[1] L’appelante se pourvoit contre un jugement rendu le 20 août 2015 par la Cour supérieure du district de Laval (l’honorable Guylène Beaugé), qui accueille la requête en déclaration judiciaire de droit de propriété de l’intimée, et ce, en raison d’une prescription décennale
[2] Pour les motifs du juge Émond, auxquels souscrivent les juges Marcotte et Dumas ad hoc, LA COUR :
[3] ACCUEILLE l’appel;
[4] REJETTE la demande en acquisition du droit de propriété par prescription décennale de l’intimée, Succession de feu Jean Bigras, avec les frais judiciaires devant les deux instances.
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MOTIFS DU JUGE ÉMOND |
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- I -
[5] L’appelante Les Investissements Monit inc. (« Monit ») se pourvoit contre un jugement rendu le 20 août 2015 par la Cour supérieure du district de Laval (l’honorable Guylaine Beaugé), qui accueille la demande en reconnaissance et acquisition du droit de propriété par prescription décennale de l’intimée Succession de feu Jean Bigras (« la Succession Bigras » ou « Bigras » selon le contexte) et la déclare propriétaire du lot 1 165 905 du cadastre du Québec, circonscription foncière de Laval[1].
[6] Monit reproche à la juge de ne pas avoir considéré le fait qu’au moment où Bigras a commencé à occuper le lot 1 165 905, cette occupation se faisait en vertu d’une permission spéciale d’une durée de cinq ans. Selon elle, ce fait aurait dû amener la juge à conclure qu’au départ, Bigras était un simple détenteur du lot 1 165 905 et que cette détention, même si elle s’est perpétuée au-delà du terme prévu, ne pouvait fonder la prescription en l’absence d’une preuve d’interversion de son titre.
[7] Pour les motifs ci-après énoncés, je suis d’avis que l’appel de Monit doit être accueilli.
- II -
[8] Voici, sommairement résumés, les faits qui ont donné lieu au litige ainsi que les procédures qui en ont résulté.
[9] En septembre 1947, dame Rosa Clermont Bigras fait donation à son fils, Jean Bigras (« Bigras »), d’un immeuble connu comme étant le lot 215 du cadastre de la paroisse de St-Martin, division d’enregistrement de Laval (« le lot 215 »). Ce lot 215 est d’une superficie d’environ 1 472 025 pieds carrés, soit deux arpents de largeur sur vingt arpents de profondeur. Il est situé en milieu agricole, dans un secteur qui sera appelé à connaître une expansion urbaine importante.
[10] En juillet 1957, Bigras vend une partie du lot 215 acquis de sa mère à la Société Belmont Inc. (« Belmont »). La superficie du terrain vendu est de plus ou moins 1 345 665 pieds carrés, de sorte que le résidu du lot 215 demeurant la propriété de Bigras est d’un peu plus de 60 000 pieds carrés. Cette vente est faite pour le prix de 98 728,20 $, lequel est payable en deux versements de 49 364,10 $, le premier lors de la signature de l’acte de vente et le second cinq ans plus tard, soit le 8 juin 1962.
[11] Outre ces considérations, l’acte de vente contient également une stipulation particulière. Il prévoit que Bigras pourra continuer de cultiver la partie du lot 215 vendue à Belmont, et ce, jusqu’au paiement du solde de prix de vente :
1.-En considération des présentes, le vendeur aura le droit de cultiver le dit immeuble, sans loyer, tant et aussi longtemps que le solde de prix de vente susdit n'aura pas été payé en totalité, et cela sur tout espace de terrain qui n’aura pas été entièrement libéré hypothécairement; et de toute façon le vendeur pourra toujours terminer une récolte pendante.
[12] En 1961, la partie du lot 215 acquise par Belmont en 1957 fait l’objet d’une subdivision. C’est à ce moment que le lot au cœur du litige est créé. Il s’agit du lot 215-174. Ce lot a une superficie d’environ 21 000 pieds carrés (1 960 mètres carrés). Il est contigu à la partie du lot 215 dont Bigras est demeuré propriétaire. Il donne sur le boulevard du Souvenir. Lors de la rénovation cadastrale de 1998, ce lot 215-174 deviendra le lot 1 165 905 du cadastre du Québec.
[13] En 1967, Bigras installe sur ce lot 215-174, tel qu’il est alors désigné, le long du boulevard du Souvenir, un kiosque pour la vente de légumes aux passants qui y circulent en grand nombre depuis l’ouverture, à proximité, d’un centre commercial. Une enseigne au nom de « Ferme Bigras et Filles » est aussi installée aux abords du terrain. Comme nous le verrons ci-après, au fil des années, Bigras continuera d’utiliser cette partie du lot 215-174 sans que Belmont manifeste son opposition.
[14] De fait, cette absence d’opposition semble découler du fait que Belmont ignore l’existence de cette occupation.
[15] En 1973, en prévision des travaux de prolongement et d’aménagement du boulevard du Souvenir, la Ville de Laval entreprend des procédures d’expropriation contre les immeubles longeant le boulevard. Une partie du lot 215-174 est visée par ces procédures d’expropriation. La parcelle expropriée a une superficie de 3 577 pieds carrés (environ 332 mètres carrés). Comme cette parcelle est destinée à devenir une rue, Belmont ne recevra qu’une indemnité symbolique de 5 $.
