Allard c. Procureur général du Québec | 2022 QCCA 686 | ||
COUR D'APPEL | |||
CANADA | |||
PROVINCE DE QUÉBEC | |||
GREFFE DE | |||
| |||
No : | |||
| |||
| |||
PROCÈS-VERBAL D'AUDIENCE | |||
| |||
DATE : Le 13 mai 2022 |
|
|
|
FORMATION : LES HONORABLES | |
| |
|
PARTIE APPELANTE | AVOCATS |
|
Me Guillaume Charlebois (Davies Ward Phillips & Vineberg)
|
PARTIE INTIMÉE | AVOCATS |
|
Me Michel Déom Me Nathalie Fiset (Bernard, Roy (Justice-Québec))
|
En appel d’un jugement rendu le 6 mai 2021 par l’honorable Thomas M. Davis de la Cour supérieure, district de Montréal. |
NATURE DE L’APPEL : |
Greffier-audiencier : Robert Osadchuck | Salle : Pierre-Basile-Mignault |
AUDITION |
9 h 30 | Début de l’audience.
Continuation de l'audience du 10 mai 2022. Les parties ont été dispensées d’être présentes à la Cour. PAR LA COUR : Arrêt – voir page 4. Fin de l’audience. |
|
|
|
Robert Osadchuck, Greffier-audienci |
ARRÊT |
[1] L’appelant se pourvoit contre un jugement rendu le 6 mai 2021 par la Cour supérieure, district de Montréal[1] (l’honorable Thomas M. Davis), rejetant sa demande d’autorisation d’introduire un recours collectif à l’encontre de l’État, représenté par l’intimé, le Procureur général du Québec (« PGQ »), à la suite des modifications apportées en 2017 à la Loi sur le régime de retraite du personnel d’encadrement[2] (« LRRPE ») par la Loi favorisant la santé financière et la pérennité du régime de retraite du personnel d’encadrement et modifiant certaines dispositions législatives[3] (« Loi 126 »).
[2] Le régime de retraite du personnel d’encadrement, comme bien d’autres régimes à prestations déterminées, était alors déficitaire. Ces modifications visaient donc à le renflouer, notamment en réduisant l’indexation de la pension des cadres retraités pour une période de cinq ans.
[3] L’appelant est lui-même un cadre retraité de la fonction publique québécoise et le groupe visé par l’action collective qu’il souhaite pouvoir introduire est composé essentiellement d’anciens cadres qui, comme lui, sont retraités et prestataires du Régime de retraite du personnel d'encadrement.
[4] Il recherche, par cette action collective, une déclaration d’inconstitutionnalité des dispositions de la LRRPE ayant pour effet de réduire l’indexation de ces prestations de retraite, le « remboursement » des sommes dont les membres du groupe ont été privés jusqu’à maintenant du fait de cette réduction ainsi que l’octroi de dommages-intérêts compensatoires et punitifs.
[5] Il soutient que ces dispositions de la LRRPE portent atteinte au droit des retraités de négocier collectivement, qui découle de la liberté d’association protégée par l’article
[6] Le PGQ s’oppose à cette demande d’autorisation pour trois raisons principales : 1) une action collective est un véhicule inapproprié lorsque le recours envisagé vise à obtenir une déclaration d’inconstitutionnalité de dispositions législatives, 2) les dispositions législatives en cause ne portent atteinte ni à la liberté d’association ni au droit à l’égalité des cadres retraités, et, 3) aucun fait suffisamment précis permettant d’écarter l’immunité relative dont l’État bénéficie n’est allégué.
[7] Le juge donne raison au PGQ.
