Wagner c. GPEKS Constructions inc. |
2021 QCCS 1004 |
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COUR SUPÉRIEURE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
GATINEAU |
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No : |
550-17-011306-196 |
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DATE : |
Le 17 mars 2021 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
MICHEL DÉZIEL, J.C.S. |
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JASON WAGNER et ROSEMARIE TEMPLONUEVO |
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Demandeurs |
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c. |
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GPEKS CONSTRUCTIONS INC. et FRÉDÉRIC POUYOT |
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Défendeurs |
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et |
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OFFICIER DE LA PUBLICITÉ DES DROITS DE LA CIRCONSCRIPTION FONCIÈRE DE HULL |
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Mis en cause |
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JUGEMENT |
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[1] Jason Wagner (« Jason ») et Rosemarie Templonuevo (« Rose ») demandent au Tribunal de constater la résiliation de plein droit du bail commercial intervenu entre les parties, et ce, en date du 25 septembre 2018, au motif que les défendeurs ont fait défaut de leur procurer la jouissance paisible des lieux loués pour un restaurant, et ce, de façon malicieuse, importante et persistante. Ils réclament des dommages.
[2] Les défendeurs contestent et réclament des loyers impayés suite à la résiliation et des dommages.
[3] Le Tribunal utilisera les prénoms pour désigner les parties, comme elles se sont désignées lors de l’audition.
CONTEXTE
[4] Les demandeurs exploitent en 2016 un restaurant au 417, boul. Alexandre-Taché à Gatineau où ils rencontrent comme clients le défendeur Frédéric Pouyot (« Frédéric ») et son épouse Mary Hough (« Mary »).
[5] Des liens d’amitié se tissent graduellement et les demandeurs décident de déménager leur restaurant dans un local possédé par la défenderesse GPEKS Constructions inc. (« GPEKS ») au 399, boul. Alexandre-Taché où ils peuvent aménager une terrasse extérieure.
[6] Frédéric est le président et le premier actionnaire de GPEKS alors que Mary en est la deuxième actionnaire[1].
[7] Le 16 mars 2017, un bail commercial intervient pour une durée de 12 ans commençant le 1er avril 2017 et expirant le 31 mars 2029[2]. Le bail prévoit la possibilité d’une terrasse patio dans les termes suivants[3] :
[…]
Si le locataire le désire, il pourra installer et maintenir à ses frais des clôtures de jardin pour séparer la propriété de celle des voisins à l’Est et à l’Ouest, ainsi que faire aménager une terrasse de patio dans la partie Sud. Le détail de ces améliorations devra être approuvé par le locateur.
[…]
[8] Le bail prévoit un dépôt de sécurité correspondant aux deux premières mensualités encaissables par le locateur à la date de la signature du bail. Les demandeurs consentent à grever leur propriété sise au [...], Gatineau, d’une garantie hypothécaire de 25 000 $ pour garantir le paiement des loyers[4].
[9] Le 10 mai 2017, les demandeurs envoient une mise en demeure aux défendeurs leur enjoignant de se conformer au bail, de leur procurer une jouissance paisible des lieux en leur demandant notamment de cesser d’entrer dans l’espace loué sans motif et sans avis et de leur remettre les 16 chaises qu’ils avaient placées à l’arrière de l’immeuble[5], les défendeurs les ayant fait disparaitre.
[10] Le 8 juin 2017, une deuxième mise en demeure est envoyée, signifiée le 9 juin 2017 et les demandeurs allèguent les faits suivants :
a) les défendeurs publient cinq messages sur Internet contenant des faussetés et invitant les clients à ne pas aller dans leur restaurant;
b) visites non annoncées, sabotage de la serrure, vandalisme du système d’alarme.
[11] Ils réclament 1 600 $ pour les 16 chaises non remises et les mettent en demeure d’approuver le plan de la terrasse tel qu’approuvé par la municipalité selon le permis qu’ils ont obtenu.
[12] Le 27 juillet 2017, les demandeurs intentent un recours contre les défendeurs et réclament un montant de 76 200 $[6].
[13] Il y a lieu de reproduire les deux paragraphes suivants de cette procédure :
6. La défenderesse exerce ses droits de locateur de façon déraisonnable et le défendeur trouble volontairement la jouissance paisible des lieux loués, et ce, notamment en posant les actes suivants :
a. Accédant à répétition sans droit, sans motif et sans avis aux lieux loués;
b. Harcelant continuellement les clients du restaurant;
c. Photographier les clients du restaurant alors qu’ils prennent leur repas;
d. Crier contre les clients du restaurant dans le stationnement avant qu’ils entrent dans le restaurant et au moment de leur repas;
e. Crier à l’intérieur du restaurant contre les demandeurs et les employés des demandeurs;
f. Débranchant intentionnellement le module d’enregistrement des ventes (MEV) du restaurant des demandeurs;
g. Saboter la serrure de la porte d’entrée du restaurant en insérant un clou à l’intérieur de celle-ci;
h. Vandaliser le système d’alarme du restaurant;
i. Débrancher le système de climatisation;
j. Fermer des disjoncteurs électriques et bloquer l’accès au panneau électrique;
k. Se promener torse nu à l’intérieur du restaurant en chantant à tue-tête la Marseillaise;
l. Empiéter sur les espaces de stationnement loués aux demandeurs en y déversant plusieurs matériaux et débris;
m. Placer des clous sous les pneus du véhicule des demandeurs;
n. Tenter de dissuader les clients du restaurant en alléguant, faussement, que les demandeurs sont des trafiquants de drogues;
o. etc.
[…]
37. Les défendeurs ont notamment déclaré faussement que les demandeurs :
a. Ne respectent pas les codes municipaux;
b. Emploient des immigrants illégaux;
c. Font de l’évasion fiscale;
d. Donnent des pots-de-vin aux policiers;
e. Qu’ils finiraient en prison ou dans un institut psychiatrique;
f. Qu’ils méprisaient les enfants;
g. Qu’ils allaient mourir d’une attaque cardiaque ou d’un cancer relié à une obésité morbide;
h. etc.
Le tout tel qu’il appert de copie de certains commentaires publiés sur la page Facebook du restaurant Café Cinq Sens, Pièce P-8;
[14] Le 15 décembre 2017, les parties conviennent d’une entente pour mettre fin aux procédures[7] dans laquelle GPEKS convient de verser une somme de 40 000 $, sans admissions. L’entente prévoit ce qui suit pour l’aménagement d’une terrasse patio :
4. The parties agree to modify the lease to include the following:
a. Defendants agrees to allow plaintiffs to setup and use an outside patio for the restaurant, the patio area been delimited by a fence, as described below. The Outside patio will be in the garden area to the south of the building, and to the west of the southern area of the parking lot, between the southern part of the building and the patio fences.
b. In order for the patio area to be allowed, a separating fence will need to be installed and maintained by the plaintiffs, at plaintiffs cost, to limit the area and provide a separate access for the upstairs.
c. This patio area will allow a maximum of 16 chairs, 4 tables and umbrellas.
d. The fence will be setup at a minimum distance lf 8 feet from the southern limit of the property and minimum 6 feet from the eastern railing of the western metal stairs going up to the 2nd floor wooden deck.
e. This will provide the plaintiffs with the exclusive right to use that area inside the fences as a patio for the restaurant.
f. Defendants will have private access to the garden area outside of the patio fence.
g. As long as the conditions above mentioned are met and the lease is respected, the patio use will be allowed for the term of the lease.
h. The fence, tables, chairs and patio will be removed between November 15 and April 15 of each year of the lease so that the space can be used to pile the snow from the parking.
h. At the signature of this settlement, Plaintiffs will be provided by defendants a key to the room where the restaurant electrical panel is located in order to make a double at their own cost, and will give back the original to the original of the key to the defendant within 48 hours. Plaintiffs agree to keep the door giving access to defendant the electrical panel of AC unit is momentarily required for reasons of maintenance or emergency.
