Décision

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Décision

Austin c. Moreno

2014 QCRDL 34387

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

31-111103-039 31 20111103 G

No demande :

56727

 

 

Date :

09 octobre 2014

Régisseur :

Éric Luc Moffatt, juge administratif

 

James Austin

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

RINA MORENO

 

SAAD GUESSOUS

 

Locateurs - Partie défenderesse

et

 

WADII BOUJENDAR

 

Nouveau locateur - Partie défenderesse

 

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      Par un recours introduit le 3 novembre 2011, le locataire demande des dommages punitifs de 3 500 $ (art. 49 de la Charte, réf. : paragr. 6 de la demande) et des dommages-intérêts non qualifiés de 3 500 $. Une lettre de mise en demeure datée du 4 octobre 2011 est annexée à la demande pour en faire partie intégrante. La diminution du loyer est aussi demandée.

[2]      Un premier amendement a été déposé le 12 septembre 2012 pour réitérer la même réclamation que celle précisée à la demande introductive sauf pour ce qui est d’ajouter spécifiquement la demande d’intérêts et de l’indemnité additionnelle prévue au Code civil du Québec. Le locataire précise que l’immeuble a été vendu à Wadii Boujendar le 30 juillet 2012 et demande la condamnation des précédents locateurs et défendeurs à la demande introductive de payer la diminution de loyer jusqu’en date du 30 juillet 2012.

[3]      Un second amendement est introduit le 24 janvier 2013 dans lequel les conclusions recherchées contre les précédents locateurs sont réitérées. De plus, des dommages-intérêts de 3 500 $ avec intérêts et indemnité additionnelle sont réclamés à l’encontre du « locateur actuel », soit Wadii Boujendar concernant l’exécution de réparations déjà ordonnée à la décision du Tribunal rendue le 2 juin 2011 contre les locateurs Rina Moreno et Saad Guessous et l’amendement réfère aussi à des réparations « devenues nécessaires » et indiquées dans un courriel annexé du 8 janvier 2013 et qui émane du locataire, lequel a été transmis au nouveau locateur. La demande de diminution du loyer est aussi réitérée.


[4]      Le 15 janvier 2014, le locataire déposait un troisième amendement en l’instance pour réitérer ses conclusions recherchées et demandant que Wadii Boujendar soit condamné à payer la diminution du loyer pour la période du 31 juillet 2012 au 31 mai 2013, soit jusqu’à la date du départ du locataire du logement suite à la reprise du logement autorisée par la Régie du logement. Le locataire demande aussi que le locateur Wadii Boujendar soit condamné à payer des dommages punitifs (art. 49 de la Charte) de 3 501 $ et des dommages-intérêts de 3 500 $.

[5]      Les parties étaient liées par un bail reconduit et couvrant la période du 1er juin 2012 au 31 mai 2013, au loyer mensuel de 850 $. Le locataire a commencé à habiter le logement concerné le 1er juin 2003.

[6]      Les locateurs Rina Moreno et Saad Guessous ont acquis l’immeuble de Maurice Zagury le 4 mars 2011. L’immeuble abrite 50 unités d’habitation (condos). Le logement est situé au troisième étage de l’immeuble.

[7]      Par la lettre de mise en demeure du 4 octobre 2011 à laquelle la procédure introductive réfère pour énoncer ses motifs (paragraphe 3 de la demande), le locataire soutient que des réparations ordonnées à la décision du 2 juin 2011 (Pièce L-1) dans le dossier 31-101015-002G, n’ont jamais été exécutées.

[8]      L’ordonnance émise par la décision rendue le 2 juin 2011 par la juge administratif Louise Fortin suite à une audience tenue le 13 avril 2011 se lit comme suit :

« [42] ORDONNE aux locateurs Saad Guessous et Rina Moreno d'exécuter les travaux suivants :

« b.    Kitchen Oven (the bottom element never functioned as well as timer & knob missing since day one);

c.      Freezer (Hotpoint) needs to be replaced (has gaseous smell to anything it freezes);

d.      The stove top fan shouts in the kitchen & bathroom, shake, rattle & roll, very noisy and defective (all filter screens clogged and broken, and air duct chimney, from the ceiling to outside roof top desperately needs a chute / chimney clean sweep as the up & out airflow is restricted and jammed.

