Dohon c. 9313-5630 Québec inc. (Plan A) | 2023 QCTAL 38687 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||
Bureau dE Laval | ||||||
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No dossier : | 721181 36 20230707 T | No demande : | 4050586 | |||
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Date : | 13 novembre 2023 | |||||
Devant la juge administrative : | Isabelle Normand | |||||
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Akoete Dohon |
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Locataire - Partie demanderesse | ||||||
c. | ||||||
9313-5630 Québec Inc. / Plan A |
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Locateur - Partie défenderesse | ||||||
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D É C I S I O N
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[1] Le locataire présente une demande de rétractation de la décision du 23 septembre 2023 qui notamment résilie le bail et ordonne son expulsion du logement concerné et le condamne à payer au locateur 1 207 $ à titre d’arrérages de loyer, les intérêts et les frais de justice.
MOYENS SOMMAIRES DE DEFENSE
[2] De plus, étant le défendeur à la demande originaire, il précise les moyens sommaires de défense [1] :
« Le juge n’a pas tenu compte du montant du bail et mes preuves fournies de mes paiements ».
Position du locateur
[3] Pour sa part, le locateur conteste la demande du locataire et demande le rejet de la demande du locataire, car elle est dilatoire et a pour but d’empêcher l’exécution de la décision attaquée.
[4] De plus, la preuve non contredite démontre que le locataire continue d’occuper le logement concerné sans en payer le loyer et depuis plusieurs mois.
CONDITIONS D’EXERCICE DU RECOURS
-Délai
[5] À l’audience, le locataire témoigne avoir pris connaissance de la décision le 25 septembre 2023 alors qu’il allègue avoir pris connaissance de la décision attaquée le 23, soit 2 jour avant de produire la présente demande de rétractation.
[6] La première condition d’exercice du recours est rencontrée, car le délai de 10 jours de la connaissance de la décision au moment où il produit la présente demande de rétractation n’est pas expiré[2].
[7] Conséquemment, le Tribunal juge que la demande a été intentée dans le délai requis.
- Appel déguisé
[8] La demande en rétractation ne doit pas servir de prétexte à une partie pour recommencer une audition, soit parce qu'elle est insatisfaite de la décision ou parce qu'elle est insatisfaite de la façon dont elle a présenté sa preuve et l'appréciation faite par le Tribunal de sa preuve.
[9] Ainsi, le Tribunal administratif du logement n'est pas le bon forum pour entendre sa demande qui est de la nature d'un appel de la décision attaquée.
[10] La jurisprudence[3] établit que la demande de rétractation ne peut constituer un appel de la décision :
« Tel qu'expliqué lors de l'audience, la demande la rétractation ne doit pas constituer un appel déguisé de la décision rendue. Le tribunal n'a pas à juger de la justesse de celle-ci ni s'interroger sur les erreurs de faits ou de droit commises puisqu'il ne s'agit pas d'un appel de la décision rendue. Il s'agit plutôt de s'interroger sur l'application de l'article 89 précité et chercher à déterminer si la partie qui en a fait la demande a pu démontrer un de ces motifs prévus à cette disposition.
Il apparaît clair au tribunal que le locataire remet maintenant en cause la preuve soumise à l'audience en raison des conclusions de la décision. Le locataire a plutôt été pris par surprise par la décision; il appert qu'ayant connu d'avance ses conclusions, il se serait préparé différemment. Il demande d'ailleurs la possibilité d'avoir une nouvelle audience pour lui permettre d'apporter des preuves additionnelles. »
[11] En effet, le Tribunal a déjà statué sur l'objet du litige, et même sur la recevabilité de la preuve que le locataire désire soumettre à nouveau.
[12] En raison du principe de la stabilité et la finalité des décisions, le jugement attaqué ne peut être remis en cause que par un appel à un tribunal supérieur.
[13] En définitive, une demande de rétractation du locataire ne peut être utilisée comme un moyen procédural pour revoir la décision rendue, pour préciser les conclusions d'un jugement explicite et non équivoque et donner une autre occasion pour administrer une preuve qui avait été refusée par le Tribunal[4].
