Décision

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Fédération des médecins omnipraticiens du Québec c. Régie de l'assurance maladie du Québec

2022 QCCA 289

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

QUÉBEC

 :

200-09-010195-201

(200-17-027990-183)

 

DATE :

1er mars 2022

 

 

FORMATION :

LES HONORABLES

JULIE DUTIL, J.C.A.

JOCELYN F. RANCOURT, J.C.A.

MICHEL BEAUPRÉ, J.C.A.

 

 

FÉDÉRATION DES MÉDECINS OMNIPRATICIENS DU QUÉBEC

APPELANTE - demanderesse

c.

 

RÉGIE DE L’ASSURANCE MALADIE DU QUÉBEC

INTIMÉE - défenderesse

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC

MIS EN CAUSE – mis en cause

 

 

ARRÊT

 

 

[1]                L’appelante se pourvoit contre un jugement rendu le 4 juin 2020 par la Cour supérieure, district de Québec (l’honorable Lise Bergeron),  lequel rejette sa demande en jugement déclaratoire[1] (la « demande »).

[2]                L’appelante cherchait à faire déclarer le droit de ses membres de facturer certains frais à leurs patients, soit parce que ces frais, selon elle, (i) ne visent pas la dispensation de « services assurés » au sens des paragraphes 1a) et 3a) de la Loi sur l’assurance maladie[2]  LAM »), (ii) ne sont pas « engagés aux fins de la dispensation de services assurés » suivant l’article 22, alinéa 9 LAM, ou (iii) concernent des services qui « ne doivent pas être considérés comme des services assurés » en vertu de l’article 22 du Règlement d’application de la Loi sur l’assurance maladie[3] RALAM »).

[3]                La juge détermine d’abord que les services litigieux visés par les conclusions 2, 2 subsidiaire et 3[4] de la demande ne peuvent faire l’objet d’un jugement déclaratoire. Elle conclut en effet que ces conclusions contiennent des expressions pouvant elles-mêmes porter à interprétation[5] et quétant donné au surplus la diversité des situations factuelles dans lesquelles ces services litigieux peuvent être dispensés, un jugement ne mettrait pas fin à l’incertitude ou à la controverse. Dans un second temps, la juge examine à leur mérite les services visés par les autres conclusions de la demande. Elle conclut que, vu « le contexte global » du régime d’assurance public et son objectif d’« assurer un service complet du point de vue médical »[6], tous ces services sont en soi des services assurés au sens de la LAM parce que « requis au point de vue médical »[7] et qu’aucuns frais ne peuvent donc être exigés du patient pour leur dispensation. La juge est aussi d’avis que les frais qui seraient facturés aux patients pour ces services le seraient de toute façon aux fins de la dispensation de services assurés, ce qui est aussi interdit par la LAM[8].

[4]                Cela dit, l’appelante avance, d’une part, que la juge a erré en droit en rejetant sa demande eu égard aux conclusions 2, 2 subsidiaire et 3 au motif qu’elles ne se prêtent pas à un jugement déclaratoire. D’autre part, la juge aurait également erré en droit en interprétant la LAM et le RALAM, ou de façon manifeste et déterminante en appliquant leurs dispositions en litige aux faits prouvés pour conclure que, de toute façon, toutes les conclusions déclaratoires recherchées visent la dispensation de services assurés, ou encore la facturation de frais engagés aux fins de la dispensation de services assurés.

[5]                L’appelante propose aussi que la juge a erré en ne traitant pas dans son jugement de conclusions subsidiaires qu’elle l’a pourtant autorisée à ajouter dans sa demande lors de l’instruction et/ou qui lui ont été plaidées vu la preuve administrée. Subsidiairement, elle soutient que la juge a erré en n’exerçant pas son pouvoir de modifier elle-même les conclusions de la demande afin de les préciser ou de les rendre conformes à la preuve concernant la conclusion 2, et ce, eu égard à neuf types spécifiques de rapports, billets ou autres attestations demandés par une personne assurée pour remise à un tiers à des fins administratives. Si, par ailleurs, la Cour estime être liée par les conclusions recherchées dans sa déclaration d’appel et son mémoire et ne pas pouvoir d’office modifier elle-même les conclusions recherchées en appel en fonction de la preuve administrée en première instance, l’appelante présente une requête de bene esse afin d’être autorisée à modifier les conclusions 1 et 2 de sa demande introductive d’instance, de sa déclaration d’appel et contenues dans son mémoire afin d’y ajouter des conclusions subsidiaires additionnelles conformes à cette preuve.

[6]                Pour les motifs qui suivront plus après, la Cour conclut qu’il y a lieu d’accueillir la requête de bene esse, d’une part, et d’accueillir l’appel en partie, d’autre part, et ce, afin d’infirmer les conclusions du jugement entrepris concernant ce qu’il est convenu de désigner simplement à ce stade-ci comme (i) la préparation des formulaires de médicaments d’exception et (ii) l’utilisation du guidage échographique en cabinet privé aux fins d’infiltrations.

[7]                Une revue du contexte sera d’abord utile à la compréhension du sort de l’appel et des motifs qui le sous-tendent. D’autres éléments de fait plus spécifiques seront abordés plus loin lors de l’analyse des questions en litige.

1. Le contexte

[8]                Le résumé factuel suivant, contenu dans le jugement entrepris, n’est pas contesté :

[7]   Le 10 novembre 2015 est adoptée la Loi 25[9].

[8]  Il était interdit, avant l’entrée en vigueur de cette loi, d’exiger un paiement pour des frais accessoires, sauf ceux prévus dans une entente, ce qui a permis aux médecins au cours de cette période de facturer notamment certains médicaments et agents anesthésiques.

[9]   En effet, bien que la LAM interdisait déjà avant le 10 novembre 2015 la facturation directe à une personne assurée, une pratique s’était installée par laquelle il était possible de convenir par entente entre les médecins, ici la FMOQ, et la ministre de la Santé et des Services sociaux, des frais pour certains médicaments et analgésiques appelés « frais accessoires ».

[10]  Dans le cadre de diverses négociations et discussions relatives à la rémunération des médecins, le législateur a voulu mettre fin à cette pratique et c’est ainsi que le 10 novembre 2015, des modifications à la LAM, et notamment à son article 22, ont été adoptées.

[11]   Depuis le 10 novembre 2015, les alinéas 9, 10 et 11 de l’article 22 LAM se lisent de la manière suivante :

22. […]

Aucun paiement ne peut être réclamé ou reçu d’une personne assurée, directement ou indirectement, pour des frais engagés aux fins de la dispensation de services assurés par un professionnel de la santé soumis à l’application d’une entente ou par un professionnel désengagé. Constituent notamment de tels frais ceux liés:

  au fonctionnement d’un cabinet privé de professionnel ou d’un centre médical spécialisé au sens de la Loi sur les services de santé et les services sociaux;

  aux services, fournitures, médicaments et équipements requis pour la dispensation d’un service assuré, ainsi que pour la réalisation d’un test diagnostique se rapportant à un tel service.

Ne constituent pas de tels frais ceux liés à des services non considérés comme assurés requis avant, pendant ou après la dispensation d’un service assuré.

Il est de plus interdit de rendre, directement ou indirectement, l’accès à un service assuré conditionnel à un paiement par une personne assurée, ou de procurer à celle-ci un accès privilégié à un tel service moyennant paiement.

Malgré les interdictions énoncées aux neuvième et onzième alinéas, le gouvernement peut, par règlement, prescrire des cas et des conditions dans lesquels un paiement est autorisé.

[12]  Par ailleurs, les dispositions transitoires de la Loi 25 prévoyaient que les frais accessoires prévus dans une entente pouvaient continuer à être facturés malgré l’entrée en vigueur du 9e alinéa de l’article 22 LAM, et ce, jusqu’à l’entrée en vigueur du premier règlement d’application prévu au 12e alinéa.

[13]   Ainsi, c’est à compter du 26 janvier 2017 que l’alinéa 9 de l’article 22 LAM s’est appliqué pleinement.

[14]   Dès le 27 janvier 2017, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) a diffusé ses orientations par le biais d’un tableau intitulé « Abolition des frais facturés aux personnes assurées ».

[15]   À cette même époque, des rencontres sont coordonnées entre des représentants de la RAMQ, du MSSS, de la Fédération des médecins spécialistes et de la FMOQ pour discuter des problématiques concernant les frais accessoires.

[16]  Notamment, lors de la rencontre du 6 décembre 2017, une contradiction est soulevée entre l’orientation du MSSS de janvier 2017 et la prise de position de la RAMQ.

[17]  Le 7 février 2018, la RAMQ met en ligne sa foire aux questions et y fait des ajouts concernant les frais accessoires le 14 mai 2018.

[18]   C’est au moment où elle prend connaissance de celle-ci que la FMOQ transmet, le 7 juin 2018, une lettre à la RAMQ afin d’obtenir confirmation de la position de cette dernière à propos des quatre sujets suivants :

a)   Le remplissage des formulaires relatifs à la mesure de médicaments d’exception et à celle du patient d’exception;

b)   La rédaction d’un rapport, d’une recommandation, d’un billet d’absence ou autre type d’attestation pour la remise à un tiers à des fins administratives;

c)   La copie d’un dossier médical, la copie d’images sur un support numérique, la rédaction d’un résumé, la photocopie, la télécopie et le transfert d’un dossier lorsque requis à la suite d’une situation créée par la personne assurée;

d)   Le remplacement d’une ordonnance perdue.

[19]   Dans cette correspondance, il est fait notamment référence à « l’interprétation de la Direction des services juridiques de la RAMQ », qui est utilisée aux fins d’enquêtes de la RAMQ.

[20]   En effet, il faut se rappeler, tel que mentionné précédemment, que le fait pour un médecin de facturer au patient des frais qui ne seraient pas autorisés par la Loi et le Règlement d’application de la Loi sur l’assurance maladie [] l’expose, outre à une compensation des sommes, à des sanctions pénales et administratives importantes et conséquentes.

[21]   La RAMQ n’a pas donné suite à cette demande.

[Renvois et soulignements omis]

[9]                Le 21 juin 2018, l’appelante dépose sa demande en vertu de l’article 142 du Code de procédure civile afin de rechercher des conclusions déclaratoires favorables à ses membres sur les sujets a) à d) mentionnés dans sa lettre du 7 juin 2018.

[10]           Le 14 septembre 2018, l’intimée dépose un exposé sommaire de ses moyens de défense.

[11]           Le 20 novembre 2019, l’appelante modifie sa demande pour y ajouter des allégations et une conclusion concernant l’utilisation du guidage échographique. Les conclusions qu’elle recherche sont ainsi rédigées (la Cour les désigne entre crochets selon la numérotation utilisée par les parties et la juge) :

DÉCLARER que le remplissage des formulaires relatifs à la mesure de médicaments d’exception et à celle du patient d’exception ne sont pas des services assurés ni des frais engagés aux fins de la dispensation de services assurés au sens de la Loi sur l’assurance maladie et de ses règlements, et peuvent être facturés aux personnes assurées; [« conclusion 1 »]

DÉCLARER que la rédaction d’un rapport, d’une recommandation, d’un billet d’absence ou autre type d’attestation pour la remise à un tiers à des fins administratives ne sont pas des services assurés ni des frais engagés aux fins de la dispensation de services assurés au sens de la Loi sur l’assurance maladie et ses règlements, et peuvent être facturés aux personnes assurées; [« conclusion 2 »]

DÉCLARER que la copie d’un dossier médical, la copie d’images sur un support numérique, la rédaction d’un résumé, la photocopie, la télécopie et le transfert d’un dossier lorsque liés à une situation créée par la personne assurée ne sont pas des services assurés ni des frais engagés aux fins de la dispensation de services assurés au sens de la Loi sur l’assurance maladie et ses règlements, et peuvent être facturés aux personnes assurées; [« conclusion 3 »]

DÉCLARER que le remplacement d’une ordonnance perdue n’est pas inclus dans les services assurés ni des frais engagés aux fins de la dispensation de services assurés au sens de la L.a.m. et ses règlements, et peut donc être facturé aux personnes assurées; [« conclusion 4 »]

DÉCLARER que l’utilisation du guidage échographique en cabinet privé (un service non considéré comme assuré) pour effectuer un service assuré (telle l’infiltration ou la ponction d’une collection liquidienne) n’est pas un service assuré et les honoraires et frais pour ce service ne sont pas des frais engagés aux fins de la dispensation de services assurés au sens de la Loi sur l’assurance maladie et ses règlements, et peuvent être facturés aux personnes assurées; [« conclusion 5 »]

[12]           Le 27 novembre 2019, la RAMQ modifie son exposé sommaire en conséquence.

