Décision

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Roma Capital inc. c. Intact Compagnie d'assurance

2023 QCCA 307

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

 :

500-09-029258-209

(705-17-007818-170)

 

DATE :

 7 mars 2023

 

 

FORMATION :

LES HONORABLES

MARIE-JOSÉE HOGUE, J.C.A.

MICHEL BEAUPRÉ, J.C.A.

PETER KALICHMAN, J.C.A.

 

 

ROMA CAPITAL INC.

APPELANTE – demanderesse

c.

 

INTACT COMPAGNIE D’ASSURANCE

INTIMÉE/APPELANTE INCIDENTE – défenderesse/demanderesse en garantie

et

GUYLAINE MIREAULT

INTIMÉE INCIDENTE – défenderesse en garantie

 

 

ARRÊT

 

 

[1]                L’appelante se pourvoit en appel d’un jugement de la Cour supérieure rejetant sa réclamation contre l’intimée et rejetant la demande en garantie de cette dernière contre la défenderesse en garantie.

[2]                Pour les motifs de la juge Hogue auxquels souscrit le juge Beaupré, LA COUR :

[3]                ACCUEILLE l’appel;

[4]                CONDAMNE l’intimée à payer à l’appelante 156 800 $ avec intérêts et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec calculés sur la somme de 186 800 $ pour la période allant du 25 septembre 2017 au 24 mars 2019 et calculés sur la somme de 156 800 $ à compter du 25 mars 2019, avec les frais de justice;

[5]                REJETTE l’appel incident, sans frais de justice;

[6]                Pour sa part, le juge Kalichman aurait rejeté l’appel et l’appel incident, avec frais de justice.

 

 

 

 

MARIE-JOSÉE HOGUE, J.C.A.

 

 

 

 

 

MICHEL BEAUPRÉ, J.C.A.

 

 

 

 

 

PETER KALICHMAN, J.C.A.

 

Me Louis Sévéno

WOODS

Pour l’appelante

 

Me Geneviève Allen

WEIDENBACH LEDUC PICHETTE AVOCATS

Pour l’intimée/appelante incidente

 

Date d’audience :

24 mars 2022


 

 

 

MOTIFS DU JUGE KALICHMAN

 

 

[7]                         L’appelante en appelle d’un jugement de la Cour supérieure, district de Joliette (l’honorable Pierre Nollet) du 16 novembre 2020, rejetant sa réclamation contre l’intimée et rejetant la demande incidente de cette dernière contre l’intimée incidente.

[8]                         Le principal enjeu de ce pourvoi concerne l’interprétation d’une police d’assurance et, en particulier, la clause de garantie hypothécaire qui en fait partie.

  1.        Contexte

[9]                         Le procès a porté sur diverses questions de fait et de droit qui ne sont plus pertinentes à ce stade, notamment la crédibilité de l'assurée et la nullité de la police d'assurance. Pour les fins de l’appel, les faits essentiels sont résumés dans les paragraphes suivants.

[10]                    Le 20 février 2017, l’appelante, Roma Capital inc. (le Prêteur) accorde à l’intimée incidente, Mme Guylaine Mireault (l’Assurée) un prêt hypothécaire de 220 000 $ en vue de l’achat d’un immeuble situé à Berthierville (l’Immeuble)[1]. Selon le contrat de prêt, l’Assurée doit souscrire à une police d’assurance habitation désignant le Prêteur comme créancier hypothécaire afin que l’intérêt de ce dernier dans l'Immeuble soit également assuré[2].

[11]                    L’intimée, Intact Compagnie d’assurance (l’Assureur) émet une police pour assurer l’Immeuble et son contenu (la Police). La Police désigne le Prêteur comme créancier hypothécaire et incorpore une clause de garantie hypothécaire standard approuvée par le Bureau d’assurance du Canada (la Clause de garantie hypothécaire)[3].

[12]                    Puisque l’Assurée prévoit entreprendre des rénovations à l’Immeuble, l’Assureur l’autorise à le laisser vacant pendant un an. Un avenant à cet effet est incorporé à la Police[4].

[13]                    Dans la nuit du 16 mai 2017, l’Immeuble est détruit par un incendie.

[14]                    À la suite d’une enquête sur la cause de l’incendie, l’Assureur refuse d’indemniser tant l’Assurée que le Prêteur.

[15]                    En octobre 2017, le Prêteur entreprend des procédures judiciaires contre l’Assureur lui réclamant une indemnité d’assurance correspondant au solde de son prêt hypothécaire[5]. En avril 2018, l’Assurée entame sa propre poursuite contre l’Assureur afin de lui réclamer une indemnité pour les dommages causés par l’incendie[6].

[16]                    Les deux demandes contre l’Assureur (celle du Prêteur et celle de l’Assurée) sont réunies et le procès a lieu du 21 au 25 septembre 2020.

  1.       Jugement entrepris

[17]                    Le juge convient avec l’Assureur que l’Assurée n’a aucun intérêt assurable dans l’Immeuble puisqu’elle agissait à titre de prête-nom et n’était pas son véritable propriétaire. Par conséquent, il conclut que la Police est nulle à son égard. Le juge note toutefois que cette conclusion n’affecte pas le Prêteur puisque son contrat avec l’Assureur est distinct.

[18]                    Le juge analyse ensuite la cause du sinistre et conclut que l’incendie résulte d’un geste intentionnel et fautif. Selon lui, il s’agit d’un acte de vandalisme qui entraîne l’application d’une exclusion à cet effet prévue à la Police.