[16] Ainsi, à la suite de cette expropriation, la superficie restante du lot 215-174 est d’environ 17 500 de pieds carrés (1 630 mètres carrés)[2].
[17] Quant à la rue qui devait être construite à même l’emprise expropriée, elle n’est pas immédiatement réalisée.
[18] En 1975, à la suite du prolongement du boulevard du Souvenir, Jean Bigras aménage un chemin de gravier sur le lot 215-174. Puis, en 1976, il fait asphalter à ses frais ce chemin, de même qu’un stationnement.
[19] En 1976, la Ville de Laval entreprend de nouvelles procédures d’expropriation en vue d’aménager des espaces de stationnement, des parcs et des nouvelles rues dans le secteur avoisinant le boulevard du Souvenir. La totalité du résidu du lot 215-174 est visée par ces procédures. Toutefois, cette expropriation sera abandonnée et en septembre 1979, le Tribunal de l’expropriation autorisera la Ville de Laval à s’en désister tout en lui ordonnant de payer les frais judiciaires aux avocats de Belmont[3].
[20] En 1979, Belmont est dissoute[4]. La preuve ne révèle ni le pourquoi ni le comment de cette dissolution.
[21] En 1982, le fils de Bigras entreprend des démarches auprès de la Ville de Laval en vue d’acquérir le lot 275-14. En raison des procédures d’expropriation entreprises au milieu des années soixante-dix, il a l’impression que la Ville en est la propriétaire. Ces démarches lui permettront d’apprendre que ce lot est toujours la propriété de Belmont. Aussi, ne sachant pas que cette société a été dissoute, il tente sans succès d’entrer en contact avec ses dirigeants.
[22] À la suite de ces démarches, Bigras fils et père retiennent que Belmont a abandonné le lot 215-74 et continuent de l’occuper.
[23] En avril 1987, vraisemblablement à la demande des actionnaires de Belmont, l’inspecteur des institutions financières émet un certificat de reprise d’existence. Dès lors, Belmont reprend vie.
[24] En 1998, lors la réforme du cadastre du Québec, la partie non expropriée du lot 215-174 devient le lot 1 165 905[5]. Pour une raison inexpliquée, la Ville de Laval est désignée propriétaire de ce lot[6].
[25] Le 1er mars 2001, Belmont cède tous ses biens à Monit, sa seule actionnaire. Ce transfert n’est toutefois publié ni au registre de l’Inspecteur des institutions financières (Registre des entreprises) ni au registre foncier.
[26] Un peu plus d’un an plus tard, soit le 12 juillet 2002, l’actionnaire de Belmont demande à l’Inspecteur des institutions financières de dissoudre la société. Le 30 mai 2003, l’Inspecteur des institutions financières émet un acte de dissolution.
[27] À la suite de cette dissolution, le sous-ministre du Revenu du Québec se voit confier l’administration provisoire des biens de Belmont, et cela, parce que le transfert de ses biens survenu en mars 2001 n’a pas été publié au registre des entreprises[7].
[28] En 2004, Bigras père reçoit un compte de taxes municipales et scolaires pour le lot 1 165 905 (ancien lot 215-174). À la suite de la réception de ce compte, il se rend à la Ville de Laval pour obtenir des informations. On lui dit qu’à défaut de payer les taxes, le lot fera l’objet d’une vente pour taxes. Aussi, pour éviter une telle vente et continuer d’occuper le terrain comme il le fait depuis 1967, Bigras acquitte ce compte de taxes. Par la suite, il continuera de payer les taxes foncières et municipales afférentes à ce lot.
[29] En mars 2010, Bigras père décède et son fils Daniel agit à titre de liquidateur et de représentant de la Succession Bigras[8].
[30] En mars 2011, la Ville de Laval fait publier contre le lot 1 165 905 (ancien lot 215-174) un avis de réserve en vertu de la loi sur l’expropriation. Elle dénonce son intention d’exproprier la totalité de ce lot en prévision de la réalisation d’un vaste projet de développement immobilier. S’ensuivra l’émission d’un avis d’expropriation, lequel sera semble-t-il transmis à Bigras fils. Il est toutefois impossible de déterminer à quel titre celui-ci le reçoit (occupant ou propriétaire), cet avis n’ayant pas été produit en preuve.
[31] Quoi qu’il en soit, le 4 avril 2011, après s’être vu signifier cet avis d’expropriation, vraisemblablement dans le but d’obtenir l’indemnité afférente à celle-ci, Bigras fils, en sa qualité de liquidateur de la Succession Bigras, dépose une demande en acquisition d’un droit de propriété par prescription décennale. Il veut que la Succession Bigras soit déclarée propriétaire du lot 1 165 905 (ancien lot 215-174). Ce recours est exercé contre le sous-ministre du Revenu du Québec, l’administrateur des biens de la société Belmont.
[32] À la suite de l’institution de ce recours, la Ville de Laval avise Monit de l’existence des procédures exercées par la Succession Bigras.
