Décision

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Immeubles Isa Frank inc. c. Bello

2024 QCTAL 10469

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Laval

 

No dossier :

753657 36 20231222 G

No demande :

4153959

 

 

Date :

28 mars 2024

Devant la juge administrative :

Sylvie Lambert

 

Les Immeubles Isa Frank inc.

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

Mohamed Bello

 

Locataire - Partie défenderesse

et

Salma Mahamat Doungous

 

Partie intéressée

 

D É C I S I O N

 

 

Aperçu

[1]         Le 22 décembre 2023, le locateur demande au Tribunal de constater la résiliation du bail en date du 21 octobre 2023, d’ordonner l’expulsion du locataire et de tous les occupants du logement, l'exécution provisoire de la décision malgré l'appel, plus les frais.

[2]         Cette demande est fondée sur l'article 1889 du Code civil du Québec (C.c.Q) qui prévoit :

« 1889. Le locateur d'un immeuble peut obtenir l'expulsion du locataire qui continue d'occuper les lieux loués après la fin du bail ou après la date convenue au cours du bail pour la remise des lieux; le locateur d'un meuble peut, dans les mêmes circonstances, obtenir la remise du bien. »

[3]         Le locateur soutient que Salma Mahamat Doungous (Mme Doungous) refuse de quitter le logement, malgré une entente de résiliation de bail signée par le locataire Mohamed Bello (locataire Bello) le 21 octobre 2023 et malgré l’entente intervenue avec Mme Doungous, le 14 février 2024.

[4]         De son côté, Mme Doungous soutient que l’entente du 14 février 2024 est invalide au motif qu’elle a signé ce document sous la pression et la contrainte. Elle invoque donc que son consentement a été vicié.

[5]         Le locataire Bello est absent à l’audience.


Questions en litige

[6]         L’entente de résiliation de bail signé par le locataire Bello a-t-il un effet sur l’occupation des lieux par Mme Doungous ?

[7]         Quel est la nature du lien juridique entre le locateur et Mme Doungous ?

[8]         L’entente du 14 février 2024 est-elle affectée d’un vice de consentement de sorte qu’elle devrait être annulée ?

La preuve

[9]         Isabelle Cadotte (Mme Cadotte) et son conjoint François Langevin (M. Langevin) sont copropriétaires de Les Immeubles Isa Frank Inc., le locateur en l’instance.

[10]     Un bail intervient entre le locateur et le locataire Bello pour la période du 4 septembre 2020 au 31 août 2021.

[11]     Ce bail est reconduit pour la période du 1er septembre 2023 au 31 août 2024 au loyer mensuel de 1 695 $.

[12]     Le logement concerné est une maison unifamiliale.

[13]     Le 30 septembre 2023, le locataire Bello quitte les lieux, mais conclut un contrat de sous-location en date du 2 octobre suivant en faveur de Mme Doungous pour la période débutant le 1er octobre 2023 au 30 septembre 2024. Ce bail de sous-location est conclu à l’insu du locateur.

[14]     Au début octobre 2023, le locateur constate qu’une personne autre que le locataire Bello habite le logement.

[15]     Le 7 octobre, les policiers interviennent au logement à la demande de Mme Doungous. Elle se plaint que le locataire Bello lui demande de lui remettre le montant du loyer ou de quitter le logement. Mme Doungous dira que le locataire Bello voulait la faire sortir du logement.

[16]     Le 11 octobre 2023, une entente de résiliation de bail intervient entre le locateur et le locataire Bello. Selon les termes de cette entente, le bail est résilié en date du 21 octobre 2023.

[17]     Par la suite, le locateur demande à Mme Doungous de quitter les lieux. Mme Doungous fait alors valoir son statut de sous-locataire en vertu du contrat de sous-location signé avec Bello.

[18]     Le locateur explique à Mme Doungous que Bello ne pouvait lui sous-louer le logement sans son consentement et que l’entente de sous-location est invalide.

