Leyton c. Valerio |
2015 QCRDL 23336 |
RÉGIE DU LOGEMENT |
||||||
Bureau dE Montréal |
||||||
|
||||||
No dossiers : |
208643 31 20150330 G 222635 31 20150615 N |
No demandes : |
1713907 1770967 |
|||
|
|
|||||
Date : |
16 juillet 2015 |
|||||
Régisseure : |
Manon Talbot, juge administratif |
|||||
|
||||||
Gustavo Leyton
Juliana Murillo |
|
|||||
Locataires - Partie demanderesse (208643 31 20150330 G) Partie défenderesse (222635 31 20150615 N) |
||||||
c. |
||||||
VITO VALERIO |
|
|||||
Locateur - Partie défenderesse (208643 31 20150330 G) Partie demanderesse (222635 31 20150615 N) |
||||||
|
||||||
D É C I S I O N
|
||||||
[1] Le Tribunal est saisi de deux demandes, lesquelles sont
réunies conformément à l’article
[2] Par sa demande introduite le 30 mars 2015, les locataires demandent la résiliation du bail à compter du 1er mai 2015 à la suite des refus injustifiés du locateur à la cession de bail. Il demande également l’exécution provisoire de la décision et les frais judiciaires.
[3] De son côté, par une demande introduite le 15 juin 2015, le locateur demande les loyers perdus à la suite du départ des locataires le 1er mai 2015 (1 420 $), soit les mois de mai et juin 2015.
[4] Les parties étaient liées par un bail renouvelé du 1er juillet 2014 au 30 juin 2015 au loyer mensuel de 710 $ payable le 1er jour de chaque mois.
[5] Les locataires sont représentés à l’audience par leur fils (Leyton) et le locateur est également représenté par son fils (Valerio).
[6] Les mandataires à l’audience ont également représenté leurs parents dans le cadre des faits pertinents au litige.
QUESTIONS EN LITIGE
[7] Les locataires ont-ils valablement avisé le locateur de leur intention de céder leur bail?
[8] Dans l’affirmative, est-ce que les refus du locateur, si refus il y avait, étaient justifiés?
ANALYSE ET CONTEXTE
[9] Les locataires ont quitté le logement le 26 avril 2015 après avoir fait remise des clés au locateur.
[10] Il s’agit d’un logement situé au deuxième étage d’un duplex, dont le rez-de-chaussée est occupé par Valerio et sa famille.
[11] À l’automne 2014, Leyton avise le locateur que ses parents, lesquels habitent dans les lieux loués depuis plus de 15 ans, souhaitent déménager prochainement.
[12] Un premier départ fut ainsi prévu pour la fin du mois de novembre 2014 et reporté pour le 1er avril 2015 pour finalement quitter officiellement le 26 avril 2015.
[13] Une entente est immédiatement intervenue dès le mois de janvier 2015 entre les mandataires des parties voulant que tant Valerio et Leyton tenteront de louer ce logement et Leyton procédera à la visite des lieux par les locataires potentiels.
[14] Ainsi, Leyton expédie à Valerio au tout début de février 2015 un formulaire de références, remis par ce dernier, où il inscrit les noms d’un couple vivement intéressé par ce logement à partir du mois d’avril, soit Mohamed Cherfioui et sa conjointe avec toutes leurs coordonnées.
[15] Ces derniers ne recevant pas d’appel de Valerio, Leyton leur suggère de communiquer directement avec lui, afin de discuter. Il leur remet donc les coordonnées de ce dernier.
[16] Deux semaines après avoir discuté avec Valerio et irrité par le mutisme complet de ce dernier et des exigences inattendues, ils avisent Leyton qu’ils ne sont plus intéressés par la location de ce logement.
[17] Présent à l’audience, M. Cherfioui témoigne qu’il fut désintéressé pour la location de ce logement en raison de l’absence de réponse du locateur et au surplus par les nouvelles conditions du bail, alors que le locateur exige au moins 50 $ de plus, dès le 1er juillet 2015. De toute façon, Valerio l’informait au même moment qu’un autre couple était intéressé au même logement, lequel est d’accord à payer 60 $ de plus du loyer actuel.
[18] En outre, ajoute le témoin Cherfioui, Valerio n’a jamais communiqué avec son employeur afin de corroborer son salaire, bien qu’il lui ait remis toutes les informations de ce dernier, incluant son cellulaire.
[19] Il en a déduit, tient-il à préciser, que Valerio ne fut aucunement intéressé à leur louer ce logement.
