Plante c. Primeau

2019 QCRDL 6562

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Saint-Hyacinthe

 

No dossier :

403056 23 20180531 G

No demande :

2520917

 

 

Date :

28 février 2019

Régisseure :

Brigitte Morin, juge administrative

 

Diane Plante

 

Locatrice - Partie demanderesse

c.

David Primeau

 

Marie Gabrielle Saffré

 

Locataires - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      La locatrice réclame le recouvrement du loyer (2 900 $), ainsi que le loyer dû au moment de l’audience, plus l’exécution provisoire de la décision malgré l’appel et les frais judicaires.

[2]      Les parties étaient liées par un bail du 15 avril 2017 au 30 juin 2018 au loyer mensuel de 700 $.

[3]      La preuve prépondérante démontre que les locataires ont quitté le logement en février 2018.

[4]      La locatrice réclame les mois de février, mars, avril et mai 2018. Le logement a été reloué en juin 2018.

[5]      Le locataire David Primeau explique avoir remis un avis d’abandon du logement le 9 janvier 2018 par courrier recommandé. Il y indique qu’il quittera le logement le 1er mars 2018 ou avant.

[6]      Le locataire explique qu’il y avait des travaux à faire dans la maison, les fenêtres étaient non étanches et laissaient entrer beaucoup de froid. Le locataire dépose en preuve des photos démontrant que la température dans le salon atteignait 17° Celsius et que de la glace se formait dans les fenêtres. Des souris étaient aussi présentes dans le logement et la locatrice n’a pas fait le nécessaire pour exterminer la vermine.

Analyse :

Le recours de la locatrice :

[7]      La demande de la locatrice, tel que mentionné, vise une demande en non-paiement de loyer, alors que les locataires ont quitté les lieux loués en février 2018. Elle mentionne dans sa demande que les loyers des mois de février, mars, avril et mai 2018 n’ont pas été payés par les locataires.

[8]      La preuve démontre que les locataires ont quitté les lieux loués en février et le loyer n’a pas été versé. En conséquence, les locataires doivent payer ce loyer totalisant 700 $.


[9]      En ce qui concerne les loyers de mars à mai 2018, il s’agit de loyers perdus. La locatrice n’a pas introduit le bon recours. Sa demande en est une relative au non-paiement du loyer alors que dans les faits elle recherche plutôt une condamnation des locataires en dommages-intérêts pour perte de loyer et indemnité de relocation. L’indemnité de relocation est de la nature des dommages-intérêts. Le loyer est dû mois après mois et peut-être récupéré à chaque échéance.

[10]   Au surplus, la preuve administrée par la locatrice n’a pas démontré qu’elle a pris les moyens afin de minimiser ses dommages. De nombreux mois se sont écoulés entre le départ des locataires et la relocation du logement sans qu’aucune explication n’ait été donnée afin de justifier ce délai. La locatrice a l’obligation de minimiser ses dommages.

[11]   Les auteurs Baudouin et Jobin expliquent ce qui suit [1] :

« 882— Réduction de la perte — La règle de la réduction de la perte, ou de la minimisation des dommages est bien connue en common law. La jurisprudence québécoise l’a également sanctionnée d’innombrables fois, tant en matière extracontractuelle qu’en matière contractuelle et elle est maintenant codifiée à l’article 1479 du Code civil. Cette règle est fondée sur le principe selon lequel le débiteur n’est tenu qu’aux dommages directs et immédiats. Ultimement, elle se fonde sur le principe de la bonne foi dans l’exécution du contrat. On peut exprimer simplement cette règle en disant que le créancier a le devoir, lorsqu’il constate l’inexécution de l’obligation de son débiteur, de tenter d’atténuer autant que possible le préjudice qu’il subit. Agir autrement constitue, en droit civil, un comportement fautif, parce que contraire à la conduite d’une personne normalement prudente et diligente, et mène à une réduction des dommages autrement alloués au créancier. […] Lorsque le créancier ne réduit pas ses pertes, il est difficile de prétendre que le dommage a été entièrement causé par le fait du débiteur, même si celui-ci en est à l’origine. Les tribunaux n’admettent donc pas que le créancier réclame la partie des dommages qu’il a subis et qu’il aurait pu raisonnablement éviter en se comportant avec prudence, diligence et bonne foi. L’obligation de réduire sa perte est donc une obligation de moyens. […] »

[12]   La juge administrative Francine Jodoin explique la demande de relocation et dommages dans la décision A. Voglione & Frère Inc. c. Pépin[2] en ces termes :

[6]        Le locateur a droit à des dommages-intérêts contractuels en raison de la résiliation du bail due au départ des locataires que l'on qualifie au sens courant d'indemnité de relocation. Les principes applicables sont résumés de la façon suivante par l'auteur Pierre-Gabriel Jobin:

« 116. Dommages-intérêts. Le recours en dommages-intérêts vient presque toujours s'ajouter à celui en résiliation. En plus d'une indemnité pour pertes causées au bien loué ou autres dommages le cas échéant, le locateur réclame systématiquement une indemnité pour perte de loyer durant la période nécessaire pour trouver un nouveau locataire; plus précisément, l'indemnité couvre la perte de loyer jusqu'à la délivrance du bien au nouveau locataire, car c'est à partir de l'entrée en jouissance que le nouveau loyer est calculé.