[19]     Isabelle Cadotte témoigne pour le locateur. Elle explique qu’elle est consciente que le marché locatif actuel est particulièrement difficile.

[20]     Pour cette raison et par compassion pour Mme Doungous qui a deux enfants, elle lui permet de rester dans le logement quelques temps, à la condition qu’elle se trouve rapidement un autre endroit se loger.

[21]     Le locateur accepte donc de recevoir un montant correspondant au loyer le premier jour du mois, étant entendu que Mme Doungous doit se trouver un autre logement dans les meilleurs délais. Ceci n’est pas contesté par Mme Doungous.

[22]     En novembre, Mme Cadotte transmet à Mme Doungous plusieurs annonces de logements disponibles dans les environs. Malgré cela, Mme Doungous lui mentionne qu’elle n’a rien trouvé qui lui convienne.

[23]     En décembre 2023, après plusieurs suivis auprès de Mme Doungous, Mme Cadotte dit avoir réalisé qu’elle n’était pas vraiment sérieuse dans ses recherches. Elle décide donc d’entreprendre le présent recours le 22 décembre 2023.

[24]     Le 24 janvier 2024, une première date d’audience est fixée. Le Tribunal remet le dossier afin que Mme Doungous soit ajoutée comme partie au dossier.


[25]     Le 11 février, Mme Cadotte reçoit un appel de Mme Doungous qui l’informe qu’elle s’est trouvée un logement en Ontario et qu’elle veut quitter au plus tard le 15 mars 2024. Les parties conviennent de se rencontrer le lendemain pour discuter plus amplement de la situation.

[26]     Le lendemain, une rencontre a lieu au logement concerné à laquelle sont présents Mme Doungous, Mme Cadotte et M. Langevin. Cette rencontre est enregistrée, vraisemblablement à l’insu de Mme Doungous. Cette dernière apparaît surprise lorsque Mme Cadotte annonce cet enregistrement.

[27]     Sur l’enregistrement, on entend Mme Doungous mentionner à plusieurs reprises qu’elle va quitter le 15 mars. Elle ajoute que c’est elle qui en a décidé ainsi et qu’elle n’a pas de problèmes avec ses interlocuteurs. Elle explique qu’elle est fatiguée de recevoir leurs appels et d’être dans cette situation.

[28]     Il est convenu que Mme Cadotte fera préparer un document d’entente par son avocate. Lorsque Mme Cadotte mentionne à Mme Doungous qu’il faut compter un certain délai pour permettre à l’avocate de rédiger le document, on entend Mme Doungous demander que ce soit fait le plus vite possible.

[29]     Le 14 février suivant, les parties se rencontrent pour la signature de l’entente.

[30]     Mme Cadotte souligne qu’elle a offert un montant de 1 000 $ pour couvrir une partie des frais de déménagement de Mme Doungous puisqu’elle souhaitait l’aider.

[31]     Il convient de citer cette entente au long :

« ATTENDU QUE la Locatrice était liée avec Monsieur Mohammed Bello par un bail concernant un logement situé au [...], à Sainte-Marthe-sur-le-Lac, province de Québec, J0N 1P0 (ci-après le « Logement »);

ATTENDU QUE le bail conclu entre la Locatrice et Monsieur Mohammed Bello a été résilié le 21 octobre 2023;

ATTENDU QUE la Locatrice n’a pas été avisée de la sous-location intervenue entre Monsieur Mohammed Bello et l’Occupante;

ATTENDU QU’il n’existe aucun lien de droit entre la Locatrice et l’Occupante;

ATTENDU QUE l’Occupante refuse de quitter le Logement;

ATTENDU QUE la Locatrice a encaissé des sommes d’argent de l’Occupante en tant qu’indemnité d’occupation;

ATTENDU QUE la Locatrice n’a jamais consenti et ne consent pas à la présence de l’Occupante dans le Logement;

ATTENDU QUE les Parties désirent régler le présent litige hors cour;

ATTENDU QUE les Parties conviennent de stipuler par écrit les modalités et les termes de la présente transaction;