e.      The longs top center balcony railing needs to be professionally and properly fastened by concrete drill, filler, and correct anchors and screws;

f.       There are serious hoards of bugs and spider infestation and wasps and bees continuously flying, buzzing around, pestering, and threatening the tenants and any guests or any company;

g.      The living room air conditioner needs to be renewed and replaced;

h.      The bathroom toilet needs adjusting & checked to be secure. It no longer flushes correctly;

i.       Hallway, bedroom, and bathroom closet sliding doors need to be adjusted and corrected. They are all loose creaky, & noisy (roof activated?) and unattached correctly therefore malfunctioning; the sliding door mechanisms, tracks, rails, hinges and  spring loaded plastic sliders, needs attention.

j.       All the kitchen & bathroom cupboard doors are entirely misaligned and falling apart;

K.      The living room sliding windows do not open/shut/slide/screen correctly.

m.     Repair living room windows screen frame;

n.      Some detector needs to be repaired (it is non functional);

o.      Replacement of the carpets (flooded);

p.      Insulation of the balconies two doors;. »


[9]      À la lettre du 4 octobre 2011 émanant du procureur du locataire et à laquelle réfère la procédure introductive du 3 novembre 2011, le locataire énonce, entre autres, ce qui suit quant à l’ordonnance du 2 juin 2011 et les paragraphes b. à p. qui y sont mentionnés. Le Tribunal note qu’aucun paragraphe désigné comme étant le paragraphe l. ne se retrouve dans les travaux décrits et ordonnés dans les conclusions de la décision du 2 juin 2011.

[10]   L’extrait de cette lettre du 4 octobre 2011 se lit comme suit :

« - le robinet de la salle de bain laisse couler l’eau et la tuyauterie qui relie le robinet à l’eau chaude fuit (par. a) de l’ordonnance);

- la nouvelle cuisinière installée ne fonctionne pas ((par. b) de l’ordonnance);

- les armoires de cuisine et de la salle de bains, les traverses inférieures des armoires de cuisine et de la vanité de salle de bain sont endommagées ainsi que les portes coulissantes des gardes robes du logement sont non fonctionnelles (par. i) et j) de l’ordonnance);

- la fenêtre coulissante de la salle de séjour ne ferme pas et ne comporte pas de moustiquaire (par. k) de l’ordonnance);

- les tapis et sous tapis sont endommagés (par. o) de l’ordonnance);

- l’isolation de l’appareil d’air climatisé n’a jamais été faite de même que l’isolation de l’appareil  d’air climatisé n’a jamais été faite de même que l’isolation à l’intérieur de la porte donnant accès au balcon (par. p) de l’ordonnance);

- la peinture de l’appartement n’a jamais été refaite (par. q) de l’ordonnance).

En outre, notre client mentionne les défectuosités additionnelles suivantes :

- il y a des trous dans les murs là où la tuyauterie entre dans les murs sous les deux éviers de l’appartement;

- plancher de cuisine endommagé;

- boyau d’évacuation de la sécheuse non fixé aux extrémités;

Vous êtes donc requis de faire les réparations qui s’imposent en la matière dans les 10 jours des présentes, faute de quoi des procédures seront entreprises dont notamment une demande en dépôt de loyer, le tout sans préjudice au recours en dommages et diminution de loyer de notre client. »

[11]   Cette lettre du 4 octobre 2011 était adressée aux locateurs Moreno et Guessous et a été signifiée le 19 octobre 2011. Le locataire ainsi que ces derniers locateurs ont soumis à l’appréciation du Tribunal leurs éléments de preuve aux fins de déterminer si l’ordonnance émise le 2 juin 2011 a été respectée quant aux paragraphes énoncés à la lettre du 4 octobre 2011.

[12]   Lors de l’audience tenue le 23 janvier 2014, le procureur du locataire indique que les réparations auxquels réfèrent les paragraphes d., e., n. et p. de l’ordonnance ont été effectuées.

[13]   Le Tribunal doit conclure que seuls les éléments énoncés aux paragraphes b., i., j., k. et o. demeurent en litige. La lettre de mise en demeure du 4 octobre 2011 réfère aussi aux paragraphes a. et q. mais ceux-ci, bien qu’ils se retrouvent à la demande déposée dans le dossier qui a mené à la décision du 2 juin 2011, tel qu’indiqué au paragraphe 5 de cette décision ne se retrouvent pas à l’ordonnance émise le 2 juin 2011. Il n’y a donc pas lieu de réexaminer la preuve concernant les éléments auxquels réfèrent ces paragraphes a. et q., lesquels n’ont pas été retenus par le Tribunal pour les fins de l’ordonnance émise le 2 juin 2011.