Irrévocabilité des décisions /droit de faire valoir ses moyens
[14] En principe un jugement est irrévocable, car il en va d'une bonne administration de la justice et du maintien des rapports juridiques stables entre les justiciables.
[15] Cependant, lorsqu’une partie démontre qu’elle n’a pas été négligente dans l’administration de son dossier, que sa demande de rétractation est fondée sur des motifs qui sont causés par des circonstances extérieures[5], ce principe peut être repoussé, en raison du droit fondamental d’être entendu et de produire une défense pleine et entière à une demande formulée contre elle.
[16] Une certaine jurisprudence établit que le comportement du locataire démontrant de la négligence doit empêcher le recours à une demande de rétractation car elle ne peut être qualifié de cause suffisante[6].
[17] Deux concepts sont désormais[7] mis de l’avant lors de l’analyse d’une demande de rétractation : la stabilité des jugements et le droit de se défendre après avoir été entendue ou dûment appelé[8].
[18] Cette analyse doit porter sur la véracité du motif et non simplement sur la nature du comportement qui peut être qualifié de négligent.
[19] Il s’agit du test des vases communicants[9], une approche fondée sur la finalité du concept de la justice[10] qui doit établir que :
[20] Il en va de même si la décision maintenue déconsidère l’administration de la justice[12], ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
[21] La rétractation n’est pas accordée car le locataire a négligé de faire valoir ses droits à l’audience sur la demande originaire en raison de motifs qui résultent bien plus de son manque d'organisation interne que d'une surprise, une fraude ou une autre cause jugée suffisante[13].
[22] Il ne s’agit pas en l’instance d’une circonstance exceptionnelle, qui analysée de façon subjective qui soit de la nature de l’analphabétisme, la maladie, le deuil ou l’erreur d’un avocat.
FORCLUSION
[23] Le but de la limitation procédurale prévue à l’article 63.2 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement est d’empêcher une partie d’utiliser un subterfuge visant à retarder indument l’exécution d’une décision rendue par l’un des juges administratifs du Tribunal.
[24] En l’espèce, le locataire, par l’entremise de sa requête en rétractation, empêche l’exécution de la décision.
[25] De surcroît, en demeurant au logement, et ne payant pas le loyer en cours, par sa demande, le locataire empêche entre autres son expulsion qui est ordonnée dans le jugement attaqué[14].
[26] Conséquemment, le locataire est déclaré forclos de produire toute nouvelle demande dans le présent dossier, à moins d'autorisation préalable du Président du Tribunal administratif du logement ou de toute personne désignée par celui-ci.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[27] REJETTE la demande de rétractation du locataire qui en assume les frais.
Forclusion
[28] DÉCLARE le locataire forclos de produire toute nouvelle demande dans le présent dossier, à moins d'autorisation préalable du Président du Tribunal administratif du logement ou de toute personne désignée par celui-ci.
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Isabelle Normand | ||
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Présence(s) : | le locataire le mandataire du locateur | ||
Date de l’audience : | 24 octobre 2023 | ||
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[1] Selon l’article 44 du Règlement sur le Tribunal administratif du logement, RLRQ, c. T 15-01, r. 5.
[2] Selon l’article 89 al. 3 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement, RLRQ, c. T-15.01.
[4] Imperial Tobacco Canada Ltd. c. Conseil québécois sur le tabac et la santé,
[5] Tremblay c. Gestion Jean Turcotte inc.,
[6] Mondex Import inc. c. Victorian Bottle inc.,
[7] Lessard c. Thibault,
[8] Selon l’article 60 de la loi précitée.
[9] Lessard c. Thibault, supra, note 7, paragr. 30 et 39 à 41.
[10] Mercier c. Bell Canada,
[11] Comme par exemple un concours de circonstances.
[12] Fonds Azur Capital Immobilier-Québec c. Morin,
[13] Antar c. 4318382 Canada inc.,
[14] Structures métropolitaines (SMI) inc. C. Cour du Québec,
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