[8] Après avoir rappelé les grands principes applicables à l’autorisation d’une action collective[6], il s’attarde au troisième critère de l’article
[9] Malgré que cette conclusion suffise pour refuser l’autorisation demandée, il poursuit son analyse et s’affaire à déterminer si les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées (article
[10] Soulignant que le régime de retraite du personnel d’encadrement ne découle pas d’une convention collective ou d’un contrat de travail, mais bien d’une loi, il écarte la décision rendue récemment dans l’affaire Alliance des professionnels et des professionnelles de la Ville de Québec c. Procureure générale du Québec[12]. La Cour supérieure y a conclu qu’une loi permettant de suspendre unilatéralement une stipulation importante de régimes de retraite enchâssés dans des conventions collectives porte atteinte au droit des associations parties à ces conventions de négocier collectivement et constitue une attaque frontale aux droits acquis des retraités. Cette affaire fait d’ailleurs l’objet d’un pourvoi qui devrait être entendu prochainement par la Cour.
[11] Cela étant, le juge reconnait néanmoins qu’une atteinte au droit de négocier collectivement pourrait être reconnue si la loi portait atteinte à un droit ayant été négocié. Il retient toutefois de l’historique législatif du régime de retraite des cadres que, bien qu’on puisse supposer que certains avancements favorables aux retraités découlent de négociations parallèles ayant eu lieu entre le gouvernement et les divers syndicats de la fonction publique (eu égard à leur propre régime), le régime de retraite du personnel d’encadrement a été créé et maintenu par des lois qui n’ont jamais fait l’objet de négociations collectives[13].
[12] Il souligne que, contrairement à d’autres régimes de retraite, le RRPE n’oblige pas le gouvernement à informer les membres des changements qu’il compte apporter à leur régime de retraite[14] et il en conclut que le gouvernement n’avait pas d’obligation de consulter individuellement les cadres retraités. Il estime donc que ceux-ci n’ont pas été victimes d’une atteinte à leur liberté d’association.
[13] Il se prononce ensuite, coup sur coup, sur la discrimination fondée sur l’âge et sur le statut de retraité alléguée par l’appelant. Les dispositions contestées s’appliquant à tous les retraités, et ce peu importe leur âge, il conclut qu’il n’y a pas de discrimination fondée sur l’âge. Il estime par ailleurs que l’argument voulant que le statut de retraité constitue un motif analogue ou lié à la condition sociale mériterait pour sa part d’être discuté au fond.
[14] Il conclut toutefois que les allégués de la demande d’autorisation destinés à écarter l’immunité de l’État ne sont pas assez précis et ne suffisent pas pour faire perdre l’immunité restreinte dont celui-ci bénéficie. Selon lui, le fait que le gouvernement ait choisi de moduler l’indexation des pensions des retraités plutôt que d’augmenter encore plus les cotisations des cadres toujours à son emploi est un choix qui lui appartenait. Une telle décision ne découle donc pas d’une quelconque mauvaise foi de la part de l’État.
[15] Autrement, il convient que les critères liés à la composition du groupe et à la qualité de représentant de l’appelant sont satisfaits.
[16] Vu ces conclusions, il rejette la demande de permission d’introduire une action collective.
***
[17] Devant la Cour, l’appelant fait valoir que le juge a conclu à tort que son recours ne comportait, en somme, que des conclusions déclaratoires, et qu’il a excédé son rôle de juge autorisateur en qualifiant de frivoles de nombreux aspects du syllogisme qui fonde son recours, alors même qu’il ne pouvait s’intéresser au fond du litige et qu’il devait tenir pour avérés les faits allégués.
[18] La Cour estime qu’il a raison. Le juge a omis de prendre la pleine mesure des conclusions en dommages que comporte l’action collective envisagée et il a excédé son rôle de juge autorisateur en se penchant sur le fond du litige. Cela constitue des erreurs de droit justifiant l’intervention de la Cour[15].