[20] Exacerbé par l’attitude de Valerio, Leyton expédie le 14 mars 2015 une nouvelle cession de bail suivant le formulaire de la Régie en faveur de Dahmane Abdelaziz et Laimeche Zohra à compter du 1er avril 2015.
[21] Lors de la réception de cette cession de bail le même jour, une altercation verbale entre Valerio et Leyton nécessite une intervention policière, alors que Valerio fut choqué par un tel document tout en mentionnant qu’il ferait tout en son possible pour lui nuire.
[22] Le 24 mars 2015, Valerio transmet aux locataires son refus de la cession proposée pour le reste du terme, car les cessionnaires ont décidé de ne plus louer, tout en leur remettant un écrit voulant qu’il accuse réception de leur non-renouvellement du bail, lequel se termine au 30 juin 2015, et en leur spécifiant leur responsabilité de payer leur loyer jusqu’à la fin du terme.
[23] Dans cette même lettre, Valerio les informe qu’à compter du 25 mars suivant, soit les mardis et dimanches, de midi à 19h, les visites pourront se faire sans autre avis.
[24] Valerio, quant à lui, admet avoir reçu les informations sur le couple Cherfioui et allègue que ces derniers ne se sont pas présentés à une rencontre prévue le 24 février 2015.
[25] De toute façon, ajoute-t-il, il n’avait pu obtenir de précisions sur la capacité de payer des cessionnaires, n’ayant pu discuter avec l’employeur d’un des derniers, malgré ses nombreux appels, ce qui fut entièrement contredit par un témoignage sincère et crédible de M. Cherfioui.
[26] Concernant la cession de bail suivante, Valerio témoigne avoir reçu un appel d’un des cessionnaires l’informant de leur désistement. Il a donc obtenu la signature de ces derniers confirmant ce désistement.
[27] Il ajoute que le logement fut reloué le 1er juillet suivant, sans toutefois produire le bail, mais en précisant qu’il avait fait des travaux le 20 juin dernier pour changer les tuiles dans le logement.
[28] Ainsi se résume l’essentiel de la preuve présentée par les parties.
DÉCISION
[29] Les articles de loi pertinents aux présentes demandes sont les suivants :
« 1870. Le locataire peut sous-louer tout ou partie du bien loué ou céder le bail. Il est alors tenu d'aviser le locateur de son intention, de lui indiquer le nom et l'adresse de la personne à qui il entend sous-louer le bien ou céder le bail et d'obtenir le consentement du locateur à la sous-location ou à la cession. »
« 1871. Le locateur ne peut refuser de consentir à la sous-location du bien ou à la cession du bail sans un motif sérieux.
Lorsqu’il refuse, le locateur est tenu d’indiquer au locataire, dans les quinze jours de la réception de l’avis, les motifs de son refus; s’il omet de le faire, il est réputé avoir consenti. »
[30] Cette disposition implique donc que le locateur doit, dans le délai imparti, transmettre au locataire, l’ensemble des motifs justifiant son refus. En l’absence de réponse du locateur, il est présumé avoir accepté la cession.
[31] Aussi, à notre avis, le défaut du locateur de formuler des motifs de refus équivaut à son silence et fait présumer l’acceptation quant à cette cession.
[32] En effet, la loi prévoit que le locateur ne peut refuser une telle cession sans un motif sérieux.
[33] Comme le soulignait, le Juge Michel Lassonde dans l’affaire Rondeau c. Guay[1] :
« L’utilisation du terme sérieux par le législateur laisse clairement transpirer l’intention de ce dernier de restreindre la marge de manœuvre du locateur. »
[34] En effet, la cession du bail est un droit consenti par la loi et une des composantes du droit au maintien dans les lieux. Le locateur ne peut mettre en échec ce droit, hormis les cas prévus à la loi et en l’absence du consentement du locataire.
[35] On considère généralement que les motifs du locateur doivent être fondés sur la qualité même du cessionnaire. Suivant la jurisprudence consultée par le Tribunal, le refus du locateur peut être fondé sur la capacité de payer du cessionnaire, son insolvabilité ou son défaut de se conformer aux obligations résultant du bail[2].
[36] Notre collègue, le juge administratif Gérald Bernard, rappelait dans l’affaire Grégorio c. Bédard[3], les principes suivants :
« Le législateur reconnaît à un locataire le droit de céder le bail s’il avise le locateur de son intention et lui indique le nom et l’adresse de la personne qui doit lui être substituée comme cocontractant et comme locataire. Le législateur entend assurer la survie et la continuité du bail et maintenir la force obligatoire du contrat malgré le changement de la personne du locataire.
