Freire c. Leclerc |
2015 QCRDL 2319 |
RÉGIE DU LOGEMENT |
||||||
Bureau dE Montréal |
||||||
|
||||||
No dossier : |
186800 31 20141127 G |
No demande : |
1629669 |
|||
|
|
|||||
Date : |
21 janvier 2015 |
|||||
Régisseure : |
Linda Boucher, juge administratif |
|||||
|
||||||
AMANDA FREIRE |
|
|||||
Locatrice - Partie demanderesse |
||||||
c. |
||||||
RÉMI LECLERC |
|
|||||
Locataire - Partie défenderesse |
||||||
|
||||||
D É C I S I O N
|
||||||
[1] La
locatrice réclame l'autorisation de reprendre le logement visé afin de s'y
loger à compter du premier juillet 2015 conformément à l'article
Les admissions
[2] Les parties sont liées par un bail reconduit du premier juillet 2014 au 30 juin 2015 au loyer mensuel de 490 $.
[3] Il s’agit d’un logement de trois pièces.
[4] Le locataire admet avoir reçu un avis de reprise de logement vers le 15 novembre 2014 pour le bénéfice de la locatrice.
[5] Le 20 novembre 2014, le locataire répondait pour s’opposer à la reprise.
[6] Bien que la reprise de son logement contrarie beaucoup le locataire qui n’envisageait pas de le quitter avant 2016, il ne s'oppose plus à la reprise du logement.
[7] Toutefois, il réclame une indemnité équivalente à ses frais de déménagement qu’il estime à 1 800 $, plus les frais de reconnexion et de suivi de courrier.
[8] Il réclame également 1 920 $ puisqu’il anticipe d’avoir à payer 160 $ de plus pour son prochain logement, et ce pour une période de 12 mois.
[9] Il déclare être prêt à renoncer à cette indemnité pourvu que la reprise soit différée de 10 mois.
[10] Pour sa part, la locatrice juge qu’elle n’a pas à indemniser le locataire pour la différence de loyer qu’il entrevoit devoir subir.
[11] Au chapitre de
l'indemnité que réclame le locataire, l'article
« 1967. Lorsque le tribunal autorise la reprise ou l'éviction, il peut imposer les conditions qu'il estime justes et raisonnables, y compris, en cas de reprise, le paiement au locataire d'une indemnité équivalente aux frais de déménagement.»
[12] La Cour du Québec dans l'affaire Boulay c. Tremblay ([1]) a déjà décidé que :
«Dans les cas d'éviction du locataire pour
subdivision du logement ou changement d'affectation, le législateur a prévu une
indemnité de trois mois de loyer et des frais de déménagement et même une somme
supérieure si le locataire le justifie. (Art.
[13] Pierre-Gabriel Jobin conclut à l'examen des dispositions de l'article 1659.7 :
«... Il serait sage d'indemniser le locataire victime d'une reprise de possession; celui-ci devrait avoir droit à l'indemnité, sauf quand son déménagement n'est pas provoqué en réalité, par la reprise de possession, mais qu'il obéit à d'autres préoccupations personnelles du locataire.»
Le juge, aux termes de l'article 1659.7, a donc discrétion pour fixer les conditions justes et raisonnables et le montant de l'indemnité. Comme le signale le juge Pigeon, lorsque le juge a une telle discrétion, il «doit en user «judiciairement», ce qui signifie qu'il doit le faire pour un motif valable.» (Rédaction et interprétation des lois, Éditeur Officiel du Québec, Québec, 1965-1978, p. 30)
Ainsi, il doit justifier tout autant son refus d'accorder que de ne pas accorder une indemnité de déménagement de même que des conditions justes et raisonnables. Il doit prendre sérieusement en compte la demande du locataire et contrairement à ce que certains prétendent, ne refuser cette demande qu'exceptionnellement.
Il convient ici de rappeler que la reprise de possession est une exception au droit du maintien dans les lieux du locataire et qu'elle est provoquée par le locateur. Il est en conséquence légitime que le locataire se voit indemnisé pour les dépenses et les inconvénients qu'il a subis. Ce droit est cependant balisé par le droit du locateur de disposer de ses biens et par conséquent, de son droit à la reprise de possession. Si le Tribunal a discrétion pour déterminer le montant, il doit tenir compte de ce droit du locateur et ne peut certes pas condamner aux dommages-intérêts qui découlent d'une reprise de possession abusive.
Il ressort de la lecture des articles 1660.4, 1659.8 et 1659.7 que les conditions justes et raisonnables et l'indemnité que doit fixer le Tribunal doivent se limiter aux dépenses et inconvénients ayant trait directement à la reprise de possession, au départ du locataire et à son aménagement et son déménagement dans un autre logement.»
[14] Il apparaît donc
évident que le locataire a le droit de se voir compenser pour la perte de son
droit au maintien dans les lieux. Par contre, la locatrice n'a pas à être
pénalisée pour l'exercice d'un droit tout à fait légitime. Ainsi, l'indemnité
prévue à l'article
[15] Elle n’est pas non plus responsable du coût futur du loyer du locataire. L’exercice de son droit légitime à la reprise exclut l’attribution de dommages au locataire.
[16] La Cour du Québec a aussi établi certains critères qu'il faut considérer dans l'évaluation de cette indemnité. Selon le juge Dansereau ([2]), l'âge du locataire, sa condition physique, la durée de son occupation, son enracinement au logement et la valeur du mobilier sont des critères pertinents.
[17] Le locataire est jeune, ne souffre d’aucune limitation physique qui l’empêcherait d’emballer ses effets et n’est pas implanté depuis longtemps dans le quartier.
[18] Le tribunal considère que, dans les circonstances et compte tenu des critères ci-dessus, il y a lieu d'accorder au locataire une indemnité de 1 000 $ pour les frais de déménagement, de reconnexion et pour les inconvénients reliés à ce déménagement, qu'il n'a pas souhaité si rapidement.
[19] À titre informatif aux
parties, soulignons que l'article
[20] De plus, l'article
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[21] ACCUEILLE la demande de la locatrice qui en supporte les frais judiciaires;
[22] AUTORISE la locatrice à reprendre possession du logement concerné afin de s'y loger, à compter du 1er juillet 2015, date à laquelle le locataire et tous les autres occupants du logement devront avoir quitté les lieux;
[23] CONDAMNE la locatrice à payer au locataire la somme de 1 000 $ à la date de son départ.
|
|
|
|
|
Linda Boucher |
||
|
|||
Présence(s) : |
la locatrice le locataire |
||
Date de l’audience : |
8 janvier 2015 |
||
[1] Boulay c. Tremblay,
[2] Carlin c. DEC, C.Q. Montréal 500-02-06381-980, le 26 mars 1999, j. Dansereau.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.