[19]                    Selon le Prêteur, la cause du sinistre n’est pas du vandalisme, mais plutôt la faute intentionnelle de l’Assurée qui lui est inopposable. De toute façon, soutient-il, l’exclusion pour vandalisme ne lui est pas opposable en raison de la Clause de garantie hypothécaire. Le juge rejette ces arguments. Il n'est pas convaincu par la preuve que l'Assurée est l'auteure du vandalisme et estime que l'exclusion pour vandalisme est opposable au Prêteur.

[20]                    Malgré sa conclusion que la réclamation du Prêteur est exclue aux termes de la Police, le juge analyse néanmoins le solde du montant hypothécaire indemnisable et conclut qu’il est surévalué pour plusieurs raisons. Selon lui, le montant est plutôt de 170 543,41 $. De plus, il précise que si la réclamation du Prêteur avait été accueillie, il faudrait alors déduire une somme de 60 000 $ que ce dernier a reçue de TRAPPEXPERT, la compagnie engagée après le sinistre pour rénover l’Immeuble.

[21]                    Enfin, le juge conclut que si la faute intentionnelle de l’Assurée avait été établie, et, par conséquent, la réclamation du Prêteur avait été accueillie, l’Assureur aurait eu un recours subrogatoire contre l’Assurée, à concurrence des sommes payées au Prêteur.

 

  1.   Les motifs d’appel

[22]                    Le Prêteur soulève quatre motifs d’appel, dont trois traitent de l’application de l’exclusion pour vandalisme.

[23]                    D’abord, le Prêteur soutient que le juge a erré en lui opposant l’exclusion pour vandalisme en dépit des termes de la Clause de garantie hypothécaire.

[24]                    Ensuite, le Prêteur avance que le juge a fait défaut d’appliquer l’article 2485 C.c.Q., lequel oblige des Assureurs à réparer le préjudice qui est une conséquence immédiate du feu, « quelle qu’en soit la cause ».

[25]                    Troisièmement, le Prêteur soutient que le juge a erré en concluant que le sinistre fut causé par un acte de vandalisme, sans toutefois déterminer qu’il relève du fait d’un tiers. Le juge lui a donc imposé un fardeau qu’il n’avait pas, soit de prouver que le sinistre résulte d’un geste intentionnel de l’Assurée.

[26]                    Enfin, le Prêteur fait valoir que le juge a erré en déduisant la somme de 60 000 $ prêtée par TRAPPEXPERT, du montant indemnisable.

[27]                    Dans son appel incident, l’Assureur soutient que si la Cour en vient à la conclusion que le sinistre résulte d’un geste intentionnel de l’Assurée et qu’il y a donc lieu d’accueillir l’appel principal, elle doit également accueillir l’appel en garantie.

  1. Analyse

(a)  Le juge a-t-il commis une erreur en concluant que l'exclusion pour vandalisme était opposable au Prêteur malgré la Clause de garantie hypothécaire?

[28]                    La question à traiter dans ce premier moyen d'appel concerne l'interprétation de la Police, notamment la Clause de garantie hypothécaire qui en fait partie. Il convient d’abord de résumer les principes applicables en matière d’interprétation de contrats d’assurance et de reproduire les extraits les plus pertinents de la Police.

  • Les principes applicables

[29]                    Les questions d'interprétation contractuelle sont généralement des questions mixtes de fait et de droit pour lesquelles la norme de contrôle est celle de l'erreur manifeste et déterminante[7]. Toutefois, lorsqu’un appel (i) porte sur l’interprétation d’un contrat type; (ii) que l’interprétation a valeur de précédent; et (iii) que l’exercice d’interprétation ne repose sur aucun fondement factuel significatif qui est propre aux parties concernées, l’interprétation est une question de droit assujettie à un contrôle selon la norme de la décision correcte[8]. L'interprétation de la Clause de garantie hypothécaire répond à ces conditions. Par conséquent, si la Cour estime que l'interprétation du juge est incorrecte, elle peut y substituer la sienne.

[30]                    En interprétant un contrat d'assurance type, il y a lieu d’adopter le point de vue d'une personne ordinaire qui contracte une assurance et non celui d'une personne versée dans les subtilités de ce domaine[9]. Si un tel contrat est jugé ambigu, il convient d'appliquer les règles générales d'interprétation des contrats, en gardant à l'esprit que « les dispositions relatives à la garantie recevront une interprétation large, et les clauses d’exclusion, une interprétation étroite »[10].

  • Les extraits pertinents de la Police

[31]                    Parmi les risques couverts par la Police se trouvent l’incendie et le vandalisme. Toutefois, dans la section intitulée « Risques Couverts », il est prévu que l’Assureur ne couvre pas « […] les dommages survenant pendant que le bâtiment est en cours de construction ou vacant, même si la construction ou la vacance a été autorisée par nous[11] ».

[32]                    Dans le même ordre d’idées, on prévoit dans la section intitulée « Les Exclusions Générales », que les sinistres qui surviennent pendant une vacance ne sont pas couverts[12] :

Outre les exclusions indiquées ailleurs dans le présent contrat, nous ne couvrons pas :

  1. Vacance

Les sinistres survenant pendant que votre habitation est, à votre connaissance, vacante pendant plus de 30 jours consécutifs.

[33]                    Dans un avenant à la Police, l’Assureur autorise que l'Immeuble soit laissé vacant pendant un an, mais précise que les dommages causés par certains risques durant cette période, dont le vandalisme, sont exclus[13] :

 

Les Garanties

Nous vous autorisons à laisser vacant le bâtiment désigné à cet égard aux Conditions particulières. L’autorisation ainsi accordée ne s’applique uniquement que durant la période stipulée aux Conditions particulières.

