Longpré c. Plante |
2011 QCRDL 31589 |
RÉGIE DU LOGEMENT |
|
Bureau de Longueuil |
|
|
|
No : |
37 110406 016 F |
RN :
|
11 0102
|
Date : |
26 août 2011 |
Greffière spéciale : |
Me Nathalie Bousquet |
|
|
Mireille Longpré |
|
Locatrice - Partie demanderesse |
|
c. |
|
Murielle Plante |
|
Locataire - Partie défenderesse |
|
|
|
DÉCISION
|
[1] La locatrice a produit une demande de fixation de loyer conformément aux dispositions de l’article 1947 du Code civil du Québec et de remboursement des frais.
[2] Les parties sont liées par un bail du 1er juillet 2010 au 30 juin 2011, à un loyer mensuel de 550,00 $.
[3] Selon ce règlement, le loyer est déterminé selon la méthode générale de fixation du loyer qui prévoit un ajustement, calculé à partir du loyer payé au terme du bail, tenant compte de la part attribuable du logement et en fonction de certaines dépenses précises encourues par le locateur durant l’année de référence, notamment de la variation des taxes municipales, des taxes scolaires et des assurances, et ainsi que du coût encouru pour les frais des frais d’énergie, des frais d’entretien ainsi que des dépenses pour les réparations majeures. En tant que demanderesse, elle a donc le fardeau de prouver, selon la règle de la prépondérance de la preuve et de la balance des probabilités, des dépenses et des montants inscrits dans le formulaire de renseignements nécessaires pour permettre au tribunal de calculer l'augmentation du loyer selon les critères prévus au Règlement sur les critères de la fixation du loyer, R.R.Q., 1981, c. [R-8.1, r.2].
[4] La locatrice a produit le formulaire de renseignements nécessaires à la fixation du loyer ainsi que les pièces justificatives et les factures au soutien de ces renseignements.
[5] Après calcul, l’ajustement du loyer permis en vertu du Règlement sur les critères de fixation de loyer (c. R-8.1, r.2) est de 18,30 $ par mois, s’établissant comme suit :
Taxes municipales et scolaires |
10,43 $ |
Assurances |
4,46 $ |
Gaz |
0,00 $ |
Électricité |
0,02 $ |
Mazout |
0,00 $ |
Frais d’entretien |
0,37 $ |
Frais de services |
0,00 $ |
Frais de gestion |
0,36 $ |
Réparations majeures, améliorations majeures, mise en place d’un nouveau service |
0,00 $ |
Ajustement du revenu net |
2,66 $ |
TOTAL |
18,30 $ |
La condamnation aux frais
[6] La locatrice demande que la locataire lui rembourse les frais de 66,00 $ payés à la Régie pour produire la demande de fixation du loyer.
[7] Dans son avis de modification du bail, elle suggérait un ajustement de loyer au montant de 16,00 $ par mois, et elle a remis la feuille de calcul.
[8] En matière de condamnation aux frais, les critères sont les suivants:
[9] L’article 6 du Code civil du Québec :
« Toute personne est tenue d’exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi ».
[10] L’article 7 du Code civil du Québec précise:
« Aucun droit ne peut être exercé en vue de nuire à autrui ou d’une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l’encontre des exigences de la bonne foi. »
[11] Quant aux articles 1942, 1945 et 1947 du Code civil du Québec, ils prévoient le droit du locateur de proposer au locataire une modification aux conditions du bail, le droit du locataire de s’opposer aux modifications du bail proposées par le locateur et finalement, le droit du locateur de présenter une demande à la Régie du logement afin de faire statuer sur sa demande de modification du bail.
[12] Le tribunal est donc d'opinion qu'en matière de fixation de loyer, il n'y a pas de perdant ni de gagnant. En effet, le locataire exerce lorsqu'il refuse une augmentation de loyer et le locateur exerce aussi son droit en demandant à la Régie du logement de fixer l'augmentation du loyer. Les deux parties exercent ainsi un droit qui leur est légalement reconnu, ce qui distingue la situation d'une cause civile où les tribunaux décident du bien-fondé d'une action civile en déterminant un gagnant et un perdant et en condamnant le perdant d'un procès à en payer les frais.
[13] Il faut aussi tenir compte du fardeau de la preuve, selon la balance des probabilités, qui appartient au demandeur. En l’instance, le tribunal est saisi d’une demande de modification du bail produite selon l’article 1947 du Code civil du Québec par le locateur, le demandeur est donc le locateur et le fardeau de faire la preuve des éléments requis pour obtenir des conclusions recherchées par le demandeur appartient au demandeur, soit le locateur dans le cas présent.
[14] En conséquence, pour rencontrer son fardeau de preuve, il doit d’abord faire la preuve qu’il a proposé dans son avis de modification du bail donné au locataire un ajustement de loyer selon les critères établis par la Régie du logement et par le Règlement sur les critères de fixation de loyer (c. R-8.1, r.1.01). En deuxième lieu, il doit ensuite établir selon la balance des probabilités, que le locataire a eu, durant son délai de réflexion d’un mois depuis la réception de l’avis de modification du bail qui lui fut donné par le locateur, la possibilité de vérifier les montants allégués par le locateur pour justifier du bien-fondé de la modification proposée dans son avis de modification du bail.