CONSIDÉRANT CE QUI PRÉCÈDE, LES PARTIES CONVIENNENT DE CE QUI SUIT :

  1. Le préambule fait partie intégrante de la présente transaction;
  2. L’Occupante reconnaît n’avoir aucun lien juridique quelconque avec la Locatrice;
  3. L’Occupante reconnaît que les sommes d’argent versées à la Locatrice se qualifient d’indemnité d’occupation dans le seul but d’accommoder l’Occupante pendant sa recherche de logement;
  4. L’Occupante reconnaît qu’aucun bail par tolérance n’est intervenu entre les parties;
  5. L’Occupante ainsi que tous les autres occupants s’engagent à quitter le Logement au plus tard le 15 mars 2024, en emportant avec eux tous leurs effets personnels et leurs meubles;
  6. Malgré ce qui précède, l’Occupante pourra quitter les lieux loués avant le 15 mars 2024 en donnant à la Locatrice un préavis de 24 heures à cet effet;
  7. La Locatrice pourra disposer des meubles ou objets laissés après le départ de l’Occupante sans autre avis ni délai;
  8. La Locatrice s’engage à verser à l’Occupante la somme de 1 000$ en tant qu’indemnité de départ;

  1. L’indemnité de départ susmentionnée sera payée à la remise des clés par l’Occupante;
  2. La Locatrice s’engage à déposer un Désistement dans le dossier 753657 dès le départ de l’Occupante du Logement;
  3. Les Parties se donnent quittance complète et finale de toute réclamation relativement à l’occupante du Logement;
  4. Les Parties reconnaissent que la transaction et ses termes ne peuvent être considérés ou interprétés comme étant une admission quelconque de responsabilité, celle-ci ayant été intervenue sans admission de responsabilité ou de quelque nature que ce soit;
  5. Les Parties déclarent avoir compris le sens et la portée de la présente transaction, ayant été signée sans contrainte ni pression;
  6. À défaut de respecter la présente entente, les Parties consentent à ce que le Tribunal administratif du logement entérine la présente transaction et la rende exécutoire;
  7. La présente constitue une transaction aux termes de l’article 2631 du Code civil du Québec.

EN FOI DE QUOI, LES PARTIES ONT SIGNÉ :

Sainte-Marthe-sur-le-Lac, le 14 février 2024. »

[32]     Mme Cadotte témoigne qu’elle a présenté le document à Mme Doungous et qu’elle lui a mentionné de prendre le temps de le lire en ajoutant que, si elle a des questions, elle est là pour y répondre.

[33]     Après avoir lu le document, Mme Doungous lui a demandé si elle devait payer le loyer complet du mois de mars, ce à quoi elle a répondu par l’affirmative.

[34]     Mme Cadotte souligne que, pendant la rencontre, Mme Doungous a tenté à deux reprises, sans succès toutefois, de joindre quelqu’un au téléphone, vraisemblablement pour discuter de l’entente.

[35]     Mme Doungous a ensuite demandé de prendre une photo des permis de conduire de toutes les parties impliquées, ce à quoi Mme Cadotte et M. Langevin ont acquiescé.

[36]     Le 18 février 2024, Mme Cadotte reçoit un appel de Mme Doungous. Celle-ci est en état de panique et lui demande un relevé 31.

[37]     Après avoir consulté son avocate, Mme Cadotte lui fait part de son refus.

[38]     Mme Doungous est mécontente et lui mentionne : « si tu ne me donnes pas le relevé 31 on va se voir le 5 mars en cour ».

[39]     De son côté, Mme Doungous témoigne que Mme Cadotte et son conjoint l’appelaient souvent pour lui demander elle en était dans sa recherche de logement. Elle ajoute qu’elle se sentait sous pression.

[40]     Elle relate que, lors de la rencontre du 14 février, elle a demandé à Mme Cadotte et M. Langevin de lui remettre la copie de l’entente et de quitter les lieux afin de lui laisser le temps d’en prendre connaissance. Ceci est par ailleurs démenti par Mme Cadotte.

