Décision

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Gabarit EDJ

R. c. Habib

2017 QCCQ 11427

COUR DU QUÉBEC

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

« Chambre criminelle et pénale »

N° :

500-73-004402-166

500-73-004401-168

 

 

DATE :

Le 29 septembre 2017

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE SERGE DÉLISLE, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

LA REINE

            Poursuivante

c.

 

Ismaël HABIB

            Délinquant

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT QUANT À LA PEINE

______________________________________________________________________

 

[1]   Au terme de son procès, Ismaël Habib est déclaré coupable de l’infraction prévue à l’article 83.181 du Code criminel, soit d’avoir tenté de quitter le Canada, ou d’avoir tenté de monter dans un moyen de transport dans l’intention de quitter le Canada, dans le but de commettre un acte à l’étranger qui, s’il était commis au Canada, constituerait l’infraction visée au paragraphe 83.18(1), contrairement à l’article 83.181 du Code criminel (chef 2).

[2]    Sitôt après les observations des parties, le 9 mai dernier, le Tribunal a déclaré le délinquant coupable d’avoir fait une déclaration fausse ou trompeuse afin d’obtenir un passeport[1] (chef 1).

[3]   M. Habib est le premier adulte au Canada à être déclaré coupable de l’infraction prévue à l’article 83.181 du Code criminel, entré en vigueur en 2013.

[4]   Le Tribunal doit maintenant déterminer la peine à imposer au délinquant. La poursuivante recommande une peine globale de 9 ans de pénitencier alors que la défense suggère un emprisonnement de 6 ½ ans.

[5]   Le délinquant n’a pas témoigné lors de l’audience sur la peine et aucune autre preuve n’a été présentée.

CONTEXTE

Circonstances de la commission de l’infraction

[6]   Le contexte de cette affaire est amplement décrit dans le jugement sur la culpabilité du 19 juin dernier[2]. Il se résume de la façon suivante.

[7]   En Syrie depuis trois mois à faire le jihad afin d’instaurer la charia et à combattre avec différents groupes pour établir un gouvernement islamique, Ismaël Habib quitte le pays en novembre 2013 pour aller chercher sa femme et ses enfants en Turquie dans le but de retourner en Syrie faire le jihad. Parce que son passeport canadien est révoqué, les autorités turques l’arrêtent et le renvoient au Canada.

[8]   Depuis son retour au Canada à la fin de 2013, le délinquant cherchait activement une façon de pouvoir quitter le pays pour retourner en Syrie et intégrer le groupe « État islamique » (l’EI).

[9]   Sans passeport canadien, il multiplie les démarches pour obtenir de faux passeports et il n’a pas ménagé les efforts. Entre autres, dans le but de berner l’agente de Passeport Canada, il est même allé jusqu’à se maquiller pour tenter de ressembler à son frère jumeau au nom duquel il présentait la demande.

[10]         Les recherches internet qu’il a effectuées et la déclaration qu’il donne dans le cadre d’une opération Monsieur Big démontrent que le délinquant a parfaitement connaissance des objectifs de l’EI et de ses méthodes pour les atteindre. Son adhésion à l’idéologie de l’EI est totale. Extrêmement motivé, voire obsédé, il est prêt à tout pour quitter le Canada afin de se rendre en Syrie pour intégrer l’EI. La preuve démontre qu’il est également prêt à tout pour aider l’EI à atteindre ses objectifs.

Profil du délinquant

[11]      Ismaël Habib aura 30 ans en novembre prochain. Il en avait 28 au moment où il a été accusé des infractions en cause. Il est né à Montréal d’une mère québécoise catholique et d’un père afghan musulman. À la séparation de ses parents, il demeure avec sa mère jusqu’à l’âge de 18 ans. Lorsqu’elle décide d’aller vivre à la campagne, il va habiter avec son père.

[12]      Il se convertit à l’islam à la suite d’une crise d’angoisse liée à une surconsommation de stupéfiants.

[13]      Le délinquant a une femme et deux enfants. Au moment de son arrestation, la preuve démontre qu’ils se trouvaient en Syrie. Aucune autre preuve n’a été présentée, tant au procès qu’à l’audition sur la peine, sur leur situation actuelle.

