Laperrière c. Lacombe |
2021 QCTAL 13378 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT |
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Bureau dE Québec |
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No dossier : |
556232 18 20210209 G |
No demande : |
3173253 |
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Date : |
26 mai 2021 |
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Devant la juge administrative : |
Chantale Trahan |
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Karl Laperrière |
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Locataire - Partie demanderesse |
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c. |
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Robert Lacombe |
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Locateur - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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[1] Par une demande introduite le 1er février 2021, le locataire demande des dommages matériels de 1 000 $ pour un vélo disparu, de même qu’une diminution de loyer de 15 % rétroactivement au 1er juillet 2017.
CONTEXTE
[2] Les parties sont liées par un bail du 1er juillet 2017 au 30 juin 2018 au loyer mensuel de 645 $, lequel a été reconduit successivement jusqu’au 30 juin 2022 au loyer mensuel de 675 $. Le locataire occupe un logement comptant trois pièces et demie situé au sous-sol de l’immeuble, meublé, chauffé et éclairé.
PREUVE DU LOCATAIRE
[3] Le locataire explique que dès son arrivée, le logement n’a pas été remis en bon état et que des défectuosités sont survenues par la suite, en cours de bail.
[4] D’abord, son four a cessé de fonctionner en décembre 2019 et le locateur a pris six mois pour le réparer, pour finalement remplacer la cuisinière en juillet 2020 suite à la mise en demeure qui lui a été transmise.
[5] De plus, il explique que de façon générale, il soupçonne que le système électrique de son logement n’est pas conforme car les fusibles sont toujours en surcharge. Il ne peut utiliser son four à micro-ondes en même temps que d’autres appareils. Il témoigne que le concierge, monsieur Bacon, a effectué des travaux dans son logement mais il doute que ces derniers soient conformes au niveau de la sécurité. À l’aide de photographies, il expose au Tribunal l’ensemble des problématiques.
[6] Concernant les meubles fournis au logement, le locataire indique que ses chaises de cuisine étaient défoncées et qu’il les a rangées au rancart.
[7] De plus, la baignoire était crasseuse et il a dû mettre beaucoup de temps à la nettoyer. Malgré tout, les joints de silicone sont à remplacer tout autour de la baignoire pour que l’eau soit correctement retenue.
[8] Il explique aussi qu’une infiltration d’eau latente se fait du coin de la baignoire et s’écoule en dessous du revêtement de plancher jusque dans son corridor d’appartement.
[9] Enfin, il se plaint de bruits provenant du logement situé au-dessus du sien. Il relate que ces bruits sont tellement forts qu’ils provoquent des vibrations dans son logement. Il a besoin de quiétude le jour car il travaille de soir en entretien à l’Université Laval, soit de 18h30 à 2h30 du matin.
[10] Il demande une diminution de loyer de 15 %, ce qui représente une somme de 101,25 $ par mois rétroactivement à son arrivée en 2017, en faisant les calculs nécessaires.
[11] Il reproche également au locateur le fait qu’il s’est fait voler son vélo qui se trouvait dans le cabanon extérieur, alors qu’il n’aurait pas suffisamment sécurisé la porte qui était défectueuse.
AMENDEMENT VERBAL
[12] Lors de la première audience avant que le dossier ne soit ajourné, le Tribunal a demandé au locataire de requérir une visite des lieux par un inspecteur de la Ville de Québec, suite aux allégations de non-conformité au niveau électrique et au niveau de la présence des moisissures.
[13] Or, il s’est avéré qu’un avis d’infraction a été émis le 31 mars 2021 par le service des inspections de la ville de Québec, puisque le logement occupé par le locataire est non autorisé et donc illégal. L’immeuble ne peut abriter que quatre logements et non cinq. Le locateur doit donc procéder au démantèlement du logement du locataire.
[14] À l’audience, le Tribunal a autorisé l’amendement verbal du locataire qui réclame des dommages d’une somme variant entre 1 000 $ et 5 000 $ pour son déménagement forcé d’ici le 1er juillet 2021. Le locateur a également accepté de procéder sur l’amendement verbal du locataire puisque les parties avaient du temps réservé pour la suite de leur dossier, devant le Tribunal.
ANALYSE ET DÉCISION
Compétence du Tribunal
[16] Ainsi se lit
l'article
« 1413. Est nul le contrat dont l'objet est prohibé par la loi ou contraire à l'ordre public. »
[17] Pour ce qui est de la demande de diminution de loyer et de la réclamation pour son vélo perdu, le Tribunal n’a pas compétence pour rendre une décision à ce sujet, en raison de l’objet illicite du bail.
[18] L'article 28 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement prévoit ce qui suit :
« 28. Le Tribunal administratif du logement connaît en première instance, à l’exclusion de tout autre tribunal, de toute demande:
1° relative au bail d’un logement lorsque la somme demandée ou la valeur de la chose réclamée ou de l’intérêt du demandeur dans l’objet de la demande ne dépasse pas le montant de la compétence de la Cour du Québec;
2° relative à une
matière visée dans les articles 1941 à 1964,
3° relative à une matière visée à la section II, sauf aux articles 54.5, 54.6, 54.7 et 54.11 à 54.14.
