Desjardins (Gestion Le Laurentien) c. Arian | 2024 QCTAL 13392 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||
Bureau de Montréal | ||||
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No dossier: | 696729 31 20230331 F | No demande: | 3866400 | |
RN :
| 3941973
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Date : | 18 avril 2024 | |||
Devant le greffier spécial : | Me Philippe Manuguerra | |||
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Mireille Desjardins FAISANT AFFAIRES SOUS LE NOM DE Gestion le Laurentien | ||||
Locatrice - Partie demanderesse | ||||
c. | ||||
Nadia Arian | ||||
Locataire - Partie défenderesse | ||||
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D É C I S I O N
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[1] La locatrice a produit une demande de fixation de loyer, conformément aux dispositions de l’article 1947 du Code civil du Québec[1] (ci-après : « Code civil »), ainsi qu’une demande de remboursement des frais.
[2] Le Tribunal, lorsque saisi d'une demande de fixation de loyer, détermine le montant du loyer selon les critères prévus au Règlement sur les critères de fixation de loyer[2] (ci-après : « Règlement »).
[3] Suivant ce Règlement, l'ajustement du loyer est calculé à partir du loyer payé au terme du bail, en tenant compte de la part attribuable du logement et en fonction de certaines dépenses précises encourues par la locatrice durant l'année de référence.
[4] En tant que demanderesse, la locatrice assume le fardeau de prouver[3], lors de l'audience, les montants inscrits au formulaire de renseignements nécessaires à la fixation du loyer (ci-après : « Formulaire »).
[5] Plusieurs dossiers de fixation de loyer visant des logements du même immeuble ou du même ensemble immobilier et concernant la même période de référence ont été entendus en même temps, conformément à l’article 57 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[4].
[6] Les parties sont liées par un bail du 1er juillet 2022 au 30 juin 2023, à un loyer mensuel de 1 120,00 $.
[7] Le Tribunal a bien pris note de l’ensemble des témoignages et de la preuve administrée devant lui, mais il ne sera fait mention dans la présente décision que des éléments pertinents retenus pour fonder celle-ci.
[8] La partie demanderesse a soumis au Tribunal les pièces justificatives au soutien du Formulaire.
[9] S’agissant des factures d’entretien, il s’avère que certaines d’entre elles émanent d’une entreprise liée à la locatrice, en l’occurrence celle de son conjoint. Considérant que ces factures ne contenaient que peu de détails, le Tribunal a autorisé la locatrice à produire, après l’audience, des descriptions détaillées des opérations d’entretien auxquelles réfèrent les factures de l’entreprise concernée.
[10] Lorsqu’un locateur fait affaire avec une entreprise liée, il doit démontrer que le montant des dépenses est bien fondé et raisonnable, faute de quoi le Tribunal peut écarter la dépense[5].
[11] Les dépenses facturées par l’entreprise liée à la locatrice totalisent 50 938, 54 $. Parmi elles, 36 723,02 $ concernent la « désinfection covid-19 » l’immeuble. Dans sa description accompagnant les factures, la locatrice explique que la désinfection a nécessité approximativement deux heures par jour, durant une grande partie de l’année.
[12] Le Tribunal est d’avis que les explications fournies sont insuffisantes pour considérer raisonnables de tels coûts. Par ailleurs, les différences très importantes de nombre d’heures consacrées à cette tâche d’un mois sur l’autre constatées dans les factures affaiblissent la version de la locatrice.
[13] Le fait que les dépenses de désinfection se soient poursuivies jusqu’en octobre 2022, soit bien après la levée de la plupart des mesures sanitaires, interrogent aussi sur leur raisonnabilité.
[14] Le Tribunal estime que la locatrice ne s’est pas déchargée de son fardeau de démontrer que les dépenses de désinfection étaient raisonnables et bien fondées. Elles seront donc écartées du calcul de l’ajustement du loyer.
[15] Quant aux autres dépenses d’entretien perçues par l’entreprise liées, la locatrice a fourni des descriptions détaillées, avec les journées précises des interventions et les factures des matériaux employés le cas échéant. Le Tribunal retient donc, pour ces dépenses, qu’elles sont raisonnables et bien fondées.
[16] S’agissant des dépenses de gestion, la locatrice requit qu’ils soient fixés à plus de 5% du revenu généré par l’immeuble comme le permet le Règlement. La preuve administrée permet de faire droit à cette demande.
[17] S’agissant des réparations et travaux majeurs, une dépense de 17 934,00 $ est contestée par la locataire. Cette dernière nie la survenance de travaux de peinture.