[13]           L’instruction a lieu du 2 au 5 décembre 2019. Lors des plaidoiries le 5 décembre, l’appelante est autorisée par la juge à ajouter les deux conclusions subsidiaires suivantes à sa demande[10] :

DÉCLARER que la rédaction d’un rapport, d’une recommandation, d’un billet d’absence ou autre type d’attestation pour la remise à un tiers à des fins administratives sont des services qui ne sont pas considérés comme assurés en vertu de l’article 22f) du Règlement d’application et peuvent être facturés aux personnes assurées. [« conclusion 2 subsidiaire »]

[…]

DÉCLARER que la copie d’un dossier médical, la copie d’images sur un support numérique, la rédaction d’un résumé, la photocopie, la télécopie et le transfert d’un dossier lorsqu’ils ne sont pas requis pour donner suite à une recommandation du médecin traitant ne sont pas des services assurés ni des frais engagés aux fins de la dispensation de services assurés au sens de la Loi sur l’assurance maladie et ses règlements, et peuvent être facturés aux personnes assurées. [« conclusion 3 subsidiaire »]

[Soulignements ajoutés]

[14]           De même, dans son plan d’argumentation complémentaire déposé le 5 décembre 2019 et lors de sa plaidoirie, la procureure du mis en cause demande subsidiairement à la juge, si cette dernière rejette son argument et celui de l’intimée que les conclusions recherchées par l’appelante ne peuvent faire l’objet d’un jugement déclaratoire vu leur généralité et leurs multiples déclinaisons factuelles et hypothétiques possibles, qu’elle se prononce limitativement dans son jugement sur quatre cas spécifiques mis en preuve, soit :

-          que les frais relatifs à la rédaction, par un médecin participant, d’un billet recommandant une absence au travail ou à l’école sont des frais engagés aux fins de la dispensation d’un service assuré au sens de l’article 22 al. 9 LAM;

-          que les frais relatifs à la rédaction, par un médecin participant, d’un billet recommandant une restriction à une activité sportive sont des frais engagés aux fins de la dispensation d’un service assuré au sens de l’article 22 al. 9 LAM;

-          que les frais relatifs à la rédaction, par un médecin participant, d’un billet recommandant une restriction quant à l’utilisation des escaliers sont des frais engagés aux fins de la dispensation d’un service assuré au sens de l’article 22 al. 9 LAM;

-          que les frais relatifs à la rédaction, par un médecin participant, d’un billet recommandant une limitation fonctionnelle sont des frais engagés aux fins de la dispensation d’un service assuré au sens de l’article 22 al. 9 LAM.

[Soulignements ajoutés]

[15]           Le jugement entrepris est rendu le 4 juin 2020.

2. Le jugement entrepris

[16]           Après avoir résumé le contexte législatif et les échanges entre les parties ayant mené à la demande de jugement déclaratoire[11], la juge reprend leurs prétentions respectives[12]. Elle formule ensuite les questions en litige ainsi :

1. Les demandes formulées par la FMOQ entrent-elles dans le cadre de l’article 142 C.p.c. ou, en d’autres termes, peuvent-elles faire l’objet d’une demande de jugement déclaratoire?

2. Dans l’affirmative, est-il à propos de donner suite à toutes et chacune des demandes de la FMOQ?

[17]           La juge pose ensuite le droit applicable en matière de jugement déclaratoire[13] et énonce les principes généraux en matière d’interprétation des lois[14].

[18]           Puis, concernant la première question en litige, elle estime que les difficultés d’interprétation de la LAM sont réelles et actuelles, que l’enjeu est de taille pour les médecins omnipraticiens et que l’appelante a un intérêt véritable dans le litige[15]. Elle tranche toutefois qu’il n’est pas à propos de donner suite aux conclusions 2, 2 subsidiaire et 3 recherchées par la demande puisqu’elles contiennent des termes et expressions susceptibles d’interprétation dans une grande variété de situations factuelles potentielles, soit « autre type d’attestation », « à des fins administratives » et « situation créée par la personne assurée »[16]. De plus, ces termes n’apparaissent nulle part dans les textes législatifs ou réglementaires concernés[17], alors que la tâche du tribunal saisi d’une demande de jugement déclaratoire est d’interpréter uniquement les termes utilisés dans les textes législatifs ou réglementaires concernés, et non de réécrire ces derniers[18].

[19]           Quant aux services visés par les autres conclusions, la juge observe qu’ils entraînent certainement « des coûts, des dépenses, une organisation du travail impliquant le temps du médecin et un investissement monétaire important (équipement, rémunération des infirmières et administration) »[19], mais conclut que l’interprétation proposée par l’appelante fait fi du paragraphe 3a) de la LAM, lequel énonce qu’un service est assuré lorsqu’il est requis au point de vue médical, et qu’il ne peut donc être facturé au patient[20]. Il en va des principes généraux d’universalité, de gratuité et d’accessibilité réaffirmés par le législateur lors de l’adoption de la Loi 25[21]. La juge retient de plus que suivant l’article 22 al. 9 LAM, aucun paiement ne peut être réclamé, directement ou indirectement, pour des frais engagés aux fins de la dispensation de services assurés, sauf ceux permis par règlement[22].

[20]           En somme, la juge retient la thèse générale de l’intimée et du mis en cause « selon laquelle tant que l’acte assuré n’est pas entièrement complété pour assurer le traitement, voire un service complet, […], il n’y a pas de frais qui peuvent être facturés […] »[23]. La préparation de formulaires, les copies de dossiers médicaux et le remplacement d’une ordonnance perdue font ainsi partie du processus nécessaire au suivi ou traitement[24] et le même raisonnement s’applique à l’égard de l’échographie de guidage qui constitue soit un service assuré en soi selon la définition contenue au paragraphe 3a) de la LAM, soit un service requis pour la dispensation d’un service assuré conformément à l’article 22 al. 9 (2°) de la même loi, lequel ne peut davantage être facturé au patient[25].

[21]           Le juge estime enfin que, même si elle avait eu à se prononcer sur les conclusions 2, 2 subsidiaire et 3, elle les aurait rejetées pour les mêmes motifs que ceux précités applicables à toutes les autres conclusions de la demande[26].

3.      Les questions en litige

[22]           L’appelante propose quatre moyens d’appel, que l’intimée et le mis en cause traitent en deux volets. Le jugement entrepris analyse également le litige sous l’angle de deux questions. Outre le sort de la requête de bene esse dont il faudra d’abord décider, la Cour estime que l’appel peut être tranché en répondant aux deux questions suivantes :

-          La juge de première instance a-t-elle commis une erreur révisable en déterminant que les conclusions déclaratoires 2, 2 subsidiaire et 3 recherchées par l’appelante ne pouvaient faire l’objet d’un jugement déclaratoire?

-          La juge de première instance a-t-elle commis une erreur révisable en concluant que les services décrits par l’appelante au soutien de ses autres conclusions déclaratoires principales, subsidiaires, sub-subsidiaires et sub-sub-subsidiaires ne peuvent être facturés par ses membres aux personnes assurées?

4 L’analyse

4.1  Le régime public d’assurance maladie : certains principes

[23]           Le tissu législatif et réglementaire propre au régime d’assurance maladie québécois et à la rémunération des professionnels de la santé n’est pas d’une limpidité exemplaire. Son application à la réalité médicale quotidienne sur le terrain pose des difficultés légitimes de coordination à tous les échelons de l’appareil étatique, comme l’illustrent notamment, en ce qui concerne certaines des questions qui nous occupent en l’espèce, les variations contenues dans les orientations ministérielles P-1 diffusées le 27 janvier 2017, la note administrative P-2 de la Direction des affaires professionnelles de l’intimée, transmise le 11 octobre suivant aux représentants des fédérations médicales, et la foire aux questions P-6 publiée par l’intimée sur son site Web à compter du 14 mai 2018.

[24]           Cela dit, les aspects les plus pertinents du régime public d’assurance maladie aux fins du présent appel peuvent être résumés de la façon suivante :

-          le régime d’assurance maladie est axé notamment sur les principes d’intégralité/gratuité, d’universalité et d’accessibilité[27];

-          les médecins participants au régime sont rémunérés à l’acte pour les « services assurés »[28] qu’ils rendent à leurs patients, « personnes assurées »[29];

-          les « services assurés » sont définis par la LAM comme « tous les services que rendent les médecins et qui sont requis au point de vue médical »[30];

-          les montants, ou « tarifs », payables aux médecins pour les services assurés qu’ils dispensent sont établis dans une « entente » négociée entre leur fédération et le ministre de la Santé et des Services sociaux[31];

-          sauf exceptions prévues par règlement, les médecins ne peuvent facturer, pour un service assuré, que le tarif prévu dans l’entente[32];

-          c’est l’intimée qui est chargée d’administrer et d’appliquer le programme d’assurance maladie[33], incluant le paiement des sommes dues aux médecins pour chaque service assuré qu’ils dispensent aux personnes assurées, et ce, selon les tarifs des ententes négociées, lesquelles ententes la lient[34], ou selon tout règlement d’exception adopté par le gouvernement[35];

-          l’intimée est investie d’une autorité décisionnelle administrative pour déterminer si un montant, tarif ou frais facturé par un médecin contrevient à la loi ou à l’entente qui le concerne et ce dernier bénéficie d’un droit de contestation, le tout selon le mécanisme prévu par le législateur à l’article 22.0.1 de la LAM;

-          avant 2015, la loi prévoyait que les médecins pouvaient facturer les « frais accessoires » convenus entre les parties négociantes (ex : certaines substances anesthésiques, gouttes, pansements, attelles particulières, etc.);

-          la facturation de tout autre « frais accessoire » était interdite;

-          par la Loi 25 adoptée en novembre 2015, le législateur est venu écarter le concept de « frais accessoires » utilisé jusque-là pour modifier la terminologie, élargir l’interdiction et prévoir à l’article 22 al. 9 de la LAM qu’« [a]ucun paiement ne peut être réclamé ou reçu d’une personne assurée, directement ou indirectement, pour des frais engagés aux fins de la dispensation de services assurés »;

-          le 10e alinéa du même article 22 prévoit par ailleurs que « [n]e constituent pas de tels frais [i.e. engagés aux fins de la dispensation de services assurés] ceux liés à des services non considérés comme assurés requis avant, pendant ou après la dispensation d’un service assuré »;

-          c’est l’article 22 du RALAM qui prévoit les services qui « ne doivent pas être considérés comme des services assurés » (donc pour la dispensation desquels des frais peuvent être facturés au patient);

-          l’article 22 al. 12 LAM, lui aussi entré en vigueur en 2015, prévoit par ailleurs que le gouvernement peut par règlement prévoir les frais qui peuvent être facturés aux patients, malgré l’interdiction de principe prévue par la loi;

-          c’est en 2017 qu’entre en vigueur le Règlement abolissant les frais accessoires liés à la dispensation des services assurés et régissant les frais de transport des échantillons biologiques[36]; ce règlement ne contient qu’un seul article, lequel prévoit uniquement la possibilité que des frais soient réclamés d’une personne assurée pour le transport d’échantillons biologiques;

-          un médecin qui facture un montant à un patient pour la dispensation d’un service assuré, ou d’un service engagé aux fins de la dispensation d’un service assuré au sens de l’article 22 al. 9 LAM, s’expose à devoir rembourser ce montant à l’intimée, avec en sus une pénalité pouvant équivaloir à 15 % du paiement illégalement reçu, et est passible d’une amende de 5 000 $ à 50 000 $ pour chaque infraction, et du double de ces montants en cas de récidive[37].

[25]           Avant de répondre aux questions en litige sur cette toile de fond législative et réglementaire généralement résumée, il convient d’abord de trancher le sort de la requête de bene esse de l’appelante.

4.1.1      La requête de bene esse est-elle bien fondée?

[26]           La Cour répond positivement à cette question, d’autant plus que l’intimée et le mis en cause ne se sont pas opposés vigoureusement à la requête.

[27]           Il est en effet établi que, bien qu’elle revête un caractère plus exceptionnel qu’en première instance, une demande de modification d’une procédure pourra être accordée au stade de l’appel si elle n’en retarde pas le déroulement, si elle ne résulte pas en une demande entièrement nouvelle sans rapport avec la demande initiale, si elle ne change pas la nature du débat tel qu’engagé en première instance et que les fins de la justice le requièrent[38].

[28]           Cela étant, et premièrement, c’est sans doute par inadvertance que la juge a omis de trancher le sort de la conclusion 3 subsidiaire qu’elle a autorisé l’appelante à ajouter à sa demande lors des plaidoiries le 5 décembre 2019, tel qu’en fait foi le procès-verbal d’audience. Une requête de bene esse n’était donc pas cessaire dans ces circonstances et la Cour se saisira de cette conclusion telle que formulée en première instance :

DÉCLARER que la copie de dossier médical, la copie d’images sur un support numérique, la rédaction de résumé, la photocopie, la télécopie et le transfert d’un dossier lorsqu’ils ne sont pas requis pour donner suite à une recommandation du médecin traitant ne sont pas des services assurés ni des frais engagés aux fins de la dispensation de services assurés au sens de la Loi sur l’assurance-maladie et ses règlements, et peuvent être facturé aux personnes assurées.