Les Exclusions

Malgré cette autorisation, nous précisons que nous ne couvrons pas les dommages causés par les risques ci-dessous, à savoir :

  1. Le vandalisme ou les actes malveillants;
  2. Les dégâts d’eau;
  3. Le bris des glaces.

[34]                    Enfin, la Clause de garantie hypothécaire prévoit notamment ce qui suit[14] :

Violation du contrat

Ne sont pas opposables aux créanciers hypothécaires, les actes, négligences ou déclarations des propriétaires, locataires ou occupants des biens garantis, notamment en ce qui concerne les transferts d’intérêts, la vacance, l’inoccupation ou les affectations des lieux à des fins plus dangereuses que celles qui sont déclarées.

Les créanciers hypothécaires sont tenus d’aviser l’Assureur, si ce dernier leur est connu, dès qu’ils sont au courant de toute inoccupation ou vacance de plus de 30 jours consécutifs, de tous changements dans les droits de propriété ou de toute aggravation du risque, à charge pour eux d’acquitter, sur demande raisonnable, les surprimes afférentes aux aggravations dépassant les normes d’acceptation fixées pour le présent contrat et cela au tarif établi à cet égard et pour la durée du contrat restant à courir à compter du début des aggravations en question.

[…]

Aux conditions ci-dessus (lesquelles doivent par ailleurs prévaloir en ce qui concerne les intérêts des créanciers hypothécaires contre toutes les dispositions du contrat), les sinistres sont payables directement aux créanciers hypothécaires ou à leurs ayants droit.

[Soulignements ajoutés]

****

[35]                    Le Prêteur soutient que suivant les termes de la Clause de garantie hypothécaire, l’Assureur ne peut refuser de l’indemniser pour les actes du propriétaire, du locataire ou de l’occupant de l’Immeuble, y compris ceux en lien avec la vacance, lesquels lui sont inopposables. Selon lui, puisque le sinistre survient lorsque l’Immeuble est vacant, l’exclusion par rapport au vandalisme entre en conflit avec la Clause de garantie hypothécaire. Or, comme les dispositions de ladite clause prévalent contre celles de la Police, le Prêteur soutient que le juge a erré en concluant que l'exclusion pour vandalisme lui était opposable.

[36]                    Selon le Prêteur, la situation est similaire à celle dans l’arrêt Banque Royale[15], dans lequel la Cour suprême du Canada conclut qu’une exclusion prévue dans le contrat d’assurance par rapport à la vacance d’un immeuble était inopposable à un prêteur en raison d’une clause de garantie hypothécaire presque identique à celle en l’espèce. Le Prêteur soutient que le même résultat s’impose ici.

[37]                    Je ne suis pas de cet avis.

[38]                    Le Prêteur a raison de soutenir que les termes de la Police qui entrent en conflit avec la Clause de garantie hypothécaire n'affectent pas sa couverture[16]. Cependant, contrairement à la situation dans Banque Royale du Canada et dans plusieurs autres décisions auxquelles le Prêteur nous dirige[17], il n'y a pas de tel conflit dans le cas en l’espèce.

[39]                    Dans Banque Royale du Canada, l'assureur a refusé la demande d'indemnisation de l'assuré et du créancier hypothécaire à la suite d'un incendie survenu alors que l’immeuble de l’assuré était vacant. Selon l'assureur, la vacance, qui n’était pas autorisée, constituait un risque important connu de l'assuré qui lui permettait d'annuler la couverture conformément à une condition légale prévue à la police (Condition légale 4). L'assureur plaidait que la Condition légale 4 était opposable au prêteur, mais la Cour suprême n'était pas de cet avis[18] :

(…) Le « changement essentiel pour l’appréciation du risque » sur lequel les appelants avaient un contrôle ou dont ils avaient connaissance, aux dires de l’assureur, découle du fait que les Deeks ont cessé d’occuper la maison assurée.  Or, la clause hypothécaire stipule que ne sont pas opposables aux appelants [TRADUCTION] « la vacance ou l’inoccupation » attribuable aux débiteurs hypothécaires (c’estàdire les Deeks).  Même si la condition légale numéro 4 n’entrait pas plus généralement en conflit avec la clause hypothécaire et que l’assureur pouvait prouver qu’il y a eu « changement essentiel pour l’appréciation du risque » sur lequel les appelants avaient un contrôle ou dont ils avaient connaissance, il ne pourrait invoquer ce changement pour annuler la protection des appelants dans la mesure où celuici concernait la vacance ou l’inoccupation de la maison assurée.  Permettre à l’assureur d’agir ainsi irait en effet à l’encontre de son engagement, contenu dans la clause hypothécaire, de maintenir la protection en cas de vacance.

        [Soulignements ajoutés]

[40]                    Le Prêteur fait valoir que tout comme dans l'affaire Banque Royale du Canada, l'Assureur invoque une situation qui, selon la Clause de garantie hypothécaire, lui est inopposable, à savoir : la vacance. Or, je ne partage pas cette lecture de la décision. Ce n'est pas la vacance en tant que telle qui a été opposée au prêteur dans cette affaire, mais plutôt l'acte de l'assuré davoir laissé l’immeuble vacant. Contrairement à la situation en l’espèce, la vacance dans l’affaire Banque Royale du Canada n’était pas autorisée et constituait ainsi une violation de la police (Condition légale 4) qui crée un risque accru pour l'assureur.

[41]                    Il y a lieu de rappeler les mots précis utilisés dans la Clause de garantie hypothécaire. La section intitulée « Violations du contrat » rend inopposable au Prêteur les « actes, négligences ou déclarations des propriétaires, locataires ou occupants des biens garantis, notamment en ce qui concerne les transferts d’intérêts, la vacance, l’inoccupation ou les affectations des lieux à des fins plus dangereuses que celles qui sont déclarées. » Dans ce contexte, le terme « vacance » doit être compris dans le sens où il apparaît parmi les exceptions générales de la Police, c’est-à-dire un acte pour lequel la couverture est exclue.

