Décision

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Bouchard c. Feng

2022 QCTAL 25733

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

636210 31 20220602 T

No demande :

3632679

 

 

Date :

12 septembre 2022

Devant la juge administrative :

Isabelle Hébert

 

Jean Bouchard

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

Zhao Hui (Linda) Feng

 

Locatrice - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Le locataire demande la rétractation d’une décision rendue le 28 juillet 2022 qui résilie son bail, ordonne son expulsion ainsi que celle des autres occupants du logement, en plus de le condamner à payer les frais.

CONTEXTE

[2]         L’article 89 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[1] est la disposition applicable en matière de rétractation d’une décision:

89. Si une décision a été rendue contre une partie qui a été empêchée de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, cette partie peut en demander la rétractation.

Une partie peut également demander la rétractation d’une décision lorsque la Régie a omis de statuer sur une partie de la demande ou s’est prononcée au-delà de la demande.

La demande de rétractation doit être faite par écrit dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l’empêchement.

La demande de rétractation suspend l’exécution de la décision et interrompt le délai d’appel ou de révision jusqu’à ce que les parties aient été avisées de la décision.

Une partie qui fait défaut d’aviser de son changement d’adresse conformément à l’article 60.1 ne peut demander la rétractation d’une décision rendue contre elle en invoquant le fait qu’elle n’a pas reçu l’avis de convocation si cet avis a été transmis à son ancienne adresse.

[3]         Tel que l’énonçait la Cour d’appel dans Entreprise Roger Pilon c. Atlantis Real Estate Co.[2], l’irrévocabilité des jugements est un principe important auquel il est possible de déroger lors de la démonstration de motifs sérieux.

[4]         Ainsi, pour avoir droit à la rétractation, le locataire doit démontrer l’une des conditions prévues à cet article.


[5]         Ce dernier était absent à l’audience du 13 juillet 2022 portant sur la demande originaire car, déclare-t-il, il n’a jamais reçu l’avis de convocation pour cette audience.

[6]         À ce sujet, il avance la possibilité que son courrier ait été livré par erreur à Montréal, sur une autre rue portant le même nom que celle où est situé le logement concerné.

[7]         Pour appuyer cette possibilité, il mentionne avoir déjà téléphoné un taxi qui se serait justement rendu par erreur à cette autre adresse.

[8]         Invité à énoncer les moyens de défense qu’il aurait fait valoir à l’encontre de la demande de la locatrice s’il avait assisté à l’audience, il déclare que les loyers étaient payés à cette date.

[9]         Au sujet des retards fréquents, il ne les nie pas, expliquant avoir vécu une année difficile au point de vue financier. D’une part, déclaretil, ses revenus ont été moindres, en raison du fait que ses heures de travail ont été coupées. Aussi, la fermeture d’un premier dossier ouvert dans le but de recevoir des prestations d’assuranceemploi a entraîné des délais additionnels avant qu’il ne touche les sommes qui lui étaient dues.

[10]     La locatrice n’est pas d’accord avec les prétentions du locataire.

[11]     Elle ne le croit pas lorsqu’il affirme qu’il n’était pas au courant de la date et l’heure de l’audition.

[12]     Pour preuve, soulèvetelle, à la veille de l’audition, il est venu lui payer toutes les sommes qu’il lui devait. Cela démontre qu’il était bel et bien au courant de la tenue de l’audience, soutientelle.

[13]     Le locataire ne se souvenant pas des dates exactes auxquelles il a effectué des paiements, ne se prononce pas davantage relativement à cet argument.

[14]     Enfin, conclut la locatrice, elle a déjà donné une chance au locataire, contre qui elle a déjà intenté un autre recours en 2017[3]. Ainsi, elle souhaite que la décision soit maintenue.

[15]     Elle le sera. En effet, de l’avis du Tribunal, le locataire n’a pas réussi à démontrer l’une des conditions donnant ouverture à la rétractation.

[16]     Rappelons que selon les règles de preuves applicables, celui qui veut faire valoir un droit doit démontrer ses prétentions par prépondérance, soit en établissant que l’existence d’un fait est plus probable que son inexistence[4].

[17]     Le seul témoignage du locataire ne suffit pas à convaincre le Tribunal qu’il n’ait pas reçu l’avis d’audition.

[18]     D’une part, ledit avis ayant été transmis à la bonne adresse, le locataire est présumé l’avoir reçu, conformément au Règlement sur la procédure devant le Tribunal administratif du logement[5].

[19]     D’autre part, le paiement des loyers dus à la locatrice à la veille de l’audience, rend beaucoup plus vraisemblable sa connaissance de l’audition du lendemain que le contraire.

[20]     Après avoir payé les loyers qu’il devait, le locataire semble plutôt avoir décidé de ne pas se présenter à l’audience du lendemain, croyant peutêtre que son bail ne serait pas résilié car il ne devait plus de loyers. Il a ainsi pris un risque et a choisi de ne pas venir à l’audience et de ne présenter aucune défense à l’égard du second motif invoqué au soutien de la demande de résiliation, soit que les retards fréquents dans le paiement du loyer causent un préjudice sérieux à la locatrice.

[21]     Or, rappelle la jurisprudence, notamment la Cour supérieure dans Mondex Import inc. c. Victorian Bottle inc. [6], la conduite négligente d’une partie dans l’exercice de ses droits ne donne pas droit à la rétractation.

[22]     Aussi, rappelons que la seule absence à l’audience ne donne pas un droit automatique à la rétractation :

« Le seul fait qu’une partie soit absente à l’audience ne lui donnera pas automatiquement droit à une demande en rétractation. La procédure doit contribuer à la protection des droits des deux parties et la remise en question des décisions doit demeurer l’exception et ne pas devenir la règle. »[7]


[23]     Ajoutons que les moyens de défense invoqués par le locataire, soit les causes à ses problèmes financiers et le paiement des loyers dus avant l’audience, ne constituent pas des moyens de défense qui auraient empêché la résiliation du bail ayant été prononcée, rappelonsle, en lien avec les retards fréquents dans le paiement du loyer.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[24]     REJETTE la demande;

[25]     MAINTIENT la décision rendue le 28 juillet 2022.

 

 

 

 

 

 

 

 

Isabelle Hébert

 

Présence(s) :

le locataire

la locatrice

Date de l’audience : 

30 août 2022

 

 

 


 


[1] RLRQ, c. T15.01.

[2] (1980) C.A. 218.

[3] N/D 327470.

[4] Notamment les art. 2803 et 2804 C.c.Q.

[5] RLRQ, c. T15.01, r. 5, art. 16.

[6] REJB 1999-12482.

[7] Le bail de logement : analyse de la jurisprudence, Wilson & Lafleur Ltée (1989) Montréal, p. 307.

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