[33] Le 30 juin 2011, Monit intervient dans le cadre de ces procédures afin de s’opposer à la demande de Bigras.
- III -
[34] Après avoir présenté les faits qui lui paraissaient pertinents, la juge décrit la position des parties.
[35] Elle résume d’abord celle de la Succession Bigras :
[19] La Famille Bigras plaide avoir utilisé le Terrain à son bénéfice exclusif essentiellement pour l'aménagement et l'exploitation d'un commerce de vente de fleurs et de légumes. Elle invoque son occupation ininterrompue, paisible, publique et non équivoque depuis 1967, ainsi que le paiement des taxes foncières à Laval de 2004 à 2011 inclusivement.
[20] Elle ajoute que Belmont n'a pu transférer le Terrain à Monit en 2001 puisque d'une part, il ne lui appartenait plus depuis l'expropriation de 1978 étant tombé dans le patrimoine de Laval, et que d'autre part, elle l'avait abandonné comme conséquence de sa première dissolution en 1979. À tout événement, elle fait valoir que le défaut de publication de ce prétendu transfert, même par inadvertance, rend celui-ci inopposable en raison du caractère obligatoire des prescriptions relatives à la publicité des droits.
[36]
Elle fait ensuite état de celle de Monit, en se référant notamment à son
argument fondé sur les articles
[21] Monit revendique la propriété du Terrain. Elle argue que Belmont le lui a transféré en 2001 à l'époque de sa prise en charge de tous ses biens, droits et obligations. Elle soutient que ce transfert antérieur à la dissolution de Belmont s'avère opposable à tous malgré son défaut de publication par pure inadvertance.
[22]
En outre, invoquant les articles
[Soulignements ajoutés]
[37] Puis, à la lumière de la preuve, elle estime devoir favoriser la thèse défendue par la Succession Bigras.
[38] Elle retient d’abord que ni Belmont ni Monit n’apparaissent comme propriétaire du lot 1 165 905 (ancien lot 215-174) au registre foncier, de sorte qu’elles ne pouvaient, pour cette seule raison, être considérées comme les propriétaires de ce lot :
[24] Monit ou avant elle Belmont n’apparaît nullement désignée comme propriétaire du Terrain, non plus qu’elle ne requière en aucun temps la correction du plan cadastral.
[39] Elle considère également, à tort faut-il préciser, qu’au moment où le lot 1 165 905 (ancien lot 215-174) a fait l’objet d’une expropriation partielle, Belmont aurait perdu son titre de propriété au profit de la Ville de Laval :
[25] Par ailleurs, Belmont n’a pu transférer la propriété du Terrain à Monit puisque ce lot avait quitté son patrimoine à l’occasion de l’expropriation de 1978. […]
[40] Elle ajoute que faute par Monit d’avoir publié son titre, elle ne pouvait l’opposer à Bigras :
[25] […] En outre, s’il fallait considérer le transfert valide, il ne serait pas opposable aux tiers en raison de sa non-publication. Le défaut de titre de Monit s’avère donc fatal.
[41] Quant à la possession de Bigras, elle ne fait à son avis aucun doute :
[28] La preuve prépondérante convainc le Tribunal que la Famille Bigras réunit toutes les qualités d’un possesseur. Les Bigras occupent le Terrain sans interruption de 1967 à 2011, un lot qui à leur connaissance s’avère destiné à devenir une rue. Ils y aménagent deux kiosques avec une pancarte, un stationnement, un passage asphalté. Après la publication du jugement d’expropriation en 1982, feu Jean Bigras recherche activement, en vain, Belmont ou son administrateur. Cela le conforte dans sa perception de l’abandon du Terrain.
[29] Puis en 2004, Laval adresse le compte de taxes foncières à feu Jean Bigras en sa qualité d’occupant du Terrain, confirmant le caractère public et non équivoque de sa possession. En outre, malgré l’expropriation, il n’est pas dérangé dans sa possession, le projet de rue tardant à se concrétiser.
[30] Depuis 1967, l’intention de la Famille Bigras de s’affirmer comme seul possesseur du Terrain s’avère manifeste. Et s’il fallait en douter, cette intention se présumerait en raison de sa possession matérielle de ce lot et de son comportement comparable à celui d’un propriétaire. Dans ces circonstances, l’interversion de titre qu’invoque Monit ne devenait pas nécessaire.
[42]
Toutefois, dans ses motifs, la juge n’explique pas pourquoi l’argument
de Monit fondé sur les articles
- IV -
[43] Dans le cadre de son appel, Monit fait valoir deux moyens.