[14]      Sur le plan scolaire, la plupart des cours, des programmes collégiaux ou universitaires auxquels il s’est inscrit n’ont pas été achevés, par choix ou parce qu’il a été exclu des programmes pour absentéisme ou notes insuffisantes.

[15]      Au moment de son arrestation, le délinquant n’a pas d’emploi.

[16]      Il n’a pas d’antécédents judiciaires.

[17]      Il est détenu dans ce dossier depuis le 4 mars 2016.

Circonstances aggravantes

[18]      D’abord, il s’agit d’une infraction de terrorisme[3]. Formellement reconnue comme étant une circonstance aggravante par le législateur, « celle-ci se traduit par l’accentuation des objectifs punitifs de dénonciation et de dissuasion[4] ».

[19]      Le délinquant voulait intégrer l’État islamique, une entité terroriste inscrite sur la liste canadienne[5] depuis 2012. Dans la description de cette entité par Sécurité publique Canada[6], on peut lire que « [l]es tactiques de l'État islamique comprennent notamment des attentats-suicides avec des véhicules transportant des engins explosifs improvisés, des attentats armés, des prises d'otages et des décapitations enregistrées sur bande vidéo. En novembre 2015, l'EI a revendiqué la responsabilité d'attentats coordonnés dans six emplacements parisiens, qui se sont soldés par 120 morts et 200 blessés. Quatre mois plus tard, en mars 2016, l'EI a revendiqué la responsabilité de deux explosions à la bombe à l'aéroport de Bruxelles, et d'une autre explosion à la bombe dans la station de métro Maelbeek près des bureaux de l'Union européenne; ces explosions ont tué 31 personnes et en ont blessé 340 ».

[20]       D’ailleurs, dans un passage de sa déclaration, le délinquant se réjouit des attentats perpétrés en France[7], bien qu’il précise que lui personnellement, il ne commettrait pas ce genre d’attentat.

[21]      La preuve démontre que sa priorité est plutôt de gagner du territoire et d’établir la charia en Syrie et en Irak au bénéfice de l’EI. Elle démontre également qu’il adhère totalement à la philosophie et aux objectifs de l’EI. Il dit clairement à l’agent d’infiltration que c’est l’EI qu’il veut intégrer et qu’il épouse entièrement l’idéologie de cette entité.

[22]      Son désir d’intégrer l’EI peut se résumer en deux phrases d’une conversation Skype[8] alors qu’il se trouve en Syrie en 2013 : « as for me, i love jihad more then [sic] everything » et « there is no place where i feel more home then [sic] here ».

[23]      C’est probablement ce qui explique sa grande motivation et le haut degré de responsabilité du délinquant. En 2013, M. Habib a séjourné trois mois en Syrie et il a intégré trois différents groupes dont le but principal était de combattre Bachar Al-Assad et d’établir un État islamique. Toutefois, avant de combattre comme on le lui a demandé, il voulait aller chercher femme et enfants en Turquie[9]. C’est pour cette raison qu’il a quitté la Syrie, mais son intention était d’y retourner avec eux. Renvoyé plutôt au Canada, il s’affaire depuis à y retourner.

[24]      Il démontre ses connaissances lorsqu’il explique à l’agent d’infiltration, dans sa déclaration du 25 février 2016, combien la situation a changé à la suite de son départ de la Syrie, après que l’EI eut proclamé son califat. Il sait que l’EI combat pour établir la charia. Il distingue Al-Qaïda de l’EI et ajoute qu’il trouve le dirigeant actuel d’Al-Qaïda, Ayman Al-Zawahiri, trop pacifique. Dans un autre passage, il explique qu’en 2016, avec l’EI, « ils sont  clairs dans leur combat : on veut, on applique la charia pis on le fait. On vous montre qu’on applique la charia ».

[25]      De nombreuses recherches internet, dont certaines effectuées peu avant son arrestation, portent sur l’EI, la Syrie, Islamic State, etc. et témoignent d’un intérêt contemporain.

[26]      Toujours dans sa déclaration, il exprime sa motivation sans équivoque lorsqu’il dit que son but ultime est de faire « le plus qu[‘il] peu[t] » pour aider l’EI, qu’il est prêt à tout pour eux.