[42]                    Or, ce n'est clairement pas le cas en l’espèce puisque la vacance a été autorisée par un avenant. Contrairement à ce que soutient le Prêteur, l'Assureur n'invoque aucun acte de la part du propriétaire, du locataire ou de l'occupant de l'Immeuble et certainement aucun en rapport avec la vacance. C’est plutôt l’exception pour vandalisme qu’invoque l’Assureur. Le fait que le vandalisme ait eu lieu alors que l'Immeuble était vacant importe peu. L’exclusion pour vandalisme n’entre tout simplement pas en conflit avec les termes de la Clause de garantie hypothécaire. Par conséquent, le juge n'a pas commis d'erreur en retenant que l'exception pour vandalisme pouvait être opposée au Prêteur.

(b)  Le juge a-t-il erré dans son application de l'article 2485 C.c.Q.?

[43]                    Le Prêteur soutient que le juge a erré en droit dans son application de l'article 2485 C.c.Q., lequel prévoit :

 

 

2485. L’assureur qui assure un bien contre l’incendie est tenu de réparer le préjudice qui est une conséquence immédiate du feu ou de la combustion, quelle qu’en soit la cause, y compris le dommage subi par le bien en cours de transport, ou occasionné par les moyens employés pour éteindre le feu, sauf les exceptions particulières contenues dans la police. Il est aussi garant de la disparition des objets assurés survenue pendant l’incendie, à moins qu’il ne prouve qu’elle provient d’un vol qu’il n’assure pas.

 

 

Il n’est cependant pas tenu de réparer le préjudice occasionné uniquement par la chaleur excessive d’un appareil de chauffage ou par une opération comportant l’application de la chaleur, lorsqu’il n’y a ni incendie ni commencement d’incendie, mais, même en l’absence d’incendie, il est tenu de réparer le préjudice causé par la foudre ou l’explosion d’un combustible.

 

2485. In fire insurance, the insurer is bound to make reparation for the injury which is an immediate consequence of fire or combustion, whatever the cause, including damage to the property during removal or that caused by the means employed to extinguish the fire, subject to the exceptions specified in the policy. The insurer also covers the disappearance of insured things that occurs during the fire, unless he proves that the disappearance is due to theft which is not covered.

 

 

The insurer is not bound to make reparation for the injury caused solely by excessive heat from a heating apparatus or by any process involving the application of heat where there is no fire or commencement of fire but, even where there is no fire, the insurer is bound to make reparation for the injury caused by lightning or the explosion of fuel.

 

[Soulignements ajoutés]

 

[44]                    Selon le Prêteur, en adoptant cet article, le législateur vise à s’assurer que toute perte résultant d'un incendie soit indemnisée, indépendamment du fait qu’elle soit causée par le feu ou la combustion. Puisque l’Immeuble fut détruit par le feu, le Prêteur soutient que l'analyse du juge aurait dû s'arrêter là. Il ajoute que la seule exception possible que prévoit le législateur en est une qui est prévue à la Police et qui est spécifique à l'assurance incendie par opposition à une exclusion générale. En recherchant plutôt la cause de l'incendie, en l’espèce, le vandalisme, et en appliquant ensuite une exclusion générale pour vandalisme, le Prêteur soutient que le juge a mal appliqué l'article 2485 C.c.Q., commettant ainsi une erreur déterminante.

[45]                    Je ne peux souscrire à cette interprétation de l'article 2485 C.c.Q.

[46]                    En droit des assurances, il est nécessaire d'identifier la cause déterminante des dommages afin de déterminer s'il existe une obligation d'indemniser[19].

[47]                    L'article 2485 C.c.Q. ne modifie pas ce principe. Son but est plutôt d’étendre la couverture de l'assurance incendie aux biens qui n'ont pas été directement détruits par le feu ou la combustion, peu importe la cause de ces dommages[20]. Ainsi, suivant cet article, l'assurance incendie couvre, par exemple, les pertes de biens résultant des moyens utilisés pour éteindre le feu et les dommages occasionnés lorsque les biens sont retirés de l'incendie[21].

[48]                    Lorsque, comme en l'espèce, la cause déterminante du sinistre n'est pas l'incendie, l'article 2485 C.c.Q. ne s'applique tout simplement pas.

[49]                    Le juge comprend la distinction entre la cause, soit le fait à l'origine du sinistre, et la conséquence[22]. Après un examen détaillé de la preuve, y compris des témoignages d'experts non contredits, il conclut que la cause de l'incendie est le vandalisme[23]. Puisque les dommages causés par le vandalisme faisaient l'objet d’une exclusion, il conclut que les dommages réclamés n'étaient pas couverts. Cette conclusion n’est entachée d’aucune erreur et il n’y a donc pas lieu d’intervenir.

(c)  Le juge a-t-il commis une erreur en concluant que l'incendie a été causé par un acte de vandalisme sans déterminer qu’il relève du fait d’un tiers?

[50]                    Le Prêteur soutient que le juge a commis une erreur en ne reconnaissant pas que le vandalisme implique nécessairement l’acte d’un tiers. Par conséquent, il soutient que l'Assureur, à qui il incombait d'établir l'exclusion pour vandalisme, aurait dû être tenu de démontrer, selon une prépondérance des probabilités, que l'auteur du vandalisme était un tiers. Plutôt que d'imposer ce fardeau à l'Assureur, il soutient que le juge a exigé que le Prêteur prouve que l'auteure du vandalisme était l'Assurée, renversant ainsi le fardeau de la preuve et commettant une erreur de droit.