[44]
Elle reproche d’abord à la juge de ne pas avoir considéré la valeur de
son argument fondé sur les articles
[45] À son avis, cette omission constitue une erreur de droit qui justifie la Cour à réévaluer la preuve produite au soutien de la demande en acquisition du droit de propriété par prescription acquisitive :
39. The Appellant submits
that the Trial Judge failed to apply Articles
[46] Elle invite la Cour à conclure que Bigras n’a jamais eu la possession du lot 1 165 905 (ancien lot 215-174), la preuve révélant qu’il a commencé son occupation en vertu d’une permission de Belmont :
43. It was stated explicitly in the Deed that Mr. Bigras could continue to occupy the Lot until the balance of the sale price was paid, and it was not denied by the Respondent that such delay was extended verbally, such that the Respondent occupied the Lot by agreement with the owner;
44. Bigras admitted repeatedly that he was personally aware that the Lot was being used in accordance with the permission granted by Kotler, on behalf of Belmont;
45. It is clear that, at all material times, Succession was aware it was detaining the Lot on behalf of the true owner, Belmont, to which it had sold the Lot;
46. Moreover, even if the detention of Succession extended beyond the original term of such permission, which was verbally extended and never revoked, Article 2913 establishes that it cannot serve as the basis for prescription;
47. Besides, well beyond the original term of the permission of use that was granted to Mr. Jean Bigras by Kotler, Bigras admitted that he knew Belmont was the owner of the Lot;
48. Indeed, he consulted the City of Laval in 1980 to verify who was the owner of the Lot, and got confirmation that Belmont was still the owner of the Lot;
49. Bigras testified that he subsequently tried to contact the owner of the Lot, Belmont, in order to acquire the Lot from them, without success;
50. The attempts to contact Belmont or Kotler were clearly insufficient to found a claim of acquisitive prescription. They appear to have been half-hearted at best, as Succession had, in the Deed, the name of Kotler, the name of the company and Belmont's address;
[47] L’appelante fait par ailleurs valoir qu’en entreprenant des démarches en vue d’acquérir le lot, Bigras a reconnu le domaine supérieur de son auteur Belmont. Dans son mémoire d’appel, elle écrit :
55. Furthermore, even in 2010, when Bigras received an "Avis d'expropriation" from the City of Laval for a lot adjacent to the Lot, Bigras testified that he noted that the Lot was designated as owned by Belmont, and that he decided not to pursue his attempts to buy the Lot from Belmont because of such "Avis d'expropriation";
56. That clearly establishes that the Lot was detained by the Respondent with acknowledgement of superior domain in the 1950s, 1980s and as recently as 2010;
[…]
58. For such detention to serve as a basis for prescription, an interversion of title must be proven on the basis of unequivocal facts;
59. The Court of Appeal, in Perry,
60. The Court clearly
establishes that a party cannot acquire title by acquisitive prescription if it
recognized the superior title of a true owner, unless there is an interversion
of title pursuant to Article
[10] Ainsi, la demanderesse reconnaît qu’elle n’avait que la détention de l’immeuble.
[11] L’article
« La détention ne peut fonder la prescription, même si elle se poursuit au-delà du terme convenu. »
[12] Selon les
commentaires du ministre [3], l’article 2913 reformule la substance du premier
alinéa de l’article
« Ceux qui possèdent pour autrui, ou avec reconnaissance d’un domaine supérieur, ne prescrivent jamais la propriété, pas même par la continuation de leur possession après le terme assigné. Ainsi l’emphytéote, le locataire, le dépositaire, l’usufruitier et tous ceux qui détiennent précairement la chose du propriétaire ne peuvent l’acquérir par prescription. »
[13] La détention de la demanderesse ne peut certainement pas permettre la prescription.
[14] La demanderesse
a-t-elle interverti son titre, au sens de l’article
61. In order to prove such interversion of title, the Respondent would have needed to prove he confronted the true owner, Monit (and/or Belmont), and advised unequivocally that he no longer recognized its title;
[48] Elle termine son argumentaire en disant qu’il n’y a pas eu interversion du titre de Bigras, Belmont ou elle-même n’ayant jamais été confrontées à ses prétentions voulant que la détention se soit transformée en une possession :
79. Moreover, the possession required to acquire title by prescription cannot be established on the basis of acts of tolerance by the true owner;
[96] Les actes de simple tolérance vicient la possession utile pour fin d'acquérir un immeuble par voie de prescription. Dans l'arrêt Gagnon c. Alarie, le juge Jacques Babin cite l'auteur Denis Vincelette lorsque celui-ci décrit ainsi les actes de simple tolérance :
« 2- Actes de simple tolérance
61. Pas plus que les actes de pure faculté, les actes de simple tolérance ne servent d'élément matériel de la possession. La simple tolérance concerne des actes que le titulaire pourrait réprimer, puisque, contrairement aux actes de pure faculté, ils constituent un empiétement véritable quoique partiel et très modeste. Le titulaire s'abstient alors de faire valoir ses droits, tant à cause du peu de préjudice qu'il en subit que par suite de l'utilité pratique que l'auteur de l'empiétement en retire. Son silence procure ainsi, par amitié, bon voisinage, obligeance ou altruisme, un avantage à autrui compatible avec sa propre jouissance. Évidemment, le législateur tient à éviter de décourager une telle conduite éminemment souhaitable pour la cohésion du tissu social. Il évite donc de gratifier le bénéficiaire de la simple tolérance des avantages de la possession au préjudice du généreux titulaire, ce qui entraînerait pour fâcheuse conséquence de mettre ce titulaire sur ses gardes, de l'obliger à se tenir à cheval sur ses droits, bref, à faire montre d'intransigeance. Mieux vaut écarter ces menus accrocs de l'élément matériel de la possession, mais à quel titre?