[27]      D’autres recherches internet déposées révèlent que le délinquant a effectué des recherches sur diverses façons de quitter le Canada clandestinement. En outre, il a multiplié les démarches pour obtenir de faux passeports.

[28]      ll n’hésite pas à s’investir dans une organisation criminelle (l’organisation fictive de la GRC) et il effectue plusieurs allers-retours entre Gatineau et Montréal pour participer aux activités de cette organisation. Il presse même le patron de l’organisation fictive de lui faire quitter rapidement le Canada, sinon il essaiera de trouver un autre moyen. Il lui demande aussi de le débarrasser de la voiture de sa deuxième épouse afin de toucher la prime d’assurance et de financer en partie son voyage clandestin.

[29]      Finalement, il affirme vouloir partir pour ne jamais revenir. En effet, il détaille son plan dans sa déclaration du 25 février 2016 : une fois arrivé en Turquie, il aurait déchiré le passeport canadien que l’organisation criminelle lui aurait fourni. Il aurait ensuite obtenu des pièces d’identité syriennes afin de devenir un réfugié syrien en Turquie pour plus tard s’assurer de se faire retourner en Syrie par les autorités turques.

[30]      Il ne s’agissait pas du projet utopique et irréfléchi d’un adolescent manipulé ou mené sous le coup d’une impulsion. C’est plutôt avec une parfaite connaissance des objectifs de l’EI et des méthodes utilisées par cette entité que le délinquant multiplie les démarches pour rejoindre la Syrie et intégrer l’EI. Il ne comptait pas s’y rendre pour y jouer un rôle passif. Il était prêt à tout pour l’EI, même à mourir.

[31]      Ces éléments augmentent l’importance qu’il faut accorder à la gravité objective de l’infraction et à la culpabilité morale du délinquant.

Circonstances atténuantes

[32]      Seule l’absence d’antécédents figure à la rubrique des circonstances atténuantes.

[33]      La défense plaide que son client est sans nouvelles de sa femme et de ses enfants depuis 15 mois, qu’il se remet en question et qu’il doit supporter les conséquences car c’est lui qui les a envoyés en Syrie.

[34]      Le Tribunal accorde peu de poids à ces éléments puisque le projet de se rendre en Syrie et d’intégrer l’EI leur était commun. La preuve démontre que sa femme partage les mêmes convictions et adhère à la même idéologie. La preuve démontre aussi qu’elle le pressait de se rendre en Syrie et, dans l’intervalle, de faire le jihad au Canada. C’est donc par choix qu’elle et ses enfants se trouvaient en Syrie.

[35]      Quant à la possibilité de sa réhabilitation, le délinquant n’a pas témoigné lors de l’audience sur la peine et le Tribunal n’a aucune preuve sur cet élément. En l’espèce, l’absence d’éléments de preuve sur la réinsertion sociale éventuelle du délinquant est un élément important de la détermination de la peine. L’absence de données sur le risque de récidive est pertinente à ce chapitre, particulièrement au regard de l’alinéa 718c) du Code criminel et de la nécessité d’isoler, au besoin, les délinquants du reste de la société[10]. L’absence d’éléments de preuve sur le risque que le délinquant poursuive ou réactive son plan prive le Tribunal de l’assurance qu’il n’est plus acquis à la cause du jihad armé et du terrorisme. Dans Khawaja, la Cour suprême conclut que l’absence de données sur la récidive éventuelle, au vu d’une preuve convaincante de dangerosité, suffit pour justifier une peine plus sévère[11].

PRINCIPES DE LA DÉTERMINATION DE LA PEINE

[36]      La Cour suprême a établi que devant la gravité des infractions de terrorisme, la dénonciation et la dissuasion, tant sur le plan individuel que collectif, constituent des objectifs importants lorsqu’il s’agit d’arrêter la peine des auteurs de ces infractions. La Cour a toutefois bien pris soin de préciser que les infractions de terrorisme n’appartiennent pas à une catégorie d’infractions à part et que les principes généraux de détermination de la peine s’appliquent à ces infractions[12].

[37]      Ainsi, la peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant.

[38]      Ceci étant, plusieurs juges de différentes cours ont relevé certaines caractéristiques qui rendent le terrorisme particulièrement condamnable.