Toutefois, le Tribunal
administratif du logement n’est pas compétent pour entendre une demande visée
aux articles
[19] L'article
« 1892. Sont assimilés à un bail de logement, le bail d'une chambre, celui d'une maison mobile placée sur un châssis, qu'elle ait ou non une fondation permanente, et celui d'un terrain destiné à recevoir une maison mobile.
Les dispositions de la présente section régissent également les baux relatifs aux services, accessoires et dépendances du logement, de la chambre, de la maison mobile ou du terrain, ainsi qu'aux services offerts par le locateur qui se rattachent à la personne même du locataire.
Cependant, ces dispositions ne s'appliquent pas aux baux suivants:
1° Le bail d'un logement loué à des fins de villégiature;
2° Le bail d'un logement dont plus du tiers de la superficie totale est utilisée à un autre usage que l'habitation;
3° Le bail d'une chambre située dans un établissement hôtelier;
4° Le bail d'une chambre située dans la résidence principale du locateur, lorsque deux chambres au maximum y sont louées ou offertes en location et que la chambre ne possède ni sortie distincte donnant sur l'extérieur ni installations sanitaires indépendantes de celles utilisées par le locateur;
5° Le bail d'une chambre située dans un établissement de santé et de services sociaux, sauf en application de l'article 1974. »
[20] Pour le locataire, le déménagement précipité engendre son lot de stress et de préoccupations, même s’il a déjà trouvé un nouveau logement en date de l’audience.
[21] De son côté, le locateur persiste à dire que le locataire « s’est tiré dans le pied » en requérant une demande d’inspection de la Ville et il lui reproche d’être le responsable de la perte de son logement et de son déménagement forcé et précipité. Il banalise les conséquences que le démantèlement du logement peut avoir dans la vie du locataire en mentionnant qu’il n’a pas de frais à rencontrer pour déménager puisque le logement a été loué meublé et que le locataire peut partir en taxi qu’avec ses vêtements. Le Tribunal a remarqué que le locateur est visiblement agacé des doléances et des arguments du locataire et jusqu’à un certain point, il se moque de lui et a une attitude peu respectueuse envers lui. Pourtant, la preuve révèle que dès 2010, le locateur était dûment avisé par la Ville de Québec que le cinquième logement de son immeuble n’avait pas fait l’objet d’un permis et que la Ville avait besoin d’informations supplémentaires pour donner suite à sa demande de transformer son immeuble à logements en un immeuble à condominiums. Cette demande est demeurée en suspens puisque la Ville de Québec n’a pas donné suite et le locateur a continué de louer son cinquième logement tout en sachant qu’il n’était pas été autorisé. Or, le locataire ne peut aucunement être fautif dans cette démarche et du fait que la réalité a été exposée au grand jour.
[22] Cette situation qui a
des conséquences directes sur le locataire vient heurter le principe du droit
au maintien dans les lieux dont il bénéficie (article
[23] Il apparaît évident
pour le Tribunal que le locataire subit un préjudice sérieux de cette situation
(article
[24] Le Tribunal ne peut toutefois remettre les parties dans la même situation d’avant le contrat[1] puisque le locataire a eu l’usage du logement et le locateur a perçu le loyer.
[25] L'auteur Pierre-Gabriel Jobin, dans son traité sur le Louage, explique :
« En principe, quand le contrat est annulé, chaque partie doit rendre à l'autre ce qu'elle a reçu en vertu de ce contrat; mais dans le louage, ce principe se heurte assez souvent à des difficultés. D'abord, si le bail a déjà été exécuté en tout ou en partie au moment du jugement en nullité et que le locataire a effectivement joui du bien, le droit ne peut pas faire abstraction de cette jouissance et la nullité, en ce qui concerne la restitution des prestations - notamment le loyer - n'aura pas un effet rétroactif. »[2]
[26] Le Tribunal peut toutefois valablement se pencher sur la demande amendée en dommages-intérêts du locataire, faite à l’audience[3].
[27] À cet égard, le locataire a rencontré son fardeau de preuve qu’il subissait des troubles et inconvénients reliés à ce déménagement forcé (chercher un nouveau logement, déménager, aménager le nouveau logement, perte du logement pour lequel il était attaché) et pour ces motifs, le Tribunal accorde une somme globale et forfaitaire de 2 500 $ au locataire. De plus, son départ forcé relève ici d'une faute évidente du locateur, laquelle a mené à la nullité du bail conclu.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[28] DÉCLARE nul et de nullité absolue le bail conclu pour ce logement;
[29] CONDAMNE le locateur à payer au locataire la somme de 2 500 $, avec intérêts à compter du 18 mai 2021, plus les frais judicaires de 79 $.
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Chantale Trahan |
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Présence(s) : |
le locataire le locateur |
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Dates des audiences : |
9 mars 2021 18 mai 2021 |
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