Prinvil c. Bertrand | 2025 QCTAL 14987 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT |
Bureau dE Montréal |
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No dossier : | 829693 31 20241101 G | No demande : | 4512283 |
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Date : | 30 avril 2025 |
Devant la juge administrative : | Francine Jodoin |
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Natacha Prinvil Samuel Prinvil | |
Locataires - Partie demanderesse |
c. |
David Bertrand | |
Locateur - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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- Les locataires demandent une ordonnance d’exécution en nature, une diminution mensuelle de leur loyer (300 $) rétroactive, l’exécution provisoire de la décision et les frais de justice.
- Il s’agit d’un bail du 1er décembre 2019 au 30 juin 2020, au loyer mensuel de 790 $ qui est reconduit depuis. Le loyer actuel pour le bail se terminant le 30 juin 2025 est de 840 $. Les locataires ont refusé l’augmentation proposée.
- Le logement est situé dans un immeuble de 19 étages. Les locataires logent au sous-sol.
- Monsieur Prinvil explique qu’il subit des infiltrations d’eau dans la chambre à coucher depuis mars 2021. Ces écoulements se sont poursuivis dans la cuisine et dans la chambre de ses filles.
- Cela s’est produit à 8 reprises depuis 2021. Le plus gros évènement a eu lieu en octobre 2024 alors que cela a coulé pendant 10 minutes inondant par le fait même le lit des locataires.
- Le locateur est venu pour constater la situation puis est monté chez le locataire d’en haut. Il ne l’a plus revu.
- En 2022, il y a eu des réparations aux murs en raison des infiltrations subies.
- Le 31 juillet 2023, on lui a notifié un avis de retrait de l’autorisation de percevoir les loyers et il paie actuellement directement aux créanciers hypothécaires[1].
- Dans la salle de bain, le meuble-lavabo aurait été grugé par des rongeurs. De plus, l’eau froide du robinet de la douche coule (goutte à goutte).
- Quant au comptoir de cuisine, il est formé de tuiles de céramiques et le coulis est effrité.
- Le locataire soulève, également, la présence intermittente de punaises, cafards et rongeurs depuis 2022.
- Il se plaint, aussi, de la présence d’humidité sous les escaliers communs et dans les chambres.
- Également, les tuiles de vinyle formant le recouvrement du plancher de la cuisine sont décollées.
- Il a transmis des mises en demeure le 4 et le 15 octobre 2024 qui n’ont pas été reçu par le locateur.
- La demande au Tribunal lui a, cependant, été notifiée le 15 novembre 2024[2].
ANALYSE
- Suivant la loi, le locateur assume entre autres, l'obligation de procurer au locataire la jouissance paisible de son logement (article 1854 C.c.Q.) et le maintien de celui-ci en bon état d'habitabilité (article 1910 C.c.Q.). Il doit faire toutes les réparations nécessaires (article 1864 C.c.Q.) sauf les menues réparations d’entretien.
- Selon les auteurs[3], ces obligations du locateur sont qualifiées de résultat, de sorte que les moyens de défense sont limités. Une fois le manquement établi, le locateur ne peut alors invoquer simplement sa diligence raisonnable ou se contenter de rapporter la preuve d'un comportement prudent et diligent[4].
- L'inexécution d'une obligation prévue par la Loi ou le bail confère le droit de demander, entre autres, la diminution du loyer et une ordonnance d’exécution en nature (article 1863 C.c.Q.).
- En l’occurrence, la preuve révèle que les locataires ont subi à quelques occasions des infiltrations d’eau, ce qui les a privés de la jouissance paisible du logement. Par ailleurs, la preuve des locataires démontre un logement qui requiert des réparations dont la responsabilité incombe au locateur.
- Les locataires sont allés à la ville pour une inspection qui a été réalisée le 7 novembre 2024. Malheureusement, le rapport de l’inspecteur[5] réfère à une grille de non-conformités qui n’a pas été remise avec le rapport.
- Les locataires n’insistent pas pour obtenir ce document.