[39]      À titre d’exemple, dans Khalid[13], une décision de la Cour supérieure de l’Ontario, il est écrit :

Terrorist offences are a most vile form of criminal conduct. [...] They attack the very fabric of Canada's democratic ideals. Those involved live by a philosophy that rejects the democratic process. Their motivation is unique and fundamentally at odds with the rule of law. It is an offence that has an enormous impact on the public. Their object being to strike fear and terror into the citizens in a way not seen in other criminal offences.

[40]      Dans Khawaja[14], la Cour d’appel de l’Ontario écrit :

To be sure, terrorism is a crime unto itself. It has no equal. It does not stop at, nor is it limited to, the senseless destruction of people and property. It is far more insidious in that it attacks our very way of life and seeks to destroy the fundamental values to which we ascribe — values that form the essence of our constitutional democracy.

[41]      Dans la cause de Hersi, une décision de la Cour supérieure de l’Ontario dans laquelle un individu est déclaré coupable d’avoir tenté de quitter le Canada pour se rendre en Somalie afin d’intégrer le groupe terroriste Al-Shabaab, le juge Baltman écrit :

Just like completed acts of terrorism, attempting or counselling such acts undermines the rule of law, because it erodes the very foundations of Canadian society.[15]

[42]      Plus loin, sur la nécessité de faire primer le principe de dissuasion, il ajoute:

The need for deterrence is even more acute for people planning to commit terrorist crimes overseas. These offences, being incipient in nature, are inherently difficult to detect and investigate on Canadian soil. Nor should we imagine that because Mr. Hersi planned to participate in terrorist activity abroad, we here in Canada should be less concerned. [...] Canada has an international responsibility to prevent the exportation of terrorism, just as we expect other countries to do the same.[16]

[43]      C’est justement parce que le Canada prend au sérieux ses responsabilités internationales et son rôle au sein de la Coalition contre l’EI, que le législateur a ajouté quatre infractions de terrorisme[17] pour répondre au problème des combattants étrangers, et ce, avant même que le Conseil de sécurité de l’ONU porte la question des combattants terroristes étrangers au premier rang des préoccupations internationales[18].

[44]      Dans le cas présent, n’eût été de l’enquête et de l’intervention de la GRC, Ismaël Habib aurait intégré « one of the most fanatical terrorist groups on the planet » pour reprendre les termes du juge Baltman dans Hersi. Le fait que les autorités aient déjoué les plans du délinquant ne diminue en rien la gravité de l’infraction ni son niveau de culpabilité morale[19].

[45]      Quant à la gravité objective des infractions, faire une déclaration fausse ou trompeuse dans le but d’obtenir un passeport est passible d’une peine maximale de 2 ans de prison alors que tenter de quitter le Canada, ou tenter de monter dans un moyen de transport dans l’intention de quitter le Canada, dans le but de commettre un acte à l’étranger qui, s’il était commis au Canada, constituerait l’infraction visée au paragraphe 83.18(1) C.cr., est passible d’un emprisonnement maximal de 10 ans.

[46]      Seuls le jugement de Hersi[20] et les commentaires sur la peine à infliger à la suite d’une recommandation des parties dans Larmond[21] peuvent servir de guide au Tribunal sur le quantum de la peine à prononcer contre le délinquant.

[47]      Mohamed Hersi était accusé de tentative de participer aux activités d’un groupe terroriste et d’avoir conseillé une autre personne de faire de même, contrairement à l’article 83.18 C.cr., puisque l’infraction prévue à l’article 83.181 n’était pas en vigueur en 2011. Ceci étant, les circonstances de la commission de l’infraction sont identiques à celles en l’espèce. En effet, Hersi planifiait de se rendre en Somalie pour intégrer l’entité terroriste Al-Shabaab. À la suite d’une enquête de plusieurs mois impliquant des agents d’infiltration, il a été arrêté à l’aéroport juste avant son embarquement pour Le Caire.