[15] Le montant de 40 000 $ est versé. Vu le non-respect de l’entente, de la multiplication d’actes de mauvaise foi, d’obstructions et d’atteinte à leur réputation, les demandeurs entament le présent recours le 11 décembre 2018, signifié le 12 décembre 2018[8].
[16] Voici les allégations quant aux agissements reprochés aux défendeurs à la demande introductive d’instance modifiée :
16. La défenderesse Gpeks a exercé ses droits de locateur de façon déraisonnable et le défendeur, M. Pouyot, a troublé volontairement la jouissance paisible des Lieux Loués, et ce, notamment en posant les actes suivants :
a. Épandre des poubelles et autres substances organiques sur la terrasse autour de celle-ci, et ce, à plusieurs reprises, le tout faisant en forte que la terrasse est envahie de mouches et d’une odeur nauséabonde, tel qu’il appert des photos à cet effet, en liasse, Pièce P-11;
b. Installer une « clôture » constituée de palettes de bois non sécurisées ni encrées, et lesquelles comportent des clous rouillés, tel qu’il appert d’une photo à cet effet, Pièce P-12;
c. Déplacer ses bacs à ordures le long de la terrasse des demandeurs à deux (2) pieds des clients du restaurent, et ce, dans le seul but de nuire, tel qu’il appert des photos à cet effet, en liasse, Pièce P-13;
d. Déplacer les plantes ornementales des demandeurs;
e. Pénétrer à l’intérieur du restaurant, sans autorisation ni préavis, et se jeter intentionnellement et tituber tout aussi intentionnellement afin de faire tomber les tables du restaurant, cassant ainsi de la verrerie;
f. Suivre avec insistance la demanderesse malgré les avertissements à l’égard de M. Pouyot d’arrêter, énonçant que cette dernière avait peur de celui-ci;
g. Effectuer des travaux torse nu, à la vue des clients du restaurant;
h. Intercepter les clients du restaurant afin de porte atteinte à la réputation des demandeurs;
17. Les agissements de M. Pouyot énoncés dans cette présente demande sont ultérieurs à la Transaction P-10 intervenue entre les parties, de telle sorte que le défendeur répète les comportements ayant donné lieu au premier litige entre les parties;
[…]
20. Le ou vers le 10 juillet 2018, les demandeurs, par l’entremise de leurs procureurs, ont mis en demeure les défendeurs de se conformer aux termes et à l’esprit de la transaction P-10 et de procurer aux demandeurs la jouissance paisible des Lieux Loués ainsi que de cesser tous propos diffamatoires à l’égard des demandeurs, le tout tel qu’il appert de la mise en demeure datée du 10 juillet 2018 et des procès-verbaux de signification en liasse, Pièce P-14;
[…]
25. À partir du 4 juillet 2018 et jusqu’au 4 septembre 2018, M. Pouyot a stationné son véhicule au bas des escaliers donnant accès à la terrasse rendant impossible l’utilisation de celle-ci, le tout tel qu’il appert des photos démontrant l’obstruction de la terrasse, en liasse, Pièce P-15;
26. De plus, M. Pouyot a déplacé toutes les pierres de patio des demandeurs pour les empiler derrière sa voiture et ailleurs sur la propriété, et ce, pour empêcher que le véhicule soit déplacé, le tout tel qu’il appert des photos à cet effet, en liasse, Pièce P-16;
[…]
34. Notamment, les défendeurs incitent le public à ne pas fréquenter le restaurant des demandeurs et posent les gestes suivants, sans s’y limiter :
a. Approcher les clients du restaurant ayant pris place sur la terrasse extérieure en leur indiquant, faussement, que la terrasse est illégale et que les demandeurs enfreignent les règlements;
b. Distribuer des lettres diffamatoires aux clients du restaurant et aux piétons circulant près du restaurant des demandeurs, tel qu’il appert notamment de la photographie illustrant l’interception des piétons par le défendeur, Pièce P-17, ainsi qu’une copie de la lettre rédigée par le défendeur et remise aux piétons, Pièce P-18;
c. Intercepter les clients du restaurant afin de porter atteinte à la réputation des demandeurs et de leur entreprise;
35. Le 7 septembre 2018, les demandeurs ont, une fois de plus, envoyé une mise en demeure aux défendeurs, tel qu’il appert de la lettre de mise en demeure datée du 7 septembre 2018, Pièce P-19;
36. Le ou vers le 8 septembre 2018, le défendeur a stationné son véhicule de manière à bloquer la porte d’entrée des Lieux Loués, soit la porte d’entrée du restaurant, empêchant ainsi tout client d’entrer, tel qu’il appert des photographies du véhicule du défendeur bloquant l’entrée, en liasse, Pièce P-20;
37. Le même jour, le défendeur a fait des graffitis diffamatoires sur les fenêtres des Lieux Loués, tel qu’il appert notamment des photographies communiquées comme Pièce P-21;
38. Le défendeur a également placé une pancarte à l’intérieur de son véhicule afin de porter atteinte à la réputation des demandeurs, tel qu’il appert d’une photographie de la pancarte, Pièce P-22;
39. Le ou vers le 10 septembre 2018, le défendeur a, encore une fois, publié un commentaire négatif sur internet au sujet du restaurant des demandeurs les accusant faussement, entre autres, de gérer les déchets comme des « slums des Philippines » et de harceler les commerces avoisinants, les voisins et leur enfant, tel qu’il appert de la publication sur internet du défendeur en date du 10 septembre 2018, Pièce P-23;
[17] Le 19 décembre 2018, le juge Steve Guénard de la Cour du Québec rend jugement sur une ordonnance de sauvegarde dans les termes suivants[9] :
ACCUEILLE la demande d’ordonnance de sauvegarde pour substitution d’une garantie hypothécaire et en radiation d’une hypothèque conventionnelle;
PERMET aux demandeurs d’obtenir la radiation des droits hypothécaires détenus par la défenderesse GPEKS Constructions inc., contre l’immeuble ci-après décrit, aux conditions suivantes :
a) Les demandeurs devront procéder au dépôt judiciaire de la somme de 31 250$;
b) Sur preuve du dépôt judiciaire de la somme de 31 250$, les droits hypothécaires de la défenderesse GPEKS Construction inc. publiés sous le numéro 22 950 970 au bureau de la publicité des droits de la circonscription foncière de Hull seront radiés concernant l’immeuble suivant :
Un immeuble connu et désigné comme étant le lot numéro [...] ([...]), Cadastre du Québec, dans la circonscription foncière de Hull.
Avec toutes les bâtisses y dessus érigés, circonstances et dépendances et portant le numéro civique [...], Gatineau, province de Québec, [...];
ORDONNE à l’Officier de la publicité des droits de la circonscription foncière de Hull, sur preuve que les demandeurs ont procédé au dépôt judiciaire de la somme de 31 250,00$, de PROCÉDER sans autre délai à la radiation des droits hypothécaires publiés aux termes de l’acte portant le numéro 22 950 970;
ORDONNE l’exécution provisoire du jugement nonobstant appel;
LE TOUT, frais de justice à suivre le sort final du litige.
(Références omises)
[18] Le 16 janvier 2019, les demandeurs font un dépôt judiciaire de 31 250 $[10] selon les termes dudit jugement.
[19] Le 10 avril 2019, les défendeurs déposent une défense et demande reconventionnelle et réclament à Jason une somme de 54 000 $ pour loyers impayés et aux demandeurs Jason et Rose une somme de 85 000 $ pour dommages moraux, punitifs, troubles, nuisances et inconvénients, et frais extrajudiciaires.
