Gulabi c. Laplante | 2024 QCTAL 27025 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||
Bureau dE Drummondville | ||||||
| ||||||
No dossier : | 750026 16 20231205 T | No demande : | 4366079 | |||
|
| |||||
Date : | 29 août 2024 | |||||
Devant la juge administrative : | Marilyne Trudeau | |||||
| ||||||
Ozkan Gulabi |
| |||||
Locataire - Partie demanderesse | ||||||
c. | ||||||
Michel Laplante |
| |||||
Locateur - Partie défenderesse | ||||||
| ||||||
D É C I S I O N
| ||||||
[1] Par un recours introduit le 18 juin 2024, le locataire requiert la rétractation d'une décision rendue le 20 février 2024 par la juge administrative Brigitte Morin à la suite d'une audience tenue le 8 février 2024 à laquelle il était présent.
[2] Aux termes de cette décision, le bail entre les parties a été résilié, l’expulsion du locataire et de tous les occupants du logement a été ordonnée, le locataire a également été condamné à payer au locateur la somme de 2 050 $, plus les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article
[3] Le locataire n’a pas notifié sa demande au locateur. Celui-ci indique être toutefois prêt à procéder.
APERÇU
[4] Dans sa demande de rétractation, le locataire indique avoir pris connaissance de la décision le 10 juin 2024 et avoir déposé la présente demande de rétractation le 18 juin 2024.
[5] Présent et questionné à l’audience, le locataire est incapable de dire pourquoi il n’a pas pris connaissance de la décision plus tôt considérant que celle-ci lui a été expédiée par le Tribunal suivant sa date.
[6] Le locataire indique à sa demande avoir payé au locateur le montant dû de 2 050 $ et les frais de 110 $ le 22 février 2024. Suivant ce paiement, le locateur lui a permis de demeurer dans le logement et il a encaissé le loyer des mois de mars 2024 à juin 2024. Il ajoute que le locateur le menace d’exécuter la décision dont il demande la rétractation considérant qu’il est en retard dans le paiement du loyer.
[7] Le locateur s’oppose à la présente demande.
[8] Il ajoute que le locataire lui doit toujours l’équivalent de deux mois de loyer.
[9] Ainsi se résume l'essentiel des prétentions de chaque partie.
QUESTIONS EN LITIGE
[10] La demande du locataire est-elle présentée hors délai ?
[11] Le locataire a-t-il établi des motifs et des moyens de défense sommaires pouvant justifier la rétractation de la décision?
ANALYSE ET DÉCISION
[12] D'entrée de jeu, il est pertinent de rappeler que celui qui veut faire valoir un droit doit faire la preuve des faits au soutien de sa prétention, et ce, de façon prépondérante, la force probante du témoignage et des éléments de preuve étant laissée à l'appréciation du Tribunal[1].
[13] Le locateur fonde sa demande sur l'article 89 de la Loi sur le Tribunal administratif logement, L.R.Q., c. R8.1, (LTAL) qui édicte :
89. Si une décision a été rendue contre une partie qui a été empêchée de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, cette partie peut en demander la rétractation.
Une partie peut également demander la rétractation d'une décision lorsque le Tribunal a omis de statuer sur une partie de la demande ou s'est prononcée au-delà de la demande.
La demande de rétractation doit être faite par écrit dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l'empêchement.
La demande de rétractation suspend l'exécution de la décision et interrompt le délai d'appel ou de révision jusqu'à ce que les parties aient été avisées de la décision.
Une partie qui fait défaut d'aviser de son changement d'adresse conformément à l'article 60.1 ne peut demander la rétractation d'une décision rendue contre elle en invoquant le fait qu'elle n'a pas reçu l'avis de convocation si cet avis a été transmis à son ancienne adresse.
[Notre soulignement]
Le dépôt hors délais de la demande
[14] L’article 89 LTAL précité mentionne clairement que la demande en rétractation doit être faite dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l’empêchement.
