Karagiannakis c. Kapetanakis

2020 QCTAL 9167

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

538448 31 20200929 G

No demande :

3075206

 

 

Date :

30 novembre 2020

Devant la juge administrative :

Karine Morin

 

Charalambos Karagiannakis

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

Heleni (Helen) Kapetanakis

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      Le 29 septembre 2020, le locateur demande l’autorisation au Tribunal de reprendre le logement concerné à compter du 28 février 2021 pour s’y loger.

[2]      Les parties sont liées par un bail initial du 1er juillet 2010 au 30 juin 2011 et reconduit du 1er juillet 2020 au 30 juin 2021 au loyer mensuel de 500 $. Bien que les parties ne soient plus en possession du bail écrit, celles-ci admettent qu’il a été reconduit par le simple effet de la loi au fil des années.

[3]      Le 6 août 2020, le locateur, qui est aussi propriétaire de l’immeuble, signifie par courrier certifié à la locataire un avis de reprise selon lequel il entend reprendre le logement le 28 février 2021 pour s’y loger.

[4]      À l’audience, le représentant de la locataire soulève une objection préliminaire. Il demande le rejet de la demande au motif que l'avis de reprise est invalide puisque, le bail étant à durée déterminée, le locateur ne peut reprendre le logement en cours de bail, soit le 28 février 2021.

[5]      Le dossier a été pris en délibéré afin de statuer sur l'objection préliminaire, sous réserve de convoquer à nouveau les parties et de statuer sur le fond du litige advenant le rejet de l'objection.

OBJECTION PRÉLIMINAIRE

[6]      Le Tribunal doit déterminer si l'avis de reprise est conforme aux exigences de la loi.


ANALYSE ET DÉCISION

[7]      La demande du locateur est fondée sur l'article 1957 C.c.Q. qui prévoit que :

« 1957. Le locateur d'un logement, s'il en est le propriétaire, peut le reprendre pour l'habiter lui-même ou y loger ses ascendants ou descendants au premier degré, ou tout autre parent ou allié dont il est le principal soutien »

[8]      Par ailleurs, les articles 1960, 1961 C.c.Q. énoncent ce qui suit :

« 1960. Le locateur qui désire reprendre le logement ou évincer le locataire doit aviser celui-ci, au moins six mois avant l'expiration du bail à durée fixe; si la durée du bail est de six mois ou moins, l'avis est d'un mois.

Toutefois, lorsque le bail est à durée indéterminée, l'avis doit être donné six mois avant la date de la reprise ou de l'éviction. »

« 1961. L'avis de reprise doit indiquer la date prévue pour l'exercer, le nom du bénéficiaire et, s'il y a lieu, le degré de parenté ou le lien du bénéficiaire avec le locateur. L'avis d'éviction doit indiquer le motif et la date de l'éviction.

Toutefois, la reprise ou l'éviction peut prendre effet à une date postérieure, à la demande du locataire et sur autorisation du tribunal. »

[9]      Dans l’affaire Naghipour c. Racine, la juge administrative énonce :

« (...) l'avis même est générateur de droits. Même si le formalisme ne doit pas avoir préséance, en matière de reprise il en est autrement. Le droit à la reprise est une exception au droit au maintien dans les lieux et les dispositions des articles 1957 et 1963 sont d'ordre public. Leur non-respect est fatal et rend nulle la demande de reprise. (4)

Il a été déterminé (5) que l'article 1957 quant aux conditions d'exercice d'une demande de reprise sont d'ordre public et d'interprétation restrictive[1]. »

[10]   Il est généralement admis par la jurisprudence que la reprise ne peut avoir lieu en cours de bail lorsque le bail est à durée déterminée. Le locateur demande ici la reprise du logement pour le 28 février 2021. L'éviction en cours de bail n'est ni prévue ni permise par la loi[2].

[11]   En l’instance, l'avis de reprise n'est pas conforme aux exigences de la loi. Cette non-conformité est fatale à la demande.

[12]   Par conséquent, le Tribunal conclut que l'avis de reprise est invalide, nul et inopposable à la locataire.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[13]   ACCUEILLE l'objection préliminaire;

[14]   DÉCLARE l’avis de reprise invalide, nul et inopposable à la locataire;

[15]   REJETTE la demande du locateur qui en assume les frais.

 

 

 

 

 

 

 

 

Karine Morin

 

Présence(s) :

le locateur

la locataire

Nicolas Thiffault-Chouinard, stagiaire en droit de la locataire

Date de l’audience :  

26 octobre 2020

 

 

 


 



[1] Naghipour c. Racine, R.D.L., 2018-07-18, 2018 QCRDL 25101, SOQUIJ AZ-51516463.

[2] Bebronne c. Sztorc, R.D.L., 2016-06-22, 2016 QCRDL 21761, SOQUIJ AZ-51299839; Paquin c. 9232-4953 Québec inc., R.D.L., 2012-03-26, 2012 QCRDL 10494, SOQUIJ AZ-50844353.

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