[20] Le 10 septembre 2019, vu le montant réclamé en demande reconventionnelle, le juge Steve Guénard renvoie le dossier devant la Cour supérieure.
[21] Les demandeurs déposent leur défense reconventionnelle le 16 décembre 2019.
La preuve de la demande
1. Jason
[22] Il témoigne et confirme les allégations de la demande, reproduites ci-dessus.
[23] Lors des négociations préalables à la convention de règlement, Frédéric lui montre l’arrière du bâtiment et l’endroit où il aménagera une terrasse patio.
[24] Un tel patio est un atout important pour le restaurant et peut générer jusqu’à 50 % des projets. Il peut utiliser 10 des 12 places de stationnement pour les clients, deux étant réservés aux défendeurs. Il effectue des améliorations locatives au coût de 14 690,46 $ en prévision d’un bail à long terme de 12 ans.
[25] Vu la résiliation, il doit laisser ces améliorations et il en réclame le coût.
[26] Il doit faire appel aux policiers environ 50 fois, parfois cinq fois la même journée en raison des agissements de Frédéric et des visites non annoncées.
[27] Il peut reprendre ses 16 chaises après l’entente de règlement. Il a des problèmes de sommeil pendant la durée des 18 mois d’occupation. Il ouvre la terrasse patio fin avril 2018 et voit ses profits augmenter.
[28] Malgré les plaintes de Frédéric, il ne reçoit aucune plainte de la municipalité, contrairement aux publications de Frédéric dans les médias sociaux. Il nie employer des immigrants illégaux comme le prétend ce dernier.
[29] De décembre 2017 à mars 2018, Frédéric a un comportement normal, mais recommence à embêter les demandeurs dès avril 2018. Frédéric détruit le patio qu’il aménage en 2018 et déplace les tuiles patio[11].
[30] Le 4 juillet 2018, il demande aux policiers d’intervenir au sujet des palettes de bois installées par Frédéric pour tenir lieu de clôture[12].
[31] Le 5 juillet 2018, il téléphone aux policiers, car Frédéric stationne son véhicule en bas des marches du patio. Les policiers lui conseillent de le faire remorquer[13].
[32] Le 5 juillet 2018, il fait encore appel aux policiers, car, suite à la première intervention, Frédéric se présente dans le restaurant et refuse de quitter les lieux. Jason l’escorte à l’extérieur et, ce faisant, Frédéric brise des objets. Voici les constatations des policiers[14] :
POUYOT est ensuite revenu. Il s’est stationné à la même place devant la porte. Il est entré à l’intérieur, par la porte arrière et a commencé à prendre des photos de l’intérieur du restaurant. WAGNER lui a demandé de quitter, car ils ont une entente stipulant que POUYOT n’a pas le droit d’entrer dans le restaurant.
POUYOT refuse de quitter. WAGNER escorte POUYOT vers l’extérieur et ce dernier se lance un peu partout (suréaction) dans le restaurant en brisant des objets et en criant.
TEMPLONUEVO a demandé de l’aide de clients pour aider WAGNER à sortir POUYOT. POUYOT a fini par sortir. WAGNER et POUYOT ont ensuite attendu notre arrivée à l’extérieur.
Je suis allé rencontrer TEMPLONUEVO à l’intérieur qui m’a expliqué la même situation. Elle était en pleur et énervé. Elle tremblait. Elle m’a informé avoir peur de POUYOT.
Nous avons constaté, près de la porte arrière, plusieurs tables qui étaient déplacées et des tasses cassées au sol. De plus, nous avons constaté le véhicule de POUYOT stationné très près de la porte et a accroché le treillis.
WAGNER nous a ensuite informé qu’il voulait cassé le bail qu’il avait avec POUYOT tellement il n’est plus capable de ce dernier. (Environ 4 années sur 12 de fait) POUYOT ne veut pas casser le bail. WAGNER a fondu en larmes à nous parlant de son bail et qu’il n’était plus capable.
WAGNER nous a ensuite écrit une déclaration concernant les faits et gestes de POUYOT et nous avons émis un constat d’infraction à ce dernier.
[33] Frédéric met des dalles patio et des pneus sous sa voiture à l’arrière de l’immeuble[15].
[34] Jason produit une photographie montrant Frédéric s’adressant à des clients les invitant à ne pas fréquenter son restaurant[16] et leur remettant une lettre qu’il qualifie de diffamatoire[17].
[35] Suite à ces événements incongrus, il prend la décision de résilier le bail le 30 septembre 2018 et transmet le 7 septembre 2018 une mise en demeure aux défendeurs les avisant formellement[18] qu’ils quitteront les lieux le 30 septembre 2018.
[36] Le 9 septembre 2018, les policiers interviennent, Frédéric ayant stationné son véhicule juste en bas des marches du restaurant, bloquant complètement l’entrée[19].
[37] Il prend une photographie de la pancarte installée dans la voiture de Frédéric[20]. Voici ce qu’on y lit :
CAFÉ CINQ SENS IS IN BREACH OF LEASE AND SETTLEMENT CONTRACT
- MONTHS OF UNPAID RENT
- HAS BEEN NOTIFIED TO PAY OR ACCESS WOULD BE BLOCKED
- ASSAULTED LANDLORD CAUSING BODILY INJURIES
- IN VIOILATION OF MUNICIPAL CODES INCLUDING SECURITY ISSUES
- BREAKING, ENTERING INTO GPEKS PRIVATE AREAS
- DICONNECTED THEN STOLE GPEKS SECURITY SYSTEM (ALARM)
[38] Jason doit faire remorquer le véhicule. Les policiers constatent aussi des graffitis[21] sur la porte d’entrée et sur l’édifice et écrivent ce qui suit[22] :
DESCRIPTION DU GRAFFITI (inscription, couleur, genre, signature) :
1. "VOIE DE FAIT CAUSANT LÉSION DE JASON ASSAULT AND BATTERY CAUSING BODILY INJURIES" EN NOIR
2. "LOYERS IMPAYÉS UNPAID RENT"
3. "UNPAID RENT BREACH OF 10YOUR LEASE"
4. "LOYÉS NON PAYÉS 10 ANS RESTANTS SUR LE BAIL"
5. "RUPTURE DE BAIL DES MOIS DE LOYÉS IMPAYÉS NON ERSPECT(sic) DES CODES MUNICIPAUX"
[39] Il conclut qu’il lui est devenu impossible d’opérer son restaurant devant les agissements de Frédéric.
[40] Suite à la vente de sa propriété, il quitte le Québec et s’installe à Cowansville pour être loin de Frédéric où il exploite dorénavant son restaurant. Il considère que Frédéric a atteint à sa réputation à Gatineau et à Ottawa. Il a toujours été un « chef » réputé pour avoir travaillé au Parlement, au bureau du gouverneur général et dans un club de golf pendant 31 ans.
[41] En avril 2018, il doit faire nettoyer l’arrière de la propriété pour installer le patio et plus de 30 sacs de déchets sont enlevés.
[42] Lors de la négociation du règlement, il explique en détail son projet de patio et Frédéric est d’accord, de sorte qu’il n’a plus à demander l’autorisation avant de procéder aux travaux d’implantation du patio et de la clôture.
[43] La clôture doit être construite de façon à pouvoir l’enlever pendant l’hiver pour entreposer la neige. Frédéric est informé qu’il mettra des plantes le long de la clôture.
[44] Un témoin est présent lors de la signature de l’entente de règlement et de l’accord de Frédéric quant aux travaux projetés. Personne ne vient contredire cette entente, sauf Frédéric.
[45] La publication des messages de Frédéric sur les médias sociaux l’affecte.
[46] Il peinture en couleur orange les lignes séparant les espaces de stationnement, et Frédéric les enlève avec un jet d’eau pour les peinturer de couleur blanche[23].