[41]     Mme Doungous mentionne qu’elle était stressée, traumatisée et intimidée, tout en soulignant que sa fille est présentement en dépression.

[42]     Elle explique avoir tenté de joindre son avocat par téléphone à deux reprises lors de la rencontre du 14 février afin de discuter avec lui de l’entente qui lui est soumise, mais sans succès.

[43]     De plus, M. Langevin et Mme Cadotte ne lui ont pas laissé suffisamment de temps lors de la rencontre, celle-ci ayant duré à peine 10 ou 15 minutes.

[44]     Elle ajoute que quelques jours après la signature de l’entente, le propriétaire du logement qu’elle avait trouvé en Ontario l’a informé que le logement n’était plus disponible pour le 15 mars, son locataire ayant décidé de ne pas quitter.

[45]     Elle précise qu’elle continue ses recherches pour se reloger, mais elle n’a rien trouvé qui lui convienne.

[46]     À ce point de l’audience, elle demande au Tribunal de lui accorder un ajournement puisqu’elle souhaiterait être représentée par avocat.


[47]     Le Tribunal a refusé cette demande tardive, alors que la preuve est pratiquement complétée.

[48]     En effet, Mme Doungous a reçu notification de la demande et de l’amendement le 27 janvier 2024. Si elle souhaitait être représentée par avocat, elle disposait de plus d’un mois pour faire ses démarches en ce sens.

[49]     Mme Doungous n’a pas, non plus, démontré avoir effectué des démarches pour se constituer un procureur. Ce n’est que maintenant, vers la fin de la présente audience, qu’elle décide de se prévaloir de ce droit.

[50]     Le Tribunal tient à souligner que le droit d’être représenté par avocat n’est pas un droit absolu. La partie ne doit pas avoir été négligente dans l’exercice de ses droits.

[51]     De plus, la nature et la finalité de la demande doivent être considérées. En l’espèce, il s’agit d’un dossier qui doit procéder avec célérité.

[52]     Le Tribunal a rejeté, séance tenante, la demande d’ajournement de Mme Doungous au motif qu'elle serait contraire à une saine administration de la justice.

Analyse et conclusion

[53]     Il convient d’abord de qualifier la nature du lien juridique qui unit le locateur et Mme Doungous.

[54]     S’agit-il d’un bail de sous-location, d’un bail, d’un bail par tolérance ou d’une entente d’une autre nature ?

[55]     D’emblée, de l’avis du Tribunal, l’entente de sous-location intervenue entre le locataire Bello et Mme Doungous est invalide.

[56]     Le locateur n’a jamais donné son consentement à cette sous-location dès le début de l’occupation par Mme Doungous, et ce, à la connaissance de cette dernière.

[57]     De plus, l’entente de résiliation de bail signée par le locataire met fin au bail de sous-location, s’il en était[1].

[58]     En l’espèce, ce n’est que par compassion pour Mme Doungous que le locateur a accepté qu’elle demeure dans les lieux afin de lui accorder un peu de temps pour se trouver un logement.

[59]     Certes, le locateur a accepté de recevoir un montant correspond au loyer pendant quelques mois. Peut-on en conclure pour autant que cela a eu pour effet de donner naissance à l’existence d’un bail entre les parties ? Le Tribunal ne croit pas.

[60]     Ici, toutes les parties étaient bien au fait que l’occupation des lieux était temporaire, le temps pour Mme Doungous de trouver un autre logis. D’ailleurs, le locateur le rappelait régulièrement à Mme Doungous lors de leurs échanges.

[61]     Ainsi, toutes les parties savaient qu’elles n’étaient pas liées par un bail et que l’acceptation du montant correspondant au loyer n’aurait pas l’effet de créer un tel lien.

[62]     Autrement dit, il était compris par tous que le paiement du montant correspondant au loyer était fait sous protêt, sans admission ni reconnaissance aucune de la part du locateur quant à l’existence d’un bail en faveur de Mme Doungous.