Ce droit appartient au locataire et le locateur ne peut y faire échec sans motifs importants et graves. (...)
Le droit à la cession conféré au locataire participe à l’affirmation des mêmes principes à l’origine de la législation édictant des règles particulières au bail d’un logement, soit le droit pour un locataire au maintien dans les lieux loués et le contrôle des loyers. (...)
Les dispositions du Code civil relatives à la cession expriment le souci de constance et de cohérence du législateur, soit celui de maintenir le stock de logements locatifs, de protéger les locataires en leur conférant le droit au maintien dans les lieux, d’imposer des règles assurant la survie de ce dernier principe en maintenant l’existence de l’acte juridique, soit le bail. (...)
Cependant, lors de la cession exercée par le locataire, le législateur permet au locateur, pour des motifs sérieux, d’y faire échec afin de s’assurer que la personne cessionnaire en soit une prudente, diligente, soucieuse et respectueuse de ses obligations que lui impose le contrat. Ainsi, un locateur pourra s’objecter à la cession si le cessionnaire proposé est insolvable ou incapable de respecter les obligations assumées par le bail ou imposées par la loi. Il ne pourra refuser de consentir à la cession de bail sous prétexte qu’il propose au cédant de résilier le contrat ».
[37] En l’instance, la preuve fut admise par le mandataire du locateur qu’une cession de bail fut proposée par les locataires en faveur du couple Cherfioui.
[38] Cependant devant une lenteur, voire un total désintéressement du locateur, en plus d’exigences abusives, soit une augmentation substantielle du loyer, tous ces gestes ont ainsi dissuadé les cessionnaires de conclure la cession du bail et, incidemment, de libérer les locataires de leurs obligations.
[39] La preuve dans son ensemble démontre une résistance certaine, persistante et injustifiée du mandataire du locateur à la cession du bail. C’est en raison de mesures exagérées, inopportunes et injustifiées et une lenteur chronique à répondre au couple Cherfioui que la cession envisagée par les locataires n’a pu être mise en œuvre et qu’ils n’ont pu valablement céder le bail pour la date prévue du 1er avril 2015.
[40] Le mandataire du locateur a donc été l’artisan de son propre malheur.
[41] Le Tribunal est d’avis que le bail aurait pu être valablement cédé au couple Cherfioui, n’eut été des exigences excessives et injustifiées du mandataire du locateur faites à l’égard des candidats cessionnaires du bail comme à l’égard des locataires, tout comme son mutisme injustifié à répondre.
[42] Le mandataire du locateur fut plutôt motivé par une crainte de ne pouvoir louer ce logement à un loyer nettement supérieur au loyer actuel à partir du 1er juillet 2015, tout en voulant conserver ses revenus de loyer pour les mois d’avril, mai et juin 2015 et probablement par l’ignorance des conditions et exigences raisonnables et utiles qui sont relatives au droit à la cession d’un bail et qui doivent guider les parties en pareil cas.[4]
[43] Ainsi, afin d’atteindre ses objectifs il a interprété plus tard le désir des locataires à quitter leur logement avant la fin du terme à un non-renouvellement de bail alors que la preuve admise par les parties est que tout fut mis en œuvre afin de trouver un autre locataire le plus rapidement possible par une cession.
[44] En l’instance, la preuve non contestée révèle que le locateur n’a nullement répondu pour refuser les cessionnaires qui lui furent proposés (Cherfioui), si ce n’est qu’il n’avait pu les rencontrer et par leur allégation entièrement contredite de l’impossibilité de recevoir des informations sur leur situation financière.
[45] C’est donc à bon droit que les locataires ont quitté le logement pour faire suite à l’absence de réponse du locateur pour la cession qui lui était proposée.
[46] En effet, les conditions, mutisme et exigences du locateur étaient tel qu’il a empêché la cession éventuelle au couple Cherfioui causant un préjudice sérieux aux locataires et justifiant la résiliation à partir du 1er mai 2015.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
Dossier 208643 31 20150330 :
[47] RÉSILIE le bail des locataires aux torts du locateur, rétroactivement au 1er mai 2015;
[48] CONDAMNE le locateur à payer aux locataires la somme de 80 $ représentant les frais judiciaires.
Dossier 222635 31 20150615
[49] REJETTE la demande du locateur.
|
|
|
|
|
Manon Talbot |
||
|
|||
Présence(s) : |
le mandataire des locataires le mandataire du locateur |
||
Date de l’audience : |
25 juin 2015 |
||
|
|||
|
|||
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.