiers et policières de la MRC des Collines-de-l'Outaouais c. Collines-de-l'Outaouais (MRC), 2010 QCCA 816, par. 15-16. Cité avec approbation dans Sherbrooke (Ville) c. Syndicat des fonctionnaires municipaux et professionnels de la Ville de Sherbrooke (cols blancs) (FISA), 2016 QCCA 267, par. 20.

[51]    Syndicat des travailleuses et travailleurs du CSSS du Sud de Lanaudière (CSN) c. Lalande, 2010 QCCS 1239, requête pour autorisation d’appel rejetée : 2010 QCCA 947 (juge unique).

[52]    Ibid., par. 7, 70 et 75.

[53]    Commission scolaire de Laval c. Syndicat de l’enseignement de la région de Laval, supra, note 28, par. 30-31, p. 46-47.

[54]    Motifs du juge Parent, par. [37].

[55]    Syndicat des travailleuses et travailleurs du CSSS du Sud de Lanaudière (CSN) c. Lalande, supra, note 36, par. 86-87.

[56]    Motifs du juge Parent, par. [39] et [40].

[57]    Fraternité des policiers et policières de la MRC des Collines-de-l'Outaouais c. Collines-de-l'Outaouais (MRC), supra, note 35, par. 25.

[58]    Sentence arbitrale, supra, note 2, par. 95.

[59]    Jugement entrepris, supra, note 1, par. 55.

[60]    Fraternité des policiers et policières de la MRC des Collines-de-l'Outaouais c. Collines-de-l'Outaouais (MRC), supra, par. [88] et note 42.

[61]    Loi sur les services de santé et les services sociaux, supra, note 22.

[62]    Voir aussi : Québec (Procureur général) c. Vigi Santé ltée, [1999] R.J.Q. 997 (C.A.), p. 1001.

[63]    Je note qu’en l’espèce les parties ont expressément reconnu la compétence de l’arbitre d’entendre le grief : sentence arbitrale, supra, note 2, par. 7-8.

[64]    Newfoundland and Labrador Nurses' Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), [2011] 3 R.C.S. 708, 2011 CSC 62, par. 23, p. 718.

[65]    Ibid., par. 13, p. 714-715.

[66]    Arrêt Khosa, supra, note 34, par. 59, p. 378.

[67]    Morand c. McKenna, 2011 QCCA 1997, par. 32.

[68]    Voir notamment : Syndicat des travailleuses et travailleurs du CSSS du Sud de Lanaudière (CSN) c. Lalande, supra, note 36, par. 84-89; Ste-Marie c. Placements JPM Marquis inc., 2005 QCCA 312, par. 23 et 26.

[69]    Srivastava c. Hindu Mission of Canada (Quebec) Inc., [2001] R.J.Q. 1111 (C.A.) (autorisation de pourvoi refusée par la Cour suprême le 7 février 2002 : [2002] 1 R.C.S. vii).

[70]    Association des techniciennes et techniciens en diététique du Québec et Centre hospitalier Côte-des-Neiges (grief collectif), [1993] T.A. 1021, p. 1027-1029.

[71]    Srivastava c. Hindu Mission of Canada (Quebec) Inc., supra, note 54, par. 78, p. 1124.

[72]    Voir : Métallurgistes unis d'Amérique, section locale 7885 et Fabrimet inc. (grief syndical), AZ 50684431, D.T.E. 2010T-769, par. 33.

[73]    Sentence arbitrale, supra, note 2, par. 80.

[74]    Ibid., par. 88-92.

[75]    Ibid., par. 97-106.

[76]    Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, supra, note 30, par. 47.

[77]    Arrêt Khosa, supra, note 34.

[78]    Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, supra, note 30, par. 47.

[79]    Béton Brunet ltée c. Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, section locale 700 (SCEP), 2015 QCCA 188 (j. Morissette).

[80]    Gatineau (Ville) c. Syndicat des cols blancs de Gatineau inc., 2016 QCCA 1596, par. 22.

[81]    Sentence arbitrale, supra, note 2, par. 108.

[82]    Requête introductive d’instance en révision judiciaire du 15 mai 2014, par. 57-69. L’argument est repris dans le mémoire de l’appelante aux paragraphes 63-65.

[83]    Sentence arbitrale, supra, note 2, par. 95 cité, supra, par. [90].

[84]    Société Radio-Canada c. Syndicat des communications de Radio-Canada (FNC-CSN), 2016 QCCA 1588, par. 10-13; Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal, section locale 301 c. Pointe-Claire (Ville), 2011 QCCA 1000, par. 34-35.

[85]    Sentence arbitrale, supra, note 2, par. 107.

[86]    Loi sur les services de santé et les services sociaux, supra, note 22.

[87]    Texte modifié à la suite de l’étude en commission parlementaire. Au moment où ces lignes sont écrites, le projet de loi a été adopté et sanctionné le 30 mai 2017 et deviendra L.Q. 2017, c. 10.

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