[63]     Il convient de préciser que, même si le locateur a accepté l’occupation temporaire des lieux par Mme Doungous, on ne peut conclure à l’existence d’un bail par tolérance puisque celui-ci requiert l'existence de certaines conditions qui ne se retrouvent pas ici. L'une d'elles concerne particulièrement l'absence d'opposition du locateur à l'occupation du bien loué, ce qui n’est pas le cas en l’espèce[2].

[64]     La présente situation démontre l'existence d'un mécanisme juridique impliquant l'occupation des lieux, qui n'est pas pour autant un bail ni un bail par tolérance. Il ne peut s’agir non plus d’un prêt à usage puisque ce dernier est à titre gratuit[3].


[65]     L’occupation a ici une autre explication, soit uniquement de permettre à Mme Doungous de bénéficier d’un peu de temps pour se reloger.

[66]     Cela dit, l’entente du 14 février 2024 signée par Mme Doungous est-elle valide ?

[67]     Cette entente constitue une transaction entre les parties au sens de l’article 2631 du Code civil du Québec.

« 2631. La transaction est le contrat par lequel les parties préviennent une contestation à naître, terminent un procès ou règlent les difficultés qui surviennent lors de l'exécution d'un jugement, au moyen de concessions ou de réserves réciproques.

Elle est indivisible quant à son objet. »

[68]     Puisqu'une transaction est un « contrat », elle est annulable comme tout autre contrat, sauf pour erreur de droit (article 2634 C.c.Q.).

[69]     En matière de vices de consentement, l’article 1399 du Code civil du Québec énonce :

« 1399. Le consentement doit être libre et éclairé.

Il peut être vicié par l'erreur, la crainte ou la lésion. »

[70]     À l’audience, Mme Doungous ne prétend pas qu’elle n’a pas compris les termes de l’entente qu’elle a signée. D’ailleurs, les termes de celle-ci sont clairs et ne portent aucunement à interprétation.

[71]     Cette entente reprend, dans ses éléments essentiels, l’entente verbale intervenue entre les parties deux jours plus tôt.

[72]     Mme Doungous allègue plutôt ici le vice de consentement fondé sur la crainte. Elle se sentait, dit-elle, pressurisée et intimidée par Mme Cadotte et M. Langevin.

[73]     L’article 1402 C.c.Q. définit ainsi la crainte qui vicie le consentement :

« 1402. La crainte d'un préjudice sérieux pouvant porter atteinte à la personne ou aux biens de l'une des parties vicie le consentement donné par elle, lorsque cette crainte est provoquée par la violence ou la menace de l'autre partie ou à sa connaissance.

Le préjudice appréhendé peut aussi se rapporter à une autre personne ou à ses biens et il s'apprécie suivant les circonstances. »

[74]     À ce sujet, les auteurs Baudoin et Jobin[4] s'expriment comme suit :

« Le troisième vice de consentement admis par le droit civil est la crainte (articles 1402 à 1404, 1407 du Code civil) résultant de la violence ou des menaces. La violence est l'acte qui engendre la crainte dans l'esprit du contractant, la crainte se rapportant à un éventuel préjudice à la personne ou aux biens.

À la différence de l'erreur simple ou de l'erreur provoquée par le dol, la crainte attaque le consentement non dans son élément d'intelligence, mais dans son élément de volonté. Le contractant, en effet, n'est pas trompé par le contrat : il en connaît la portée et les conséquences, mais n'y adhère pas de son plein gré; il y est forcé pour éviter une situation encore pire. La violence causant la crainte peut être de différentes espèces. »

[75]     En l’espèce, il appartenait à Mme Doungous qui invoque un vice de consentement d’en faire la preuve.

[76]     Le Tribunal est d’avis que Mme Doungous connaissait pertinemment le contenu et la teneur du document signé le 14 février 2024 et qu’elle y a consenti librement et de façon éclairée.

[77]     Les éléments essentiels de l’entente écrite étaient déjà convenus verbalement le 12 février : le départ de Mme Doungous au plus tard le 15 mars et un montant de 1 000 $ versé par le locateur pour l’aider à déménager.