***
[19] Il est établi depuis l’arrêt de la Cour dans D’Amico[16] que le paragraphe
[20] En l’instance, l’action collective vise également à ce que l’État soit condamné à rembourser à chacun des membres la somme dont il a été privé du fait de la suspension de l’indexation des rentes, 500 $ à titre de dommages compensatoires et 1 000 $ à titre de dommages punitifs :
[…]
CONDAMNER le gouvernement du Québec à rembourser à chacun des membres du Groupe la différence entre les prestations qui ont été versées jusqu’à la date du jugement et les prestations qui auraient été versées jusqu’à cette date si les articles 92 al. 2, 108.1, 108.2, 116.1, 116.2, 156 al. 2 et 211.3 de la Loi sur le régime de retraite du personnel d’encadrement, RLRQ, c. R-12.1 n’avaient jamais été adoptés, en sus de l’intérêt au taux légal et de l’indemnité additionnelle prévue par l’article
CONDAMNER le gouvernement du Québec à payer 500 $ à chacun des membres du Groupe à titre de dommages-intérêts compensatoires pour le stress et les inconvénients engendrés par l'état d’incertitude découlant de la perspective de diminutions ultérieures de leurs pensions, en sus de l’intérêt au taux légal et de l’indemnité additionnelle prévue par l’article
CONDAMNER le gouvernement du Québec à payer 1 000 $ à chacun des membres du Groupe à titre de dommages-intérêts punitifs, en sus de l’intérêt au taux légal et de l’indemnité additionnelle prévue par l’article
[…]
[21] Le juge a toutefois déterminé que la conclusion visant le remboursement de la somme dont les membres ont été privés était superfétatoire puisque, selon lui, la déclaration d’inconstitutionnalité recherchée aurait automatiquement cet effet. Quant aux dommages et intérêts recherchés, il a conclu que la solution proposée par le gouvernement de faire porter une partie du fardeau du renflouement du régime aux cadres retraités n’était pas entachée d’un comportement clairement fautif, de mauvaise foi ou d’un abus de pouvoir permettant d’écarter l’immunité dont bénéficie l’État en regard des réclamations en dommages découlant de l’adoption d’une loi inconstitutionnelle. Ce faisant, seule la conclusion visant l’invalidité demeure, rendant par le fait même le recours collectif inutile.
[22] Avec égards pour lui, la Cour est d’avis qu’il a mal apprécié le caractère utile de l’action collective proposée.
[23] D’entrée de jeu, soulignons qu’il n’est pas clair que l’obtention de la conclusion déclaratoire recherchée entraînerait nécessairement et automatiquement le remboursement de la somme dont ont été privés les membres du groupe jusqu’à maintenant. De plus, l’action collective recherche la condamnation de l’État à payer des dommages-intérêts compensatoires et punitifs, ce qui la rend utile, à moins que cette réclamation en dommages soit clairement mal fondée, ce qui n’est pas le cas ici.
[24] La détermination du juge voulant que les conclusions en dommages soient connexes à la conclusion principale en invalidité ne change rien. En l’absence d’une action collective, les retraités devraient introduire des réclamations individuelles pour obtenir les dommages auxquels ils soutiennent avoir droit. La déclaration d’inconstitutionnalité que pourrait avoir obtenue l’appelant dans le cadre de son recours (individuel) leur serait certes utile, mais elle n’écarterait pas la nécessité qu’ils introduisent des procédures judiciaires individuelles.
[25] En ce sens, la Cour estime que l’action collective est ici un véhicule utile et que le juge a commis une erreur en concluant autrement.
[26] Elle est aussi d’avis qu’il a excédé le rôle qui lui incombait au stade de l’autorisation lorsqu’il s’est intéressé au syllogisme proposé par l’appelant. Il s’est livré, on le voit à la lecture de ses motifs, à une analyse de la preuve et du droit pour trancher plusieurs questions relevant du fond. C’est le cas notamment lorsqu’il conclut que les cadres retraités n’ont pas droit à la négociation collective découlant du droit d’association, que la protection du droit de négocier collectivement prend fin au moment de la retraite même à l’égard d’un droit découlant du contrat de travail antérieur, qu’il faut distinguer les régimes découlant d’une convention collective ou d’un contrat de travail de ceux crées par une loi, et que le régime de pension concerné en l’espèce n’ayant jamais fait l’objet de négociations collectives, il n’est pas possible de soutenir qu’il existe une atteinte au droit de négocier collectivement. Cette dernière conclusion découle d’ailleurs d’une analyse de l’historique des négociations ayant eu lieu en lien avec divers régimes de retraite des employés de l’État alors que la preuve complète n’est vraisemblablement pas encore au dossier.