[48]      Par le jeu de l’article 83.18 et de l’alinéa 463b) du Code criminel, la peine maximale à laquelle Hersi s’exposait était de 5 ans d’emprisonnement sur chacun des chefs d’accusation pour lesquels il a été déclaré coupable. Jugeant que la gravité des infractions commises par Hersi était importante, le juge conclut que la peine maximale s’impose sur chacun des chefs d’accusation pour un total de 10 ans de prison, moins le temps passé sous garde.


 

[49]      En ajoutant au Code criminel, en 2013, l’infraction spécifique de tenter de quitter le Canada dans le but de participer à une activité d’un groupe terroriste, ou d’y contribuer dans le but d’accroître la capacité d’un groupe terroriste de se livrer à une activité terroriste[22] et en doublant la peine prévue pour ce comportement, le législateur a donné une indication de la gravité objective qu’il accorde à cette infraction.

[50]      Cette augmentation de la gravité objective semble avoir été considérée par les parties dans la recommandation conjointe présentée au juge dans l’affaire Larmond, où trois individus étaient accusés de diverses infractions de terrorisme.

[51]      L’infraction à laquelle Carlos Lamond a plaidé coupable est la même que celle pour laquelle Ismaël Habib a été déclaré coupable, c’est-à-dire d’avoir tenté de quitter le Canada dans le but de participer à une activité d’un groupe terroriste. Larmond s’est fait arrêter, après une enquête policière de quelques mois, juste avant son embarquement à l’aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau. Son plan était de se rendre en Syrie et d’intégrer l’EI. Il s’était converti à l’islam extrémiste quelques mois auparavant. En plus du plaidoyer de culpabilité, le délinquant a exprimé de profonds regrets et manifesté son intention de devenir un citoyen respectant la loi à sa sortie du pénitencier. Le juge a accepté la recommandation conjointe de 7 ans de prison, moins le temps passé sous garde.

[52]      Les décisions sur la peine concernant l’infraction de faire une déclaration fausse ou trompeuse dans le but d’obtenir un passeport sont quant à elles peu nombreuses. Le Tribunal en a répertorié six[23]. Les peines varient de l’absolution conditionnelle à 2 ans de prison.

LA PEINE

[53]      Pour ce qui est de l’accusation d’avoir fait une déclaration fausse ou trompeuse dans le but d’obtenir un passeport, force est de constater que le délinquant s’est donné beaucoup de mal pour tenter de berner l’agente de Passeport Canada. Non seulement a-t-il présenté la demande au nom de son frère jumeau, mais il a en plus utilisé ses pièces d’identité et s’est maquillé pour tenter de ressembler à son frère sur les photos et au moment de présenter sa demande. Le degré de préméditation et la nature de la fausse déclaration militent en faveur d’une peine d’1 an de prison.


 

[54]      Quant au chef d’avoir tenté de quitter le Canada ou d’avoir tenté de monter dans un moyen de transport dans l’intention de quitter le Canada, dans le but de commettre un acte à l’étranger qui, s’il était commis au Canada, constituerait l’infraction visée au paragraphe 83.18(1), Ismaël Habib cherchait désespérément à se rendre en Syrie pour intégrer l’EI, une entité terroriste responsable de la mort de plusieurs civils innocents, tant dans ses combats armés en Syrie que lors d’attentats ailleurs dans le monde. Habib s’affairait depuis plusieurs mois à trouver une façon de se rendre en Syrie et au moment de son arrestation, il était convaincu que l’organisation fictive de la GRC était pour lui faire quitter le Canada clandestinement par bateau. Il avait un plan pour liquider ses biens (et ceux de sa deuxième épouse) et avait des contacts avec l’EI en Syrie, où se trouvaient sa femme et ses enfants. Le Tribunal conclut qu’une peine de 8 ans de pénitencier correspond à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant.

[55]      Les peines sont consécutives.

[56]      Ismaël Habib est détenu dans cette affaire depuis le 4 mars 2016, soit depuis 574 jours. Le Tribunal alloue au délinquant 1½ jour pour chaque jour passé sous garde, pour un total de 861 jours. Le Tribunal alloue le temps passé sous garde sur le deuxième chef d’accusation. Ainsi, le délinquant devra purger 2059[24] jours de détention sur ce chef, soit un peu plus de 5 ½ ans.

[57]      La peine globale qu’Ismaël Habib devra purger est d’un peu plus de 6 ½  ans de pénitencier.