[29]           Deuxièmement, la requête est aussi bien fondée en ce qui concerne la conclusion 1 subsidiaire libellée ainsi :

DÉCLARER que le remplissage des formulaires relatifs à la mesure de médicaments d’exception et à celle du patient d’exception sont des services qui ne sont pas considérés comme assuré en vertu de l’article 22f) du Règlement d’application de la Loi sur l’assurance-maladie et peuvent être facturés aux personnes assurées.

[30]           En effet, bien qu’une modification de la demande n’ait pas formellement été requise par l’appelante puis autorisée par la juge, la transcription des débats et le plan d’argumentation de l’appelante en première instance permettent de constater que cette conclusion lui a été plaidée le 5 décembre 2019, et ce, en raison de la preuve administrée préalablement au moyen du contre-interrogatoire du représentant de l’intimée. La juge en a d’ailleurs expressément pris acte, tel que le révèle aussi la transcription d’un échange avec la procureure de l’appelante. Il peut être compréhensible qu’au terme d’une instruction de quelques jours et en cours de plaidoiries, les parties et le juge omettent certaines formalités procédurales toujours utiles. Ainsi, afin d’éviter le risque de toute ambiguïté, puis de tout oubli dans le cadre du délibéré, il aurait été préférable, comme ce fut le cas pour la conclusion 3 subsidiaire précitée, que la juge requière de l’appelante qu’elle formule par écrit la conclusion 1 subsidiaire qu’elle lui plaidait dans le feu de l’action.

[31]           Enfin, étant donné la preuve administrée à ces sujets, le fait que leur ajout ne résulte pas en une demande entièrement nouvelle sans rapport avec la demande initiale et que l’intimée et le mis en cause ont eux-mêmes expressément invité la juge à en trancher certaines lors de leurs propres plaidoiries, il y a aussi lieu d’accorder le volet de la requête de bene esse visant à ajouter au débat en appel les conclusions 2 subsubsidiaire et 2 sub-sub-subsidiaire relatives à certaines situations dans lesquelles les membres de l’appelante peuvent être appelés à remplir et remettre un rapport, une recommandation, un billet ou un « autre type d’attestation » à la personne assurée pour remise un tiers à des fins administratives. Vu leur longueur et afin d’éviter leur répétition, le libellé de ces conclusions sera repris plus loin lors de l’analyse de la question en litige qui les concerne spécifiquement.

4.1.2 La juge de première instance a-t-elle commis une erreur révisable en déterminant que les conclusions déclaratoires 2, 2 subsidiaire et 3 recherchées par l’appelante ne pouvaient faire l’objet d’un jugement déclaratoire?

[32]           La Cour répond négativement à cette question.

[33]           Rappelons d’abord la formulation des conclusions dont il est question, puis certains principes applicables à la demande de jugement déclaratoire :

Conclusions 2  et 2 subsidiaire :

DÉCLARER que la rédaction d’un rapport, d’une recommandation, d’un billet d’absence ou autre type d’attestation pour la remise à un tiers à des fins administratives ne sont pas des services assurés ni des frais engagés aux fins de la dispensation de services assurés au sens de la Loi sur l’assurance maladie et ses règlements, et peuvent être facturés aux personnes assurées; ou, subsidiairement,

DÉCLARER que la rédaction d’un rapport, d’une recommandation, d’un billet d’absence ou autre type d’attestation pour la remise à un tiers à des fins administratives sont des services qui ne sont pas considérés comme assurés en vertu de l’article 22f du Règlement d’application et peuvent être facturés aux personnes assurées;

Conclusion 3 :

DÉCLARER que la copie d’un dossier médical, la copie d’images sur un support numérique, la rédaction d’un résumé, la photocopie, la télécopie et le transfert d’un dossier lorsque liés à une situation créée par la personne assurée ne sont pas des services assurés ni des frais engagés aux fins de la dispensation de services assurés au sens de la Loi sur l’assurance maladie et ses règlements, et peuvent être facturés aux personnes assurées;

[34]           Le recours en jugement déclaratoire est prévu à l’article 142 du C.p.c. :

142. La demande en justice peut avoir pour objet d’obtenir, même en l’absence de litige, un jugement déclaratoire déterminant, pour solutionner une difficulté réelle, l’état du demandeur ou un droit, un pouvoir ou une obligation lui résultant d’un acte juridique.

142. Even in the absence of a dispute, a judicial application may be instituted to seek, in order to resolve a genuine problem, a declaratory judgment determining the status of the plaintiff, or a right, power or obligation conferred on the plaintiff by a juridical act.

[35]           La portée et l’utilité de ce véhicule procédural ont été étendues par la Cour suprême dans l’arrêt Duquet[39], ce dont notre Cour a fréquemment pris acte depuis[40].

[36]           Il n’en demeure pas moins que la décision du juge d’instance de se saisir ou non d’un recours en jugement déclaratoire est discrétionnaire. En conséquence, la Cour n’interviendra pas « à la légère » face à cette décision[41]. La partie appelante devra en effet convaincre que le juge a exercé sa discrétion de façon déraisonnable[42].

[37]           Par exemple, la Cour a confirmé, dans des contextes variés, que même si la demande de jugement déclaratoire doit bénéficier de la plus grande souplesse procédurale possible, un tel jugement ne sera pas indiqué s’il ne met pas fin à l’incertitude ou à la controverse qui a donné lieu à la demande[43], s’il risque d’engendrer une nouvelle controverse sur sa mise à exécution[44] ou encore si par sa demande une partie cherche à obtenir une opinion juridique du tribunal[45].

[38]           Ce véhicule procédural ne constitue donc pas une panacée qu’une partie peut utiliser afin de recourir au pouvoir judiciaire pour tenter de solutionner toute difficulté ponctuelle à laquelle elle fait face en raison d’un texte législatif ou réglementaire qui ne la satisfait pas ou qui contrecarre ses visées économiques, ou encore à la suite du résultat non fructueux de ses échanges avec les représentants du pouvoir exécutif de l’État afin de les faire valoir. Sans d’aucune façon revenir en arrière sur l’utilité préventive du recours en jugement déclaratoire, il demeure opportun de rappeler que la fonction des tribunaux n’est pas de combler ce qui apparaît aux yeux de certains comme des trous dans la loi ou les règlements[46], encore moins de réécrire ces derniers, mais bien de les interpréter, dans les limites des principes interprétatifs établis, et de les appliquer. La séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, plus particulièrement lorsque la gestion des fonds publics et la façon la plus adéquate de les attribuer sont en cause, conserve toute son importance. S’agissant plus spécifiquement des relations entre l’État et l’intimée, d’une part, et les professionnels de la santé, d’autre part, et plus particulièrement de la rémunération de ces derniers, les tribunaux n’ont pas non plus pour rôle de solutionner de prétendues « difficultés réelles » qui, en réalité, découlent de l’incapacité des parties de mener à bien les négociations qu’elles sont tenues d’entreprendre à échéances régulières aux fins de conclure une entente de rémunération au sens de l’article 19 LAM, ou de convenir d’une ou de lettre.s d’entente dans l’intervalle pour tenir compte de réalités du terrain qui ne se révèlent parfois qu’après coup. L’augmentation toute récente des litiges similaires à celui en l’espèce, lesquels mettent eux aussi en cause des choix et priorités budgétaires publics[47], démontre l’actualité, le caractère concret et la pertinence de la présente mise au point.

4.1.2.1 Application

[39]           La juge a déterminé que les conclusions 2, 2 subsidiaire et 3 ne se prêtaient pas à un jugement déclaratoire pour les motifs essentiels suivants :

[75]  Le Tribunal estime qu’il n’est pas à propos de donner suite à ces demandes de la FMOQ.

[76]  En effet, le jugement à être rendu à cet égard n’est pas susceptible de mettre fin à l’incertitude ou à la controverse compte tenu des termes et expressions utilisés, eux-mêmes susceptibles d’interprétation au cas par cas, selon les faits de l’espèce.

[…]

[78]  Les termes « autre type d’attestation », « à des fins administratives » et «situation créée par la personne assurée » sont très larges et peuvent appeler une interprétation différente, voire un résultat différent, selon les faits en cause. De ce fait, ils sont susceptibles d’engendrer de nouveaux débats : []

[…]

[80]  Enfin, en utilisant les termes « autre type d’attestation » et « à des fins administratives », la FMOQ ajoute au texte de la LAM et du Règlement d’application alors que nulle part dans ces textes législatifs il n’est question de ces situations.

[81]  Il s’agit de notions étrangères aux textes législatifs concernés et leur utilisation ouvre la porte à inclure des documents, situations et critères qui ne sont pas permis par la Loi.

[82]  Il ne s’agit plus ici d’obtenir une interprétation des textes législatifs, mais plutôt d’ajouter aux textes que l’on demande au Tribunal d’interpréter, ce que ne permet pas un jugement déclaratoire, le Tribunal ne devant pas réécrire les textes législatifs, mais seulement les interpréter et les appliquer.

[83]  Pour ces motifs, il y a lieu de rejeter la demande de jugement déclaratoire à l’égard des conclusions que le Tribunal a numérotées 2, 2 subsidiaire et 3.

[Soulignement ajouté; renvoi omis]

[40]           Ce faisant, elle n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon déraisonnable en refusant de se saisir des conclusions 2, 2 subsidiaire et 3 de la demande.

[41]           Essentiellement, compte tenu, d’une part, de la grande diversité des situations potentiellement visées par ces conclusions déclaratoires et pouvant survenir entre un omnipraticien exerçant en cabinet privé et une personne assurée et, d’autre part, de leur généralité, un jugement les accordant n’aurait pas pour effet de régler l’incertitude ou de mettre fin à la controverse entre les parties concernant la possibilité pour les membres de l’appelante de facturer des frais pour la délivrance d’un rapport, d’une recommandation, d’un billet d’absence « ou autre type d’attestation » pour la remise « à un tiers » et « à des fins administratives ».

 4.1.3 La juge de première instance a-t-elle commis une erreur révisable en concluant que les services décrits par l’appelante au soutien de ses autres conclusions déclaratoires principales, subsidiaires, subsubsidiaires et sub-sub-subsidiaires ne peuvent être facturés par ses membres aux personnes assurées?

[42]           D’abord, compte tenu de la réponse à la question précédente, il n’est pas nécessaire de répondre à la présente question quant à son volet concernant les conclusions 2, 2 subsidiaire et 3 de la demande.

[43]           La Cour reprend donc ci-après uniquement les questions relatives aux autres conclusions recherchées par l’appelante. Certaines seront analysées de façon commune avec leurs variations subsidiaires vu leur lien de connexité.

 4.1.3.1 Conclusion 1 : la juge a-t-elle commis une erreur révisable en concluant que remplir un formulaire de médicament ou de patient « d’exception » est un service assuré ou un frais engagé pour dispenser un service assuré au sens des articles 1a), 3a) et 22 al. 9 de la LAM?

 et

 Conclusion 1 subsidiaire : la juge a-t-elle commis une erreur révisable en concluant que remplir un formulaire de médicament ou de patient « d’exception » n’est pas un service non considéré comme assuré au sens du paragr. 22f) du RALAM?

[44]           Les mesures relatives à un médicament ou à un patient d’« exception » ne sont pas définies dans la LAM ou le RALAM. Les captures d’écran d’extraits du site Web de l’intimée produites en première instance comme pièces P-24 et P-25 permettent toutefois d’en savoir un peu plus :

-          médicaments d’exception (P-24) :

La mesure des médicaments d’exception permet à l’ensemble de la population d’obtenir la couverture de certains médicaments si ces derniers sont utilisés dans le respect des indications reconnues pour leur paiement [].

[…]

Pour obtenir le remboursement d’un médicament d’exception, une personne assurée doit obtenir une autorisation préalable de la Régie. Pour ce faire, une demande d’autorisation de paiement doit être soumise par un prescripteur autorisé.

[…]

La Régie peut rendre une décision avec laquelle vous n’êtes pas d’accord. À la suite du refus d’une demande d’autorisation dans les mesures des médicaments d’exception ou du patient d’exception, des recours sont à la disposition des personnes assurées :

Demande de révision

[…]

Demande au TAQ

[…]

-          Patient d’exception (P-25) :

La mesure du patient d’exception permet la couverture, par le régime public d’assurance médicaments, de médicaments non inscrits à la Liste des médicaments ou de médicaments d’exception prescrits pour une indication thérapeutique ne figurant pas à la Liste des médicaments. Ces médicaments doivent être d’une nécessité particulière et exceptionnelle pour la personne assurée.

