Décision

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Office municipal d'habitation de Montréal c. Gélinas

2024 QCTAL 23501

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

737589 31 20230928 S

No demande :

4285195

 

 

Date :

15 juillet 2024

Devant la juge administrative :

France Tremblay

 

Office municipal d'habitation de Montréal

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

Karine Gélinas

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Le Tribunal est saisi de la demande produite le 10 avril 2024, par laquelle le locateur requiert la résiliation du bail de logement au motif de la contravention de la locataire aux ordonnances du Tribunal prononcées le 30 janvier 2024, l’expulsion de cette dernière ainsi que celle de tous les occupants des lieux, en plus de l'exécution provisoire de la décision à intervenir, malgré l’appel, et du remboursement de ses frais.

[2]         Bien que la demande ait dûment été signifiée à la locataire par huissier le 22 avril 2024 et malgré l'avis d'audition transmis par le Tribunal, celle-ci est absente à l'audience.

[3]         Le Tribunal a donc procédé à l'instruction de l'affaire par défaut, tel que permis en vertu de l'article 67 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement.

BAIL

[4]         Les parties sont liées par un bail de logement reconduit jusqu'au 30 juin 2024.

PREUVE

[5]         En date du 30 janvier 2024, le juge administratif Claude Fournier a rendu une décision qui énonce les conclusions suivantes :

« [11] ORDONNE à la locataire de garder son logement, son balcon et les aires communes de l’immeuble libres de tout encombrement, et ce en tout temps;

[12] ORDONNE à la locataire de ne pas déposer, entreposer ou accrocher des objets personnels sur le terrain de l’immeuble ou dans les arbres situés sur ledit terrain;

[13] ORDONNE à la locataire de ne pas accrocher ou suspendre des objets personnels de son balcon ou de tout élément structurel de l’immeuble; »

[6]         À l’audience, la mandataire du locateur détaille au Tribunal ses nombreuses visites à l’immeuble en l’instance depuis le prononcé de la décision datée du 30 janvier 2024, lesquelles lui ont permis de constater la persistance du niveau d’encombrement du balcon de la locataire et de la cour extérieure. Au soutien de son témoignage, plusieurs photographies sont produites, lesquelles démontrent clairement le non-respect des ordonnances prononcées à l’encontre de la locataire.


[7]         Cela dit, suivant les avis de visite dont les copies sont produites à l’audience, il appert que la locataire a eu l’occasion, à plusieurs reprises, de corriger ses défauts, mais en vain.

[8]         Ainsi, en plus de contrevenir à l’ordonnance datée du 30 janvier 2024, la preuve démontre clairement que la locataire contrevient à ses obligations légales et contractuelles, en ce qu’elle n’use pas des lieux loués avec prudence et diligence, ce qui cause sans doute un préjudice sérieux au locateur qui est notamment susceptible de recevoir des infractions émises par Ville de Montréal.

[9]         Ainsi se résume la preuve soumise, laquelle demeure non-contredite, en l’absence de la locataire à l’audience.

ANALYSE ET DÉCISION

[10]     Le recours du locateur est fondé sur l'article 1973 du Code civil du Québec (C.c.Q.), lequel énonce ce qui suit :

« 1973. Lorsque l'une ou l'autre des parties demande la résiliation du bail, le tribunal peut l'accorder immédiatement ou ordonner au débiteur d'exécuter ses obligations dans le délai qu'il détermine, à moins qu'il ne s'agisse d'un retard de plus de trois semaines dans le paiement du loyer.

Si le débiteur ne se conforme pas à la décision du tribunal, celui-ci, à la demande du créancier, résilie le bail. »

[11]     Dans l'affaire Samson c. Poitras[1], la juge administrative Francine Jodoin fait l'analyse suivante :

« [11] Dans l'affaire Lavigueur c. Grenon, la Cour du Québec souligne l'importance de l'ordonnance ainsi émise :

« [30] Le Tribunal constate que l'ordonnance prévue à l'article1973 C.c.Q. s'apparente à l'injonction. Lorsqu'une ordonnance est préalablement émise par un régisseur, ce dernier doit tenir une audition avant de prononcer la résiliation. Comme on le sait, le défaut de respecter une ordonnance de la Cour ou une injonction est sanctionné par un outrage au Tribunal. Par contre, dans le cadre d'une ordonnance de l'article1973 C.c.Q., la sanction est la résiliation. »

[Notre soulignement]

[12] Lorsqu'une ordonnance est émise conformément à l'article 1973 du Code civil du Québec précité, la seule preuve du défaut du locataire de respecter une telle ordonnance entraîne la résiliation du bail et le Tribunal n'a plus discrétion pour décider, par exemple, qu'il y a lieu de réitérer l'ordonnance ou refuser la résiliation.