[47] Ce faisant, il arrose Rose et son enfant, ce qui les effraie. Il reproche à Frédéric de harasser son épouse et de venir l’importuner quand il quitte le restaurant.
[48] Il fait rôtir son café à l’extérieur à l’arrière 30 fois par semaine ce qui fait de la fumée pendant 20 minutes.
2. Rose
[49] Originaire des Philippines, elle arrive au Canada en 2010 et épouse Jason en 2013. Un enfant naît de leur union en 2014.
[50] Dès le début du bail, Frédéric veut les contrôler et s’adresse aux clients.
[51] Il la dérange, crie après elle, et l’empêche de passer lorsqu’elle retourne chez elle. Il la suit quand elle se rend à sa voiture. Il lui répète que Jason ira en prison et le dénigre.
[52] Son fils pleure souvent en voyant Frédéric, notamment quand ce dernier les arrose avec le jet d’eau.
[53] Elle doit faire appel aux policiers à moins 50 reprises. Il les enregistre et les filme sans raison. Elle nie l’avoir poussé à l’extérieur et l’avoir traîné. Elle pleure souvent et craint Frédéric.
[54] Elle témoigne de façon émotive.
3. Sébastien Chénier
[55] Étudiant à l’université pour devenir enseignant, il travaille environ 20 heures par semaine, tant au 417 qu’au 399, comme serveur.
[56] Les problèmes débutent lorsque Frédéric les empêche d’utiliser le patio, met un cadenas sur une pièce d’entreposage dans le sous-sol et intervient indûment.
[57] Le patio peut être utilisé à l’été 2018 seulement jusqu’au milieu de l’été, car Frédéric barre l’accès en mettant sa voiture devant les marches.
[58] Souvent Frédéric s’adresse à lui pour dénigrer Jason, ce qui le rend inconfortable. Il voit Frédéric insulter Jason et Rose.
[59] Il entend Frédéric s’adresser aux clients pour leur déconseiller de venir au restaurant.
[60] Rose a peur de Frédéric qui lui tient des propos racistes et l’insulte devant les clients. La situation n’est pas vivable : il constate que Jason et Rose sont complètement vidés et stressés ce qui les conduit à la résiliation du bail.
[61] Parfois il doit mettre des déchets dans des sacs par terre, car les quatre conteneurs sont remplis; il met les conteneurs à la rue.
[62] Il ne met jamais de déchets dans le conteneur GPEKS.
[63] Lorsque Frédéric s’adresse à Jason en criant, ce dernier se retire.
4. Sharon Morin
[64] Elle travaille au Café Cinq Sens tant au 417 qu’au 399.
[65] Elle voit Frédéric se présenter souvent au restaurant et s’adresser à Rose devant les clients ce qui crée une atmosphère stressante.
[66] Elle le voit s’adresser à des clients et leur dire que les demandeurs ne sont pas du bon monde et sont méchants.
[67] Elle est témoin de deux incidents suivis de la visite des policiers. Elle voit que Rose craint Frédéric.
La preuve de la défense
1. Frédéric
[68] Français d’origine, il obtient en France une formation en commerce et en environnement. Il est, pendant un certain temps, gendarme dans une petite localité de moins de 2000 habitants. Il se décrit comme chef d’entreprise et environnementaliste.
[69] Il est candidat à l’élection fédérale de 2008 pour le Parti Vert.
[70] Il fonde en 2009, GPEKS, une petite entreprise de consultation. Il rencontre les demandeurs dans leur restaurant au 417 et développe avec eux une relation conviviale.
[71] Rose lui confie que Jason est abusif et boit. Jason lui confie avoir eu un cancer et avoir consommé de la cocaïne.
[72] Il exige l’inclusion au bail des clauses 6.4 pour la gestion écologique du restaurant et des déchets et 6.2 pour offrir un service à la clientèle en français.
[73] La clause 1.1 intitulée « inspections et réparations » lui donne accès aux lieux loués suite à un avis écrit de 24 heures, sauf en cas d’urgence. Selon cette clause, il a un délai de 3 ans pour libérer ses effets personnels du sous-sol.
[74] Jason scie le cadenas de la porte qui mène au local du sous-sol qui lui est réservé.
[75] Il doit approuver les améliorations à faire pour aménager la terrasse et la clôture selon la clause 8.1 du bail.
[76] GPEKS accepte de payer 40 000 $ par la transaction[24] pour éviter de payer des frais d’avocats. Cette transaction ne dispense pas les demandeurs d’obtenir son autorisation avant d’aménager la terrasse et le patio.
[77] Vu que Jason refuse d’honorer cette clause, il met des palettes de bois de façon temporaire pour tenir lieu de clôture.
[78] Le 8 avril 2017, il adresse à Jason une lettre lui demandant de lui donner accès au sous-sol pour récupérer des classeurs et de cesser d’utiliser le jardin comme terrasse.
[79] Il écrit : « Your violent behaviour of last night, screaming and yelling at me to get out of the premises…the recording of that behaviour was recorded… »[25].
[80] Le 17 mai 2017, il adresse une lettre à Jason lui demandant notamment de cesser de crier et de rester à au moins 10 mètres de son véhicule[26].
[81] Il adresse d’autres lettres les 13, 14 et 20 juillet 2017[27] notamment quant aux espaces de stationnement à laisser libre d’entreposage.
[82] Il n’autorise pas l’utilisation d’un brûleur à café à l’arrière de l’immeuble ce qui provoque de la fumée tant dans le restaurant que dans ses bureaux situés à l’étage.
[83] Jason laisse la radio ouverte tue-tête quand il quitte le soir.
[84] Il doit aller changer les piles de l’appareil d’air conditionné dans le sous-sol.
[85] Il admet avoir éclaboussé Rose avec le jet d’eau de façon non intentionnelle. Il nie que Rose était terrorisée : son témoignage est une démonstration théâtrale et exagérée.
[86] Il produit 52 photos avec des commentaires pour démontrer l’état des lieux à l’arrière, sur le stationnement pendant l’occupation et la non-remise en état des lieux après la résiliation[28].
[87] Il constate que les policiers se présentent souvent au restaurant et insinue qu’ils achetaient cafés et croissants sans payer.
[88] Il remet des lettres aux clients et met ces graffitis pour les informer.
[89] Il poste plainte contre les policiers en déontologie, car ceux-ci refusent de donner suite à ses plaintes et prennent parti pour Jason. Il admet que certains de ses commentaires sur les réseaux sociaux étaient déplacés.
[90] Il s’en excuse. Il reconnaît que cela n’a pas aidé la situation et qu’il ne le referait pas aujourd’hui. Le fait d’affirmer des choses vraies n’est pas de la diffamation.
[91] Il tente de louer son local depuis 2018 et ne reçoit pas d’offres écrites. Il refuse une offre d’achat de 500 000 $ et sa contre-offre à 550 000 $ est refusée.
[92] Il réclame un montant de 7 881 $ pour la remise en état des lieux[29] de même qu’un montant de 95 438,77 $ pour loyers impayés du 1er août 2018 au 1er février 2021[30].
[93] En contre-interrogatoire, il admet avoir publié le 25 février 2021 sur les réseaux sociaux les vidéos qu’il produit le matin du procès[31]. Il nie avoir un problème de santé mentale, mais le stress aigu affecte son sommeil.
[94] Il stationne sa voiture devant les marches pour inciter Jason à respecter le bail. Il reconnaît que Jason avait obtenu un permis de la municipalité pour l’aménagement de la terrasse patio.
[95] Rose n’a pas peur de lui, mais de son mari. Il nie l’avoir insulté.
[96] À la question « Avez-vous regretté d’avoir signé la convention de règlement? », il répond oui et non.
[97] Il enlève en 2017 les 16 chaises parce qu’elles sont situées sur un espace commun où il désire jardiner, car le patio devait être aménagé sur la partie sud.
