Décision

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Décision

Serouilles Deber c. Choi

2017 QCRDL 36140

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

263834 31 20160301 G

No demande :

1945667

 

 

Date :

08 novembre 2017

Régisseur :

Serge Adam, juge administratif

 

Gilles Serouilles Deber

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

Siew Kian Choi

 

Locateur - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      Le locataire réclame une somme de 477.35 $ en dommages avec intérêts et frais.

[2]      Il soutient avoir convenu verbalement avec Mario, le concierge du locateur, un bail d’une chambre au loyer mensuel de 350 $, devant débuter le 1er février 2016.

[3]      Il remet alors au concierge la somme de 350 $ en argent comptant par deux versements, l’un le 27 janvier au montant de 205 $ et l’autre le 5 févier au montant de 145 $, en plus de verser une somme de 35 $, représentant un dépôt pour les clefs.

[4]      Or, il se présente le 5 février 2016 afin d’emménager dans sa chambre. Il constate que celle-ci est dans un état repoussant et l’odeur est tellement nauséabonde qu’il lui est impossible d’y emménager, d’autant plus que le locateur présent sur place l’informe que le matelas est infecté de punaises de lit. Des photographies sont alors prises par le locataire et produites lors de l’audience tenue le 30 octobre 2017.

[5]      Sur cette dernière allégation, le locateur nie avoir déjà rencontré ce locataire et prétend que son ancien concierge Mario n’est plus à son emploi depuis plus de trois ans. Il nie donc avoir reçu quelque montant du locataire et qu’il y ait eu un bail verbal. Il ne reconnaît pas la signature des reçus

[6]      Le locataire réclame donc son loyer de février qu’il prétend avoir payé et son dépôt de 35 $ ainsi que des frais d’entreposage de ses biens pour une courte durée au montant de 67,85 $ et des frais de transport au montant de 24,50 $.

[7]      Ainsi se résume l’essentiel de la preuve produite par les parties.


Décision

[8]      Le Tribunal considère important de mentionner les règles et critères applicables dans le cadre du fardeau de la preuve.

[9]      L'article 2845 C.c.Q. prévoit que :

« 2845. La force probante du témoignage est laissée à l'appréciation du tribunal. »

[10]   Le rôle principal des parties dans la charge de la preuve est établi aux articles 2803 et 2804  C.c.Q. qui prévoient:

« 2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée. »

« 2804. La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante. »

[11]   Quant aux critères qui peuvent être utilisés par le Tribunal pour analyser la crédibilité des témoignages, la Cour du Québec dans l'affaire Eustache c. la Compagnie d'assurance Bélair(1) précise :

« [40] Les critères retenus par la jurisprudence pour jauger la crédibilité, sans prétendre qu'ils sont exhaustifs, peuvent s'énoncer comme suit :

Les faits avancés par le témoin sont-ils eux-mêmes improbables ou déraisonnables?

Le témoin s'est-il contredit dans son propre témoignage ou est-il contredit par d'autres témoins ou par des éléments de preuve matériels?

La crédibilité du témoin a-t-elle été attaquée par une preuve de réputation?

4. Dans le cours de la déposition du témoin, y a-t-il quoi que ce soit qui tend à le discréditer?

5. La conduite du témoin devant le Tribunal et durant le procès révèle-t-elle des indices permettant de conclure qu'il dit des faussetés?

[41] Ces critères d'appréciation de la crédibilité doivent être utilisés pour l'appréciation d'un témoignage en tenant compte non seulement de ce qui est dit devant le Tribunal, mais aussi en regard des autres déclarations que le témoin a pu faire ailleurs ».

Le locataire doit donc présenter au juge une preuve qui surpasse et domine celle du locateur.

Dans leur traité de La preuve civile (4e édition)(2), les auteurs Jean-Claude Royer et Sophie Lavallée précisent:

« Il n'est donc pas requis que la preuve offerte conduise à une certitude absolue, scientifique ou mathématique. Il suffit que la preuve rende probable le fait litigieux. »

Ces mêmes auteurs écrivant quant à l'appréciation de la prépondérance mentionnent :

« Pour remplir son obligation de convaincre, un plaideur doit faire une preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante. Le degré de preuve requis ne réfère pas à son caractère quantitatif, mais bien qualitatif. La preuve produite n'est pas évaluée en fonction du nombre de témoins présentés par chacune des parties, mais en fonction de leur capacité de convaincre. Ainsi, le plaideur doit démontrer que le fait litigieux est non seulement possible, mais probable. Dans l'appréciation globale d'une preuve, il n'est pas toujours facile de tracer la ligne de démarcation entre la possibilité et la probabilité. »

L'auteur Léo Ducharme(3) s'exprime ainsi quant au fardeau de preuve :

« S'il est nécessaire de savoir sur qui repose l'obligation de convaincre, c'est afin de déterminer qui doit assumer le risque de l'absence de preuve. En effet, si par rapport à un fait essentiel, la preuve n'est pas suffisamment convaincante, ou encore si la preuve est contradictoire et que le juge est dans l'impossibilité de déterminer où se situe la vérité, le sort du procès va se décider en fonction de la charge de la preuve : celui sur qui reposait l'obligation de convaincre perdra ».

[12]   En l'instance, c'est sur les épaules du locataire qu'incombait le fardeau de démontrer l'existence du paiement du loyer de février 2016 et le défaut du locateur de délivrer la chambre convenue en bon état d’habitabilité.


[13]   D’une part, le Tribunal estime convaincant le témoignage précis du locataire quant à la remise à deux reprises d’une somme d’argent au concierge Mario, la version du locateur étant vague et imprécise à cet égard.

[14]   D’autant plus que le locateur corrobore l’existence d’un certain Mario comme concierge dans les années passées et le locataire dans son témoignage très convaincant affirme que c’est le locateur lui-même qui lui a ouvert la porte, lors de son emménagement en févier 2016.

[15]   Conséquemment le Tribunal fera droit à la demande du locataire car il est profondément convaincu que la chambre dont il devait prendre possession ne fut pas délivrée en bon état d’habitabilité et condamnera le locateur à payer au locataire la somme réclamée de 477,35 $.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[16]   CONSTATE la résiliation du bail aux torts du locateur;

[17]   CONDAMNE le locateur à payer au locataire la somme de 477,35 $ plus les intérêts et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec, à compter du 1er mars 2016, plus les frais judiciaires de 81 $.

 

 

 

 

 

 

 

 

Serge Adam

 

Présence(s) :

le locataire

le locateur

Date de l’audience :  

30 octobre 2017

 

 

 


 

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