[Soulignements dans l’original]
80. Succession having occupied the Lot on the basis of a simple tolerance by the true owner, Belmont, possession cannot be established for the purpose of acquisitive prescription;
[…]
83. In this respect, the
Superior Court, in Perry v. Corbeil,
[27] En acquittant les taxes, la demanderesse s’est-elle « insurgée contre son titre », a-t-elle eu une conduite « tout à fait inconciliable avec la reconnaissance du droit réel dans le patrimoine d’autrui »?
[28] Nous estimons que non. Le fait d’acquitter les taxes, bien qu’excédant les obligations légales imposées au locataire par le Code civil du Québec, n’est pas pour autant un geste suffisamment déterminant pour intervertir la détention de la demanderesse en une possession utile à la prescription.
[29] Il ne suffit pas non plus de prétendre que ce geste a été posé à titre de propriétaire :
« L’interversion de titre se produit lorsque le détenteur précaire, qui ne possédait pas en tant que titulaire prétendu, mais au nom d’autrui, se met à posséder pour lui-même.
Il ne lui suffit pas à cette fin de changer d’idée. Il pourrait ainsi causer trop facilement de très désagréables surprises à ceux dont il aurait reconnu le domaine supérieur, en tirant ensuite fort à propos, on ne sait d’où, à l’improviste et comme par magie, des preuves de son intention modifiée. »
[30] On comprend de l’affidavit de la demanderesse qu’elle a commencé à payer les taxes puisque l’immeuble risquait d’être vendu en justice.
84. In the case at hand,
Bigras admitted that he decided to pay the taxes when the City of Laval
informed him that they would sell the Lot if he did not pay them, which is
exactly the factual situation in Perry v. Corbeil,
[49] En conséquence, la détention se serait perpétuée sans se transformer en véritable possession.
[50] Elle plaide également que la juge a commis des erreurs mixtes de droit et de fait en refusant de reconnaître qu’elle était propriétaire en titre du lot 1 165 905 (ancien lot 215-174). Plus précisément, elle soutient que la juge aurait erré en concluant que : (i) l’entièreté du lot 1 165 905 (ancien lot 215-174) a été expropriée alors que la preuve révèle qu’il l’a été en partie seulement; et (ii) le titre de Monit acquis de Belmont ne peut lui être opposé faute d’avoir été publié au registre foncier.
- V -
1. L’application
des articles
[51]
Monit reproche à la juge de ne pas s’être prononcée sur la question de
savoir si Bigras a occupé le lot 1 165 905 (ancien lot 215-174)
avec la permission de Belmont, non plus que sur les conséquences d’une telle
occupation au-delà de la période convenue. En d’autres mots, elle fait valoir
que son argument fondé sur les articles
[52] Monit a raison.
[53] Lorsqu'un juge ne tire pas une conclusion de fait essentielle à la solution d'une question de droit qu'il omet de considérer dans son jugement, la Cour est justifiée d’intervenir pour déduire cette conclusion si la preuve la révèle.
[54] À ce sujet, le professeur Royer écrit :
570 - Présomption de fait ou inférence déduite de faits contestés - […] lorsqu'un juge de première instance ne tire pas une conclusion de fait essentielle à la solution d'une question de droit qu'il omet de considérer dans son jugement, une cour d'appel peut déduire cette conclusion de fait, s'il y a au dossier une preuve suffisante permettant de le faire. […].[9]
[Soulignements ajoutés; renvois omis]
[55] Plus loin il ajoute :
576 - Jugement insuffisamment motivé - Un jugement doit être motivé. Aussi, une cour d'appel peut infirmer, selon la norme de la décision correcte, une décision de première instance erronée ou modifier une conclusion rendue dans l'exercice d'une discrétion judiciaire, si le jugement est insuffisamment motivé et que le tribunal d'appel est de ce fait empêché de pouvoir apprécier la justesse de la décision. Ainsi, une cour d'appel peut infirmer un jugement lorsque le juge de première instance a omis de prendre en considération un élément de preuve, si cette omission était dominante et déterminante dans l'appréciation de la preuve. Il en est ainsi lorsque le juge omet de traiter de faits importants mis en preuve ou lorsqu'il ignore ou rejette sans motivation suffisante un témoignage important et déterminant sur les faits en litige.[10]
[Soulignements ajoutés; renvois omis]
* * *
[56]
Les articles
[57] Ces dispositions sont ainsi rédigées :
2913. La détention ne peut fonder la prescription, même si elle se poursuit au-delà du terme convenu.
2914. Un titre précaire peut être interverti au moyen d’un titre émanant d’un tiers ou d’un acte du détenteur inconciliable avec la précarité.
L’interversion rend la possession utile à la prescription, à compter du moment où le propriétaire a connaissance du nouveau titre ou de l’acte du détenteur. |
2913. Detention cannot serve as the basis for prescription, even if it extends beyond the term agreed upon.
2914. A precarious title may be interverted by a title originating from a third person or by an act performed by the holder which is incompatible with precarious holding.