2. Avah Sparks
[98] Client au 417, il constate que Jason est rude avec le personnel et la caissière. Il admet n’être jamais venu au 399.
3. Marie-Josée DaSylva
[99] Cliente au 417, elle n’aimait pas l’ambiance. Elle reconnaît être allée à deux reprises au 399 et n’avoir été témoin d’aucun incident.
4. Mary
[100] En avril 2017, Jason crie après elle lors d’une rencontre. Elle envoie, le 3 juillet 2018, un courriel l’avisant notamment d’une visite d’inspection le mardi suivant à 8h[32]. Elle envoie un autre courriel le 9 juillet 2018 dénonçant un événement récent alors que Frédéric avait été frappé et traîné pas terre[33].
[101] Elle admet que suite à l’entente de règlement, elle devait être la première porte-parole, Frédéric ne devant pas intervenir.
[102] Elle suggère que Jason installe lui-même une palissade (railway). Elle reconnaît qu’elle n’aurait pas recommandé à son mari de bloquer l’accès au patio et à la porte d’entrée avec sa voiture.
[103] Elle n’aurait pas donné son accord à la pose de graffitis sur la porte et d’une pancarte dans la voiture.
[104] Elle croit que son mari remettait une lettre aux clients dans l’unique but de se trouver des témoins. Elle reconnaît que la possibilité d’aménager un patio était importante en signant un bail.
[105] Elle admet que Jason exigeait en avril 2017, un supplément de 100 $ par mois[34] pour l’aménagement d’une terrasse patio. Elle prépare la facture de 7 881 $, mais n’a pas le temps d’annexer des factures ni de ventiler ce montant.
Arguments des demandeurs
1. Ils ont droit à la résiliation de plein droit.
2. Ils ont droit au montant de 31 250 $ détenu par dépôt judiciaire.
3. Ils ont droit aux dommages suivants :
a) perte d’améliorations locatives : 14 690,49 $
b) atteinte à la réputation de Jason; 15 000 $
c) atteinte à la réputation de Rose; 8 500 $
d) troubles, stress et inconvénients; 7 500 $
e) dommages punitifs : 10 000 $
4. Les défendeurs ne peuvent réclamer le remboursement du 40 000 $ versé suite à l’entente du règlement du 15 décembre 2017.
5. Vu la résiliation de plein droit, les défendeurs ne peuvent réclamer les loyers impayés depuis le 1er octobre 2018 ni la somme de 7 881 $ pour la remise en état des lieux.
Arguments de défendeurs
[106] Les faits ne justifiaient pas la résiliation de plein droit. Il n’y a pas atteinte grave à la jouissance possible des lieux. Les demandeurs devaient obtenir leur autorisation avant d’aménager la terrasse, même après l’entente de règlement.
[107] Ils ont droit au remboursement de la somme de 40 000 $, des loyers impayés de 95 438,77 $ et d’une somme de 7 881 $ pour la remise en état des lieux.
1. Le droit à la résiliation de plein droit.
2. Le droit à la remise du montant de 31 250 $ détenu par dépôt judiciaire.
3. La réclamation en dommages des demandeurs.
4. La réclamation en dommages des défendeurs.
5. La demande de remboursement du montant de 40 000 $ versé par les défendeurs suite au règlement du 15 décembre 2017.
ANALYSE ET DÉCISION
Première question en litige
1. Le droit à la résiliation de plein droit
[108] Le législateur prévoit que le locateur doit procurer au locataire la jouissance paisible des lieux loués :
1854. Le locateur est tenu de délivrer au locataire le bien loué en bon état de réparation de toute espèce et de lui en procurer la jouissance paisible pendant toute la durée du bail.
Il est aussi tenu de garantir au locataire que le bien peut servir à l’usage pour lequel il est loué, et de l’entretenir à cette fin pendant toute la durée du bail.
[109] La Cour d’appel écrit le 29 juin 2016 qu’il s’agit d’une obligation de résultat pour le locateur[35] :
[19] L’obligation faite au locateur de procurer à son locataire la libre jouissance des lieux loués constitue l’essence même du contrat de louage. Selon le professeur Jobin, il s’agit de l’obligation fondamentale et essentielle du contrat de louage.
[20] L’obligation du locateur en est une de résultat dont il ne peut s’exonérer qu’en prouvant force majeure ou la faute d’une personne dont il n’est pas responsable. Au surplus, le législateur prévoit spécifiquement que le locateur doit garantir le locataire contre les troubles de fait que pourraient causer d’autres colocataires.
(Références omises)
[110] La Cour d’appel ajoute que le caractère anormal et persistant du trouble peut donner ouverture è la résiliation du bail :
[24] Le caractère anormal et persistant du trouble peut donner ouverture, selon les circonstances, à une diminution de loyer ou à la résiliation du bail, avec ou sans dommages-intérêts. L’article 1861 C.c.Q. est ainsi libellé :
1861. Le locataire, troublé par un autre locataire ou par les personnes auxquelles ce dernier permet l'usage du bien ou l'accès à celui-ci, peut obtenir, suivant les circonstances, une diminution de loyer ou la résiliation du bail, s'il a dénoncé au locateur commun le trouble et que celui-ci persiste. Il peut aussi obtenir des dommages-intérêts du locateur commun, à moins que celui-ci ne prouve qu'il a agi avec prudence et diligence; le locateur peut s'adresser au locataire fautif, afin d'être indemnisé pour le préjudice qu'il a subi. |
1861. A lessee who is disturbed by another lessee or by persons whom another lessee allows to use or to have access to the property may obtain, according to the circumstances, a reduction of rent or the resiliation of the lease, if he notified the common lessor of the disturbance and if the disturbance persists. He may also recover damages from the common lessor unless the lessor proves that he acted with prudence and diligence; the lessor has a recourse against the lessee at fault to be indemnified for the injury suffered by him. |
[…]
[31] Reste à voir si et comment l’inexécution de l’obligation peut être sanctionnée. À cet égard, l’article 1863 C.c.Q. donne ouverture à trois options : l’exécution en nature, la résiliation du bail ou la diminution du loyer. Nous l’avons vu, l’exécution en nature n’a pas été possible, malgré les efforts apportés en ce sens.
[32] La résiliation d’un bail est possible même si nous ne sommes pas en présence d’une perte totale de jouissance des lieux. Selon le professeur Deslauriers, pour résilier le bail, le préjudice doit être « sérieux et grave, au point d’empêcher ou de diminuer gravement la jouissance du bien ou des lieux ».
[33] Or, on voit mal comment on peut imposer à un locataire qui exploite un restaurant de subir « un bruit anormal pour un restaurant » de façon quotidienne, pendant toute la durée de son bail de dix ans. Force est de constater que le locateur n’a pas été en mesure de faire cesser le trouble de voisinage. Quoique la perte de jouissance soit partielle plutôt que totale, le trouble est sérieux. L’expectative légitime de pouvoir obtenir la jouissance paisible des lieux étant compromise, une résiliation du bail s’imposait.
[34] En effet, la nature même du commerce de restauration conduit à affirmer que des bruits anormaux constituent une sérieuse diminution de jouissance des lieux. Il ne fait pas de doute qu’un restaurant doit offrir une certaine tranquillité à sa clientèle, telle une ambiance sonore appropriée.
[35] Dans les circonstances, et compte tenu de la nature même du commerce des appelants, la juge aurait dû conclure à la résiliation du bail. Comme le souligne le professeur Jobin, la résiliation prend effet à la date à laquelle la violation est devenue certaine. De la preuve retenue par la juge, l’on comprend que, le 20 janvier 2011, Métro fait modifier ses systèmes. Le 21 janvier 2011, d’autres mesures acoustiques sont prises et le bruit persiste. Cette situation est d’ailleurs confirmée par le procureur de l’intimée CCI, dans une lettre qu’il adresse à Métro le 8 février 2011, prévoyant d’ailleurs que les appelants déposeront des procédures sous peu.