[27] Il est vrai qu’au stade de l’autorisation un juge peut trancher une pure question de droit, mais il n’y a en principe pas lieu pour lui de se prononcer sur le bien-fondé en droit des conclusions en regard des faits allégués[17], ni de trancher une question de droit qui requiert l’administration d’une preuve[18].
[28] À ce stade, faut-il le rappeler, le fardeau du requérant en est un de logique et non de preuve[19]. Il doit établir l’existence d’une cause soutenable. Il n’a pas à offrir une preuve prépondérante de ce qu’il avance, mais bien, tout au plus, une « certaine preuve »[20].
[29] Or, le syllogisme proposé par l’appelant, lorsque les faits allégués sont tenus pour avérés, est soutenable. Sa demande d’autorisation est détaillée et appuyée de plusieurs pièces. Son syllogisme s’articule autour d’allégués cohérents, qu’il importe de reproduire :
128. Mais ce n’est pas tout. Malgré la vulnérabilité des cadres retraités et des Associations de cadres retraités, laquelle était bien connue du gouvernement, ces dernières n’ont, contrairement aux associations de cadres actifs, eu droit à aucun préavis quant au fait que le SCT envisageait des modifications au RRPE impliquant la participation des cadres retraités.
129. Tout au plus ont-elles été conviées à la rencontre du 9 novembre 2016 par le biais d’une lettre datée du 2 novembre 2016 se contentant d’annoncer « une proposition de modifications au régime de retraite du personnel d’encadrement », sans plus de détail, tel qu’il appert d’une copie de la lettre transmise au président de l’Association québécoise des directeurs et directrices d’établissements d’enseignement à la retraite (l’« AQDER »), communiquée comme pièce P-13 au soutien des présentes.
130. Lors de la rencontre du 9 novembre 2016, le SCT a exposé aux Associations de cadres retraités (a) qu’un déficit de 1,8 milliard de dollars grevait la Caisse des participants; (b) que les cadres retraités devaient contribuer au redressement du déficit de la Caisse des participants; (c) que l’effort requis de leur part était de l’ordre de 239 millions de dollars et (d) que la Suspension – 9 ans correspondaient à l’effort requis.
131. Le SCT a ensuite demandé aux Associations de cadres retraités d’accepter la Proposition dans un délai maximal de 30 jours, à savoir le 9 décembre 2016 au plus tard.
[…]
155. Tel que plus amplement détaillé ci-dessus, les règles d’indexation des pensions prévues par la LRRPE avant l’entrée en vigueur des Dispositions contestées étaient le résultat concret de processus réels de négociation collective entre le gouvernement, les syndicats de la fonction publique et les associations représentatives des cadres.
[…]
157. Les Dispositions contestées portent atteinte à la liberté d’association du demandeur et des membres du Groupe en annulant de façon unilatérale les règles d’indexation préalablement négociées par le gouvernement, sans véritables discussions et consultations, entravant ainsi de façon substantielle des activités de négociation collective.
[30] Les raisons qu’il avance pour justifier que l’immunité relative dont bénéficie l’État soit écartée sont également détaillées :
19. À toute époque pertinente, seul le gouvernement pouvait freiner l’accumulation d’un tel déficit dans la Caisse des participants par la voie législative ou réglementaire, que ce soit en prévoyant des taux de cotisation plus élevés ou en modifiant la LRRPE.
20. Seule l’inaction fautive du gouvernement et la négligence de celui-ci peuvent donc être à la source de l’accumulation d’un déficit considérable dans la Caisse des participants.
[…]
89. S’il s’était déchargé en temps opportun de son devoir de s’assurer de la viabilité financière de la Caisse des participants, le gouvernement n’aurait pas eu à faire assumer ses propres obligations par des cadres retraités en adoptant la Loi 126 des dizaines d’années plus tard.