[13] Ceci étant, le Tribunal doit quand même entendre la preuve pertinente présentée pour constater si, depuis que l'ordonnance a été émise, le défaut est réel et en lien avec la nature des ordonnances émises, s'il y a eu renonciation à l'ordonnance prononcée ou transaction entre les parties depuis.

[14] Il va de soi que tout élément de défense pertinent doit être entendu et considéré.

[15] Par contre, la contravention à l'ordonnance est acquise lorsque cette défense consiste à démontrer que l'ordonnance n'aurait pas dû être émise (appel déguisé) ou que le défaut résulte de difficultés financières ou personnelles. Toute défense qui consiste à refaire la preuve sur l'existence réelle de retards fréquents n'est pas pertinente.

[16] En cela, le Tribunal n'adhère pas à l'opinion qui veuille qu'il existe deux écoles de pensées sur la conséquence liée au non-respect d'une ordonnance émise suivant l'article1973 C.c.Q. Lorsque la jurisprudence a énoncé l'absence de discrétion du juge pour résilier le bail cela était en lien évidemment avec une preuve claire de la contravention à l'ordonnance. Évidemment, si cette contravention ne relève pas du locataire ou si les faits subséquents indiquent qu'il y a eu, par exemple, renonciation à l'ordonnance, le juge ne pourra conclure à la contravention. Il n'exerce pas ainsi une discrétion mais apprécie la preuve présentée.

[17] Le Tribunal ne peut exercer une discrétion judiciaire pour pallier à la résiliation dans la mesure où la contravention est avérée. Cette discrétion a déjà été exercée au stade de l'émission d'une ordonnance en lieu et place de la résiliation immédiate.

[18] Il faut noter que l'objectif recherché par l'article 1973 C.c.Q. est d'accorder une ultime chance au locataire de rencontrer ses obligations lorsque la preuve soumise justifie la résiliation du bail et que le préjudice sérieux a été démontré. Ceci explique la raison pour laquelle la sanction au défaut de respecter une telle ordonnance est aussi irrémédiable lorsque la contravention est démontrée. »


DÉCISION

[12]     En l’instance, le Tribunal est d’avis que le jugement prononcé le 30 janvier 2024 ne souffre d'aucune imprécision. Il apparaît donc clair que la locataire évitait la résiliation de son bail conditionnellement au respect des ordonnances prononcées. Ainsi, la locataire ne pouvait pas les prendre à la légère, considérant les risques y découlant.

[13]     Par ailleurs, le Tribunal est d'avis qu’il n'a actuellement aucune discrétion quant au prononcé de la résiliation du bail, l’article 1973 C.c.Q. dictant clairement la conséquence du manquement.

[14]     Ce faisant, en l’occurrence de la preuve probante et du témoignage entendu à l’audience, il appert sans aucun doute que la locataire a failli à son obligation de respecter l’ordonnance du Tribunal prononcée le 30 janvier 2024, en ce que le balcon et les aires communes n’ont pas été désencombrés par la locataire, laquelle a par ailleurs continué d’accrocher des objets personnels auxdits endroits.

[15]     Subsidiairement, le Tribunal retient de la preuve soumise que la locataire contrevient à ses obligations contractuelles en ne se conformant pas aux multiples demandes verbales et avis écrits visant le désencombrement des lieux loués, et ce, afin d'assurer notamment la sécurité de tous les occupants de l'immeuble.

[16]     Par conséquent, l'intégrité de l'immeuble du locateur est atteinte, ce qui cause ainsi un sérieux préjudice au locateur.

[17]     De plus, une simple visite des représentants de Ville de Montréal pourrait donner lieu à un constat d'infraction pour le locateur, lui causant un préjudice supplémentaire.

[18]     Ce faisant, le locateur a relevé son fardeau de preuve, de façon prépondérante, que les manquements de la locataire causent un préjudice sérieux à lui-même, ainsi qu'aux autres occupants de l'immeuble, ce qui justifie la résiliation du bail.

[19]     De plus, le Tribunal est d’avis que l'exécution provisoire de la décision, nonobstant l’appel, est justifiée aux termes de l'article 82.1 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement.

[20]     Enfin, les frais applicables sont adjugés contre la locataire selon le Tarif des frais exigibles par le Tribunal administratif du logement.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[21]     ACCUEILLE la demande du locateur;

[22]     RÉSILIE le bail de logement et ORDONNE l'expulsion de la locataire et de tous les occupants des lieux loués;

[23]     ORDONNE l’exécution provisoire de la présente décision, malgré l’appel, à compter du 11e jour de sa signature;

[24]     CONDAMNE la locataire à payer au locateur les frais judiciaires de 113,25 $ prévus au Tarif.

 

 

 

 

 

 

 

 

France Tremblay

 

Présence(s) :

la mandataire du locateur

Me Éric Martineau, avocat du locateur

Date de l’audience : 

27 juin 2024

 

 

 


 


[1]  Samson c. Poitras, 2016 QCRDL 32646.

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