[18] Hormis le cas particulier ci-avant évoqué de l’entreprise liée au demandeur, il importe de rappeler qu’vertu de l’article 2931 du Code civil, une facture bénéficie d’une présomption de véracité. Le seul témoignage de la locataire ne suffit pas à faire échec à cette présomption.
[19] Considérant que la locatrice a bien soumis au Tribunal la preuve reliée aux travaux de peinture, le Tribunal retient que la locatrice s’est bien déchargée de son fardeau à cet égard.
[20] Après calcul, l’ajustement du loyer permis en vertu du Règlement sur les critères de fixation de loyer[6] est de 118,77 $ par mois, s’établissant comme suit :
Taxes municipales et scolaires | 40,10 $ |
Assurances | 8,14 $ |
Gaz | 38,30 $ |
Électricité | 0,26 $ |
Mazout | 0,00 $ |
Frais d’entretien | 17,58 $ |
Frais de services | 0,00 $ |
Frais de gestion | 2,51 $ |
Réparations majeures, améliorations majeures, mise en place d’un nouveau service |
5,06 $ |
Ajustement du revenu net | 6,82 $ |
TOTAL | 118,77 $ |
[21] En ce qui concerne les frais, les critères cumulatifs devant être rencontrés par la partie demanderesse furent décrits par la greffière spéciale Me Isabelle Hébert[7] :
« [27] Tel que rappelé par le Bureau de révision dans la décision A. Rossi buildings c. Bradley[5] et plus récemment dans Capital Augusta Inc. c. Faye[6], contrairement aux dossiers civils où le tribunal condamne généralement la partie perdante au paiement des frais, le principe applicable en matière de fixation de loyer veut que le locateur assume les frais entourant sa demande de fixation.
[28] Lorsque le locateur demande au tribunal de renverser cette règle et de condamner le locataire au remboursement des frais, celui-ci doit non seulement obtenir un ajustement de loyer égal ou supérieur au montant demandé dans l’avis de modification, mais aussi démontrer que le locataire a usé de son droit de refus de manière déraisonnable.
[29] Ainsi, un locataire qui disposait des renseignements pertinents au calcul de l’augmentation lui permettant de prendre une décision éclairée relativement à la proposition d’augmentation ou qui aurait refusé systématiquement toute négociation ou discussion avec le locateur pourrait être condamné à rembourser au locateur les frais payés par ce dernier pour l’introduction de la demande, de même que certains coûts associés à sa signification. »
(références omises)
[22] Dans la présente instance, le montant octroyé par le Tribunal est supérieur ou égal au montant souhaité par la locatrice et il a été établi que les renseignements nécessaires et pertinents ont été communiqués à la partie défenderesse en temps opportun, lui permettant ainsi de faire un choix éclairé quant à l’augmentation de loyer proposée et l’opportunité de la refuser.
[23] Les frais applicables seront donc adjugés contre la partie défenderesse, selon le Tarif des frais exigibles par le Tribunal administratif du logement[8].
[24] CONSIDÉRANT l'ensemble de la preuve faite à l'audience;
[25] CONSIDÉRANT la jurisprudence unanime à l’effet que le loyer fixé par règlement peut être supérieur ou inférieur à celui mentionné dans l’avis de modification;
[26] CONSIDÉRANT qu’un ajustement mensuel de 118,77 $ est justifié;
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[27] FIXE le loyer, après arrondissement au dollar le plus près, à 1 239,00 $ par mois, du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024.
[28] CONDAMNE la partie défenderesse à payer à la partie demanderesse les frais de justice totalisant 84,00 $[9].
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Me Philippe Manuguerra, greffier spécial | ||
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Présence(s) : | la mandataire de la locatrice la locataire | ||
Date de l’audience : | 15 février 2024 | ||
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[1] Chapitre CCQ-1991.
[2] RLRQ, c. T-15.01, r. 2.
[3] Art. 2803 du Code civil.
[5] Voir notamment Bessette c. Deslauriers,
[6] RLRQ, c. T-15.01, r. 2.
[7] Warren c. Lamothe, 2013 CanLII 132138 (QC RDL).
[8] Tarif des frais exigibles par le Tribunal administratif du logement, RLRQ, T-15.01, r. 6. L’article 7 indique que les frais comprennent les frais de timbre, plus les frais maximums de notification ou de signification.
[9] Les frais applicables sont adjugés contre la partie défenderesse, selon le Tarif des frais exigibles par le Tribunal administratif du logement, RLRQ, T-15.01, r. 6, qui comporte des frais maximums pour la notification.
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