- Le Tribunal accordera une diminution mensuelle équivalente à 100 $. Par ailleurs, cette diminution tiendra compte, également, des réparations nécessaires au logement quant au plancher de vinyle, remplacement du coulis du comptoir de cuisine et la présence occasionnelle de punaises et cafards.
- Quant aux autres éléments affectant le logement, tel que l’écoulement du robinet de douche, la présence de rongeurs ou l’humidité excessive, la preuve soumise ne permet pas de les considérer soit parce que la preuve est déficiente pour les établir, soit parce que la problématique n’apparait pas significative au point de justifier une diminution du loyer.
- Cette diminution sera accordée à compter de la notification de la demande vu l’absence de mise en demeure préalable[6].
- Il sera, aussi, ordonné au locateur de faire les réparations suivantes :
-Réparer les dommages causés au revêtement du logement dans les chambres par les infiltrations d’eau à répétition;
-Réparer le comptoir de cuisine (apposition de coulis);
-Remplacer le revêtement de sol dans la cuisine;
- La diminution de loyer vaudra jusqu’à ce que ces réparations soient exécutées.
- Quant aux problématiques d’insectes ou de vermines, il ne s’agit pas de réparations et la rédaction de la demande ne permet pas au Tribunal d’émettre les ordonnances appropriées. Les locataires renoncent à amender leur procédure puisque cela aurait engendré des délais supplémentaires à la disposition de leur demande[7].
- La preuve soumise ne justifie pas l’exécution provisoire de la décision.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
- ORDONNE au locateur d’effectuer les réparations suivantes, dans un délai de 30 jours de la présente décision
-Réparer les dommages causés au revêtement du logement par les infiltrations d’eau à répétition et remettre en état les surfaces affectées;
-Réparer le comptoir de cuisine (apposition de coulis);
-Remplacer le revêtement de sol dans la cuisine;
- DIMINUE le loyer de 100 $ par mois à compter du 15 novembre 2024 et ce, jusqu’à ce que les réparations soient complétées;
- CONDAMNE le locateur à payer la diminution ainsi accordée plus les frais de justice de 90 $;
- REJETTE la demande quant au surplus.
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| Francine Jodoin |
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Présence(s) : | les locataires |
Date de l’audience : | 14 avril 2025 |
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[1] Sois dit en passant, le recours des locataires ne pouvait être dirigé contre les créanciers hypothécaires puisqu’ils n’assument pas les obligations découlant du bail, Raileanu c Gestactif inc, 2022 QCTAL 5897, AZ‑51835506 (SOQUIJ).
[2] Copie remise au concierge de l’immeuble qui a accusé réception pour le locateur.
[3] Jean-Louis Baudouin et Pierre-Gabriel Jobin, Motifs d'exonération dans les obligations, 6e Édition par Pierre Gabriel Jobin, Jean-Louis Baudouin et P. Deslauriers, La faute contractuelle dans la responsabilité civile, Volume I - Principes généraux, 7e Édition, 2007, EYB2007RES21, approx. 12 pages.
[6] Articles 1590, 1594 et 1597 du Code civil du Québec. Lamy, Denis, La diminution du loyer, Montréal, Wilson et Lafleur, 2004, p. 40. Voir aussi, Thérèse Rousseau-Houle et Martine De Billy, Le bail du logement : Analyse de la jurisprudence, 1989, Collection Wilson et Lafleur, page 101. 9071-9048 Québec inc. c. Gatineau (Ville de), 2006 QCCQ 7274, JE 2006-1654, Sergerie c. Mallette, 2018 QCRDL 26411, requête en rétractation rejetée; Sergerie c. Mallette, 2018 QCRDL 42576. Voir également, Nadeau c. Binette, 2020 QCRDL 13267; Gongoroiu c. Modabbernia, 2016 QCRDL 26049.
[7] Le locateur étant absent à l’audience, un amendement verbal ne peut être autorisé, article 20 du Règlement sur la procédure devant le Tribunal administratif du logement, RLRQ c. T-15-01.