Interversion renders the possession effective for prescription, from the time the owner learns of the new title or of the act of the holder. |
[58]
Ces articles doivent être lus avec les articles
921. La possession est l’exercice de fait, par soi-même ou par l’intermédiaire d’une autre personne qui détient le bien, d’un droit réel dont on se veut titulaire.
Cette volonté est présumée. Si elle fait défaut, il y a détention.
[…]
923. Celui qui a commencé à détenir pour le compte d’autrui ou avec reconnaissance d’un domaine supérieur est toujours présumé détenir en la même qualité, sauf s’il y a preuve d’interversion de titre résultant de faits non équivoques. |
921. Possession is the exercise in fact, by a person himself or by another person having detention of the property, of a real right, with the intention of acting as the holder of that right.
The intention is presumed. Where it is lacking, there is merely detention.
[…]
923. A person having begun to detain property on behalf of another or with acknowledgement of superior domain is presumed to continue to detain it in that quality unless interversion of title is proved on the basis of unequivocal facts. |
[59] Le professeur Lafond définit la détention ainsi :
627 - La détention représente le deuxième
type de rapport de fait qui puisse exister entre une personne et un bien. Le
détenteur jouit d’un corpus, mais, à la différence du possesseur, il n’a
pas l’animus requis, ce désir de posséder pour lui-même, à titre de
propriétaire. Le second alinéa de l’article
[…]
629 - Contrairement à la possession, la détention prend toujours sa source dans une situation juridique (contrat, jugement, etc.). Elle suppose un titre supérieur que reconnaît le détenteur.[11]
[60] Il précise que si l’animus fait défaut initialement, la situation de précarité ou la détention est présumée se perpétuer :
633 - Une fois commencée, la détention pour
le compte d’autrui continue indéfiniment à ce titre (art.
634 - La précarité subsiste même si le
détenteur continue de garder le bien après l’échéance fixée pour sa restitution
(art.
[…]
637 - Dans le cas où l’animus fait
défaut initialement, une présomption vient énoncer la perpétuité de cet état
(art.
[61] Il rappelle que cette présomption ne peut être renversée par un simple changement d’intention du détenteur. Son renversement nécessite des faits non équivoques :
638 - Cette présomption peut être écartée par
la preuve d’une interversion de titre (art.
639 - Cette preuve de la métamorphose de la
détention en possession ne s’établit pas d’un simple changement d’intention. Il
ne suffit pas que le détenteur affirme ne plus vouloir reconnaître le droit de
celui pour qui il détenait le bien. L’article
[62] Ces faits non équivoques sont, dit-il, de deux ordres :
640 - À vrai dire, le Code limite à deux les
causes d’interversion visant à faire disparaître la précarité, soit la cause
émanant d’un tiers (A.) et la contradiction que le détenteur lui-même oppose au
droit du propriétaire (B.) (art.
[63] Relativement à l’interversion de titres fondés sur les agissements du détenteur, il précise que pour être valable, la prétention de ce dernier doit être clairement dénoncée au propriétaire :
643 - L’interversion de titre peut également provenir des agissements du détenteur lui-même. Dans ce cas, le détenteur doit poser un acte qui va à l’encontre des droits du propriétaire et en aviser ce dernier. On peut citer l’exemple du locataire d’un immeuble qui conteste son titre et se considère désormais comme le véritable propriétaire et qui, en conséquence, cesse de payer son loyer et informe le propriétaire de sa nouvelle détermination. Autre exemple : l’acquéreur d’un bien à tempérament avise le vendeur qu’il entend à l’avenir s’en considérer seul et véritable propriétaire, compte tenu du non-respect des clauses contractuelles.
644 - Pour que l’interversion soit valable,
il faut qu’une véritable contestation du droit de propriété soit en jeu, qu’on
assiste à un réel affrontement juridique entre les parties. Il faut, en outre,
que le détenteur dénonce cette contestation à l’intéressé (art.
[64] Il conclut ainsi :
649 - […] La présomption selon laquelle celui
qui a commencé à posséder pour autrui est présumé continuer à posséder à ce
titre (art.
[65] Le professeur Lamontagne abonde dans le même sens :
[668] L'animus fait défaut au détenteur précaire, à l'utilisateur temporaire, qui a reconnu un domaine supérieur au sien; c'est pourquoi ce détenteur ne peut prescrire contre le propriétaire (923 C.c.Q., id.2203 C.c.B.-C.). […]
[…]
[692] L'interversion peut d'abord résulter du fait d'un tiers non propriétaire ou non titulaire du droit réel principal susceptible de possession, quoique transféré par ce tiers (2914, 1824 C.c.Q.). Le Code civil exige la notification de l'interversion au véritable propriétaire ou au titulaire du droit (2914, second alinéa, C.c.Q., id.2205 C.c.B.-C.). Cette exigence paraît entièrement fondée, surtout lorsque le tiers n'est même pas possesseur ou est un possesseur clandestin. Dans ce dernier cas, en particulier, le détenteur précaire devenu possesseur ne pourra joindre sa possession à celle de son auteur - sans souffrir des vices de la possession clandestine antérieure - qu'en autant que sa propre possession soit utile, notamment publique. Cela suppose évidemment la dénonciation de l'interversion au véritable propriétaire (925, 926, 2914 C.c.Q.).