La notion de nécessité particulière fait référence au caractère unique de la personne assurée et de son besoin pour le médicament demandé. La décision rendue est individualisée sur la base des conditions établies par règlement et d’une documentation scientifique appropriée soutenant l’utilisation du médicament dans l’indication thérapeutique spécifique à la personne assurée.

Pour obtenir le remboursement d’un médicament selon la mesure du patient d’exception, une personne assurée doit obtenir une autorisation préalable de la RAMQ. Pour ce faire, une demande d’autorisation de paiement doit être soumise par un prescripteur autorisé [].

[…]

Conditions établies par règlement

  • Le médicament doit être admissible à la mesure du patient d’exception
  • La condition médicale de la personne assurée doit être chronique
  • La condition médicale de la personne assurée doit être grave
  • Le médicament demandé doit être un traitement de dernier recours pour la personne assurée

[…]

[Soulignements ajoutés]

[45]           Outre ces définitions administratives de ces mesures, il est opportun de reprendre aussi les explications et illustrations qu’en a données le Dr Desrosiers, directeur des affaires professionnelles de l’appelante, lesquelles n’ont pas été contestées :

Q

Alors, docteur Desrosiers, qu’est-ce que c’est un médicament d’exception?

R

Je peux répondre de façon plus large juste pour contextualiser. […] Autour des années 2000, le législateur a adopté une loi sur l’assurance médicaments qui prévoit que les gens qui ont accès à un régime privé d’assurance médicaments continuent à en bénéficier, mais ceux qui n’en bénéficient pas vont avoir accès à un régime public d’assurance médicaments dont la gestion a été confiée à la Régie de l’assurance maladie.

[…]

Dans sa fonction de gestionnaire de l’assurance médicaments, il y a les médicaments qui sont d’emblée couverts, donc ils font partie d’une liste. N’importe qui qui se fait prescrire ça, pas de questions, il passe en pharmacie puis les règles générales s’appliquent. Il y a des médicaments qui, pour différentes raisons, font l’objet d’un traitement particulier. Ça peut être parce que c’est des médicaments très dispendieux ou ça peut être des médicaments où l’efficacité est seulement démontrée dans certains cas d’exception.

Donc, comme gestionnaire des deniers publics, la RAMQ exige que le médecin qui veut prescrire un médicament à un patient, qui ne fait pas partie de la liste générale, mais qui fait partie de la liste d’exceptions, l’informe du fait que… des raisons pour lesquelles, les raisons spécifiques pour lesquelles il prescrit le médicament. Et ça se fait généralement par le biais d’un formulaire. […] Donc, les médecins doivent, au bénéfice de leurs patients, compléter ces formulaires de médicaments d’exception de façon à ce que la RAMQ soit en mesure d’évaluer est-ce qu’elle couvre le coût de ce médicament-là ou non.

Le patient d’exception il y a des situations où il n’y a pas de conditions préétablies sur l’accès à un médicament. De façon générale, il n’est pas remboursé par la RAMQ, mais il peut survenir des situations où pour un patient spécifique il y a un besoin particulier. Alors malgré que, de façon générale, on dit pas on reconnaît dans tel tel tel, il peut y avoir des patients où il y a une indication de dire le régime va le payer et, à ce moment-là, il y a une démarche distincte à faire pour le patient dit d’exception.

[Caractères gras et soulignements ajoutés]

[46]           Selon l’appelante, les formulaires d’autorisation sont requis par l’intimée pour décider du remboursement ou non du coût d’un médicament dans le cadre du régime d’assurance publique, ou par un assureur aux fins de la gestion du régime d’assurance privée qu’il administre. La finalité des formulaires est donc administrative ou financière, et non médicale. Le fait pour un médecin de remplir un tel formulaire d’autorisation ne constitue donc pas un service assuré au sens du paragraphe 3a) de la LAM. Au surplus, s’agissant de formulaires requis par une personne autre que la personne assurée, le fait pour un médecin de les remplir constitue plutôt d’un service qui ne doit pas être considéré comme un service assuré au sens du paragraphe 22f) du RALAM :

22. Les services mentionnés sous cette section ne doivent pas être considérés comme des services assurés aux fins de la Loi :

 

[…]

 

f) tout examen, toute expertise, tout témoignage, tout certificat ou autre formalités lorsque requis aux fins de la justice, ou par une personne autre que celle qui a reçu un service assuré, sauf dans les cas suivants : […]

22.  The services mentioned under this Division shall not be considered as insured services for the purposes of the Act:

 

[…]

 

(f)   any examination, expert appraisal, testimony, certificate or other formality required for the ends of justice or by a person other than the person who has received and insured service, except in the following cases:

[…]

[Soulignements ajoutés]

[47]           L’intimée rétorque que les formulaires de médicament ou de patient d’exception, qu’ils soient requis par elle pour la gestion du régime public d’assurance médicaments ou par un assureur afin de gérer et de contrôler les coûts du régime privé qu’il administre, relèvent de l’obligation du médecin de dispenser gratuitement un service assuré, soit l’évaluation et, surtout, le traitement de la condition pour laquelle la personne assurée l’a consulté.

[48]           La Cour conclut que cet argument est valide pour la mesure du patient d’exception. En effet, dans un tel cas le médecin doit porter un jugement et fournir dans le formulaire d’autorisation les informations cliniques concernant, selon lui, le caractère chronique et grave de la condition médicale de son patient, ainsi que son opinion professionnelle que le traitement médicamenteux qu’il prescrit constitue un choix de dernier recours étant donné cette condition. Comme en a d’ailleurs témoigné le directeur des affaires professionnelles de l’appelante, il s’agit alors pour le médecin d’évaluer s’il est face à une situation où son « patient spécifique » requiert un « besoin particulier » étant donné sa condition.

[49]           On voit donc difficilement comment les frais que pourrait requérir le médecin pour la préparation du formulaire propre à la condition de son patient d’exception ne constituent pas, « directement ou indirectement », des frais engagés aux fins de la dispensation d’un service assuré, c’est-à-dire un service « requis au point de vue médical »[48], et donc des frais prohibés par l’article 22 al. 9 LAM. Le paragraphe 22f) du RALAM ne saurait trouver application dans une telle situation sans diluer de façon inacceptable les objectifs d’universalité et de gratuité des régimes d’assurance maladie et d’assurance médicaments. D’autant plus qu’il est permis de penser que s’il avait voulu que les médecins puissent obtenir un paiement d’une personne assurée pour remplir un formulaire d’autorisation, il l’aurait prévu parmi les exceptions édictées aux sousparagraphes 22f) i à vii, comme il la fait par exemple pour les constats de décès ou l’examen médicolégal des victimes d’assauts sexuels.

[50]           Comme la Cour l’a souligné récemment dans l’arrêt Association québécoise des pharmaciens propriétaires c. Régie de l’assurance maladie du Québec[49] :

[59]  L’exercice d’interprétation n’est pas une science exacte et, malgré sa rigueur, il peut dans certains cas, pour d’aucuns, ne pas permettre d’éliminer toute ambiguïté quant au sens à donner à une disposition. Néanmoins lorsqu’une telle ambiguïté ou incertitude subsiste dans l’interprétation d’une loi d’ordre public, le cas échéant, il est correct de retenir l’interprétation la plus conforme à l’intérêt général que poursuit le législateur. []

[Renvoi omis]

[51]           La Cour conclut toutefois que l’argument de l’intimée ne tient pas la route concernant les frais que le médecin peut exiger pour la préparation du formulaire d’autorisation propre à la mesure du médicament d’exception. Cet argument est en effet incompatible avec l’intention législative, telle qu’elle ressort d’une disposition non encore en vigueur de la Loi sur l’assurance médicaments[50].

[52]           La lecture combinée de l’article 60 alinéa 5 de la Loi sur l’assurance médicaments et de l’article 60.4 de la même loi, non encore en vigueur, appuie en effet la position de l’appelante.

[53]           Ainsi, l’article 60 alinéa 5 prévoit ce qui suit :

LISTE DE MÉDICAMENTS

 

§ 1.    Établissement et mise à jour de la liste

 

60. Le ministre dresse et met à jour périodiquement par règlement, après avoir considéré les recommandations formulées par l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux, créé par la Loi sur l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (chapitre I-13.03) sauf à l’égard de ce qui est prévu au sixième alinéa, et en tenant compte, le cas échéant, d’une entente d’inscription visée à l’article 60.0.1, la liste des médicaments dont le coût est garanti par le régime général. Cette liste peut également comporter certaines fournitures que le ministre juge essentielles à l’administration de médicaments d’ordonnance.

 

[…]

 

[al. 5] De plus, la liste indique, le cas échéant, les cas et les conditions suivant lesquels le paiement du coût d’un médicament, incluant un médicament d’exception, est couvert par le régime général, notamment les indications thérapeutiques visées, la quantité maximale de médicaments visée, la durée de traitement pharmacologique, la nécessité d’obtenir l’autorisation de la Régie et les restrictions relatives à l’âge de la personne admissible.

 

 

[…]

LIST OF MEDICATIONS

 

§ 1.    Establishment and updating

 

 

60. The Minister shall draw up and update periodically, by regulation, after considering the recommendations made by the Institut national d’excellence en santé et en services sociaux established by the Act respecting the Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (chapter I-13.03), except with respect to what is specified in the sixth paragraph, and taking into account any listing agreement under section 60.0.1, a list of the medications the cost of which is covered by the basic plan. The list may also include certain supplies that the Minister considers essential for the proper administration of prescription drugs.

 

[…]

 

Furthermore, the list shall include, where applicable, the cases in which and the conditions on which payment of the cost of a medication, including an exceptional medication, is covered by the basic plan, in particular the therapeutic indications concerned, the maximum quantity covered for that medication, the duration of the pharmacological treatment, the necessity of obtaining the Board’s authorization and the restrictions relating to the age of the eligible person.

 

[…]

[Soulignements ajoutés]

[54]           L’article 60.4 contient quant à lui l’interdiction suivante :

60.4. Il est interdit à toute personne d’exiger ou de recevoir des frais pour compléter une demande d’autorisation pour la couverture d’un médicament visé au cinquième ou au sixième alinéa de l’article 60, sauf dans les cas prescrits par règlement ou prévus dans une entente conclue en vertu de l’article 19 de la Loi sur l’assurance maladie (chapitre A-29) et aux conditions qui y sont mentionnées.

60.4. No person may charge a fee or receive payment for filling out an application for authorization with respect to coverage of the medications referred to in the fifth or sixth paragraph of section 60, except in the cases prescribed in a regulation or provided for in an agreement made under section 19 of the Health Insurance Act (chapter A-29) and on the conditions set out in the regulation or agreement.

 

[Soulignements ajoutés]

[55]           Le législateur étant nécessairement bien informé de l’ensemble de sa législation, il est approprié de conclure que si cette disposition n’est toujours pas entrée en vigueur, « toute personne », incluant donc un médecin omnipraticien, habilitée à compléter un formulaire ou une demande d’autorisation permettant à un patient d’obtenir le remboursement d’un médicament d’exception de l’intimée ou d’un assureur privé peut « exiger ou recevoir » des frais à cette fin.

[56]           Le mis en cause a proposé que la LAM et la Loi sur l’assurance médicaments instaurant des régimes distincts, il faut éviter d’interpréter l’une en recourant à l’autre. Cette proposition ne peut être retenue.

[57]           Les auteurs observent ce qui suit au sujet des lois du même législateur qui traitent de matières connexes :

1182. On suppose qu'il règne, entre les divers textes législatifs adoptés par une même autorité, la même harmonie que celle que l'on trouve entre les divers éléments d'une loi : l'ensemble des lois est censé former un tout cohérent. L'interprète doit donc favoriser l'harmonisation des lois entre elles plutôt que leur contradiction, car le sens de la loi qui produit l'harmonie avec les autres lois est réputé représenter plus fidèlement la pensée de son auteur que celui qui produit des antinomies.

1183. Plus concrètement, la présomption de cohérence des lois entre elles se manifeste avec d'autant plus d'intensité que les lois en question portent sur la même matière, sont « in pari materia », comme on a l'habitude de dire. D'autre part, il peut apparaître certains conflits entre différentes lois, conflits que l'interprète devra résoudre de manière à rétablir l'harmonie.

