Décision

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Guzman c. Groupe Blais Picard

2023 QCTAL 35535

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Québec

 

No dossier :

731137 18 20230831 G

No demande :

4025947

 

 

Date :

14 novembre 2023

Devant la juge administrative :

Micheline Leclerc

 

Monserrat Guzman

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

Groupe Blais Picard SOCIÉTÉ EN NOM COLLECTIF et Beaudoin Picard Inc.

 

Locateur - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         La locataire demande l’annulation du bail et/ou sa résiliation, des dommages de 300 $, avec les intérêts et les frais, ainsi que l’exécution provisoire nonobstant appel et une diminution de loyer de 80 % par mois du 1er juillet 2023 jusqu’à son départ du logement.

LA PREUVE

[2]         La locataire explique qu’elle a loué le logement concerné après avoir visionné une vidéo et elle a signé un bail pour la période du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024 au loyer mensuel de 869 $.

[3]         À son arrivée, elle dit que tout était sale : le logement, la literie et la vaisselle fournies, il n’y avait pas de ventilation et il faisait très chaud, elle ne pouvait pas cuisiner parce que la hotte de la cuisinière ne fonctionnait pas et il n’y avait pas d’éclairage.

[4]         Elle a eu des maux de tête et elle a restitué en raison de la chaleur et les locataires voisins étaient bruyants.

[5]         Elle a informé le locateur à différentes reprises (L-1), mais les travaux n’ont pas été effectués.

[6]         Elle a transmis une mise en demeure le 26 août (L-2) et le locateur a répondu le 29 août suivant (L-3).

[7]         Elle a quitté le 8 septembre 2023 alors que les loyers des mois de juillet, août et septembre avaient été payés et elle a payé une somme de 300 $ à un ami qui l’a aidée à déménager.

[8]         Monsieur Florest est un ami de la locataire et il l’a aidée à déménager.

[9]         Il confirme que la hotte de la cuisinière ne fonctionnait pas, qu’il n’y avait pas d’éclairage ni de ventilation et qu’il faisait très chaud, que l’oreiller et les draps étaient sales, qu’il y avait beaucoup de bruits à l’intérieur et à l’extérieur de l’immeuble, que la locataire n’a pas bien dormi, qu’elle avait des maux de tête et qu’elle a perdu des cheveux et du poids.


[10]     Après son départ, sa santé s’est rétablie.

[11]     Il confirme qu’elle lui a remis une somme de 300 $ pour l’aider à déménager.

DÉCISION

[12]     L’article 1854 du Code civil du Québec stipule ce qui suit :

« 1854. Le locateur est tenu de délivrer au locataire le bien loué en bon état de réparation de toute espèce et de lui en procurer la jouissance paisible pendant toute la durée du bail.

Il est aussi tenu de garantir au locataire que le bien peut servir à l'usage pour lequel il est loué, et de l'entretenir à cette fin pendant toute la durée du bail. »

[13]     En cas de défaut, le locataire peut introduire les recours prévus à l’article 1863 du Code civil du Québec :

« 1863. L'inexécution d'une obligation par l'une des parties confère à l'autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l'exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l'inexécution lui cause à elle-même ou, s'agissant d'un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail.

L'inexécution confère, en outre, au locataire le droit de demander une diminution de loyer; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablissement du loyer pour l'avenir. »

[14]     Très récemment, le juge administratif Philippe Morisset a rappelé ce qui doit être considéré pour l’octroi d’une diminution de loyer[1] :

« [47] Relativement à la diminution de loyer, celleci doit correspondre à la perte réelle subie, elle doit être objective et non pas varier selon les caractéristiques propres à chaque locataire.

[48] Pour donner ouverture à une diminution de loyer, il faut que la perte de jouissance soit réelle, sérieuse, significative et substantielle[2].

[49] En conséquence, pour obtenir une diminution de loyer, la perte de valeur locative ou la diminution de prestation d’une situation, ou encore, les défectuosités dénoncées par le locataire doivent lui occasionner une perte de jouissance des lieux qui soit réelle, substantielle et significative. Le trouble ne doit pas être mineur ou n’être qu’un simple préjudice esthétique. Somme toute, le trouble doit être sérieux.

[50] Selon les dictionnaires, le mot « sérieux » fait référence au caractère de ce qui mérite attention et considération du fait de son importance, de sa gravité (critique, réel, préoccupant, inquiétant).

[51] Les principes applicables quant au montant qui peut être alloué à titre de diminution de loyer sont les suivants :

« Le recours en diminution du loyer a pour but de rétablir l’équilibre dans la prestation de chacune des parties au bail ; lorsque le montant du loyer ne représente plus la valeur de la prestation des obligations rencontrées par le locateur parce que certains services ne sont plus dispensés ou que le locataire n’a plus la pleine et entière jouissance des lieux loués, le loyer doit être réduit en proportion de la diminution subie.

Il s’agit en somme de rétablir le loyer au niveau de la valeur des obligations rencontrées par le locateur par rapport à ce qui est prévu au bail ; la diminution ainsi accordée correspond à la perte de la valeur des services ou des obligations que le locateur ne dispense plus. Il ne s’agit donc pas d’une compensation pour des dommages ou des inconvénients que la situation peut causer. »[3] »

[15]     L’annulation d’un contrat ne peut être accordée que lorsqu’il y a eu vice de consentement, ce qui n’a pas été prouvé.

[16]     Toutefois, considérant l’état du logement et l’inaction du locateur après deux mois de location, le Tribunal est d’avis que la locataire était fondée de quitter les lieux loués avant la fin du bail, ce qui en soit constitue un dédommagement puisqu’elle est libérée de toute obligation à l’égard du locateur.

[17]     Le Tribunal ne s’explique toutefois pas pourquoi elle a payé une somme de 300 $ à monsieur Flores, alors que tout était inclus dans la location et que la locataire n’avait aucun meuble à déménager.


POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[18]     CONDAMNE le locateur au paiement des frais judiciaires et de notification de 93 $;

[19]     DÉCLARE le bail résilié en date du 8 septembre 2023;

[20]     REJETTE quant au surplus.

 

 

 

 

 

 

 

 

Micheline Leclerc

 

Présence(s) :

la locataire

Date de l’audience : 

8 novembre 2023

 

 

 


 


[1]  Jacques c. Doré, 3618629,18 janvier 2023, Me Philippe Morisset j.a.

[2]  Denis LAMY, La diminution de loyer, Ed. Wilson & Lafleur Ltée, 2004. pp. 29 et 30.

[3]  Gagné c. Larocque, R.L., 31-970501-054G, 1er décembre 1997, r. Joly.

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