[693] Le détenteur précaire ne peut modifier son titre solo animo, par sa seule volonté. Mais l'interversion peut résulter d'un acte catégorique - matériel, juridique, judiciaire ou non - du détenteur inconciliable avec la précarité et ce, à la connaissance du titulaire (2914 C.c.Q., id.2205 C.c.B.-C.). En d'autres termes, cet acte doit provoquer le titulaire du droit, contredire sa possession. La nouvelle possession débutera d'ailleurs avec la contradiction. […][17]
[Renvois omis]
* * *
[66] En l’espèce, le contrat de vente intervenu en 1957 prévoit clairement que malgré la vente de ses terres, Bigras va pouvoir continuer de cultiver les terres vendues pour une période d’au plus cinq ans.
[67] Dès lors, le droit d’occupation de Bigras est précaire.
[68] Au fil des ans, non seulement les activités de Bigras sur la partie du lot 215 vendue à Belmont se poursuivent-elles au-delà du terme prévu au contrat de vente, mais elles se métamorphosent et se concentrent sur une partie du lot 215, soit celle qui deviendra, en 1961, le lot 215-174 et par la suite le lot 1 165 905 lors de la rénovation cadastrale. La poursuite de ces nouvelles activités sur une période de quarante ans n’a néanmoins pas modifié la situation de précarité qui prévalait au départ.
[69] La raison en est fort simple. Bigras n’a jamais avisé les propriétaires du lot 1 165 905 (ancien lot 215-174) ou celui qui a été titulaire d’un droit d’administration sur celui-ci, à savoir le sous-ministre du Revenu, qu’il contestait leur droit de propriété ou autres droits, par exemple, en les informant qu’il n’occupait plus ce lot en vertu de la permission de 1957.
[70] J’ajoute que si changement d’intention il y a eu, celui-ci ne s’est opéré au plus tôt qu’en 1982, lorsque le fils de Bigras a entrepris des démarches auprès de la Ville de Laval en vue d’acquérir le lot 1 165 905 (ancien lot 215-174). Et encore, son intention n’était alors pas de contester le titre de propriété de Belmont ou de son ayant droit Monit, ou encore de celui de l’administrateur des biens de Monit, en l’occurrence le sous-ministre du Revenu, mais plutôt d’acheter ce lot à sa juste valeur.
[71] Cela confirme qu’il reconnaissait le domaine supérieur d’autrui.
[72] Quant au paiement des taxes foncières effectuées à compter de 2004, il ne s’agit pas d’un geste établissant l’interversion du titre. La preuve révèle plutôt que Bigras les a payées à la seule fin d’être en mesure de continuer d’occuper le terrain. De toute façon, même en considérant que le paiement des taxes afférentes au lot 1 165 905 (ancien lot 215-174) pouvait constituer une interversion, le délai couru entre le premier paiement et l’introduction du recours ne pouvait fonder la prescription décennale.
[73] En somme, la preuve révèle que Bigras a toujours su qu’il n’était pas propriétaire du lot 1 165 905 (ancien lot 215-174), étant celui qui l’a vendu et qui s’est vu accorder une permission spéciale de l’occuper.
[74] Dans ces circonstances, il lui appartenait de dénoncer au véritable propriétaire que sa détention s’était transformée en une véritable possession. Ne l’ayant pas fait, il ne peut prétendre avoir acquis le lot par prescription.
2. Le titre de propriété de Belmont
[75] La juge commet une erreur manifeste lorsque, au paragraphe [24] du jugement, elle conclut qu’au moment de céder tous ses biens à sa seule actionnaire Monit, Belmont n’a pu lui transférer la propriété du lot 1 165 905 (ancien lot 215-174) parce que celui-ci avait été exproprié. La raison en est fort simple. La preuve révèle qu’au moment où ce transfert est survenu, soit le 1er mars 2001, seule une petite partie du lot 1 165 905 (ancien lot 215-174) avait fait l’objet d’une expropriation.
[76] De fait, à la suite des procédures d’expropriation entamées en 1973, le résidu du lot 1 165 905 (ancien lot 215-174) est demeuré la propriété de Belmont jusqu’en 2001, époque où il a été transféré à Monit.
[77] La juge commet une seconde erreur lorsqu’elle conclut que Monit ne détenait aucun titre de propriété sur le lot 1 165 905 (ancien lot 215-174) ou que si elle en détenait un, il ne pouvait lui être opposé faute par elle d’avoir requis une correction du cadastre à la suite de la réforme de 1998 et, par la suite, d’avoir fait publier son titre au registre foncier. Cette conclusion se trouve aux paragraphes [25] du jugement que je cite à nouveau, à des fins de commodité :
[25] Par ailleurs, Belmont n’a pu transférer la propriété du Terrain à Monit puisque ce lot avait quitté son patrimoine à l’occasion de l’expropriation de 1978. En outre, s’il fallait considérer le transfert valide, il ne serait pas opposable aux tiers en raison de sa non-publication. Le défaut de titre de Monit s’avère donc fatal.