1184. Le législateur est censé maintenir, dans l'ensemble des lois qu'il adopte sur un sujet donné, une cohérence à la fois dans la formulation des textes et dans les politiques que ces textes mettent en œuvre :

« [traduction] Lorsqu'il se trouve différentes lois dans une même matière, il faut les considérer et les interpréter ensemble, comme un système, comme s'expliquant l'une par l'autre, même si elles remontent à des époques différentes, même si certaines ont expiré, même si elles ne renvoient pas les unes aux autres. »

1185. La justification première de ce principe, c'est que l'on suppose que, lorsque l'auteur d'une loi élabore celle-ci, il tient compte des lois qui sont alors en vigueur, spécialement de celles qui portent sur la même matière, et qu'il façonne la nouvelle loi de manière à ce qu'elle s'intègre convenablement dans le droit existant à la fois au point de vue de la forme et au point de vue du fond. Cette justification du principe fonde le recours aux lois connexes antérieures à celle interprétée, lois qui forment l'environnement légal dans lequel vient s'insérer la loi nouvelle et qui peuvent servir à en préciser le sens.

[…]

1195. La présomption de cohérence et d'harmonie entre lois connexes ne s'applique pas uniquement à leur forme : elles sont aussi réputées refléter la volonté d'un législateur logique qui, à l'intérieur de l'ensemble des lois sur une même matière, est censé procéder systématiquement, c'est-à-dire sans contradiction, et donner à des problèmes semblables des solutions semblables. [][51]

[Soulignements ajoutés; renvois omis]

[58]           De plus, la jurisprudence et la doctrine confirment l’utilité d’une disposition non en vigueur d’une loi pour interpréter l’intention du législateur.

[59]           Voici d’abord ce qu’écrivait le juge Ritchie, non contredit en cela par la majorité, dans Loi Modifiant le Droit Pénal, Référence[52] concernant l’interprétation de l'article 120 de la Loi de 1968-69 modifiant le droit pénal :

On soutient que, bien que l'article 120 soit en vigueur, les autres articles de la Loi sont sans effet jusqu'à ce qu'ils soient promulgués et qu'en conséquence ces autres articles ne peuvent servir à découvrir quelle était l'intention du Parlement lorsqu'il a édicté l'art. 120. Je ne puis accepter cet argument parce que je crois que, promulguées ou non, les dispositions de la Loi modifiant le droit pénal sont celles d'une loi du Parlement du Canada et doivent être considérées comme l'expression de l'intention et de la volonté du Parlement.

[Soulignement ajouté]

[60]           Les auteurs, sur la base notamment de cet extrait de l’opinion du juge Ritchie, observent quant à eux ce qui suit :

344. Le texte de la loi existe dès qu'il est édicté. Sa force exécutoire commence cependant avec son entrée en vigueur. [].

[…]

346. Le texte n'est toutefois pas nécessairement exécutoire dès sa sanction : sanction et mise en vigueur peuvent souvent coïncider dans le temps, mais ce sont deux faits conceptuellement distincts. Le texte de la loi sanctionnée doit, en principe, entrer en vigueur pour produire ses effets. Il faut dire « en principe » car une loi sanctionnée, mais non mise en vigueur, n'est pas entièrement démunie d'effet. []

[…]

348. On peut s'interroger sur la possibilité de prendre en considération, pour interpréter un texte de loi exécutoire, une disposition sanctionnée, mais non encore mise en vigueur. On devrait pouvoir se référer à une loi qui n'est pas en vigueur pour écarter un doute quant au sens ou à la portée d'une autre loi : le législateur est censé maintenir une certaine cohérence dans l'ensemble des lois qu'il adopte et, entre deux interprétations possibles d'une loi, il faut préférer celle qui permet d'assurer cette cohérence. Ce n'est pas là donner effet à la loi non promulguée pas plus que c'est donner effet à un traité international que de préférer le sens d'une loi qui s'accorde avec les termes du traité. Une loi non mise en vigueur ne saurait cependant prévaloir sur le texte formel d'une loi exécutoire.

[…]

1071. Que chaque élément de la loi doive être considéré à la lumière de l'ensemble, cela signifie qu'il faut se référer aux autres dispositions de la loi et éviter les interprétations qui les priveraient d'effet ou les rendraient inutiles. Également, ce principe invite l'interprète à tenir compte des autres éléments de la loi susceptibles d'éclairer le sens de la disposition examinée, c'est-à-dire le titre, le préambule, les sous-titres, les annexes, et ainsi de suite. On a même soutenu que l'interprète pouvait prendre en considération des parties d'une loi qui ne sont pas encore en vigueur au moment où se fait l'interprétation.[53]

[Renvois omis; soulignements ajoutés]

[61]           Enfin, voici comment s’exprimait le ministre de la Santé et des Services sociaux de l’époque concernant l’article 60.4 précité de la Loi sur l’assurance médicaments lors de l’étude détaillée de l’article 23 du projet de loi qui visait à la modifier en y ajoutant les articles 60.1, 60.2, 60.3 et 60.4[54] :

M. Couillard : […]

Et enfin 60.4, qui est important parce que c'est une représentation qu'on a eue de la part des groupes en commission. «Il est interdit à toute personne d'exiger ou de recevoir des frais pour compléter une demande d'autorisation pour la couverture d'un médicament visé au cinquième ou au sixième alinéa de l'article 60, sauf dans les cas prescrits par règlement ou prévus [lors d'une] entente conclue en vertu de l'article 19 de la Loi sur l'assurance maladie et aux conditions qui y sont mentionnées.»

Donc, ce qu'on veut faire ici, c'est répondre aux représentations qui nous ont été faites. C'est qu'on dit: Il y a une liste d'exception pour laquelle le médecin doit remplir un formulaire. De plus en plus, on veut que ce soit en ligne, là, mais il demeure quand même que c'est un genre de formulaire d'assurance. On le sait, que ce n'est pas des services assurés, les formulaires d'assurance. Donc, le médecin théoriquement peut demander un frais pour remplir un formulaire pour obtenir l'approbation du médicament d'exception, et là on vient dire que ce n'est pas possible de le faire.

[Soulignements ajoutés]

[62]           D’aucuns peuvent incidemment se demander pourquoi le législateur a décidé au bout du compte de ne prévoir à l’article 60.4, et de façon expresse, que la mesure relative au médicament d’exception, sans référer aussi à celle du patient d’exception. Il n’appartient toutefois pas aux tribunaux de compléter une disposition; il s’agit là de questions d’opportunité législative qui ne sont pas leur apanage. Il est néanmoins raisonnable de supputer que le législateur a finalement conclu que la mesure du patient d’exception diffère de celle du médicament d’exception et que, pour des raisons qui participent de celles mentionnées aux paragraphes 48 et 49 des présents motifs, elle constitue un service requis au point de vue médical et doit donc demeurer un service assuré.

[63]           Pour toutes ces raisons, il y aura lieu de déclarer dans les conclusions du présent arrêt qu’un membre de l’appelante peut légalement demander et recevoir un paiement d’une personne assurée pour remplir un formulaire relatif à la mesure relative aux médicaments d’exception.

 4.1.3.2 Conclusion 2 sub-subsidiaire : la juge a-t-elle commis une erreur révisable en refusant ou en omettant de trancher la question de savoir si le fait de remplir un rapport, recommandation, billet ou « autre type d’attestation » demandé par la personne assurée pour être remis à un tiers qui le requiert à des fins administratives est ou non un service assuré ou un frais engagé pour dispenser un service assuré au sens des articles 1a), 3a) et 22 al. 9 de la LAM dans les cas suivants :

(1)  billet d’absence

(2)  attestation de présence au cabinet du médecin

(3)  recommandation d’absence au travail ou à l’école

(4)  attestation pour exemption d’un cours ou activité scolaire

(5)  attestation pour exemption d’un entraînement sportif

(6)  attestation pour restriction à utilisation d’escaliers

(7)  billet recommandant une limitation fonctionnelle

(8)  billet pour prendre médicament à l’école

(9)  billet pour faire évaluer un poste de travail par l’employeur

[64]           L’appelante reproche à la juge de ne pas avoir tranché toutes les déclinaisons de cette question malgré que plus d’un médecin omnipraticien ait témoigné devant elle de la survenance de temps à autre de ces neuf situations dans le cadre de leur pratique.

[65]           Certes, la juge n'était pas liée par la formulation des conclusions déclaratoires recherchées dans la demande originale ou modifiée. En ces matières, une conclusion peut être modifiée à nouveau, en autant qu'elle ne change pas la nature ou le sens de la demande et qu'elle ne dénature pas le litige; en bref, une conclusion déclaratoire peut être modifiée ou complétée pour apporter une solution complète au débat[55].

[66]           Or, en l’espèce, la transcription des plaidoiries permet de constater que c’est lors de la sienne que la procureure de l’intimée a requis de la juge qu’elle se prononce sur « les cas factuels mis en preuve devant vous, [] les cas qui ont été témoignés [sic] par les médecins »[56], et ce, en l’absence de toute conclusion en bonne et due forme formulée par l’une ou l’autre des parties à ces sujets, ni même de liste précise des situations en question. Le rôle actif du juge d’instance ne va pas jusqu’à devoir réécouter l’enregistrement de la preuve afin de déterminer si elle donne ouverture à des conclusions additionnelles qui ne sont pas contenues dans les procédures des parties ou si elle établit des faits qui pourraient être visés indirectement par ces dernières. Ce sont les parties à une instance qui ont la maîtrise de leur dossier, dans le respect notamment des règles de la procédure[57]. Le devoir des tribunaux d’assurer la saine gestion des instances et de veiller à leur bon déroulement ne va pas jusqu’à deviner leurs attentes et assurer la maîtrise de leur dossier à leur place. La juge a ainsi eu raison de requérir des parties qu’elles établissent la liste des multiples cas abordés par les divers témoins entendus au cours des quatre jours de l’instruction, mais qui n’étaient pas spécifiquement visées par les conclusions déclaratoires en litige telles que l’appelante les avait cernées, modifiées et remodifiées jusque-là.

[67]           C’est après cette demande de la juge, et dans son plan d’argumentation complémentaire déposé lors des plaidoiries le 5 décembre 2019, que le mis en cause a identifié certains des cas révélés par la preuve. Il s’agit des cas précédemment mentionnés sous la rubrique « Le contexte » du présent arrêt, au paragraphe 14, lesquels correspondent aux cas (3), (5), (6) et (7) visés par la présente conclusion 2 subsubsidiaire.

[68]           Or, le jugement entrepris est muet à ces sujets.

[69]           Dans ces circonstances, la Cour est justifiée de procéder à sa propre analyse.

[70]           Quant aux autres cas visés, l’appelante ne peut reprocher à la juge de ne pas en avoir traité, faute par l’une ou l’autre des parties d’avoir modifié la demande en ce sens, ou de les avoir clairement identifiés lors des plaidoiries afin de permettre à la juge de pouvoir les trancher de façon éclairée et sans risque de les déformer.

[71]           Cela dit, vu la décision de la Cour d’accueillir la requête de bene esse de l’appelante concernant notamment l’ajout de cette conclusion en appel afin de vider le débat, la Cour se prononcera aussi sur les autres cas visés.

[72]           Or, force est de constater que cette question et ses neuf déclinaisons factuelles distinctes constituent une variation éloquente sur le thème des conclusions déclaratoires irrecevables en raison des substrats factuels variés qu’elles peuvent viser, d’une part, et, d’autre part, du jugement qui ne mettrait donc pas fin à l’incertitude en les accordant, qui risquerait de maintenir la controverse sur la question essentielle concernée, voire de constituer une opinion juridique partielle à partir d’un cas factuel spécifique, avec le risque de générer des litiges supplémentaires sur des questions similaires, connexes ou accessoires.

[73]           Au surplus, certaines situations visées apparaissent au mieux faire double emploi ou, au pire, ouvrir la porte, même involontairement, à des cumuls, voire des excès.

[74]           Ainsi, faut-il comprendre des situations (3), (5) et (7) qu’un médecin pourrait facturer des frais à un patient pour un billet « recommandant une limitation fonctionnelle » et pour un autre billet recommandant l’absence au travail ou à l’école, ou pour une attestation pour exemption d’un entraînement sportif, en raison de cette même limitation? La recommandation et le billet ou l’attestation, le cas échéant, pourraient-ils tous deux être facturés? Sur le même thème, qu’en est-il du cas (9) où le médecin préparerait un billet pour faire évaluer un poste de travail par l’employeur, et ce, en raison de l’attestation d’une limitation fonctionnelle complétée à la même occasion?

[75]           Certes, la bonne foi se présume toujours et il n’est nullement question ici de remettre en cause l’intégrité et le professionnalisme des membres de l’appelante. Il est néanmoins impératif d’éviter toute interprétation et tout jugement déclaratoire qui pourraient être source d’ambiguïté supplémentaire.

[76]           La question suivante pose les mêmes difficultés.