[14]   Ces paragraphes a. et q. concernaient respectivement la tuyauterie ou la plomberie de la cuisine et de la salle de bain et la demande de repeindre le logement. Il faut conclure que le Tribunal s’est donc déjà prononcé quant à ces éléments tels que l’indique la décision rendue le 2 juin 2011. La preuve est donc appréciée qu’en ce qui concerne les paragraphes b., i., j., k. et o. auxquels réfèrent la lettre de mise en demeure du 4 octobre 2011 et, évidemment, la demande du 3 novembre 2011 et cela, qu’aux fins de statuer sur la demande de dommages-intérêts et de diminution de loyer. La demande d’exécution (ordonnance) en nature des obligations du locateur Wadii Boujendar est devenue sans intérêt, vu le départ du locataire du logement. De surcroît, la preuve indique que Wadii Boujendar ne serait plus locateur et propriétaire de l’immeuble depuis le 1er novembre 2013. L’ordonnance émise le 2 juin 2011 dans le dossier 31-101015-002G était exécutoire à partir du 2 juillet 2011.


[15]   Pour sa part, le locateur Saad Guessous, lequel représente également la co-défenderesse Rina Moreno lors de l’audience, soutient que les travaux auxquels réfère l’ordonnance du 2 juin 2011, dont ceux énoncés aux paragraphes b., i., j., k. et o. indiqués aux conclusions de la décision du 2 juin 2011, ont été exécutés.

[16]   Rosita Segundo a témoigné au soutien de la demande. Elle demeurait au logement à titre d’occupante avec le locataire, et ce, à partir de l’année 2006. Elle déclare être une amie du locataire. Elle dit avoir quitté le logement au cours du mois de mai 2013.

[17]   Quant à la moustiquaire, le témoin confirme qu’elle a été brisée par le locataire. Elle a ensuite été réparée par les locateurs Guessous et Moreno et le locataire aurait très bien pu la réinstaller.

[18]   Quant à l’ordonnance concernant la cuisinière (paragraphe b. de l’ordonnance), le témoin Rosita Segundo confirme que la cuisinière a été remplacée suite à la décision du 2 juin 2011. Le locateur montre avoir fait l’achat d’une nouvelle cuisinière en date 19 août 2011.

[19]   Le témoignage du locataire n’a aucunement convaincu le Tribunal que la nouvelle cuisinière ne fonctionnait pas de manière adéquate. Sur ce point, aucune preuve fiable et concluante n’est soumise au Tribunal. L’avocat du locataire soumet que la vidéo présentée par les locateurs ne prouve rien quant à l’état de la cuisinière, mais il en est de même quant aux photographies de la cuisinière mises en preuve par le locataire.

[20]   En ce qui concerne le paragraphe i. de l’ordonnance, soit les ajustements à être faits concernant les portes coulissantes des trois placards, la preuve démontre que le locateur est intervenu de manière satisfaisante.

[21]   Rosita Segundo affirme que les portes des armoires de la cuisine (paragraphe j. de l’ordonnance) n’ont jamais été ajustées, mais la preuve photographique comme l’ensemble de la preuve soumise montrent que les portes sont ajustées de manière adéquate.

[22]   Le paragraphe k. de l’ordonnance réfère au fait que des ajustements étaient à faire concernant les fenêtres coulissantes du salon. Le locateur montre que les fenêtres de l’immeuble ont été remplacées et que les travaux ont été complétés au début du mois de juin 2013 (Pièce GP-4).

[23]   Quant aux défectuosités additionnelles auxquelles réfère la lettre du 4 octobre 2011, la preuve photographique démontre que seul l’état de vétusté du revêtement de plancher de la cuisine sera retenu. Le locateur Guessous affirme qu’il « n’avait pas de budget pour changer ça ».

[24]   Toutefois, le Tribunal souligne que cela ne constitue pas un moyen de défense valable du fait qu’il était tenu de maintenir le logement en bon état de réparation et d’entretien pendant toute la durée du bail (1854 et 1864 C.c.Q.). Le Tribunal juge que le revêtement du plancher de la cuisine devait être remplacé malgré l’argument du locateur Guessous à l’effet « qu’il n’y avait pas de jugement pour le faire ». Il ajoute toutefois que ça ne coûtait que quelques dollars et que si le locataire avait été gentil avec lui, il l’aurait remplacé, ce qui confirme que l’état du plancher commandait son remplacement.

[25]   Quant au reste, la preuve est insuffisante et non concluante. Il en est de même quant à la teneur du courriel transmis au locateur Boujendar le 8 janvier 2013.

[26]   La preuve démontre que la partie du tapis qui avait été inondée a été remplacée de manière adéquate le 22 décembre 2011, le tout en référence au paragraphe o. de l’ordonnance du 2 juin 2011.