[58]      Le paragraphe 743.6(1.2) du Code criminel stipule que le tribunal est tenu d’ordonner qu’un délinquant condamné pour une infraction de terrorisme purge la moitié de sa peine avant d’être admissible à la libération conditionnelle, à moins d’être convaincu, compte tenu des circonstances de l’infraction et du caractère et des particularités du délinquant, que la réprobation de la société à l’égard de l’infraction commise et l’effet dissuasif de l’ordonnance sont tels que la période d’admissibilité habituelle à la libération conditionnelle, soit un tiers, peut être appliquée.

[59]      En l’espèce, la réprobation de la société à l’égard des infractions de terrorisme et le besoin de lancer un message dissuasif fort selon lequel ces crimes seront sévèrement punis font en sorte que la période d’admissibilité habituelle à la libération conditionnelle ne peut être appliquée.

[60]      Ainsi, le Tribunal ordonne qu’Ismaël Habib purge la moitié de sa peine avant d’être admissible à la libération conditionnelle.

[61]      De plus, en vertu de l’article 487.051 du Code criminel, le Tribunal rend une ordonnance autorisant le prélèvement d’un échantillon d’ADN du délinquant.


 

[62]       Finalement, en vertu de l’article 109 du Code criminel, le Tribunal rend une ordonnance interdisant à Ismaël Habib d’avoir en sa possession, pour une période de 10 ans, les armes ou les substances dangereuses mentionnées à l’article.

 

 

 

__________________________________

SERGE DÉLISLE, J.C.Q.

 

 

 

Me Lyne Décarie

Pour la poursuivante

 

 

Me Charles Montpetit

Pour Ismaël Habib

 

 

Date d’audience :

17 août 2017

 



[1]     Par. 57(2) C.cr.

[2]     R. c. Habib, 2017 QCCQ 6948.

[3]     Alinéa 718.2a)(v) C.cr.

[4]     Parent et Desrosiers, Traité de droit criminel, t. 3, 2e édition, La peine (2016), p. 86.

[5]     Règlement modifiant le Règlement établissant une liste d’entités, DORS/2012-162 et DORS/2002-284.

[7]     Puisque la déclaration a été prise le 25 février 2016, le Tribunal infère que le délinquant réfère à l’attentat de novembre 2015 à Paris.

[8]     P-47, conversation avec Tayyma1.

[9]     P-34, session 4, p. 2 et 3.

[10]    R. c. Khawaja, 2012 CSC 69, par. [122].

[11]    Id., note 18, par. [123].

[12]    R. c. Khawaja, précité note 16, aux par. [115] et [130].

[13]    R. v. Khalid, [2009] O.J. 6414, par. [108].

[14]    R. v. Khawaja, 2010 ONCA 862, par. [231].

[15]    R. v. Hersi, 2014 ONSC 4414, par. [54].

[16]    Id. , par. [64].

[17]    Loi sur la lutte contre le terrorisme, L.C. 2013, ch. 9. Voir les infractions aux article 83.181, 83.191, 83.201 et 83.202 du Code criminel.

[18]    Conseil de sécurité des Nations Unies, Résolution 2178, Doc. N.U. S/RES/2178(2014) (24 septembre 2014), en ligne : http://www.un.org/en/sc/ctc/docs/2015/N1454799_FR.pdf

[19]    R. v. Khalid, 2010 ONCA 861, par. [36].

[20]    R. v Hersi, précité, note 14.

[21]    R. v. Larmond, 2016 ONSC 5479.

[22]    C’est le jeu des articles 83.181 et 83.18 C.cr. qui amène le Tribunal à écrire l’infraction de la sorte afin d’en faciliter la lecture et la compréhension.

[23]    R. c. Villarceau, 2007 QCCQ 15077 ; R. c. Perrin, [2001] J.Q. no. 922, confirmé par la C.A.Q. [2001] J.Q. 5525 ; R. v. Franklin, [1993] B.C.J. No. 1928; R. c. Consiglio, [2005] Q.J. No. 11711 ; R. v. Lawson, [2005] O.J. No. 1484 ; R. v. McDermot, [1982] M.J. No. 120.

[24]    8 ans = 2920 jours. 2920-861=2059.

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