[51]                    Cet argument ne peut être retenu.

[52]                    Le juge retient que la preuve ne permet pas de conclure que l'Assurée est l'auteure du vandalisme qui a provoqué l'incendie[24]. Contrairement à ce que soutient le Prêteur, le juge ne lui a pas imposé le fardeau de faire cette démonstration. C'est plutôt le Prêteur qui a allégué que l'incendie avait été délibérément déclenché par l'Assurée, mais n'a pas réussi à le prouver. Le Prêteur n'attaque pas cette conclusion en appel et a choisi de ne pas déposer la preuve sur cette question.

 

[53]                    Par ailleurs, ni l’une ni l’autre des parties ne conteste la conclusion du juge selon laquelle l'incendie a été le résultat d'un acte délibéré. Sous réserve de ses arguments concernant l'application de l'article 2485 C.c.Q., la seule question que le Prêteur soulève en appel par rapport au vandalisme est celle de savoir si la définition retenue par le juge entraîne une erreur dans l'application de l'exclusion prévue à la Police.

[54]                    Comme la Police ne contient aucune définition du vandalisme, le juge en adopte une qui consiste en un acte volontaire causant des dommages. Sa définition ne fait aucune distinction selon que l’auteur du vandalisme soit l’assuré lui-même ou un tiers.

[55]                    Selon le Prêteur, puisque la Police comprend des dispositions spécifiques traitant des actes intentionnels ou malveillants commis par l'assuré, par opposition, le vandalisme doit nécessairement être compris comme un acte commis par un tiers et non par l'assuré.

[56]                    Le Prêteur n'a pas réussi à démontrer que la définition du juge, qui est appuyée par plusieurs autorités, comporte une erreur révisable[25]. De plus, rien ne soutient son affirmation selon laquelle un assureur qui invoque l'exception pour vandalisme a le fardeau de démontrer qu'il a été causé par un tiers.

****

[57]                    Ayant rejeté les trois premiers arguments du Prêteur, il n'est pas nécessaire d'examiner le quatrième relatif au quantum ni l'appel incident de l'Assureur.

[58]           Je suis donc d’avis qu’il y a lieu de rejeter l’appel et l’appel incident, les deux avec frais de justice.

 

 

 

 

PETER KALICHMAN, J.C.A.


 

 

MOTIFS DE LA JUGE HOGUE

 

 

[59]           J’ai eu le bénéfice de lire les motifs de mon collègue le juge Kalichman auxquels, cela dit avec égards, je ne peux souscrire.

[60]           Je suis d’accord avec son exposé des faits et avec la norme d’intervention qu’il identifie, mais je ne partage pas son avis voulant que le vandalisme survenant lors d’une vacance soit une exclusion opposable au créancier hypothécaire.

[61]           Je m’explique.

[62]           La Police, sous la rubrique RISQUES COUVERTS, identifie expressément l’incendie, la foudre, le vandalisme, les actes malveillants et les dégâts d’eau parmi les risques couverts, tout en mentionnant, à quelques reprises, que les dommages causés pendant que le bâtiment est en cours de construction ou vacant ne sont pas couverts, même si cette construction ou cette vacance a été autorisée par l’Assureur :

RISQUES COUVERTS

Nous couvrons les risques ci-dessous pouvant directement atteindre les biens assurés :

  1. L’incendie ou la foudre

[…]

7. Le vandalisme ou les actes malveillants (ne s’applique pas aux résidences secondaires, c’est-à-dire les résidences d’été ou saisonnières);

Nous ne couvrons pas les dommages survenant pendant que le bâtiment est en cours de construction ou vacant, même si la construction ou la vacance a été autorisée par nous.

8. Les dommages d’eau causés par :

 […]

Nous ne couvrons pas les dommages d’eau causés

 […]

 8.6 Pendant que le bâtiment est en cours de construction ou vacant même si la construction ou la vacance a été autorisée par nous.

 

 […]

11. Le bris accidentel des glaces faisant partie de votre habitation ou de ses annexes, y compris les vitrages des contre-fenêtres et des contre-portes (ne s’applique pas aux résidences secondaires, c’est-à-dire les résidences d’été ou saisonnières).

Nous ne couvrons pas les dommages survenant pendant qu’un bâtiment est en cours de construction ou vacant, même si la vacance ou la construction a été autorisée par nous.

[Soulignements ajoutés]

[63]           Outre ces mentions visant à limiter la couverture lors d’une vacance ou d’une construction, la Police, sous la rubrique LES EXCLUSIONS GÉNÉRALES, exclut aussi expressément les sinistres survenant pendant que l’immeuble est vacant depuis plus de trente jours :

LES EXCLUSIONS GÉNÉRALES

Outre les exclusions indiquées ailleurs dans le présent contrat, nous ne couvrons pas :

  1. Vacance

Les sinistres survenant pendant que votre habitation est à votre connaissance, vacante depuis plus de 30 jours consécutifs.

[…]

[Soulignements ajoutés]

[64]           Elle comporte également un avenant intitulé AUTORISATION DE VACANCE, par lequel l’Assureur autorise l’Assurée à laisser le bâtiment vacant pendant toute la durée du contrat d’assurance, tout en rappelant que les dommages causés par le vandalisme, les actes malveillants, les dégâts d’eau ou le bris des glaces ne sont pas couverts pendant une vacance :

 

 

LES GARANTIES

Nous vous autorisons à laisser vacant le bâtiment désigné à cet égard aux Conditions particulières. L’autorisation ainsi accordée s’applique uniquement durant la période stipulée aux Conditions particulières.