90. Le déficit dans la Caisse des participants résulte d’abord d’une problématique structurelle fondamentale existant depuis la fondation du RRPE (la « problématique structurelle »). Seul le gouvernement pouvait corriger cette problématique afin d’assurer la viabilité financière de la Caisse des participants. Il n’a jamais pris de mesures afin d’y mettre fin de façon durable, se contentant d’adopter quelques mesures de compensation temporaires.
91. La problématique structurelle est la suivante. Lorsqu’un employé du gouvernement de niveau syndicable est promu à un poste de cadre, ses cotisations et les intérêts qu’elles ont portés sont transférés du RREGOP à la Caisse des participants.
[…]
94. Dans un tel contexte, les cotisations transférées du RREGOP sont systématiquement et globalement insuffisantes pour acquitter les prestations éventuellement dues à même la Caisse des participants pour les nouveaux cadres.
95. Le gouvernement connait cette problématique structurelle depuis la création du RRPE.
96. La problématique structurelle est responsable d’un manque à gagner annuel et récurrent de plusieurs dizaines de millions de dollars dans la Caisse des participants.
97. À titre d’exemple, l’Évaluation actuarielle 2014 mentionne qu’une perte de 110 millions de dollars était « principalement attribuable » aux 4712 participants ayant adhéré au RRPE en provenance du RREGOP de 2012 à 2014, « car la valeur des cotisations avec intérêts qui est transférée est inférieure à la valeur actuarielle des prestations reconnues au RRPE » (pièce P-8, p. 44).
98. Depuis l’évaluation actuarielle déposée le 7 novembre 2001, chacune des évaluations actuarielles produites par Retraite Québec ou par son prédécesseur, la Commission administrative des régimes de retraite et d’assurance, indiquait que la problématique structurelle était un facteur expliquant des pertes importantes dans la Caisse des participants ou un facteur expliquant la nécessité de hausser le taux de cotisation, tl qu’il appert de copies de ces évaluations actuarielles, communiquées en liasse comme pièce P-9 au soutien des présentes.
99. À l’époque de l’adoption de la Loi 126, le gouvernement estimait que le manque à gagner causé par la problématique structurelle s’élevait à environ 35 millions de dollars par année.
100. Au fil des années, la problématique structurelle a entraîné un manque à gagner de plusieurs centaines de millions de dollars dans la Caisse des participants.
[…]
105. Au cours des débats parlementaires, le gouvernement a enfin soutenu que le déficit dans la Caisse des participants résultait de taux de cotisation trop faibles, particulièrement au début des années 2000.
[…]
276. Pour les motifs plus amplement détaillés aux paragraphes 186 à 210 ci-dessus, les Dispositions contestées résultent de consultations de façade menées de mauvaise foi.
276. Tel qu’expliqué ci-dessus, une fois les cotisations payées par les participants du RRPE, il est du devoir du gouvernement, à titre d’employeur, de s’assurer de la viabilité financière de la Caisse des participants et de la possibilité d’acquitter à même celle-ci les prestations dues aux cadres retraités.
[…]
279. À toute époque pertinente, seul le gouvernement pouvait freiner l’accumulation d’un tel déficit dans la Caisse des participants par la voie législative ou réglementaire.
[31] Bref, les questions que soulève l’action collective projetée sont sérieuses et ne peuvent être qualifiées de frivoles. L’appelant n’a pas à démontrer qu’il a de bonnes chances d’avoir gain de cause. Il n’a qu’à établir l’existence d’une cause soutenable.
[32] Il y réussit.