(Références omises)
[111] Pour l’analyse de la conduite des défendeurs, il faut remonter à l’occupation des lieux loués depuis le 1er avril 2017 malgré le règlement du 15 décembre 2017.
[112] Par cette entente, les parties règlent la réclamation en dommages des demandeurs et modifient le bail en précisant les modalités d’aménagement de la terrasse patio.
[113] Le bail n’est pas annulé. Trois mois après cette entente, le défendeur Jason recommence de plus belle et fait tout pour rendre la vie de ses locataires impossible.
[114] Ces comportements inappropriés qui étaient reprochés aux défendeurs dans le premier recours sont tout à fait pertinents pour évaluer leur conduite pendant la durée de l’occupation quant à la résiliation.
[115] Les demandeurs s’attendaient à un comportement normal d’autant plus que GPEKS avait accepté de verser un montant substantiel de 40 000 $. Il s’agit d’une situation qui doit être examinée pendant toute l’occupation des lieux loués du 1er avril 2017 au 25 septembre 2018.
[116] Il est clair que les défendeurs n’ont pas procuré aux demandeurs la jouissance paisible des lieux loués :
- Ne permet pas l’usage de l’intégralité des lieux loués en ce qu’il empêche l’accès à la terrasse en y stationnant son véhicule, retire ou déplace les installations du locataire (pierres patio, plantes, mobilier) P-15, P-16 :
- Harcèle le locateur et son épouse (P-24 et P-32 à 35), ses employés et ses clients (P-31);
- Interrompt les activités courantes du locataire en se présentant au restaurant de manière répétitive et non-annoncée alors que des clients s’y trouvent, en parlant for et dérangeant la clientèle;
- Entre sans avis et à répétition dans le local du locataire, même à l’extérieur des heures d’opération, pour accéder au sous-sol;
- Distribue aux clients et affiche sur l’immeuble des accusations diffamatoires et mensongères à l’égard du locateur et de son épouse (P-17, P-18, P-21 à P-23);
- etc.
[117] Malgré les différentes mises en demeure[36] et la transaction prévoyant l’aménagement et l’usage de la terrasse[37], les défendeurs continuent de troubler la jouissance des lieux loués, de façon importante et persistante. Les défendeurs sont aussi en demeure de plein droit.
[118] La quiétude est un élément essentiel d’un commerce opérant dans le domaine de la restauration comme l’écrit la Cour d’appel dans l’arrêt ci-haut cité[38].
[119] La preuve démontre que l’usage du patio est une condition essentielle du bail. D’ailleurs, l’impossibilité de pouvoir l’exploiter constitue en soi un motif de résiliation.
[120] Suite à la convention de règlement, les demandeurs n’avaient plus à demander aux défendeurs une approbation avant d’aménager la terrasse contrairement aux prétentions des défendeurs.
[121] La prépondérance de la preuve démontre que le projet de terrasse patio et la façon de l’aménager avaient été discutés et acceptés lors de la convention de règlement. Seul Jason prétend le contraire.
[122] Le Tribunal note que Jason rend un témoignage plutôt argumentaire. Ses agissements illégaux et répétés rendent son témoignage peu crédible.
[123] Les constatations des policiers sont éloquentes. Frédéric a agi de mauvaise foi et de façon malveillante. Voici en effet ce qu’il écrit dans un message texte qu’il envoie au demandeur le 3 juillet 2018 à 02 :07PM[39]
« Received from +18199232760 on Tue Jul 03, 2018 02:07 PM
Message: Anything you have built or will build in violation of lease terms will be used against you in the next round of legal actions I am undertaking to claim for breach of lease and which will come with commensurate penalties and legal cost at your expense. This time, I have all my pieces on the chess board to chessmate. I have sacrificed a piece on the first legal round, but you will loose the game as you fell into the traps I setup to catch you this time. »
[124] Frédéric s’excuse devant le Tribunal pour avoir publié sur les médias sociaux certaines informations. Son épouse désapprouve certains gestes de son mari : graffitis, pancartes et blocages des entrées.
[125] Voici ce que la Cour d’appel écrit dans l’affaire Les Investissements Historia sur de tels comportements[40] :
[4] La jurisprudence bien établie, notamment l'arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33 (CanLII), [2002] 2 R.C.S. 235, est à l'effet qu'une cour d'appel ne doit intervenir, outre évidemment l'erreur de droit, que dans l'hypothèse où le premier juge a commis une erreur manifeste et dominante dans l'évaluation qu'il a faite de la preuve pour parvenir à sa décision.
[126] La Cour d’appel maintient dans cette affaire un jugement rendu par le juge Claude Auclair résiliant un bail commercial de 20 ans.
[127] Il est aussi surprenant de constater que Frédéric publie le 24 février 2021 sur les réseaux sociaux les vidéos qu’il entend produire le lendemain au procès[41].
[128] Les demandeurs démontrent l’inexécution du locateur concernant une condition essentielle du bail en ne leur procurant pas la jouissance paisible des lieux loués. De plus, en ne permettant pas l’aménagement de la terrasse patio, condition essentielle du bail, les défendeurs manquent clairement à leurs obligations.
[129] Il y a lieu de noter que la clause 13.2 du bail permet au locateur de résilier le bail advenant tout défaut du locataire sur un simple avis de 5 ou de 15 jours selon la notion de défaut.
[130] Les demandeurs ont droit à la résiliation du bail le 25 septembre 2018, date où ils quittent les lieux, moment où la situation se cristallise.
Deuxième question en litige
2. Le droit à la remise du montant de 31 250 $ détenu par dépôt judiciaire
[131] La résiliation du bail étant prononcée, il n’y a plus lieu de maintenir le dépôt de garantie. Les demandeurs peuvent récupérer ce montant.
Troisième question en litige
3. La réclamation en dommages des demandeurs
A. La perte d’améliorations locatives
[132] Les demandeurs produisent une réclamation détaillée représentant 54 factures annexées à l’état de compte sauf une facture perdue de Réno Dépôt de 243,66 $[42]. Les demandeurs ont investi ces sommes en considération d’un bail de 12 ans et ils ont occupé les lieux pendant 18 mois seulement.
[133] Selon les clauses 4.2 et 4.3 du bail, les demandeurs pouvaient effectuer des améliorations locatives, à leurs frais, moyennant une autorisation écrite des défendeurs qu’ils ont obtenue[43]. L’article 1863 du Code civil du Québec (C.c.Q.) prévoit ce qui suit :
1863. L’inexécution d’une obligation par l’une des parties confère à l’autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l’exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l’inexécution lui cause à elle-même ou, s’agissant d’un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail.
[134] Un locateur qui quitte les lieux par la faute du locataire a le droit d’obtenir des dommages et intérêts compensatoires en réparation du préjudice. En raison de la faute des défendeurs, les demandeurs ont dû quitter les lieux perdant ainsi les améliorations locatives.
[135] La valeur des améliorations locatives est établie à la somme de 14 690,49 $. Cette réclamation est accueillie.
B. Atteinte à la réputation de Jason et de Rose et les troubles, stress et inconvénients
[136] L’article 1863 C.c.Q. trouve application. Le harcèlement constitue aussi une faute extracontractuelle donnant ouverture à un recours en dommages sous l’art. 1457 C.c.Q. qui prévoit ce qui suit :
1457. Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s’imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui.
Elle est, lorsqu’elle est douée de raison et qu’elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu’elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu’il soit corporel, moral ou matériel.
Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d’une autre personne ou par le fait des biens qu’elle a sous sa garde.