LES EXCLUSIONS

Malgré cette autorisation, nous précisons que nous ne couvrons pas les dommages causés par les risques ci-dessous, à savoir :

  1. Le vandalisme ou les actes malveillants;
  2. Les dégâts d’eau;
  3. Le bris des glaces.

[Soulignements ajoutés]

[65]           Comme l’explique mon collègue, cette Police, qui désigne le Prêteur comme créancier hypothécaire de la propriété assurée, inclut la clause type de garantie hypothécaire approuvée par le Bureau d’assurance du Canada, que je cite au long pour plus de commodité :

  1. Violation du contrat

Ne sont pas opposables aux créanciers hypothécaires, les actes, négligences ou déclarations des propriétaires, locataires ou occupants des biens garantis, notamment en ce qui concerne les transferts d’intérêts, la vacance, l’inoccupation ou les affectations des lieux à des fins plus dangereuses que celles qui sont déclarées.

Les créanciers hypothécaires sont tenus d’aviser l’Assureur, si ce dernier leur est connu, dès qu’ils sont au courant de toute inoccupation ou vacance de plus de 30 jours consécutifs, de tous changements dans les droits de propriété ou de toute aggravation du risque, à charge pour eux d’acquitter, sur demande raisonnable, les surprimes afférentes aux aggravations dépassant les normes d’acceptation fixées pour le présent contrat et cela au tarif établi à cet égard et pour la durée du contrat restant à courir à compter du début des aggravations en question.

  1. Subrogation

À concurrence des indemnités versées par lui aux créanciers hypothécaires, l’Assureur est subrogé dans les droits de ces derniers contre les débiteurs ou propriétaires auxquels il se croit justifié d’opposer un motif de non-garantie, les créanciers hypothécaires n’en demeurant pas moins un droit de recouvrer le solde de leur créance avant que la subrogation ci-dessus puisse être exercée. L’Assureur se réserve cependant le droit d’acquitter les créances intégralement, auquel cas il a droit au transfert de celles-ci et de toutes les suretés les garantissant.

  1. Assurances multiples

Si d’autres assurances sont, à quelque titre que ce soit, acquise aux créanciers hypothécaires, les indemnités qu’ils peuvent en recevoir doivent être prises en ligne de compte pour la détermination des sommes qui leur sont payables.

  1. Présentation des demandes d’indemnité

En cas d’absence ou d’incapacité de l’Assuré, ou s’il refuse ou néglige de présenter les déclarations de sinistre ou formules de demande d’indemnité exigées par le contrat, ces déclarations peuvent être faites par les créanciers hypothécaires, dès qu’ils sont au courant des sinistres, les formules de demande devant dès lors être produites par eux dans les meilleurs délais.

  1. Cessation

Les effets de la présente clause prennent fin en même temps que le contrat, sous réserve des droits de résiliation dont l’Assureur peut se prévaloir aux termes de ce dernier, et à charge pour l’Assureur de se conformer aux articles 2477 et 2478 du Code civil de la province de Québec et de donner aux créanciers hypothécaires, par courrier recommandé, préavis de 15 jours de toute résiliation ou modification pouvant leur causer préjudice.

  1. Si les créanciers hypothécaires ou leurs ayants droit acquièrent, par saisie ou autrement, les titres ou les droits de propriété des biens garantis, ils ont droit dès lors au bénéfice de la présente assurance tant qu’elle demeure en vigueur.

Aux conditions ci-dessus (lesquelles doivent par ailleurs prévaloir en ce qui concerne les intérêts des créanciers hypothécaires contre toutes les dispositions du contrat), les sinistres sont payables directement aux créanciers hypothécaires ou à leurs ayants droit.

[Soulignements ajoutés]

[66]           Ainsi, en faisant abstraction de la Clause de garantie hypothécaire, on comprend que le vandalisme est un risque couvert par la Police, à moins qu’il ne survienne pendant une vacance, auquel cas les dommages qui en découlent ne sont pas couverts et l’assuré n’a droit à aucune indemnité à ce titre.

[67]           Il est toutefois bien établi que les conditions d’une police d’assurance qui sont incompatibles avec la clause de garantie hypothécaire qu’elle comporte, incluant les exceptions qui y sont énoncées, sont inopposables au créancier hypothécaire[26]. 

[68]           Une clause de garantie hypothécaire constitue en effet un contrat distinct liant un assureur et un créancier hypothécaire, auquel elle procure une couverture plus large[27] et, comme elle le stipule, ses dispositions prévalent sur celles contenues à la police d’assurance.

[69]           La question à trancher est donc celle de savoir si l’exception sur laquelle s’appuie l’Assureur pour refuser de couvrir le sinistre et d’indemniser le Prêteur est compatible avec la Clause de garantie hypothécaire.

[70]           L’Assureur indique se fonder sur les dispositions de la Police excluant de la couverture les dommages causés par le vandalisme alors que l’immeuble est vacant, réitérées dans l’avenant autorisant la vacance, pour refuser d’indemniser le Prêteur, et non sur celles excluant les dommages découlant de sinistres survenant pendant une vacance de plus de 30 jours consécutifs.

[71]           En fait, si je comprends bien la proposition de l’Assureur, la Clause de garantie hypothécaire n’aurait pour effet que de l’empêcher d’opposer au Prêteur l’exclusion voulant qu’aucun sinistre survenant pendant une vacance de plus de trente jours ne soit couvert, mais non pas celle excluant de la couverture le vandalisme survenant pendant une vacance. Selon lui, puisque le contrat le liant au Prêteur contient toutes les dispositions originales du contrat conclu entre lui et l’Assurée, il contient toutes les exclusions qui s’y trouvent, lesquelles ne lui sont inopposables que si elles sont incompatibles avec le texte de la Clause hypothécaire, ce qui n’est pas le cas de l’exclusion relative au vandalisme en cas de vacance.

