Décision

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Décision

Souop c. Joly

2016 QCRDL 12412

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

263395 31 20160226 G

No demande :

1943643

 

 

Date :

07 avril 2016

Régisseure :

Jocelyne Gascon, juge administrative

 

Cyril Fute Souop

 

Ghislaine Boundjia

 

Locateurs - Partie demanderesse

c.

Stephane Joly

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      Le 26 février 2016, les locateurs demandent l’autorisation de reprendre le logement occupé par le locataire afin de s’y loger, conformément à l’article 1963 du Code civil du Québec, et de statuer les frais.

Questions en litige

1-   Le Tribunal doit-il faire droit à la reprise du logement ?

2-   Si oui, quelles sont les indemnités à accorder au locataire ?

Contexte

[2]      Les parties reconnaissent être liées par un bail couvrant la période du 1er juillet 2015 au 30 juin 2016, au loyer mensuel de 440 $.

[3]      Le locataire occupe le logement concerné depuis 16 ans.

[4]      Il habite un quatre pièces et demie situé au deuxième étage d’un triplex. Il comprend un salon double, une cuisine et une chambre. L’immeuble est situé dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve.

[5]      Le troisième étage et le rez-de-chaussée sont occupés par d’autres locataires, pour l’un depuis environ quatre ans (820 $) et pour l’autre, au troisième, depuis une année (750 $).

[6]      Les locateurs sont propriétaires de l’immeuble depuis 2014. Le locataire a été avisé par le notaire instrumentant du changement le 1er avril 2014.

[7]      La preuve révèle qu’un avis de reprise du logement a été envoyé au locataire le 4 janvier 2016 et qu’il a refusé d’acquiescer à la demande, d’où la demande des locateurs.


[8]      L’avis des locateurs précise qu’ils entendent reprendre le logement concerné afin de s’y loger.

[9]      Plus amplement, le locateur, présent à l’audience, expose que sa conjointe a perdu son emploi depuis environ une année et ils désirent se loger dans le logement le moins cher afin d’aider à leur situation financière. Ils estiment qu’ils devraient occuper les lieux pour une période de plus ou moins deux ans.

[10]   Questionné, le locateur admet posséder d’autres immeubles : un triplex à Longueuil, un triplex dans Hochelaga-Maisonneuve et un condo sur le Plateau qu’il occupe avec sa femme et ses deux filles âgées de 4 et 8 ans.

[11]   Présent, le locataire s’oppose à la reprise.

[12]   Il soutient qu’il s’agit d’un prétexte pour l’évincer. D’une part, les locateurs auraient pu reprendre le logement du haut lorsqu’il est devenu vacant.

[13]   De plus, pourquoi les locateurs ne reprennent-ils pas le logement du bas, alors qu’ils pourraient bénéficier de la cour avec ses deux enfants?

[14]   Aussi, le locataire se questionne comment la famille pourra vivre avec un logement d’une seule chambre fermée.

[15]   D’autre part, le locataire mentionne qu’il a reçu, depuis que les locateurs sont propriétaires, deux avis de la ville, en 2014 et le 1er mars 2016, pour des rénovations importantes, dans le cadre de subvention à la rénovation.

[16]   Subsidiairement, le locataire demande au Tribunal, s’il devait tout de même faire droit à la reprise du logement, d’imposer des conditions à celle-ci. Il réclame l’équivalent de trois mois de loyer, plus une somme de 500 $, pour couvrir les frais de déménagements et de rebranchement des divers services.

[17]   En réplique, le locateur déclare qu’il n’a pris le logement du haut au moment du départ du locataire car ils croyaient que leur situation financière s’améliorait. De plus, la grandeur du logement ne cause pas de problème. La chambre serait désignée aux enfants et eux, le salon double.

[18]   Le locateur ajoute qu’ils occupent le même condo depuis 2009. Il serait mis sur le marché locatif, car le locateur affirme que rien n’est à vendre.

Analyse

[19]   Le recours des locateurs est fondé sur l’article 1963 du Code civil du Québec. Cet article prévoit, que dans le cas de refus du locataire de quitter le logement, les locateurs doivent alors demander l’autorisation au Tribunal :

« 1963.      Lorsque le locataire refuse de quitter le logement, le locateur peut, néanmoins, le re­pren­dre, avec l'autorisation du tribunal.

Cette demande doit être présentée dans le mois du refus et le locateur doit alors démontrer qu'il entend réellement reprendre le logement pour la fin mentionnée dans l'avis et qu'il ne s'agit pas d'un prétexte pour atteindre d'autres fins. »

[20]   Le fardeau de preuve repose sur les épaules des locateurs, tel que le prévoient les articles 2803 et 2804 du Code civil du Québec.

[21]   Les locateurs doivent donc démontrer au Tribunal, de manière prépondérante, qu’ils entendent réellement reprendre le logement pour les fins mentionnées dans l’avis et qu’il ne s’agit pas d’un prétexte pour atteindre d’autre fin.

[22]   La bonne foi doit exister dès l’envoi de l’avis, et ce, tout au long du processus, soit jusqu’à la reprise, tel que codifié par l’article 1375 du Code civil du Québec.

[23]   Après analyse de la preuve, le Tribunal considère les locateurs n’ont pas démontré de manière prépondérante qu’ils désirent reprendre le logement pour l’occuper, du moins avec l’intention d’une certaine permanence.

[24]   Les déclarations du locateur voulant qu’en raison de difficultés financières, par la perte d’emploi de son épouse, ne convainquent pas le Tribunal pour plusieurs motifs.


[25]   Le condo occupé par la famille depuis 2009 n’est nullement de la même catégorie que le logement visé, pas dans le même quartier et non plus de la même dimension pour loger la famille.

[26]   De plus, les locateurs possèdent plusieurs immeubles, dont aucun n’est sur le marché de la revente, si des difficultés financières sont importantes. Outre ce point, le locateur, selon son témoignage, ne désire pas vendre le condo non plus, et n’a pas l’intention de s’y enraciner minimalement.

[27]   Bref, les coûts de déménagement des locateurs de manière temporaire et leurs installations dans les lieux, laissent perplexe le Tribunal quant à leurs réelles motivations quant à leur situation financière, sans compter la distance de l’école ou la nouvelle implantation dans une nouvelle école.

[28]   La reprise du logement, qui est un droit pour un propriétaire-locateur, ne doit pas servir de prétexte pour atteindre d’autres fins et l’intention doit être réelle et d’une certaine longévité. Ce qui n’apparaît dans le présent dossier.

[29]   Aussi, l’absence du témoignage de la locatrice, au motif qu’elle devait s’occuper des enfants, ajoute à l’ensemble du dossier.

[30]   Bref, les locateurs n’ont pas établi à la satisfaction du Tribunal que la demande de reprise du logement n’est pas un prétexte pour atteindre d’autres fins. Le Tribunal rappelle que le fardeau reposait sur leurs épaules.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[31]   REJETTE la demande des locateurs;

[32]   Le tout sans remboursement des frais.

 

 

 

 

 

 

 

 

Jocelyne Gascon

 

Présence(s) :

le locateur

Date de l’audience :  

30 mars 2016

 

 

 


 

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