[78]     Ainsi, le document signé le 14 février ne faisait que confirmer les termes de l’entente verbale intervenue le 12 février.

[79]     Le Tribunal ne croit pas Mme Doungous lorsqu’elle déclare qu’elle a demandé à Mme Cadotte de quitter afin de lui accorder un certain temps avant de signer. Il en est de même de ses allégations quant à l’intimidation et la pression dont elle se dit victime. Son témoignage apparaît improvisé et cousu de fil blanc.


[80]     Certes, Mme Doungous savait qu’elle devait se trouver un nouveau logement compte tenu des circonstances entourant la signature du contrat de sous-location.

[81]     En ce sens, il est vrai qu’elle vivait une certaine pression du fait qu’elle devait se trouver un nouveau logis rapidement. Mais cette pression n’est nullement en lien avec la validité ou non du consentement qu’elle a donné à l’entente du 14 février.

[82]     La preuve démontre que c’est Mme Doungous qui a initié le processus menant à cette entente en téléphonant à la locatrice le 11 février 2024 pour l’aviser qu’elle a trouvé un nouveau logement en Ontario et qu’elle quittera le 15 mars suivant.

[83]     Lors de la rencontre du 12 février, Mme Doungous insiste pour que le document d’entente prévoyant son départ le 15 mars soit préparé et signé rapidement. Elle souhaite passer à autre chose. Elle réitère à plusieurs reprises qu’elle va quitter le 15 mars et possiblement avant.

[84]     La preuve révèle plutôt que Mme Doungous a changé d’idée après avoir été informée que le logement qu’elle avait trouvé pour le 15 mars n’était plus disponible.

[85]     Le Tribunal croit que Mme Doungous tente ainsi de prolonger son occupation des lieux puisqu’elle a de la difficulté à se trouver un nouveau logis.

[86]     Or, il ne s’agit pas d’un motif pouvant donner ouverture à l’annulation de la transaction intervenue entre les parties.

[87]     La transaction intervenue entre les parties est valide et a l’autorité de la chose jugée entre elles (article 2634 C.c.Q.).

[88]     Par conséquent, le Tribunal va ordonner l’expulsion de tous les occupants du logement afin de donner effet à cette transaction.

[89]     La preuve soumise justifie l'exécution provisoire de la présente décision malgré l'appel, conformément à l'article 82. 1 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[5].

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[90]     DÉCLARE valide la transaction intervenue entre le locateur et le locataire Bello le 11 octobre 2023;

[91]     DÉCLARE valide la transaction intervenue entre le locateur et Salma Mahamat Doungous le 14 février 2024;

[92]     ORDONNE l'expulsion du locataire, de Salma Mahamat Doungous et de tous les occupants du logement à compter du 15 mars 2024;

[93]     ORDONNE l'exécution immédiate, malgré l'appel, de l'ordonnance d'expulsion;

[94]     CONDAMNE le locataire Bello à payer au locateur les frais de justice de 110 $;

[95]     REJETTE la demande quant au surplus.

 

 

 

 

 

 

 

 

Sylvie Lambert

 

Présence(s) :

Audrey Girouard stagiaire en droit du locateur

la partie intéressée

Date de l’audience : 

5 mars 2024

 

 

 


[1]  Article 1940 C.c.Q. : 1940. Le sous-locataire d'un logement ne bénéficie pas du droit au maintien dans les lieux.

La sous-location prend fin au plus tard à la date à laquelle prend fin le bail du logement; le sous-locataire n'est cependant pas tenu de quitter les lieux avant d'avoir reçu du sous-locateur ou, en cas de défaut de sa part, du locateur principal, un avis de 10 jours à cette fin.

[2]  Pierre-Gabriel Jobin, Le louage, 2e édition, Cowansville, Les éditions Yvon Blais, 1996, p.128. Jobin p. 127.

[3]  Article 2313 C.c.Q.

[5]  RLRQ, c. T-15.01.

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