[78]
Si la publication d’un droit le rend opposable aux tiers, cela ne
signifie pas qu’il ne peut plus l’être autrement. L’inscription d’un droit au
registre foncier, nous dit l’article
2944. L’inscription d’un droit sur le registre des droits personnels et réels mobiliers ou sur le registre foncier emporte, à l’égard de tous, présomption simple de l’existence de ce droit. |
2944. Registration of a right in the register of personal and movable real rights or the land register entails, as against all persons, a simple presumption of the existence of that right. |
[79] Le professeur Normand abonde en ce sens :
À la présomption de connaissance des droits réels,
la loi ajoute une présomption d’existence des droits inscrits au
registre foncier (2944 C.c.Q.). Jusqu’à preuve du contraire, les énonciations
qui se trouvent dans le registre foncier sont considérées vraies. Cette
présomption quant à l’exactitude des énonciations est simple (2847 al.
[…]
Le régime de la publicité foncière, malgré les avantages qu’il présente, n’a pas pour effet de prouver l’existence d’un droit. Une personne ne saurait prendre appui sur la publication d’un acte de vente pour établir la preuve qu’elle est propriétaire d’un immeuble. En principe, tous les actes qui forment la chaîne des titres d’un immeuble doivent être examinés en vertu de la règle suivant laquelle « Nul ne peut céder à autrui plus de droit qu’il n’en a lui-même » (Nemo plus juris ad alium transferre potest quam ipse habet). Toutefois, la prescription acquisitive (infra : chapitre 13), qui accorde des effets importants à la possession, permet de limiter les examens de titres dans le temps et de prouver, compte tenu des effets limités de la publicité foncière, l’existence d’un titre de manière irrévocable.[18]
[80]
Ainsi, même en l’absence d’une publication de son titre de propriété,
Monit demeurait en droit d’en faire la preuve et de l’opposer à Bigras.
L’absence de publication n’aurait été conséquente que si un tiers avait acquis
la propriété du lot 1 165 905 (ancien lot 215-174) de Belmont et
avait fait publier son droit ou son titre avant Monit, l’article
2946. De deux acquéreurs d’un immeuble qui tiennent leur titre du même auteur, le droit est acquis à celui qui, le premier, publie son droit. |
2946. Where two acquirers of an immovable hold their title from the same predecessor in title, the right is acquired by the acquirer who first publishes his right. |
[81] Dit autrement, l’absence de publication n’aurait été conséquente qu’en cas de concours entre des droits opposés sur un même immeuble :
[9] Les défenderesses invoquent les dispositions du Code civil portant sur la Publicité des droits et soutiennent que l'acte sous seing privé allégué par Iberville leur est inopposable. Pour cette raison, l'amendement ne devrait pas être permis car d'aucune utilité.
[10] Le Tribunal n'est pas d'accord. En premier lieu, il est bon de rappeler qu'entre les parties le transfert de propriété résultant d'un acte sous seing privé produit tous ses effets. Ensuite, ces dispositions du Code civil trouvent leur application uniquement en cas de concours entre droits opposés ou rivaux affectant un même immeuble (Chaput c Hébert, [1932] 53 C.B.R. 47, p. 52-53).[19]
[82] Tel n’est pas le cas en l’espèce.
[83] En somme, j’estime que la juge ne pouvait conclure que faute d’avoir fait publier son titre de propriété, Monit ne pouvait plus prétendre y avoir droit. Au vu de la preuve, la juge ne pouvait nier son titre de propriété.
3. Conclusion
[84] Pour ces motifs, je propose d’accueillir l’appel de Monit et de rejeter la demande en acquisition du droit de propriété par prescription décennale de l’intimée Succession de feu Jean Bigras, avec les frais judiciaires devant les deux instances.
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JEAN-FRANÇOIS ÉMOND, J.C.A. |
[1]
Bigras (Succession de) c. Québec (Sous-ministre du Revenu),
[2] Pièce P-9 : Jugement d’homologation du 12 juillet 1978 et enregistré le 12 mars 1982; Pièce I-11 : Requête en désistement du 12 septembre 1979.
[3] Pièce I-11 : Requête en désistement du 12 septembre 1979.
[4] Pièce P-8 : Extraits de la Gazette officielle du Québec des 18 novembre 1978 et 13 janvier 1979.
[5] Pièce P-4 : Index des immeubles du 23 mars 2011.
[6] Pièce P-15 : Correspondance échangée entre le ministère des Ressources naturelles du Québec et la Ville de Laval dans le cadre de la réforme cadastrale, 1997 et 1998.
[7] Jugement porté en appel, paragr. 14.
[8] Id., paragr. 1.
[9]
Jean-Claude Royer et Catherine Piché,
[10] Id., n˚ 576.
[11]
Pierre-Claude Lafond,
[12] Id., n˚ 633, 634 et 637, p. 243 et 244.
[13] Id., n˚ 638 et 639, p. 244 et 245.
[14] Id., n˚ 640, p. 245.
[15] Id., n˚ 643 et 644, p. 246.
[16] Id., n˚ 649, p. 248.
[17]
Denys-Claude Lamontagne,
[18]
Sylvio Normand,
[19]
Location les développements Iberville ltée c. Neilson Inc.,