L'indemnité de relocation obéit aux règles habituelles. Ainsi, le locateur a droit uniquement à la réparation du préjudice qui constitue une suite immédiate et direction de la faute du locateur. De plus, on ne doit pas oublier que le locateur a le devoir de minimiser sa perte: dans le contexte d'une résiliation, il doit prendre les moyens raisonnables pour remplacer le locataire fautif le plus vite possible. » (Notre soulignement)

[7]        Ainsi, à partir du moment où le locateur apprend le départ du logement avant terme, il a l'obligation d'entreprendre sans délai, des démarches raisonnables pour relouer le logement, dans le but de minimiser les dommages qu'il encourt en raison de ce départ précipité. Sa conduite doit être empreinte de bonne foi et il doit faire preuve de diligence.

[8]        L'article 1479 du Code civil du Québec reprend d'ailleurs ce principe en ces termes :

« 1479. La personne qui est tenue de réparer un préjudice ne répond pas de l'aggravation de ce préjudice que la victime pouvait éviter. »

[9]        Dans l'arrêt Red Deer College c. Michaels and Finn (1976) 2 R.C.S. 324, le juge Laskin écrit :

« (...) un demandeur lésé a le droit de recouvrer les dommages-intérêts pour les pertes qu'il a subies, mais l'étendue de ces pertes dépend de la question de savoir s'il a pris ou non les mesures raisonnables pour éviter qu'elles s'accroissent immodérément. »

[13]   En conséquence de ce qui précède, la demande de la locatrice pour les mois de mars, avril et mai est rejetée.


[14]   Quant à la défense soulevée par monsieur David Primeau, le locataire peut sous certaines conditions cesser où abandonner les lieux lorsque le logement est impropre à l'habitation.[3] Il lui appartient de démontrer que le logement est devenu inhabitable, s'il abandonne les lieux, alors que les conditions ne sont pas remplies, il s'expose à une demande en dommages-intérêts de la part du locateur puisque le déguerpissement est alors illégal.[4]

[15]   L'auteur Pierre-Gabriel Jobin, traitant de ce sujet, s'exprime ainsi dans son traité de droit civil sur le louage:[5]

« Premièrement, le Code civil, implicitement, ne permet l'abandon que si le logement se trouve dans un état impropre à l'habitation. À l'occasion de l'examen des diverses obligations du locateur, on a vu que, maintenant, le législateur stigmatise les manquements les plus graves, qui compromettent l'habitation. Le Code civil définit le logement impropre à l'habitation comme celui dont l'état constitue une menace sérieuse pour la santé ou la sécurité des occupants ou du public, ou celui qui a été déclaré tel par le tribunal ou par l'autorité compétente. Ainsi se distingue l'obligation de délivrer et maintenir le logement dans un état qui soit au moins propre à l'habitation, par opposition aux autres obligations dont celle de délivrer et maintenir le logement "en bon état d'habitabilité" et par opposition à une inexécution substantielle quelconque. »

[16]   La jurisprudence a par ailleurs déterminé qu’il faut établir que l’état du logement constitue une menace sérieuse pour la santé. Dans l’affaire Gestion immobilière Dion[6], la Cour du Québec sous la plume du juge Jean-Guy Blanchette écrit ce qui suit :

« (…)Pour évaluer si l’impropreté d’un logement à habitation constitue une menace sérieuse pour la santé, la Cour doit procéder à ladite évaluation d’une façon objective et se demander si une personne ordinaire peut vivre objectivement dans les conditions exposées lors de l’audition. Ce ne sont pas les appréhensions subjectives ni l’état psychologique du locataire ou des occupants qui doivent prévaloir, mais bien la situation ou l’état des lieux compris et analysés objectivement lors de la prise de décision du déguerpissement (…) »

[17]   Afin d’obtenir la résiliation du bail, le locataire doit démontrer que le logement est une menace sérieuse pour sa santé ou sa sécurité. Bien que certaines fenêtres soient en piètre état, la preuve administrée devant le Tribunal ne permet pas de conclure que le logement est impropre à l’habitation. Cette défense est par conséquent rejetée.

[18]   Vu ce qui précède;

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[19]   ACCUEILLE en partie la demande de la locatrice;

[20]   CONDAMNE les locataires solidairement à payer à la locatrice la somme de 700 $, avec intérêts au taux légal plus l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, à compter du 31 mai 2018, plus les frais de 93 $.

 

 

 

 

 

 

 

 

Brigitte Morin

 

Présence(s) :

la locatrice

les locataires

Date de l’audience :  

17 décembre 2018

 

 

 


 



[1] Jobin, Pierre-Gabriel et collaboration de Vézina Nathalie, Les obligations, 6e Édition, les éditions Yvons Blais Inc. 2005. no. 882 pp. 887-888.

[2] 31-120531-101G, 7 juillet 2014.

[3] Art. 1913, 1915 C.c.Q.

[4] Perrazzo c. Vallée, (C.Q., 1990-10-29), SOQUIJ AZ-90031263, J.E. 90-1727.

[5] JOBIN, Pierre-Gabriel, Traité de Droit Civil, Le louage, 2e édition, Les Éditions Yvon Blais Inc. ,1996 p. 476.

[6] J. E. 91-345 (C.Q).

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