[137] Le harcèlement est également reconnu comme une atteinte à la jouissance paisible des biens loués et même comme un abus du droit de propriété du locateur. Voici ce qu’écrivent les auteurs Burton, Faubert et S. Darche sur le sujet[44] :
Tant la personne physique exploitant une entreprise que la personne morale peuvent être victimes de harcèlement, ou encore en être elles-mêmes à l’origine. Le harcèlement est alors considéré comme une atteinte à la jouissance paisible des lieux loués et bien souvent comme un abus du droit de propriété du locateur.
Les principes tirés de notre analyse de la législation et de la jurisprudence québécoise nous permettent d’établir que le harcèlement en matière de bail immobilier commercial donne lieu à un recours en vertu de l’article 1854 C.c.Q. pour atteinte à la jouissance paisible des lieux loués, à un recours en vertu des articles 6, 7 et 1375 C.c.Q. pour abus de propriété du locateur, ou les deux à la fois. Quant aux dommages accordés dans de telles circonstances, outre les dommages matériels, le cas échéant, la compensation pour harcèlement sera souvent accordée sous la forme de dommages moraux pour « troubles, inconvénients et harcèlement ».
Dans certains cas, lorsque le locateur use de harcèlement envers son locataire et que ce harcèlement se poursuit au point d’intenter des procédures abusives, frivoles ou mal fondées, le locataire sera justifié de demander le paiement des honoraires extrajudiciaires qu’il a dû verser pour se défendre. D’ailleurs, ce harcèlement sous forme d’abus du droit d’ester en justice a parfois été qualifié de « harcèlement judiciaire » par la jurisprudence. L’état de la jurisprudence en matière de harcèlement locatif commercial laisse entrevoir que les tribunaux accordent le paiement d’honoraires extrajudiciaires lorsque les actes injustifiés et abusifs du harceleur étaient tels qu’ils ont forcé la personne harcelée à avoir recours aux services d’un avocat pour protéger ses droits.
(Références omises)
[138] Voici quelques exemples d’éléments qui portent ici atteinte à la réputation des demandeurs :
- Affichant sur le commerce ou à proximité (dans son pare-brise de voiture) des accusations diffamatoires (P-21, P-22, P-35);
- Accostant des clients et passants pour diffamer le locataire et son restaurant (P-17, P-18, P-31);
- En publiant des commentaires personnels et diffamatoires et des mauvaises recommandations sur internet à l’égard du locataire, de son épouse et du restaurant (P-23);
- En tenant des propos diffamatoires à voix haute, à l’intérieur du restaurant ou sur le terrain, à l’égard du locataire, de son épouse et du restaurant;
- Etc.
[139] Toute personne est tenue d’exercer ses droits selon les exigences de la bonne foi et en évitant d’agir de manière à nuire à autrui ou de manière excessive et déraisonnable comme le prévoit le législateur québécois :
6. Toute personne est tenue d’exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi.
7. Aucun droit ne peut être exercé en vue de nuire à autrui ou d’une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l’encontre des exigences de la bonne foi.
1375. La bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de l’obligation qu’à celui de son exécution ou de son extinction.
[140] Pour analyser les dommages, il faut se référer à la preuve des faits postérieurs à la convention de règlement du 15 décembre 2017. La preuve démontre que les demandeurs ont subi pendant la période d’occupation de l’immeuble, postérieure au 15 décembre 2017, une détresse psychologique due à l’acharnement et au harcèlement de Frédéric. Les policiers le constatent tout comme les témoins Sébastien Chénier et Sharon Morin[45].
[141] Des clients se plaignent d’avoir été interpellés par Frédéric[46]. Il est difficile d’évaluer l’impact de ces agissements. Les demandeurs n’ont trouvé comme seule solution que de quitter la région et de s’établir en Ontario, à Cornwall.
[142] La preuve révèle que les agissements postérieurs à mars 2018, que le Tribunal considère tout à fiat inacceptables, causent aux demandeurs du stress, des inconvénients et ennuis de façon sérieuse.
[143] Frédéric a voulu se faire justice à lui-même et imposer ses volontés au mépris des droits des demandeurs. Le Tribunal établit comme suit les dommages réclamés et accorde :
a) au demandeur Jason, un montant de 5 000 $ pour atteinte à la réputation;
b) à la demanderesse Rose, un montant de 2 500 $ pour atteinte à la réputation;
c) aux deux demandeurs, un montant de 5 000 $ pour les troubles, stress et inconvénients.
C. Les dommages punitifs
[144] Ceux-ci visent à dissuader l’auteur d’une faute et le public à répéter ces gestes fautifs et de « manifester la réprobation de la société pour la conduite de l’auteur de la faute[47].
[145] L’article 1902 C.c.Q. édicte ce qui suit :
1902. Le locateur ou toute autre personne ne peut user de harcèlement envers un locataire de manière à restreindre son droit à la jouissance paisible des lieux ou à obtenir qu’il quitte le logement.
Le locataire, s’il est harcelé, peut demander que le locateur ou toute autre personne qui a usé de harcèlement soit condamné à des dommages-intérêts punitifs.
[146] Les auteurs Burton, Faubert et S. Darche écrivent ce qui suit sur le harcèlement[48] :
Lorsque le législateur a introduit le nouvel article 1902 C.c.Q. il n’a fourni aucune définition des mots « harcèlement » ou « harceler ». L’auteur Denis Lamy, dans son ouvrage sur le harcèlement entre locataires et propriétaires dans le cadre du bail résidentiel, concluait que, selon les règles d’interprétation des lois, l’article 1902 C.c.Q. était réputé avoir été rédigé selon les règles de la langue d’usage de l’époque. Au fil du temps, la doctrine et la jurisprudence sont venues proposer diverses définitions du harcèlement dans le contexte d’un bail résidentiel. La définition majoritairement retenue par la jurisprudence est celle de la Cour supérieure dans l’affaire Huot c. Martineau :
Le harcèlement peut se définir de la façon suivante : comportement volontaire et généralement répété et continu d’une personne se manifestant entre autres par des paroles, des actes ou des gestes à caractère vexatoire ou méprisent à l’égard d’une autre personne, dirigée contre cette personne, ses proches ou ses biens.
(Références omises)
[147] Les mêmes auteurs écrivent ce qui suit quant aux dommages punitifs[49] :
Comme nous l’avons déjà expliqué, en cas de harcèlement, il est possible d’intenter un recours fondé sur les dispositions générales du Code civil du Québec accordant au locataire le droit à la jouissance paisible des lieux loués (art. 1854 C.c.Q.), en dommages-intérêts compensatoires sur la base des articles 6, 7 et 1457 ou 1458 C.c.Q., et, selon les circonstances et la personnalité juridique de la victime, pour atteinte illicite à un droit garanti par la Charte dans le cadre des articles 5, 6, 10, 10.1 et 49, précités. Si les actes reprochés ont porté atteinte è un droit garanti par la Charte dont dispose la victime et que l’atteinte était illicite et intentionnelle, la victime pourrait également posséder un recours en dommages-intérêts punitifs en vertu du deuxième alinéa de l’article 49. Par exemple, le harcèlement pourra donner lieu à des dommages punitifs pour atteinte illicite et intentionnelle à la jouissance paisible des lieux loués en vertu des articles 6 et 49 de la Charte, ou encore, pour atteinte illicite et intentionnelle à la vie privée et à la réputation en vertu des articles 5 et 49 de la Charte, lorsque le harcèlement prend une telle forme.
(Références omises)
[148] La Charte des droits et libertés de la personne prévoit ce qui suit :
5. Toute personne a droit au respect de sa vie privée.
10. Toute personne a droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, l’identité ou l’expression de genre, la grossesse, l’orientation sexuelle, l’état civil, l’âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l’origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l’utilisation d’un moyen pour pallier ce handicap.