[72]           Cette proposition est à mon avis intenable, puisque rien ne justifie de distinguer l’exclusion visant les sinistres survenant pendant une vacance de plus de 30 jours de celle excluant de la couverture le vandalisme survenant pendant une vacance. L’exception, dans les deux cas, découle du fait que l’immeuble est vacant. Or, la Clause de garantie hypothécaire prévoit que ne sont pas opposables aux créanciers hypothécaires, les actes des propriétaires […] notamment en ce qui concerne […] la vacance. Selon moi, la décision du propriétaire de l’immeuble de le laisser vacant est nécessairement un acte du propriétaire en ce qui concerne la vacance.

[73]           Je rappelle qu’en l’espèce le vandalisme est un risque expressément couvert (contrairement à ce que le juge d’instance semble suggérer aux paragraphes 131 et 132 de ses motifs) et que ce n’est que s’il survient pendant que l’immeuble est vacant qu’il ne l’est plus. Ainsi, la condition sine qua non devant être satisfaite pour que l’exclusion de vandalisme s’applique est que l’assuré ait laissé l’immeuble vacant. L’Assureur qui invoque cette exclusion, à mon humble avis, se trouve donc à opposer au créancier hypothécaire, ici le Prêteur, un acte de l’assuré qui concerne la vacance.

[74]           Je suis d’ailleurs en désaccord sur ce point avec mon collègue le juge Kalichman qui, de son côté, estime que l’Assureur n’invoque que l’exception pour vandalisme et aucun acte de la part du propriétaire, du locataire ou de l’occupant de l’immeuble et certainement aucun en rapport avec la vacance. À mon avis, le vandalisme n’étant exclu qu’en cas de vacance, je ne crois pas qu’il soit possible d’ignorer le fait que le refus de l’Assureur d’indemniser la perte du Prêteur découle en premier lieu du fait que l’immeuble était vacant lorsqu’il a été vandalisé.

[75]           D’ailleurs, s’il est vrai que le créancier hypothécaire qui prend connaissance de la Police et des avenants qu’elle comporte est informé de cette exclusion, il faut ajouter qu’il connaît tout autant l’existence de la Clause hypothécaire interdisant à l’Assureur de lui opposer, notamment, tout acte de l’assuré qui concerne la vacance. Dans ce contexte, il m’apparaît légitime pour lui de croire que sa créance sera protégée même dans l’éventualité où la perte de l’immeuble devait découler de vandalisme.

[76]           L’autorisation de vacance accordée par l’Assureur, et dans laquelle l’exclusion relative au vandalisme est réitérée, change-t-elle la situation? Je ne le crois pas.

[77]           D’abord, accepter que l’exclusion rappelée dans l’avenant autorisant la vacance puisse être opposée au créancier hypothécaire signifierait que celui-ci serait dans une moins bonne position lorsqu’une vacance a été autorisée par l’assureur, ce qui m’apparaîtrait incongru.

[78]           Plus important toutefois, la Clause de garantie hypothécaire mentionne que ses dispositions prévalent, en ce qui concerne les intérêts des créanciers hypothécaires, contre toutes les dispositions du contrat, ce qui, nécessairement, inclut la Police proprement dite et ses avenants. Il en découle que les dispositions de la Clause de garantie hypothécaire prévalent également sur toute disposition incompatible de l’avenant autorisant la vacance.

[79]           Considéré dans son ensemble, le contrat d’assurance conclu entre l’Assureur et le Prêteur est, au mieux pour l’Assureur, ambigu. Or, faut-il rappeler que les dispositions d’un tel contrat doivent être interprétées largement lorsqu’elles sont relatives à la garantie et étroitement lorsqu’elles établissent des exclusions[28]?

 

[80]           Si l’intention de l’Assureur était d’exclure de la couverture d’assurance dont bénéficie le Prêteur le vandalisme, les dégâts d’eau et le bris des glaces survenant pendant que l’immeuble est vacant, il lui appartenait de le stipuler clairement, ce qu’il n’a pas fait. 

[81]           Les termes de la Clause de garantie hypothécaire prévalant, l’Assureur ne peut donc opposer au Prêteur le fait que le vandalisme a eu lieu pendant que l’immeuble était vacant pour refuser de l’indemniser.

[82]           Vu cette conclusion, il ne m’apparaît ni utile ni opportun de déterminer si l’Assureur pouvait opposer l’exclusion du vandalisme alors que l’immeuble, vacant, a été détruit par un incendie allumé intentionnellement par une personne non identifiée.

[83]           Cela dit, il reste à déterminer l’indemnité d’assurance à laquelle le Prêteur a droit.

[84]           Le juge de première instance expose correctement la règle applicable lorsqu’il écrit au paragr. 192 que l’indemnité d’assurance pour le créancier hypothécaire couvre le montant dû au jour du sinistre moins toute somme que le créancier pourrait récupérer par la suite, avant de subroger l’assureur dans ses droits de créancier hypothécaire.