4.1.3.3. Conclusion 2 sub-sub-subsidiaire : la juge a-t-elle commis une erreur révisable en concluant que remplir un rapport, recommandation, billet ou « autre type d’attestation » demandé par la personne assurée pour être remis à un tiers qui le requiert à des fins administratives est un service non considéré comme assuré parce que requis par une personne autre que celle qui a reçu un service assuré au sens du paragraphe 22f) du RALAM dans les cas suivants :

(1)  billet d’absence

(2)  attestation de présence au cabinet du médecin

(3)  recommandation d’absence au travail ou à l’école

(4)  attestation pour exemption d’un cours ou activité scolaire

(5)  attestation pour exemption d’un entraînement sportif

(6)  attestation pour restriction à utilisation d’escaliers

(7)  billet recommandant une limitation fonctionnelle

(8)  billet pour prendre médicament à l’école

(9)  billet pour faire évaluer un poste de travail par l’employeur

[77]           Les motifs énoncés au soutien de la réponse négative à la question précédente sont donc tout aussi pertinents pour répondre de la même façon à la présente question, sans nécessité d’en dire davantage.

 4.1.3.4 Conclusion 3 subsidiaire : la juge a-t-elle commis une erreur révisable en concluant que faire une copie du dossier médical, d’extraits, d’un examen, d’un résumé de dossier, une  télécopie, etc. est un service assuré ou un frais engagé pour dispenser un service assuré au sens des articles 1a), 3a) et 22 al. 9 de la LAM lorsqu’ils ne sont pas requis pour donner suite à une recommandation du médecin traitant?

[78]           Les motifs de la juge au soutien de sa conclusion sont les suivants :

[115]  Ainsi, le Tribunal retient la thèse de la défenderesse et de la mise en cause selon laquelle tant que l'acte assuré n'est pas entièrement complété pour assurer le traitement, voire un service complet, malgré les aléas que peut connaître un tel processus, il n’y a pas de frais qui peuvent être facturés, s’agissant de frais liés à des services requis d’un point de vue médical ou à des services requis pour la dispensation d’un service assuré.

[116]  Repris dans son contexte législatif global visant l'élimination des frais accessoires, il est tout à fait acceptable de lire les articles 3 (tous les services sont assurés), 1 a) (services assurés) et 22, al. 9 (aucun paiement ne peut être exigé) de la Loi comme permettant que le remplissage de formulaires pour un médicament ou un patient d'exception soit un service assuré pour permettre le traitement médical requis adéquat pour cet assuré spécifique.

[117]  Il est indéniable que ce traitement, qui n'est pas un choix, mais la réponse professionnelle adéquate à la pathologie ou au diagnostic posé, entraîne gestes, efforts, suivis, pour répondre à des exigences administratives imposées tant par la RAMQ (ou un assureur privé) que par la loi.

[118]  Toutefois, le contexte législatif de la LAM fait en sorte qu'il s'agit d'un service assuré, puisque requis au point de vue médical, faisant partie du processus pour que celui-ci soit accompli jusqu’à sa finalité. De plus, aucun règlement n'en a fait une exception pouvant être facturée.

[119]  Le raisonnement s'applique tout aussi bien à la copie de dossier médical, et ce, malgré les prétentions de la FMOQ selon lesquelles lorsque les rapports ou le résumé sont requis pour une cause de déménagement, il ne s’agirait plus d’un service assuré. Le Tribunal ne peut suivre ce raisonnement.

[120]  En effet, le contexte global de la Loi vise à procurer un service complet du point de vue médical.

[121]  Le dossier médical fait partie de ce processus. Il est un des éléments nécessaires à un moment ou à un autre pour un suivi, pour un traitement, cela fait partie du service assuré.

[Soulignements ajoutés; renvois omis]

[79]           La Cour est d’avis que la juge a erré en appliquant tous azimuts la logique selon laquelle tout service, quel qu’il soit, dispensé dans le cadre du processus menant à la dispensation complète, entière et finale d’un service requis au point de vue médical est nécessairement lui-même un service assuré, ou encore un service engagé pour la dispensation d’un service assuré, qui ne peut donc être facturé au patient.

[80]           D’emblée, cette logique occulte l’alinéa 10 de l’article 22 de la LAM, lequel édicte que ne constituent pas « des frais engagés aux fins de la dispensation de services assurés », notamment des frais « liés au fonctionnement d’un cabinet privé de professionnels » ou « aux services [] requis pour la dispensation d’un service assuré, [] », les frais « liés à des services non considérés comme assurés requis avant, pendant ou après la dispensation d’un service assuré » [soulignements ajoutés].

[81]           La Cour estime toutefois qu’il n’y a pas lieu d’intervenir et de faire droit à cette conclusion recherchée par l’appelante pour un motif différent de ceux énoncés par la juge.

[82]           La conclusion 3 subsidiaire recherchée par l’appelante, telle que formulée, ne se prête en effet pas, sauf une exception qu’on verra ci-après, à un jugement déclaratoire qui mettrait fin à l’incertitude ou qui écarterait toute possibilité de controverse entre les parties, notamment quant à son exécution.

[83]           Ainsi, il est impossible de prévoir, déterminer et de trancher dans le cadre d’un jugement déclaratoire quelles sont au juste les circonstances dans lesquelles des frais pourront être facturés par un membre de l’appelante à une personne assurée pour la préparation et la remise d’une copie ou d’extraits de son dossier médical, d’un examen, ou d’un résumé de son dossier au motif que ces services ne seraient « pas requis pour donner suite à une recommandation du médecin traitant ». L’échange à ce sujet entre la procureure de l’appelante et le Dr Rainville, directeur des affaires professionnelles de l’intimée, lors de l’instruction illustre d’ailleurs les limites de la position de l’appelante ainsi que les questionnements additionnels qu’elle peut soulever.

[84]           La seule exception claire et non contestée possible, consignée d’ailleurs à titre d’admission de l’intimée au procès-verbal d’audience du 4 décembre 2019, vise le cas où une personne requerrait de son médecin traitant une copie ou des extraits de son dossier médical pour des fins clairement non liées à une recommandation médicale :

14h18 Admission : Il est admis que lorsque les copies sont faites uniquement à des fins d’archives personnelles, elles sont facturables.

[85]           L’admission doit évidemment couvrir les copies d’examens contenus dans le dossier médical du patient ou encore le résumé de son dossier qu’il demande aussi à des fins purement personnelles. Lors de l’instruction, les initiés ont qualifié ce type de personne assurée de « patient archiviste ».

[86]           Cela dit, il n’appartient pas à la Cour d’indiquer aux parties le ou les moyens qui pourraient permettre aux membres de l’appelante, dans le quotidien de leur pratique, de cerner une telle situation et de facturer des frais à un tel « patient archiviste » sans risque de s’exposer aux recours dont l’intimée bénéficie suivant la LAM et aux sanctions qu’elle prévoit.

 4.1.3.5 Conclusion 4 : la juge a-t-elle commis une erreur révisable en concluant que le remplacement d’une ordonnance perdue est un service assuré ou un frais engagé pour dispenser un service assuré au sens des articles 1a), 3a) et 22 al. 9 de la LAM?

 et

 4.1.3.6 Conclusion 4 subsidiaire : la juge a-t-elle commis une erreur révisable en concluant que le remplacement d’une ordonnance perdue n’est pas un service considéré comme non assuré au sens des paragraphes 22d) ou g) du RALAM lorsqu’il est demandé par téléphone, courriel ou un autre mode de communication, ou lorsque l’unique but de la visite est d’obtenir le remplacement de l’ordonnance?

[87]           Plusieurs raisons justifient de répondre négativement à cette question.

[88]           Premièrement, l’entente conclue entre l’appelante et le ministre de la Santé et des Services sociaux, dont copie est jointe au dossier d’appel, prévoit que la rémunération payable à ses membres pour une prise en charge d’un patient nouvellement inscrit à leur cabinet, pour une visite de suivi d’un patient inscrit et pour la visite périodique d’un patient vulnérable comprend notamment la préparation des ordonnances requises aux fins du plan de traitement, ainsi que les échanges courants avec le patient et ses proches.

[89]           Deuxièmement, si le paragraphe 22g) du RALAM prévoit qu’une visite faite dans le seul but d’obtenir « le renouvellement » d’une ordonnance n’est pas considérée comme un service assuré, force est de constater que la visite aux fins d’obtenir le remplacement d’une ordonnance perdue, ce qui est différent, n’est mentionnée nulle part à l’article 22. Le « renouvellement » d’une ordonnance implique que la durée de validité de cette dernière est échue. L’ordonnance perdue vise une autre situation, comme l’a d’ailleurs admis le directeur des affaires professionnelles de l’appelante lors de l’instruction. Son explication que « ça peut lui ressembler drôlement », ce qui justifierait la possibilité de facturer le patient suivant le paragraphe 22g) du RALAM, ne convainc pas.

[90]           Troisièmement, le remplacement d’une ordonnance perdue constitue l’un de ces services qui, « notamment », sont liées « aux [] médicaments [] requis pour la dispensation d’un service assuré » au sens du neuvième alinéa de l’article 22 de la LAM :

22. […]

 

[al. 9] Aucun paiement ne peut être réclamé ou reçu d’une personne assurée, directement ou indirectement, pour des frais engagés aux fins de la dispensation de services assurés par un professionnel de la santé soumis à l’application d’une entente ou par un professionnel désengagé. Constituent notamment de tels frais ceux liés:

 

  […]

 

   aux services, fournitures, médicaments et équipements requis pour la dispensation d’un service assuré […].

 

[…]

22. []

 

No payment may be charged to or received from any insured person, directly or indirectly, for costs incurred for insured services provided by a health professional who is subject to the application of an agreement or by a professional who has withdrawn. Such costs include those related to

 

 

 

(1)  […]

 

(2)   services, supplies, medications and equipment required to provide an insured service […].

 

 

[…]

[Soulignements ajoutés]

[91]           Enfin, il n’a pas été sérieusement contesté que la perte d’une ordonnance peut être attribuable entre autres aux difficultés cognitives ou d’organisation qu’éprouvent certains patients, dont des patients vulnérables. Or, dans le contexte où les principes de gratuité et d’universalité, notamment, doivent caractériser le régime d’assurance maladie public, il serait incongru qu’une personne assurée au sens du paragraphe 1g.1) de la LAM n’ait pas accès à cette gratuité pour le remplacement d’une ordonnance qu’elle a perdue en raison précisément de difficultés liées à sa condition de santé.

 4.1.3.7 Conclusion 5 : la juge a-t-elle commis une erreur révisable en concluant que le guidage échographique en cabinet privé aux fins d’effectuer un service assuré telle une infiltration n’est pas un service considéré comme non assuré au sens du paragraphe 22q) du RALAM?

[92]           Cette question appelle une réponse positive.

[93]           Lors de l’instruction, le directeur des affaires professionnelles de l’appelante a décrit le service qui est au cœur de la divergence d’opinions entre les parties. Il convient d’en reprendre les extraits les plus pertinents :

Q.

 

D’abord c’est quoi le guidage échographique, docteur Desrosiers?

R.

Je vais commencer avec l’échographie.

[…] L’échographie c’est une technique de visualisation. Ce que ça permet de voir c’est voir à travers la peau.

Essentiellement, on a un appareil qui est concrètement un petit peu plus gros qu’un ordinateur portatif, mais c’est le même genre, avec un écran qui se lève qui est relié à une sonde qui a à peu près la grandeur d’une télécommande de télévision et qui, au bout de la sonde, émet des ultrasons. Les fréquences varient, chaque tinte de sonde à des fréquences spécifiques et les échos, le retour, les reflets quand les ultrasons vont traverser les structures, permettent de générer une image de qu’est-ce qu’il y a comme structures sous-jacentes. Donc, ça permet des fois de visualiser des structures profondes, on peut aller voir les reins ou le pancréas, mais dans l’optique de ce qu’on discute aujourd’hui, on peut aller voir à travers la peau pour voir quelles sont les structures tendineuses ou musculaires qui sont sous-jacentes à la peau, donc pas très profondément, donc à des fréquences d’ultrasons qui sont différentes. […]

Q.

[…] Oui, qu’est-ce que c’est le guidage échographique?

R.

[…] Alors on peut, si on a une injection à faire par exemple dans l’épaule, se servir de l’écho pour localiser où s’en va l’aiguille puis s’assurer qu’elle va à la place où on veut qu’elle aille. Donc, c’est une façon de s’assurer que l’injection qu’on va faire, ou la ponction qu’on va faire va se faire à l’endroit désiré puis non à côté, qu’on tire les bonnes conclusions de la réponse au traitement, par exemple.

Q.

Est-ce qu’il faut nécessairement utiliser le guidage échographique pour faire une infiltration?

R.