Il y a discrimination lorsqu’une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit.
10.1. Nul ne doit harceler une personne en raison de l’un des motifs visés dans l’article 10.
[149] Le courriel de Frédéric du 3 juillet 2018 à 02 :07PM lorsqu’il écrit[50] « you fell into the traps, I setup to catch you this time », confirme l’atteinte illicite et intentionnelle de ses gestes.
[150] Malgré les mises en demeure, Frédéric continue ses agissements répréhensibles et malveillants.
[151] L’art. 1621 C.c.Q. prévoit ce qui suit quant aux dommages punitifs :
1621. Lorsque la loi prévoit l’attribution de dommages-intérêts punitifs, ceux-ci ne peuvent excéder, en valeur, ce qui est suffisant pour assurer leur fonction préventive.
Ils s’apprécient en tenant compte de toutes les circonstances appropriées, notamment de la gravité de la faute du débiteur, de sa situation patrimoniale ou de l’étendue de la réparation à laquelle il est déjà tenue envers le créancier, ainsi que, le cas échéant, du fait que la prise en charge du paiement réparateur est, en tout ou en partie, assumée par un tiers.
[152] À la lumière de la preuve, des dispositions législatives et de la jurisprudence, le Tribunal accorde une somme de 7 500 $ à titre de dommages punitifs.
Quatrième question en litige
4. La réclamation en dommages des défendeurs
[153] Vu la résiliation du bail, la réclamation de 95 438,77 $ est rejetée. Le Tribunal ajoute que les demandeurs étaient justifiés d’appliquer le dépôt de sécurité prévu à la clause 14.2 du bail en paiement des loyers d’août et de septembre 2018.
[154] Il y a également lieu de rejeter la réclamation de 7 881 $ pour la remise en état des lieux, vu l’ensemble des circonstances. D’ailleurs, les défendeurs ne soumettent qu’un état de compte, sans aucune facture.
[155] Le Tribunal note qu’ils ont remplacé un tapis usagé de plus de 20 ans!
[156] La preuve ne supporte aucunement la réclamation de 30 000 $ pour dommages moraux. Le Tribunal peut comprendre l’impatience et les réactions de Jason suite aux agissements illégaux de Frédéric; cela n’est pas générateur de dommages. Cette réclamation est rejetée.
Cinquième question en litige
5. La demande de remboursement du montant de 40 000 $ versé par les défendeurs suite au règlement du 15 décembre 2017
[157] Les défendeurs ne demandent pas l’annulation de cette transaction. Cette demande n’a aucun fondement juridique et est rejetée.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[158] ACCUEILLE en partie, la demande introductive d’instance modifiée le 15 février 2021;
[159] CONSTATE la résiliation de plein droit du bail commercial intervenu entre les parties, et ce, en date du 25 septembre 2018;
[160] ORDONNE au greffier spécial de remettre aux demandeurs la somme de 31 250 $ détenue au greffe par dépôt judiciaire reçu 0381449 conformément au jugement du juge Steve Guérand de la Cour du Québec daté du 19 décembre 2018;
[161] CONDAMNE conjointement les défendeurs à payer :
a) au demandeur Jason Wagner la somme de 5 000 $ pour atteinte à la réputation;
b) à la demanderesse Rosemarie Templonuevo la somme de 2 500 $ pour atteinte à la réputation;
c) aux demandeurs Jason Wagner et Rosemarie Templonuevo la somme de 5 000 $ pour les troubles, stress et inconvénients;
d) aux demandeurs Jason Wagner et Rosemarie Templonuevo la somme de 7 500 $ à titre de dommages punitifs.
[162] COMDAMNE les défendeurs à payer aux demandeurs Jason Wagner et Rosemarie Templonuovo la somme de 14 690,49 $ pour les améliorations locatives;
[163] REJETTE la défense et demande reconventionnelle écrite re-re-modifiée le 23 février 2021;
[164] LE TOUT avec les frais de justice en faveur des demandeurs.
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__________________________________MICHEL DÉZIEL, j.c.s. |
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Me Pierre McMartin |
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BEAUDRY, BERTRAND, s.e.n.c.r.l. |
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Pour les demandeurs |
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Me André Gingras |
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ANDRÉ GINGRAS, AVOCAT |
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Pour les défendeurs |
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Dates d’audience : |
Le 25 et 26 février 2021 |
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[1] Pièce P-2. État des renseignements d’une personne morale au Registre des entreprises pour la compagnie GPEKS Constructions inc.
[2] Pièce P-3. Bail entre les demandeurs, GPEKS, Frédéric et Mary.
[3] Pièce P-3, section 8.1, p. 7.
[4] Pièce P-3, section 14.3 et P-5, Acte de garantie.
[5] Pièce P-7. Mise en demeure du 10 mai 2017 signifiée le 16 mai 2017.
[6] Pièce P-9. Demande introductive d’instance, dossier 550-22-018016-178.
[7] Pièce P-10. Settlement Agreement.
[8] Le présent recours est déposé devant la Cour du Québec, 550-22-018882-181.
[9] 2018 QCCQ 9295.
[10] Dépôt judiciaire. Reçu no 0381449.
[11] Pièces P-12 et P-13.
[12] Pièce P-3. Rapport d’événement et P-13, 3 photos.
[13] Pièce P-33. Rapport d’événement et P-15, 5 photos.
[14] Pièce P-34. Rapport d’intervention et 3 photos et P-20 et 3 photos.
[15] Pièce P-16. Trois photos.
[16] Pièce P-17.
[17] Pièce P-18.
[18] Pièce P-19.
[19] Pièce P-35. Rapport d’intervention et photos.
[20] Pièce P-22. Photographie de la pancarte.
[21] Pièce P-21. Deux photos.
[22] Pièce P-35, p. 3 de 12.
[23] Pièce D-13.
[24] Pièce P-10.
[25] Pièce D-4.
[26] Pièce D-5.
[27] Pièces D-6, D-7 et D-8.
[28] Pièce D-13. 35 pages et 52 photos.
[29] Pièce D-10. Facture préparée par Mary le 15 février 2021 sans aucune pièce annexée.
[30] Pièce D-11. État des loyers impayés.
[31] Pièce D-13. Série de courts vidéos.
[32] Pièce D-9d).
[33] Pièce D-9c).
[34] Courriel de Frédéric du 8 juin 2017 déposé comme pièce P-7 à la demande introductive d’instance produite sou la cote P-9.
[35] 9185-4000 Québec inc. c. Centre Commercial Innovation inc., 2016 QCCA 538.
[36] Pièces P-7 è P-9, P-14 et P-19.
[37] Pièce P-10.
[38] Précitée, note 35.
[39] Pièce P-24. Messages textes échangés entre le défendeur et le demandeur pour la période allant du 28 juin 2018 au 9 septembre 2018.
[40] 2006 QCCA 560.
[41] Pièce D-14.
[42] Pièce P-29. Liste des améliorations locatives effectuées pour les années 2017 à 2018 et factures.
[43] Pièce P-30. Échanges de courriel avec les défendeurs pour approbation des améliorations locatives prévues par les demandeurs (en liasse).
[44] BURTON Laurence, FAUBERT Nathalie et S. DARCHE Jacques, Le Harcèlement entre locateur et locataire en matière de bail immobilier commercial, Revue du Barreau, 2013, EYB2013RDB128, p. 21.
[45] Pièce P-34.
[46] Pièce P-31. Plaintes écrites de clients concernant les agissements du défendeur Pouyot.
[47] Les Immeubles HTH inc. c. Plaza Chevrolet Buick GMC Cadillac inc., EYB2012-214924, paragr. 28. L’attribution des dommages confirmée en appel EYB2015-247874.
[48] Précitée, note 44, p. 8.
[49] Précitée, note 44, p. 11.
[50] Pièce P-24.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.