[85]           Il tire ensuite de la preuve administrée certaines conclusions de fait que la Cour doit respecter puisqu’elles ne découlent pas d’une erreur manifeste et déterminante. Ces conclusions sont les suivantes :

a)      Le 20 février 2017, le Prêteur accorde à l’Assurée un prêt hypothécaire de 220 000 $, duquel seulement 200 000 $ sont versés;

b)      Ce prêt prévoit un congé d’intérêts pendant les 6 premiers mois;

c)      L’incendie survient le 16 mai 2017, soit moins de 6 mois après la conclusion du contrat de prêt;

d)      L’Assurée verse au Prêteur 13 200 $ d’intérêts, lesquels ne peuvent couvrir que la période de septembre 2017 à février 2018;

e)      TRAPPEXPERT, une entreprise qui soutient bénéficier d’une hypothèque légale pour avoir réalisé des travaux sur l’immeuble, entreprend un recours pour faire vendre l’immeuble en justice;

f)        TRAPPEXPERT et le Prêteur concluent une entente au terme de laquelle l’immeuble est vendu en justice pour un prix de 240 000 $, duquel 30 000 $ sont versés au Prêteur le 25 mars 2019;

g)      Le Prêteur informe l’Assureur de l’entente envisagée avant de la conclure puisqu’en donnant mainlevée de sa garantie hypothécaire elle ne pourra le subroger dans ses droits garantis. L’Assureur autorise sa conclusion;

h)      Le 25 mars 2019, le Prêteur contracte aussi un prêt de 60 000 $ auprès d’une société liée à TRAPPEXPERT, ce prêt est remboursable dans l’éventualité où le Prêteur a gain de cause contre l’Assureur, mais est « pardonné » dans le cas contraire, c’est-à-dire qu’il n’a pas à être remboursé;

i)        Le Prêteur ne dévoile pas l’existence de ce prêt à l’Assureur.

[86]           Il découle de ces conclusions qu’au moment du sinistre, l’Assurée doit 186 800 $ au Prêteur, soit 200 000 $ moins 13 200 $ versés à l’avance à titre d’intérêts. Par la suite le Prêteur récupère 30 000 $ provenant de la vente en justice de l’immeuble, ce qui laisse un solde de 156 800 $. La somme de 60 000 $ qui lui est prêtée n’a aucun impact puisqu’ayant gain de cause contre l’Assureur, elle doit la rembourser.

[87]           Je suggère donc que le pourvoi principal soit accueilli et que l’intimée soit condamnée à payer à l’appelante 156 800 $ avec intérêts et indemnité additionnelle calculés sur la somme de 186 800 $ pour la période allant du 25 septembre 2017 au 24 mars 2019 et calculés sur la somme de 156 800 $ à compter du 25 mars 2019, avec les frais de justice.

[88]           Dans la mesure où l’Assureur reconnaît que son appel incident contre l’intimée incidente ne doit être accueilli que si la Cour conclut que celle-ci a commis une faute intentionnelle, ce qui n’est pas le cas, je suggère que l’appel incident soit rejeté sans frais de justice.

 

 

 

MARIE-JOSÉE HOGUE, J.C.A.

 


[1]  Pièce P-3. Le 22 février 2017, Mme Mireault acquiert l’Immeuble pour la somme de 120 000 $ (Pièce P-31).

[2]  Pièce P-3.

[3]  Pièce P-19a).

[4]  Pièce P-19.

[5]  705-17-007818-170.

[6]  705-17-008749-192.

[7]  Uniprix inc. c. Gestion Gosselin et Bérubé inc., 2017 CSC 43, paragr. 41. Voir aussi : Churchill Falls (Labrador) Corp. c. Hydro-Québec, 2018 CSC 46, paragr. 49; Sattva Capital Corp. c. Creston Moly Corp., 2014 CSC 53, paragr. 50.

[8]  Ledcor Construction Ltd. c. Société d’assurance d’indemnisation Northbridge, 2016 CSC 37, paragr. 24. Voir aussi Sabean c. Portage La Prairie Mutual Insurance Co., 2017 CSC 7.

[9]  Co operators Compagnie d’assurance vie c. Gibbens, 2009 CSC 59, paragr. 21.

[10]  Ledcor, supra, note 8, paragr. 51.

[11]  Pièce D-19 « Assurance des bâtiments d’habitation et/ou de leur contenu », p. 3 de 5.

[12]  Id., p. 4 de 5.

[13]  Pièce D-19 « Avenant à l’assurance habitation – Autorisation de vacances ».

[14]  Pièce D-19a.

[15]  Banque Royale du Canada c. State Farm Fire and Casualty Co., 2005 CSC 34.

[16]  Id., paragr. 22.

[17]  Hum v. Grain Insurance and Guarantee Company, 2009 ABQB 714; Healy v. Pilot Insurance Co. (2003), 68 O.R. (3d) 741, 2003 CanLII 12213 (ON SC).

[18]  Banque Royale, supra, note 15, paragr. 29.

 

[19]  Didier Lluelles, Droit des assurances terrestres, 6e éd., Montréal, Éditions Thémis, 2017, p. 232. Voir aussi Sherwin-Williams Co. Of Canada c. Boiler Inspection and Insurance Co., [1950] R.C.S. 187 et Christine Jutras, « Les causes multiples de sinistre : dans quel cas l’assuré a-t-il droit à l’indemnisation? », (2007) 266 Développements récents en droit des assurances, paragr. 4.

[20]  Didier Lluelles, Droit des assurances terrestres, 6e éd., Montréal, Éditions Thémis, 2017, p. 211-212.

[21]  Article 2485 C.c.Q.

[22]  Jugement entrepris, paragr. 129, 130.

[23]  Jugement entrepris, paragr. 158.

[24]  Jugement entrepris, paragr. 156.

[25]  Jugement entrepris, paragr. 132.

[26]  Banque Royale du Canada c. State Farm Fire and Casualty Co. 2005 CSC 34.

[27]  Caisse populaire des Deux-Rives c. Société mutuelle d’assurance contre l’incendie de la Vallée du Richelieu, [1990] 2 R.C.S. 995.

[28]  Ledcor Construction Ltd. c. Société d’assurance d’indemnisation Northbridge, 2016 CSC 37.

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