Pour faire une infiltration, non. Ça se fait aussi avec des repères anatomiques. Donc, quelqu’un comme moi qui est assez maigre, on voit mes repères osseux, quand il faut rentrer dans l’épaule on peut s’imaginer assez bien où on s’en va. Dans quelqu’un qui est un petit peu plus enrobé, c’est techniquement plus difficile. Chez un patient chez qui on a fait, ou quelqu’un a fait des infiltrations sous repères anatomiques dans le passé puis que ça ne marche pas, on ne sait pas si c’est parce que ça a été mal fait ou si c’est parce qu’on a le mauvais diagnostic ou le patient ne répond pas. Comme le fait de le faire avec l’échographie, on est certain, là, d’exactement qu’est-ce qu’on fait. Ça permet de visualiser puis d’être certain. On peut s’attendre au résultat voulu.

Q.

Dans nos procédures on parle aussi de ponction d’une collection liquidienne par guidage échographique, qu’estce que c’est ça?

R.

La ponction c’est le même genre de démarche avec la différence qu’au lieu d’aller injecter, ce qu’on veut aller faire c’est aller chercher du liquide qui est collectionné quelque part où ça ne devrait pas être. Ça, c’est moins optionnel, c’est beaucoup plus difficile. Quand c’est superficiel, ce n’est pas compliqué, on prend une aiguille, on ponctionne une grosse bosse. Dans la mesure où c’est quelque chose qui est plus profond, pour être sûr qu’on s’en va dans la bonne place puis qu’on s’en va pas plutôt dans les artères ou ci ou ça, bien, c’est mieux de le faire sous guidage pour être sûr d’exactement où on s’en va.

Q.

Alors on a le cas de figure de l’infiltration, le cas de figure de la ponction, mais pour ces gestes-là, la ponction puis l’infiltration, il y a un tarif pour ça, pour la ponction et l’infiltration?

R.

Il y a un tarif pour la ponction sous guidage échographique […]. Dans le cas de l’infiltration, on a simplement un tarif pour l’infiltration. À tout le moins, on ne spécifie pas est-ce que c’est sous échographie ou non. Alors il y a une différence entre les deux en termes de comment ils sont rédigés dans l’entente.

[Soulignements et caractères gras ajoutés]

[94]           Tous admettent par ailleurs que « échographie » est synonyme d’« ultrasonographie ».

[95]           La ponction sous guidage échographique (ou « ultrasonographique ») étant rémunérée, il y a lieu de ne s’attarder ici qu’au cas de l’infiltration sous guidage échographique.

[96]           L’intimée considère que l’échographie de guidage aux fins d’effectuer une infiltration peut certes engendrer des frais d’opération pour le médecin, mais que ces frais sont « engagé[s] aux fins de la dispensation d’un service assuré » au sens de l’article 22 alinéa 9 de la LAM et qu’il ne peut donc être facturé au patient :

22. […]

 

[al. 9] Aucun paiement ne peut être réclamé ou reçu d’une personne assurée, directement ou indirectement, pour des frais engagés aux fins de la dispensation de services assurés par un professionnel de la santé soumis à l’application d’une entente ou par un professionnel désengagé. Constituent notamment de tels frais ceux liés:

 

   au fonctionnement d’un cabinet privé de professionnel ou d’un centre médical spécialisé au sens de la Loi sur les services de santé et les services sociaux;

 

   aux services, fournitures, médicaments et équipements requis pour la dispensation d’un service assuré ainsi que pour la réalisation d’un test diagnostique se rapportant à un tel service.

 

[…]

22. []

 

No payment may be charged to or received from any insured person, directly or indirectly, for costs incurred for insured services provided by a health professional who is subject to the application of an agreement or by a professional who has withdrawn. Such costs include those related to

 

 

 

(1)   the operation of a private health facility or a specialized medical centre within the meaning of the Act respecting health services and social services;

 

(2)   services, supplies, medications and equipment required to provide an insured service, as well as to perform diagnostic tests related to such a service

 

 

[…]

[Soulignements ajoutés]

[97]           Or, l’analyse ne doit pas s’arrêter là. Le paragraphe 22q) du RALAM édicte en effet ce qui suit :

22. Les services mentionnés sous cette section ne doivent pas être considérés comme des services assurés aux fins de la Loi :

 

[…]

 

q)   l’ultrasonographie, sauf dans l’un ou l’autre des cas suivants:

 

i.   ce service est rendu dans une installation maintenue par un établissement qui exploite un centre hospitalier;

 

ii.   ce service est rendu par un radiologiste;

 

iii.   ce service est rendu, à des fins obstétricales, dans une installation maintenue par un établissement qui exploite un centre local de services communautaires mentionné à l’annexe D;

 

[…]

 

22.  The services mentioned under this Division shall not be considered as insured services for the purposes of the Act:

 

[…]

 

(q)   ultrasonography, except in one or the other of the following cases:

 

i.   this service is rendered in a facility maintained by an institution which operates a hospital centre;

 

 

ii.   this service is rendered by a radiologist;

 

iii.   this service is rendered, for obstetrical reasons, in a facility maintained by an institution which operates a local community service centre referred to in Schedule D;

 

 

[…]

 [Soulignements ajoutés]

[98]           De plus, cette disposition doit être lue avec l’alinéa 10 de l’article 22 de la LAM, lequel suit incidemment l’alinéa 9 qu’invoque l’intimée. Lus globalement, les alinéas 7, 8, 9 et 10 de la LAM précisent par ailleurs ce qui suit :

22. […]

 

[al. 7] Un professionnel de la santé soumis à une entente ne peut exiger ou recevoir paiement de la Régie ou d’une personne assurée, selon le cas, pour un service assuré qui n’a pas été fourni, qu’il n’a pas fourni lui-même, qu’il n’a pas fourni conformément à une entente ou qu’il a faussement décrit.

 

 

[al. 8] Il ne peut exiger ou recevoir paiement de la Régie pour un service non assuré, non considéré comme assuré par règlement ou non déterminé comme service assuré par règlement.

 

[al. 9] Aucun paiement ne peut être réclamé ou reçu d’une personne assurée, directement ou indirectement, pour des frais engagés aux fins de la dispensation de services assurés par un professionnel de la santé soumis à l’application d’une entente ou par un professionnel désengagé. Constituent notamment de tels frais ceux liés:

 

   au fonctionnement d’un cabinet privé de professionnel ou d’un centre médical spécialisé au sens de la Loi sur les services de santé et les services sociaux;

 

   aux services, fournitures, médicaments et équipements requis pour la dispensation d’un service assuré, ainsi que pour la réalisation d’un test diagnostique se rapportant à un tel service.

 

[al. 10] Ne constituent pas de tels frais ceux liés à des services non considérés comme assurés requis avant, pendant ou après la dispensation d’un service assuré.

 

[…]

22. []

 

A health professional subject to the application of an agreement shall not exact or receive payment from the Board or an insured person, as the case may be, for an insured service that has not been furnished, that he has not furnished in person, that he has not furnished in conformity with an agreement or that he has falsely described.

 

He shall not exact or receive payment from the Board for a non-insured service, or a service not considered insured by regulation or not established as an insured service by regulation.

 

No payment may be charged to or received from any insured person, directly or indirectly, for costs incurred for insured services provided by a health professional who is subject to the application of an agreement or by a professional who has withdrawn. Such costs include those related to

 

 

 

(1)   the operation of a private health facility or a specialized medical centre within the meaning of the Act respecting health services and social services;

 

(2)   services, supplies, medications and equipment required to provide an insured service, as well as to perform diagnostic tests related to such a service

 

 

Such costs do not include those related to services not considered insured that are required before, during or after the provision of an insured service.

 

[…]

 

[Soulignements et caractères gras ajoutés]

[99]           Quant au cinquième alinéa de l’article 22.0.0.1 de la LAM, auquel la juge ne réfère pas, il édicte lui aussi une précision importante :

22.0.0.1. Un médecin soumis à l’application d’une entente ou un médecin désengagé qui exerce dans un cabinet privé […] doit afficher à la vue du public, dans la salle d’attente du cabinet […] où il exerce le tarif des frais qu’il peut réclamer d’une personne assurée suivant un règlement du gouvernement pris en application de la présente loi, ainsi que celui des services médicaux qu’il rend et qui sont non assurés ou non considérés comme assurés par règlement. […]

 

 

[…]

 

[al. 5] Pour l’application du présent article ou de toute autre disposition de la présente loi, un service non assuré ou un service non considéré comme assuré est réputé demeurer un service non assuré ou un service non considéré comme assuré même s’il est requis avant la dispensation d’un service assuré, lors de sa dispensation ou à la suite de celle-ci. Il en est de même à l’égard des frais visés au premier alinéa.

 

[…]

22.0.0.1.  A physician subject to the application of an agreement or a physician who has withdrawn who practises in a private health facility […] must post in public view, in the waiting room of the facility […] where the physician practises, the tariff of fees that the physician may charge an insured person under a government regulation made under this Act, and the tariff of fees for medical services rendered by the physician that are non-insured services or services not considered insured services by regulation. […]

 

[…]

 

For the purposes of this section or any other provision of this Act, a non-insured service or a service not considered insured is deemed to remain such even if it is required before, during or after the provision of an insured service. This also applies to the fees mentioned in the first paragraph.

 

 

 

 

[…]

[Soulignements ajoutés]

[100]      Il importe au surplus de rappeler dans quelles circonstances ce cinquième alinéa de l’article 22.0.0.1 LAM fut ajouté à la loi, ce qui fournit en effet un indice supplémentaire de l’intention législative sous-jacente.

[101]      Ainsi, lors de la présentation en juin 2006 du Projet de loi n°33[58] par le ministre de la Santé et des Services sociaux de l’époque, ce dernier propose à la législature d’insérer dans la LAM l’article 22.0.0.1 après l’article 22. Le texte proposé ne contient toutefois pas le cinquième alinéa précité.

[102]      Le 17 août 2006, la Cour supérieure rend jugement dans Association pour l’accès à l’avortement c. Québec (Procureur général)[59]. Essentiellement, elle accueille le recours collectif introduit par le membre désigné de la demanderesse, conclut que l’interruption volontaire de grossesse (« IVG ») constitue un service assuré au sens de la LAM et condamne le défendeur à déposer 10 860 556 $ avec intérêts auprès d’un établissement financier, et ce, afin d’assurer le remboursement des sommes payées par les membres du groupe à diverses cliniques privées pour obtenir les services d’IVG.

[103]      L’une des questions en litige consistait à déterminer si certains actes ou services, dont les échographies, devaient être inclus dans l’IVG, service assuré, ou si les cliniques privées pouvaient exiger et percevoir des frais pour les effectuer, ce service visant à connaître le nombre exact de semaines de grossesse et à déterminer ainsi la méthode chirurgicale appropriée. La juge conclut que l’échographie fait partie du service assuré :

4.2 Échographie

[83]  Le Tribunal ne partage pas l’opinion du Procureur général qui prétend que les frais supplémentaires couvrent des services non couverts tels l’échographie ou le counselling.

[]

[86]  Si on analyse attentivement l’article 22 du Règlement d’application de la LAM, on constate que les exclusions visent des actes très précis ; ainsi les paragraphes :

[…]

22 q) exclut l’ultrasonographie, à moins que ce service ne soit rendu dans une installation maintenue par un établissement qui exploite un centre hospitalier ou qu’il ne soit rendu, à des fins obstétricales, dans une installation maintenue par un établissement qui exploite un centre local de services communautaires mentionné à l’annexe D ;

22 s) exclut tout service d’anesthésie requis en vue de dispenser un service non assuré ;

[…]

[87]  Ainsi, si 22 s) exclut tout service d’anesthésie requis en vue de dispenser un service non assuré, l’IVG étant un service assuré, l’anesthésie, nécessaire pour la pratiquer, doit être couvert.

[88]  Aucune exclusion ne vise un acte accessoire posé à un acte assuré et 22 q) vise des actes indispensables pour poser un diagnostic valable. Le Tribunal ne peut conclure que l’État privilégie, pour des raisons économiques, que les médecins pratiquant ces interventions, les fassent sans prendre tous les moyens possibles reconnus et recommandés par leur ordre professionnel, et ce dans l’intérêt de leurs patientes.

[89]  L’échographie accessoire à l’IVG, n’est pas nécessaire pour poser le diagnostic (22 q)), mais pour s’assurer que l’intervention sera pratiquée en prenant toutes les précautions existantes afin de limiter les complications possibles et inhérentes à toute intervention médicale; les lignes directrices adoptées par le Collège des médecins précisent que les médecins doivent, pour pratiquer une IVG médicale, le faire avec l’échographie.

[90]  Pour tous ces motifs, le Tribunal ne peut conclure que le gouvernement a voulu que les IVG pratiquées en cabinets privés le soient en ignorant les règles reconnues par le corps médical; le gouvernement ne peut privilégier des méthodes qui risquent d’augmenter le danger de recourir à ces interventions.