[15] Dans le présent dossier, la preuve prépondérante démontre d’abord que le Tribunal administratif du logement a expédié aux parties copie de la décision rendue le 20 février 2024, tel qu’il appert du plumitif.
[16] L'article 41.2 du Règlement sur la procédure devant le Tribunal administratif du logement stipule ce qui suit :
41.2. Le Tribunal transmet aux parties une copie de la décision par courrier ou par tout autre moyen approprié.
L'attestation d'expédition fait foi de cette transmission jusqu'à preuve du contraire.
[17] Qui plus est, en vertu de la Loi sur la Société canadienne des postes[2], le destinataire d'un envoi est censé en avoir reçu livraison selon les conditions prévues à l'article 2, lequel énonce :
Transmission postale Transmission par la Société ou par son intermédiaire. (transmit by post)
Présomption
(2) Pour l'application de la présente loi, le destinataire d'un envoi est censé en avoir reçu livraison si s'est effectuée, selon les modalités de distribution habituellement appliquées à son égard, l'une des opérations suivantes :
a) remise de l'envoi à son lieu de résidence ou de travail ou à son établissement;
b) remise de l'envoi dans sa boîte postale, dans sa boîte aux lettres rurale ou en tout autre endroit affecté au même usage;
c) remise de l'envoi entre ses mains ou entre celles d'une personne apparemment autorisée par lui à en recevoir livraison, notamment un domestique ou un mandataire.
Idem
(3) Pour l'application de la présente loi, une chose est en cours de transmission postale depuis son dépôt jusqu'à sa livraison au destinataire ou son retour à l'expéditeur. »
[18] Ladite loi crée donc également une présomption quant à la réception des envois selon les modalités qui y sont prévues.
[19] Dans la présente affaire, il est raisonnable de croire qu'il n'a pas nécessité un délai de près de trois mois à Postes Canada pour remettre cette lettre au locataire.
[20] Le locataire n'a donc pas renversé la présomption de réception et aucun retour de courrier n'est parvenu aux bureaux du Tribunal administratif du logement.
[21] Le Tribunal constate donc que la demande du locataire est faite hors délais.
[22] Ce seul motif serait suffisant pour rejeter la demande, mais il y a plus.
Les motifs de la rétractation
[23] L'article 44 du Règlement sur la procédure devant le Tribunal administratif du logement stipule que :
44. La demande de rétractation d'une décision doit contenir non seulement les motifs qui la justifient mais, si elle est produite par le défendeur à la demande originaire, elle doit également contenir les moyens sommaires de défense à la demande originaire.
[24] À maintes reprises, les tribunaux ont déterminé que la rétractation est un moyen procédural exceptionnel, car le principe de l'irrévocabilité des jugements est important. Ce principe a été réitéré par la Cour d'appel du Québec :
Le principe de l'irrévocabilité des jugements est nécessaire à une saine administration de la justice, d'où le sérieux que doivent avoir les motifs de rétractation. La procédure doit contribuer à la protection des droits des deux parties et la remise en question des décisions doit demeurer l'exception et ne pas devenir la règle[3].
[25] Ainsi, après analyse de l'ensemble de la preuve soumise, le Tribunal estime que le locataire n’a pas établi, par preuve prépondérante, un motif sérieux de rétractation.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[26] REJETTE la demande en rétractation;
[27] MAINTIENT la décision rendue le 30 août 2023;
[28] REJETTE la demande en limitation procédurale du locateur.
|
| ||
|
Marilyne Trudeau | ||
| |||
Présence(s) : | le locataire le locateur | ||
Date de l’audience : | 26 juillet 2024 | ||
| |||
| |||
[1] Articles
[2] L .R. 1985, ch. C-10, art. 2 (2) (3).
[3] Enterprises Roger Pilon et al. c Atalntis Real Estate Co,
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.