[15] Une étude de la jurisprudence en pareille matière permet de dégager les règles suivantes:
[16] Tel qu'expliqué par Me Pierre Brassard, dans la cause [1]Gestion Immobilière C.R.V. Inc. c. Jasinger ::
«Encore une fois, la Régie estime que nous ne sommes pas en une matière où il s'agit de trouver un gagnant et un perdant mais il s'agit uniquement de permettre aux parties de s'engager dans un litige en toute connaissance de cause.
Le locateur devra donc répondre à ces deux conditions s'il veut que le locataire puisse être condamné au paiement des frais dans une demande de fixation de loyer. (Le souligné étant ajouté par la soussignée.)
La première condition est que le locateur devra faire la preuve qu'il a permis au locataire de prendre connaissance des chiffres qui seront soumis à la Régie pour la fixation du loyer et ce, pendant sa période de réflexion pour accepter ou non l'augmentation demandée. (Le souligné étant ajouté par la soussignée.)
La deuxième condition est que la Régie du logement accorde au locateur une augmentation au moins égale à celle qu'il a demandée dans son avis d'augmentation. »
[17] Le bureau de la révision applique aussi ces mêmes conditions et les a aussi précisées, tel qu'il appert de la décision Gestion Immobilière C.R.V. Inc c. Dearden, [2]R.L. Crémazie 32-920320-029F, le 15 janvier 1992, rr. Mes Joly et Pothier:
«Le locateur a eu en mains tous les renseignements nécessaires et le locataire doit y avoir accès pour savoir si la demande d'augmentation de loyer est raisonnable ou non. Cette disponibilité doit exister en tout temps avant que le locateur ne fasse la demande de fixation de loyer pour lui éviter, le cas échéant, de produire cette demande.» (Le souligné étant ajouté par la soussignée.)
[18] Une fois ces deux conditions préalables établies et prouvées selon la balance des probabilités par un locateur, le tribunal étudie l’ensemble des autres faits mis en preuve par les parties pour apprécier cette fois-ci la bonne foi du locataire contre lequel le locateur demande une condamnation au remboursement des frais payés lors de l’introduction de sa demande de modification du bail à la Régie.
[19] Plus récemment, dans la cause de Domaine de Maisons modulaires Deux-Montagnes Inc.,, [3]1er novembre 2000, 28-000420-107F, R.L., l'adjudicateur, Me Claude Couture, concernant la condamnation au paiement de frais par le locataire, s'exprimait ainsi:
«(...) les principaux critères à apprécier en pareil cas sont, entre autres, le refus abusif du locataire, sa mauvaise foi ou son refus de négocier lorsque le locateur présente au locataire les éléments pertinents qui lui permettrait de prendre une décision éclairée. (.....)» (Le souligné étant ajouté par la soussignée.)
[20] En bref, le tribunal doit être convaincu selon la balance des probabilités, une fois établies les deux conditions préalables par le locateur, que le locataire a abusé de son droit de refuser les modifications demandées.
[21] En l’instance, l’ajustement calculé par la Régie est quelque peu inférieur à l’ajustement de loyer suggéré par la locatrice. La locatrice n’a pas remis à la locataire la feuille de calcul ni le formulaire de renseignements nécessaires à la fixation du loyer pour lui permettre de constater des dépenses en considération desquelles l’ajustement de loyer suggéré était justifié, et n’a pas indiqué à la locataire la possibilité de lui permettre de vérifier les dépenses.
Ces principes furent récemment confirmés de nouveau par le Bureau de Révision, dans la cause Capital Augusta Inc. c. Peggy Faye et Association des propriétaires d’appartements du Grand Montréal[4].
[22] En l’instance, l’ajustement calculé par la Régie est supérieur à l’ajustement de loyer suggéré par la locatrice et celle-ci avait par ailleurs remis la feuille de calcul à la locataire.
[23] CONSIDÉRANT l'ensemble de la preuve faite à l'audience;
[24] CONSIDÉRANT qu’un ajustement mensuel de 18,30 $ est justifié;
[25] CONSIDÉRANT la preuve justifiant la condamnation de la locataire au remboursement des frais introductifs de la demande;
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[26] FIXE le loyer, après arrondissement au dollar le plus près, à 568,00 $ par mois du 1er juillet 2011 au 30 juin 2012.
[27] CONDAMNE la locataire à payer à la locatrice la somme de 66,00 $ en remboursement des frais de la demande.
[28] Les autres conditions du bail demeurent inchangées.
|
Me Nathalie Bousquet, greffière spéciale |
|
|
||
Présence(s) : |
la locatrice |
|
Date de l’audience : |
10 août 2011 |
|
[1] Gestion Immobilière C.R.V. Inc. c. Jasinger 1991, 32-910320-027F, R.L.
[2] Gestion Immobilière C.R.V. Inc c. Dearden, [2]R.L. Crémazie 32-920320-029F, le 15 janvier 1992.
[3] Domaine de Maisons modulaires Deux-Montagnes Inc. c. Lavoie, [3]1er novembre 2000, 28-000420-107F, R.L.
[4] Capital Augusta Inc. c. Peggy Faye et Association des propriétaires d’appartements du Grand Montréal, Régie du Logement, Bureau de Montréal, dossier no : 31-090205-025V-090710, Mes Christine Bissonnette et Francine Jodoin.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.