Amboorallee c. Caprera | 2025 QCTAL 197 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT |
Bureau dE Montréal |
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Nos dossiers : | 810579 31 20240730 G 822385 31 20240925 G | Nos demandes : | 4413712 4474352 |
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Date : | 09 janvier 2025 |
Devant le juge administratif : | Aurélie Lompré |
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Bibi Zaheda Amboorallee | |
Locataire - Partie demanderesse (810579 31 20240730 G) Partie défenderesse (822385 31 20240925 G) |
c. |
Joe Caprera | |
Locateur - Partie défenderesse (810579 31 20240730 G) Partie demanderesse (822385 31 20240925 G) |
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D É C I S I O N
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- Une demande de la locataire a été déposée le 30 juillet 2024, demandant au Tribunal administratif du logement (ci-après « Tribunal ») de résilier le bail, à compter du 1er août 2024, considérant le refus de cession de bail par le locateur, d’ordonner l’exécution provisoire de la décision nonobstant appel et de condamner le locateur aux frais.
- Le 25 septembre 2024, le locateur déposait une demande au Tribunal demandant la résiliation du bail et l’expulsion de la locataire, le recouvrement du loyer (930 $) ainsi que le loyer dû au moment de l’audience, l’exécution provisoire de la décision, nonobstant appel, et la condamnation de la locataire aux frais.
- Ces demandes ont été réunies pour audition commune en vertu de l’article 57 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[1].
Faits
- Le Tribunal a pris note de l’ensemble de la preuve administrée devant lui. Toutefois, il sera uniquement fait mention, dans la présente, des éléments de preuve pertinents qui ont été retenus par le Tribunal pour fonder celle-ci.
- Les parties étaient liées par un bail qui avait été reconduit jusqu’au 31 octobre 2025.
- Le locateur a reçu, le 9 juillet 2024 par courrier recommandé, une demande de cession de bail de la locataire pour le logement concerné, et ce, pour le 1er août 2024.
- Cette demande a été effectuée en transmettant au locateur un avis de cession de bail dûment complété et signé, une demande de location contenant des informations relatives au cessionnaire proposé (numéro d’assurance sociale, adresse actuelle et nom du locateur, employeur actuel et revenu annuel, etc.) et un formulaire de réponse à l’avis de cession.
- À l’audience, le locateur affirme avoir uniquement reçu l’avis de cession de bail avec le nom et l’adresse du cessionnaire proposé.
- Par une lettre recommandée, datée du 12 juillet 2024, le locateur informe la locataire, notamment, de ce qui suit :
« Regrettably, we do not accept lease transfers. As Recquel must have already explained, lease transfers are a thing of the past. »
- Le locateur allègue avoir transmis à la locataire une seconde lettre, datée du 19 juillet 2024, expliquant que le refus de la demande de cession de bail était dû à un manque d’informations quant au cessionnaire proposé, qu’une demande de location doit être remplie par celui-ci et qu’un dépôt de loyer doit également être fourni par ce dernier.
- La réception de cette seconde lettre est contestée. Aucune preuve de réception de cette dernière par la locataire n’a été fournie par le locateur au Tribunal.
- Début août 2024, la locataire a rendu les clés du logement concerné, qui était vide, au concierge de l’immeuble.
- Le locateur indique avoir fait une demande pour non-paiement de loyer, le 25 septembre 2024, et réclame les loyers des mois d’août à octobre 2024 inclusivement, soit une somme de 2 790 $ (930 $ x 3), car le logement a été reloué à compter du 1er novembre 2024.
Analyse
- En vertu des articles 2803 et 2804 du Code civil du Québec[2] (ci-après « C.c.Q. »), il appartient à celui qui veut faire valoir ses droits de prouver les faits au soutien de ses prétentions, et ce, de façon prépondérante.
- En outre, en vertu de l’article 2845 C.c.Q., la force probante du témoignage est laissée à l'appréciation du tribunal.
- En ce qui concerne la cession de bail, les articles 1870 et 1871 C.c.Q. énoncent :
« 1870. Le locataire peut sous-louer tout ou partie du bien loué ou céder le bail. Il est alors tenu d'aviser le locateur de son intention, de lui indiquer le nom et l'adresse de la personne à qui il entend sous-louer le bien ou céder le bail et d'obtenir le consentement du locateur à la sous-location ou à la cession. »
« 1871. Le locateur ne peut refuser de consentir à la sous-location du bien ou à la cession du bail sans un motif sérieux.