POUR CES MOTIFS, LA COUR :
[33] ACCUEILLE l’appel;
[34] INFIRME le jugement de la Cour supérieure du 6 mai 2021;
[35] AUTORISE l’exercice de l’action collective contre le Procureur général du Québec;
[36] ATTRIBUE à René Allard le statut de représentant aux fins d’exercer cette action collective pour le compte du groupe suivant, incluant le sous-groupe :
Groupe :
Toutes les personnes (a) qui ont droit à une pension en vertu de la LRRPE, y compris aux montants de pension ajoutés en vertu des articles 104 et 105 de la LRRPE le cas échéant, et (b) qui sont, selon le cas, (i) un(e) employé(e) qui a cessé de participer au RRPE avant le 1er juillet 2019, (ii) un(e) employ(é)e vis(é)e au premier alinéa de l’article9 de la LRRPE qui a cessé d’occuper une fonction visée par le RRPE avant le 1er juillet 2019; (iii) une employée dont la pension est une pension différée et qui a pris sa retraite avant le 1er juillet 2019; ou (iv) le (la) conjointe d’un(e) employ(é)e visée aux points (i), (ii) ou (iii).
Sous-groupe :
Toutes les personnes (a) qui ont droit à une pension en vertu de la LRRPE, y compris aux montants de pension ajoutés en vertu des articles 104 et 105 de la LRRPE le cas échéant, (b) qui sont, selon le cas, (i) un(e) employ(é)e qui a cessé de participer au RRPE avant le 1er juillet 2019, (ii) un(e) employ(é)e vis(é)e au premier alinéa de l’article 9 de la LRRPE qui a cessé d’occuper une fonction visée par le RRPE avant le 1er juillet 2019; (iii) un(e) employ(é)e dont la pension est une pension différée et qui a pris sa retraite avant le 1er juillet 2019; ou (iv) le (la) conjoint(e) d’un(e) employ(é)e visée aux points (1), (ii) ou (iii); et (c) dont la pension comprend une partie attribuable à du service antérieur au 1er juillet 1982.
[37] IDENTIFIE comme suit les principales questions de fait et de droit qui devront être traitées collectivement :
(a) Les Dispositions contestées portent-elles atteinte au droit de négocier collectivement découlant de la liberté d’association des membres du Groupe, en violation de l’alinéa 2d) de la Charte canadienne et de l’article
(b) Les Dispositions contestées portent-elles atteinte aux droits à l’égalité des membres du Groupe en opérant à leur encontre une discrimination fondée sur l’âge, en violation du paragraphe
(c) Les Dispositions contestées portent-elles atteinte aux droits à l’égalité des membres du Groupe en opérant à leur encontre une discrimination fondée sur leur statut de retraité, en violation du paragraphe
(d) Les Dispositions contestées portent-elles atteinte au droit des membres du Groupe à des conditions de travail déterminées en l’absence de toute discrimination, en violation de l’article
(e) Les Dispositions contestées portent-elles atteinte au droit des membres du Groupe à des conditions de travail justes et raisonnables, en violation de l’article
(f) Les Dispositions contestées ont-elles pour effet de détruire ou de compromettre le droit des membres du Groupe à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits mentionnés aux alinéas (a), (d) et (e) qui précèdent, en violation de l’article
(g) Les Dispositions contestées résultent-elles du comportement clairement fautif, de la mauvaise foi et/ou de l’abus de pouvoir du gouvernement?
(h) Les membres du Groupe ont-ils droit à l’octroi de dommages-intérêts compensatoires pour les pertes associées aux effets passés de la Suspension – 6 ans et de la Désindexation pré-1982 au moment du jugement à intervenir au mérite de l’action collective proposée?
(i) Les membres du groupe ont-ils droit à l’octroi de dommages-intérêts compensatoires pour le stress et les inconvénients engendrés par l’état d’incertitude découlant de la perspective de diminutions ultérieures de leurs pensions?
(j) Quel est le montant total des dommages-intérêts compensatoires dus aux membres du Groupe?
(k) Le gouvernement a-t-il porté une atteinte illicite et intentionnelle aux droits garantis aux membres du Groupe par les articles
(l) Les membres du Groupe ont-ils droit à l’octroi de dommages-intérêts punitifs?
(m) Quel est le montant total des dommages-intérêts punitifs dus aux membres du Groupe?
