Portelance c. Lefebvre | 2025 QCTAL 15453 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||
Bureau dE Saint-Jean | ||||||
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No dossier : | 832089 25 20241114 G | No demande : | 4527759 | |||
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Date : | 30 avril 2025 | |||||
Devant la juge administrative : | Marilyne Trudeau | |||||
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Amélie Portelance
Olivier Coutu-Tousignant |
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Locateurs - Partie demanderesse | ||||||
c. | ||||||
Christian Lefebvre#A |
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Locataire - Partie défenderesse | ||||||
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D É C I S I O N
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APERÇU ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
QUESTION EN LITIGE
ANALYSE ET DÉCISION
Fardeau de la preuve
Sous-location et le changement de destination
« 1856. Ni le locateur ni le locataire ne peuvent, au cours du bail, changer la forme ou la destination du bien loué. »
« 1863. L'inexécution d'une obligation par l'une des parties confère à l'autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l'exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l'inexécution lui cause à elle-même ou, s'agissant d'un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail.
L'inexécution confère, en outre, à la locataire le droit de demander une diminution de loyer; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablissement du loyer pour l'avenir. »
« 1870. Le locataire peut sous-louer tout ou partie du bien loué ou céder le bail. Il est alors tenu d'aviser le locateur de son intention, de lui indiquer le nom et l'adresse de la personne à qui il entend sous-louer le bien ou céder le bail et d'obtenir le consentement du locateur à la sous-location ou à la cession.»
« 1871. Le locateur ne peut refuser de consentir à la sous-location du bien ou à la cession du bail sans un motif sérieux.
Lorsqu'il refuse, le locateur est tenu d'indiquer au locataire, dans les quinze jours de la réception de l'avis, les motifs de son refus; s'il omet de le faire, il est réputé avoir consenti. »
Les locateurs en subissent-ils un préjudice sérieux?
« [44] Dans tous les cas de figure, la locatrice assume des risques; que ce soit concernant l'intégrité du logement, la qualité des occupants, la couverture d'assurance en cas de sinistre, l'application de règles à caractère pénal et tout cela va bien au-delà du contrat initial, à savoir le bail conclu pour des fins résidentielles seulement.
[45] L'on pourrait opposer que les dommages ne sont pas actuels. Rappelons-nous l'enseignement des auteurs Jean-Louis Beaudouin et Patrice Deslauriers qui écrivaient (14) au sujet des dommages futurs :
« Le caractère de certitude du dommage est cependant apprécié d'une façon relative. Les Tribunaux n'exigent pas, en effet, une certitude absolue, mais une simple probabilité. »
[46] Le Tribunal conclut que le préjudice est suffisamment certain et qu'il n'est pas opportun d'attendre la réalisation de tous ces risques. Il ne fait par ailleurs aucun doute que les préjudices invoqués sont sérieux.
[47] Voici comment s'exprimait l'Honorable Jean-F Keable de la Cour du Québec dans l'affaire 23342801 Québec inc. c. White (15) :
« [33] L'inexécution des obligations du locataire permet à un locateur de recourir à l'article 1863 [8] du Code civil du Québec et de demander des dommages-intérêts et, dans les cas qui le permettent, l'exécution en nature. Ici, l'exécution en nature est impossible et les dommages-intérêts ne constituent pas la nécessaire mesure préventive prudente et sécuritaire.
[34] L'inexécution des obligations du locataire cause un préjudice sérieux au locateur et lui permet de demander la résiliation du bail. Le danger est réel et prévisible. Attendre son arrivée subite ne ferait qu'imposer au locateur un préjudice encore plus grand, sans compter les impacts sur des tiers étrangers au litige. »
Les autres manquements aux obligations
« [39] De l'avis de la soussignée, il est bien établi que des résidents non-fumeurs dans un immeuble peuvent dans certains cas être exposés à la fumée de tabac de leurs voisins en raison de l'infiltration de celle-ci par les portes et les fenêtres ouvertes, les interstices dans les plafonds et les planchers, les prises électriques, les systèmes de ventilation et les fissures.
[40] Il est aussi maintenant bien connu que l'exposition à la fumée de tabac peut créer un impact sur la santé des non-fumeurs. Les campagnes de publicité et l'adoption de lois successives ces dernières années restreignant l'usage du tabac dans plusieurs lieux (8) révèlent une préoccupation de santé publique au Québec.
[41] Déjà en 2008, la Cour Supérieure sous la plume du juge Normand Amyot dans l'affaire Koretsky c. Fowler écrivait ce qui suit :
« [88] Depuis quelques années, le législateur a prohibé l'usage du tabac dans les endroits publics. Cette interdiction de fumer inclut notamment:
a) les espaces communs des immeubles à logements contenant plus de six unités;
b) les espaces communs des résidences pour personnes âgées;
c) les garderies en résidences privées durant les heures où des enfants sont sur les lieux;
d) les automobiles dans lesquelles prennent place des enfants.
[89] Si le législateur a ainsi prohibé l'usage du tabac dans la sphère publique, c'est qu'il reconnaît les risques que l'exposition à la fumée du tabac fait courir aux non-fumeurs.
[90] Aucune loi n'interdit formellement à une personne de fumer dans son logement. Cependant, le droit du fumeur au respect de sa vie privée est limité par le droit des autres occupants d'un immeuble à jouir paisiblement de leur logement.
[91] Cette jouissance paisible inclut le droit de ne pas subir les effets négatifs de la fumée. » (9)
[42] Dans cette même décision, le juge Amyot cite le juge Raoul Barbe concernant l'odeur de cigarette :
[82] Relativement à la senteur de cigarette, le juge s'exprime ainsi :
« Quant à la senteur de cigarettes, il faut noter que la société devient de plus en plus sévère à l'égard des fumeurs; le Législateur a décrété des zones d'interdiction de fumer; il semble bien qu'un locateur pourrait édicter une telle prohibition dans ses logements puisqu'un fumeur ne peut quand même pas obliger ses voisins à être des fumeurs passifs, d'autant plus que la science médicale a maintenant établi que la cigarette et la fumée étaient une cause de cancer (10).
[43] La soussignée adhère à ce qui précède et estime que la présence d'odeur de cigarettes dans un logement et possiblement de fumée secondaire peuvent empêcher d'autres occupants de l'immeuble de jouir paisiblement de leur logement même si pour d'autres individus la fumée secondaire se tolère davantage. Ce qui est incommodant pour certains peut ne pas l'être pour d'autres.
[44] Ainsi, pour réussir en la présente cause, le locateur doit démontrer que le fait pour le locataire de fumer ou de permettre à d'autres personnes de fumer dans le logement trouble la jouissance normale des lieux aux autres occupants de l'immeuble en raison des odeurs fortes, persistantes et désagréables.
[45] En l'instance, la preuve non contredite démontre que le locataire nuit à la jouissance des lieux à d'autres occupants de l'immeuble. (...) »
[Références omises]
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
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Marilyne Trudeau | ||
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Présence(s) : | les locateurs | ||
Date de l’audience : | 31 mars 2025 | ||
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[1] Articles
[2] Article
[3]
[4] Sidorov c. Thérien
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