Lorsqu'il refuse, le locateur est tenu d'indiquer au locataire, dans les 15 jours de la réception de l'avis, les motifs de son refus; s'il omet de le faire, il est réputé avoir consenti. »
- Depuis le 21 février 2024, à la suite de l'adoption du Projet de loi 31, d’autres articles du Code civil du Québec visent la cession de bail en matière de louage résidentiel, soit notamment les articles 1978.1 et 1978.2 C.c.Q. qui énoncent :
« 1978.1. Lorsque l’avis de cession prévu à l’article 1870 concerne un bail de logement, il doit indiquer la date de cession prévue par le locataire. »
« 1978.2. Le locateur qui est avisé de l’intention du locataire de céder le bail peut refuser d’y consentir pour un motif autre qu’un motif sérieux visé au premier alinéa de l’article 1871. Le bail est alors résilié à la date de cession indiquée dans l’avis transmis par le locataire. »
- En l’espèce, l’avis de cession de bail, prévu à l'article 1870 C.c.Q., a été transmis au locateur le 9 juillet 2024.
- L’avis de cession de bail transmis au locateur est conforme aux articles 1870 et 1978.1 C.c.Q. et le locateur pouvait ainsi valider les informations du cessionnaire proposé.
- La réponse du locateur a été transmise dans le délai de 15 jours de l’avis de cession de bail conformément à l’article 1871 C.c.Q.
- La réponse du locateur transmise à la locataire, dans la lettre du 12 juillet 2024, constitue un refus de la cession de bail pour un motif autre que sérieux, considérant que le locateur invoque que les cessions de bail sont choses du passé.
- En ce qui concerne la lettre du locateur datée du 19 juillet 2024, le locateur n’a fourni aucune preuve de réception de celle-ci par la locataire.
- Mais, il y a plus, cette seconde lettre du locateur allègue que les informations fournies, concernant le cessionnaire proposé, sont insuffisantes alors que la preuve prépondérante démontre que le locateur détenait, depuis de 9 juillet 2024, les informations nécessaires pour effectuer ses vérifications.
- Le locateur pouvait vérifier les informations du cessionnaire proposé et, le cas échéant, refuser la demande de cession de bail pour un motif sérieux.
- Considérant ce qui précède, le locateur n’a pas exercé raisonnablement son droit de refus de la cession de bail.
- Dans la décision Camerino c. Propriétés Catera inc.[3], le juge administratif Richard Barbe énonce :
« [19] Dans la présente affaire, la preuve prépondérante démontre que la cession a été refusée pour un motif autre que sérieux.
[20] En effet, le refus du locateur repose sur une généralité qui passe outre le droit à la cession d’un bail prévu par la loi. Le locateur annonce de façon unilatérale et générale que le transfert (cession) de bail ne fait plus partie de ses pratiques.
[21] Ainsi, le locateur annonce à ses locataires que les cessions de baux seront systématiquement refusées, et ce, malgré les droits des locataires prévus au Code civil du Québec.
[22] De plus, le juge administratif Jean Bisson mentionne ce qui suit dans la décision Deschenes c. Luu[4] :
« Selon l’article 1870 C.c.Q. ci-dessus reproduit, les locataires n’ont pas à établir la solvabilité du cessionnaire proposé. Ils n’ont que l’obligation de fournir à la locatrice le nom et l’adresse de ce cessionnaire. C’est à la locatrice d’effectuer les vérifications d’usage. » »
- Le Tribunal souscrit à ces principes et ajoute qu’en l’espèce, ledit refus fondé sur un motif autre que sérieux cause un préjudice sérieux à la locataire, considérant qu’elle a ainsi été privée de la possibilité de se voir libérée des droits et obligations découlant du bail, soit par cession, soit par l’application de l’article 1978.2 C.c.Q.
- La preuve prépondérante démontre une opposition vigoureuse et injustifiée du locateur à la cession de bail demandée.
- Tel que l’énonce le juge administratif Serge Adam, dans la décision El Haial c. Petrella[4] :
« [28] Le tribunal doit conclure que la locatrice a refusé injustement et illégalement la cession de bail et l'entrée dans les lieux au cessionnaire choisi par la locataire. En agissant ainsi, elle met fin au bail sans droit et sans justification. »
- À la lumière de ce qui précède, le bail est résilié à compter du 1er août 2024, considérant que la cession de bail devait prendre effet le 1er août 2024.
- En l’espèce, le Tribunal est d’avis qu’aucun motif ne justifie l’exécution provisoire de la décision.
- Par conséquent, la demande du locateur est rejetée, aucun loyer n’étant dû pour les mois d’août à octobre 2024 inclusivement.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
- RÉSILIE le bail de la locataire rétroactivement à compter du 1er août 2024;
- CONDAMNE le locateur à payer à la locataire des frais de justice de 97,50 $;
- REJETTE la demande de la locataire quant aux autres conclusions;
- REJETTE la demande du locateur.
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| Aurélie Lompré |
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Présence(s) : | la mandataire de la locataire le locateur |
Date de l’audience : | 4 décembre 2024 |
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