[27]   Toutefois, les locateurs se sont conformés tardivement pour la plupart des éléments visés par l’ordonnance et dont le locataire se plaint à nouveau dans sa lettre de mise en demeure du 4 octobre 2011. Quant à certains défauts d’inexécution et pour toute période depuis la demande du 3 novembre 2011 jusqu’au 30 juillet 2012, une somme globale et unique de 450 $ est accordée au locataire à titre de diminution de loyer en raison du fait qu’une diminution partielle de la jouissance du logement a persisté.

[28]   Une somme de 400 $ sera aussi accordée au locataire à titre de dommages-intérêts moraux pour les troubles et inconvénients subis en raison des retards indus des locateurs Guessous et Moreno à se conformer à toutes les conclusions de l’ordonnance émise le 2 juin 2011.

[29]   Wadii Boujendar était tenu aux mêmes obligations d’entretien et de réparation que les précédents locateurs à partir de la date à laquelle il est devenu locateur, soit le 30 juillet 2012 (art. 1937 C.c.Q.). Le locateur Boujendar était bien au fait des éléments dénoncés aux locateurs Guessous et Moreno lorsqu’il a acheté l’immeuble, tel qu’en fait foi l’écrit du 21 juillet 2012 mis en preuve (Pièce PB-1).


[30]   Lors de son témoignage, Wadii Boujendar confirme que lorsqu’il a acquis la propriété il « était en connaissance des choses à faire », sans plus. Il dit s’en être remis totalement aux précédents locateurs qui assumeraient, selon lui, l’entière responsabilité de toutes les réparations. Toutefois, il se dit « conscient » qu’il était « responsable des défaillances » maintenant qu’il était devenu locateur. Il dit que lorsque le locataire l’a avisé il a agi et réfère à la réparation qu’il a faite le 27 septembre 2012 du réfrigérateur « qui coulait de l’intérieur ». Pour le reste, Wadii Boujendar résume sa position comme suit : « qu’à chaque fois qu’il y avait quelque chose je le transfert à monsieur Guessous » et ajoute qu’il communiquait avec Guessous lorsque le locataire lui demandait de réparer, et ce, malgré ses obligations légales à l’égard du locataire.

[31]   Plusieurs des troubles dénoncés et faisant l’objet de l’ordonnance émise le 2 juin 2011 avaient été réglés avant la date du 30 juillet 2012, date à laquelle Wadii Boujendar est devenu locateur. Toutefois, tenant compte de cet élément et pour la période du 30 juillet 2012 jusqu’à la date de départ du locataire (30 mai 2013), le locateur Boujendar devra assumer une somme globale de 200 $ à titre de diminution de loyer et de 150 $ à titre de dommages-intérêts moraux.

[32]   La preuve soumise ne permet aucunement au Tribunal de conclure que les exigences constitutives prévues à l’article 49 de la Charte des droits et libertés de la personne aux fins de l’octroi de dommages-intérêts punitifs, sont rencontrées.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[33]   DIMINUE le loyer d’une somme globale de 450 $ et CONDAMNE les défendeurs Saad Guessous et Rina Moreno à payer ladite somme au locataire;

[34]   CONDAMNE les défendeurs Saad Guessous et Rina Moreno à payer une somme de 400 $ au locataire à titre de dommages-intérêts moraux, plus les intérêts au taux légal calculés à compter du 3 novembre 2011 et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec calculés à compter du 12 septembre 2012;

[35]   DIMINUE le loyer d’une somme globale de 200 $ et CONDAMNE le défendeur Wadii Boujendar à payer ladite somme au locataire;

[36]   CONDAMNE le défendeur Wadii Boujendar à payer une somme de 150 $ au locataire à titre de dommages-intérêts moraux, plus les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q. à compter du 12 septembre 2012;

[37]   SANS frais vu la dispense;

[38]   REJETTE la demande quant à l’excédent ou autres conclusions recherchées.

 

 

 

 

 

 

 

 

Éric Luc Moffatt

 

Présence(s) :

le locataire

Me Stéphane Proulx, avocat du locataire

le locateur Saad Guessous pour lui-même et à titre de mandataire de la locatrice Rina Moreno

le locateur Wadii Boujendar

Date de l’audience :  

23 janvier 2014

Présence(s) :

le locataire

Me Stéphane Proulx, avocat du locataire

les locateurs Wadii Boujendar et Saad Guessous

Date de l’audience :  

10 juillet 2014


 

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