[38] IDENTIFIE comme suit les principales conclusions recherchées sur le fond par l’action collective :
ACCUEILLIR la demande introductive d’instance en action collective;
DÉCLARER que les articles 92 al. 2, 108.1, 108.2, 116.1, 116.2, 156 al. 2, 157 al. 2 et 211.3 de la Loi sur le régime de retraite du personnel d’encadrement, RLRQ c. R-12 sont inconstitutionnels et sans effet, et ce depuis leur entrée en vigueur;
DÉCLARER que l’article
DÉCLARER que les prestations versées aux membres du Groupe dans le cadre de la Loi sur le régime de retraite du personnel d’encadrement, RLRQ c. 12.1 doivent, à compter de la date du jugement, être du même montant qu’elles auraient été à pareille date si les articles 92 al. 2, 108.1, 108.2, 116.1, 116.2, 156 al. 2, 157 al. 2 et 211.3 de la Loi sur le régime de retraite du personnel d’encadrement, RLRQ c. R-12.1 n’avaient jamais été adoptés;
CONDAMNER le gouvernement du Québec à rembourser à chacun des membres du Groupe la différence entre les prestations qui ont été versées jusqu’à la date du jugement et les prestations qui auraient été versées jusqu’à cette date si les articles 92 al. 2, 108.1, 108.2, 116.1, 156 al. 2, 157 al. 2 et 211.3 de la Loi sur le régime de retraite du personnel d’encadrement, RLRQ c. R-12.1 n’avaient jamais été adoptés, en sus de l’intérêt au taux légal et de l’indemnité additionnelle prévue par l’article
CONDAMNER le gouvernement du Québec à payer 500 $ à chacun des membres du Groupe à titre de dommages-intérêts compensatoires pour le stress et les inconvénients engendrés par l’état d’incertitude découlant de la perspective de diminutions ultérieures de leurs pensions, en sus de l’intérêt au taux légal et de l’indemnité additionnelle prévue par l’article
CONDAMNER le gouvernement du Québec à payer 1 000 $ à chacun des membres du Groupe à titre de dommages-intérêts punitifs, en sus de l’intérêt au taux légal et de l’indemnité additionnelle prévue par l’article
ORDONNER le recouvrement collectif des dommages-intérêts compensatoires et punitifs à être versés aux membres du groupe par le gouvernement du Québec;
LE TOUT, avec frais de justice.
[39] DÉFÈRE le dossier au juge en chef de la Cour supérieure pour la désignation du juge qui sera chargé de la gestion de l’instance et la détermination du district dans lequel l’action collective devra être introduite;
[40] DÉFÈRE au juge gestionnaire ainsi désigné les questions de la publication de l’avis aux membres, des modalités de celui-ci et du délai d’exclusion;
[41] LE TOUT avec les frais de justice.
| JEAN BOUCHARD, J.C.A. |
| JACQUES J. LEVESQUE, J.C.A. |
| MARIE-JOSÉE HOGUE, J.C.A. |
[1] Allard c. Procureur général du Québec,
[2] Loi sur le régime de retraite du personnel d’encadrement, RLRQ, c. R-12.1.
[3] LQ 2017, c. 7.
[4] Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c. 11.
[5] RLRQ, c. C-12.
[6] Jugement entrepris, paragr. 52-55.
[7] D'Amico c. Procureure générale du Québec,
[8] Jugement entrepris, paragr. 63-70.
[9] Jugement entrepris, paragr. 73.
[10] Jugement entrepris, paragr. 78-86.
[11] Jugement entrepris, paragr. 87-90.
[12] Alliance des professionnels et des professionnelles de la Ville de Québec c. Procureure générale du Québec,
[13] Jugement entrepris, paragr. 105-115.
[14] Jugement entrepris, paragr. 129-135.
[15] L'Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal c. J.J.,
[16] D’Amico c. Procureure générale du Québec,
[17] L'Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal c. J.J.,
[18] Godin c. Aréna des canadiens inc.,
[19] Union des consommateurs c. Bell Canada,
[20] Toyota Canada c. Harmegnies,
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.