[Soulignements ajoutés]

[104]      En l’espèce, la juge a tenu un raisonnement en tous points similaire lorsqu’elle conclut ce qui suit :

[110]  De plus, s’il faut interpréter les dispositions d’une loi les unes par rapport aux autres en donnant à chacune le sens qui résulte de l’ensemble et qui lui donne effet, force est de conclure que l’intention du législateur, en adoptant l’alinéa 10 de l’article 22 LAM, ne pouvait être de permettre que soient facturés aux patients des frais pour des services non considérés comme assurés lorsqu’ils sont requis au point de vue médical ou pour la dispensation d’un service assuré ou, en d’autres termes, de conférer un caractère immuable, à tous égards, à un service non considéré comme assuré.

[…]

[125]  Finalement, certains pourraient penser que la situation qu'amène la cinquième conclusion de la FMOQ, soit de déclarer que l'échographie de guidage demeure un service non assuré et peut être l'objet d’une facturation à un patient, est différente.

[126]  Cependant, le Tribunal est d'avis que ce service constitue soit bel et bien un service assuré en lui-même puisque requis au point de vue médical (art. 3 LAM), alors qu'il accompagne l'infiltration ou la ponction liquidienne, services assurés, soit un service requis pour la dispensation d’un service assuré (art. 22, al. 9 (2) LAM), alors que le médecin choisit d’utiliser le guidage échographique dans le cadre de l’exécution de sa prestation.

[127]  Dans l’un et l’autre des cas, pour les motifs exposés précédemment, le guidage échographique ne saurait engendrer quelques frais que ce soit au patient.

[Soulignements ajoutés]

[105]      Or, le législateur avait réagi au jugement rendu dans l’affaire Association pour l’accès à l’avortement précitée afin d’en limiter la portée élargie possible sur le régime de la LAM. Ainsi, le ministre de la Santé et des Services sociaux s’exprimait de la façon suivante concernant ce jugement lors des travaux de la Commission des affaires sociales tenus le 5 décembre 2006, dans le cadre des discussions précédant la sanction du Projet de loi 33 le 13 décembre suivant :

M. Couillard : Bien, en fait, on pourrait ressortir les termes du jugement, là, qui est assez long. L’argument de la juge était de dire que, lorsqu’un acte même non assuré est intimement lié à un acte assuré, il doit être pris en charge. Alors, la tendance naturelle sur le plan strictement légaliste aurait été de porter le jugement en appel, compte tenu des répercussions qu’il a sur l’ensemble des cabinets médicaux. Compte tenu cependant du type tout particulier de problèmes que ça a soulevés, il a été décidé de ne pas le porter en appel, mais cependant de combler et de préciser l’intention du législateur au moyen d’un amendement qui ne remettra pas en cause le jugement, là. Les femmes qui ont été prises en cause par le jugement vont recevoir leurs indemnités comme prévu.

Mais il s’agit de bien préciser qu’il faut faire une distinction entre ce qui est assuré et non assuré et que le recours au privé doit se faire de façon dirigée par le système de santé. [] Parce que, sinon, on va arriver à la situation non seulement pour les IVG, mais pour l’ensemble des consultations dans les cliniques médicales privées où le citoyen va se rendre de sa propre initiative dans ces cliniques là et va envoyer la facture pour les frais accessoires ou les parties non assurées des services. Mais on reviendra sur cette question. On va proposer une formulation pour cette question spécifique.

[Soulignements ajoutés]

[106]      C’est ainsi que, lors de son adoption et de sa sanction le 13 décembre 2006, le Projet de loi n°33 comporte une modification à la version de l’article 22.0.0.1 de la LAM contenue dans sa version originale de juin 2006 afin d’y ajouter le cinquième alinéa, dont il importe de reproduire le texte nouveau :

22.0.0.1.  […]

 

Pour l’application du présent article ou de toute autre disposition de la présente loi, un service non assuré ou un service non considéré comme assuré est réputé demeurer un service non assuré ou un service non considéré comme assuré même s’il est requis avant la dispensation d’un service assuré, lors de sa dispensation ou à la suite de celle-ci. Il en est de même à l’égard des frais visés au premier alinéa.

 

[…]

22.0.0.1.  […]

 

For the purposes of this section or any other provision of this Act, a non-insured service or a service not considered insured is deemed to remain such even if it is required before, during or after the provision of an insured service. This also applies to the fees mentioned in the first paragraph.

 

 

 

 

[…]

[Soulignements ajoutés]

[107]      Cet alinéa est toujours en vigueur. Ajoutons que le législateur a renchéri en 2015 en modifiant l’article 22 de la LAM pour y ajouter le 10e alinéa, dont il convient de reprendre le texte à nouveau :

22. […]

 

[al. 10] Ne constituent pas de tels frais ceux liés à des services non considérés comme assurés requis avant, pendant ou après la dispensation d’un service assuré.

 

[…]

22. []

 

Such costs do not include those related to services not considered insured that are required before, during or after the provision of an insured service.

 

[…]

[Soulignements ajoutés]

[108]      L’ultrasonographie, ou échographie, de guidage aux fins d’effectuer une infiltration « avant » ou « pendant » cet acte assuré au sens de l’article 22 alinéa 10 LAM ne saurait donc constituer un service assuré et conserve son caractère de service qui ne doit pas être considéré comme un service assuré au sens du paragraphe 22q) du RALAM, et ce, malgré qu’il y soit intimement lié.

[109]      Dans les circonstances et vu ce qui précède, il y aura donc lieu d’infirmer la conclusion concernée du jugement de première instance.

[110]      La Cour tient évidemment pour acquis, comme l’en a informée la procureure de l’appelante lors de l’audience, que les membres de cette dernière informeront leurs patients de la possibilité de subir une infiltration avec guidage échographique dans un établissement public, sans aucuns frais supplémentaires pour le volet du guidage échographique.

[111]      Cela dit sous réserve évidemment de toute mesure que le législateur, le gouvernement ou les parties négociantes pourraient juger opportune vu le présent arrêt.

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

[112]      ACCUEILLE la requête de bene esse de l’appelante pour permission d’ajouter des conclusions subsidiaires dans sa demande introductive d’instance, sa déclaration d’appel et son mémoire;

[113]      ACCUEILLE l’appel en partie;

[114]      DÉCLARE qu’un membre de l’appelante peut légalement demander et recevoir, sans enfreindre les dispositions de la Loi sur l’assurance maladie, un paiement d’une personne assurée pour remplir un formulaire relatif à la mesure de médicament d’exception;

[115]      DÉCLARE que l’utilisation du guidage échographique, par un médecin membre de l’appelante exerçant en cabinet privé, aux fins d’une infiltration, constitue un service considéré comme non assuré au sens du paragraphe 22q) du Règlement d’application de la Loi sur l’assurance maladie[60];

[116]      SANS FRAIS DE JUSTICE vu le résultat mitigé de l’appel.

 

 

 

 

JULIE DUTIL, J.C.A.

 

 

 

 

 

JOCELYN F. RANCOURT, J.C.A.

 

 

 

 

 

MICHEL BEAUPRÉ, J.C.A.

 

Me Sophie Perreault

Me Catherine Martel

LANGLOIS AVOCATS

Pour l’appelante

 

Me Marie-Ève Pouliot

Me Émilie Rochette

ROUSSEAU, LANDRY

Pour l’intimée

 

Me Marie-Claude Poulin

Me Caroline Martin

LAVOIE, ROUSSEAU

Pour le mis en cause

 

Date d’audience :

14 décembre 2021

 


[1]  Fédération des médecins omnipraticiens du Québec c. Régie de l'assurance maladie du Québec, 2020 QCCS 1856 (le « jugement entrepris »).

[2]  Loi sur l'assurance maladie, RLRQ, c. A-29.

[3]  Règlement d’application de la Loi sur l’assurance maladie, RLRQ, c. A-29, r. 5.

[4]  Afin de simplifier leurs échanges, la juge et les parties ont convenu de désigner ainsi, au moyen d’une numérotation, les conclusions recherchées par l’appelante. La Cour utilisera la même numérotation ciaprès, en reprenant toutefois plus loin le libellé proprement dit des conclusions concernées.

[5]  Jugement entrepris, paragr. 78; les expressions en cause sont : « autres types d’attestation », « à des fins administratives » et «  situation créée par la personne assurée ».

[6]  Jugement entrepris, paragr. 120.

[7]  LAM, paragr. 1a) et 3a).

[8]  Id., art. 22 al. 9.

[9]  Loi édictant la Loi favorisant l’accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée et modifiant diverses dispositions législatives en matière de procréation assistée, L.Q. 2015, c. 25. Les initiés y réfèrent aussi comme le « Projet de loi 20 ».

[10]  Procès-verbal d’audience du 5 décembre 2019.

[11]  Jugement entrepris, paragr. 7-24.

[12]  Id., paragr. 25-54; voir aussi paragr. 73-74 et 84-91.

[13]  Id., paragr. 55-61.

[14]  Id., paragr. 62-64.

[15]  Id., paragr. 66-72.

[16]  Id., paragr. 75-79.

[17]  Id., paragr. 80-81.

[18]  Id., paragr. 82.

[19]  Id., paragr. 94-97.

[20]  Id., paragr. 101-102.

[21]  Id., paragr. 103-105.

[22]  Id., paragr. 106-107.

[23]  Id., paragr. 115.

[24]  Id., paragr. 116-123.

[25]  Id., paragr. 125-127.

[26]  Id., paragr. 124.

[27]  Loi canadienne sur la santé, L.R.C. 1985, ch. 6, art. 7 à 12; LAM, art. 3.

[28]  LAM, paragr. 1a).

[29]  Id., art. 1g.1).

[30]  Id., paragr. 1a) et 3a).

[31]  Id., art. 19.

[32]  Id., art. 22.

[33]  Loi sur la Régie de l’assurance maladie du Québec, RLRQ, c. R-5, art. 2.

[34]  LAM, art. 19 al. 12.

[35]  Id., art. 22 al. 12 et 22.0.0.0.0.1.

[36]  Règlement abolissant les frais accessoires liés à la dispensation des services assurés et régissant les frais de transport des échantillons biologiques, RLRQ, c. A-29, r. 7.1.

[37]  LAM, art. 22.0.1 al. 3 (2°) et (3°) et 22 al. 15.

[38]  Haroch c. Toronto Dominion Bank, 2021 QCCA 1504, paragr. 16-17; Groupe conseil Cerca inc. c. Blond et associés inc., 2018 QCCA 231, paragr. 11-13; Softmedical inc. c. Daabous, 2016 QCCA 748, paragr. 7 (Mainville, j.c.a.).

[39]  Duquet c. Ville de Sainte-Agathe, [1977] 2 R.C.S. 1132.

[40]  Voir notamment Contrecoeur (Corp. Municipale) c. Soreli inc.., [1990] R.D.J. 313, 1990 CanLII 3333, p. 317-319 (C.A.).

[41]  Centre de fertilité de Montréal c. Régie de l’assurance maladie du Québec, 2021 QCCA 1371, paragr. 18; Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier c. Jean, 2006 QCCA 301, paragr. 34.

[42]  Poulin c. Commissaire au lobbyisme du Québec, 2013 QCCA 131, paragr. 9.

[43]  Lenscrafters International inc. c. Ordre des opticiens d’ordonnances du Québec, [1993] R.D.J. 607, 1993 CanLII 9322, paragr. 14-15 (C.A.); Comité paritaire de l'entretien d'édifices publics de la région de Québec c. Hôtel Forestel Val-d'Or inc., 2017 QCCA 250, paragr. 35-36.

[44]  Lenscrafters International inc. c. Ordre des opticiens d’ordonnances du Québec, supra, note 43, paragr. 15; Comité paritaire de l'entretien d'édifices publics de la région de Québec c. Hôtel Forestel Val-d'Or inc., supra, note 43, paragr. 35.

[45]  Lenscrafters International inc. c. Ordre des opticiens d’ordonnances du Québec, supra, note 43, paragr. 15; Comité paritaire de l'entretien d'édifices publics de la région de Québec c. Hôtel Forestel Val-d'Or inc., supra, note 43, paragr. 36.

[46]  Voir par exemple les commentaires à ce sujet, quoique dans un autre contexte, de la juge L’HeureuxDubé dans Barrette c. Crabtree (Succession), [1993] 1 R.C.S. 1027, p. 10511052.

[47]  Voir par exemple, récemment, Centre de fertilité de Montréal c. Régie de l’assurance maladie du Québec, 2021 QCCA 1371; Association québécoise des pharmaciens propriétaires c. Régie de l’assurance maladie du Québec, 2021 QCCA 699; Association des chirurgiens dentistes du Québec c. Ministre de la Santé et des Services sociaux, 2021 QCCA 170; Procureur général du Québec c. Fédération des médecins spécialistes du Québec, 2020 QCCA 1770; Fédération des médecins spécialistes du Québec c. Régie de l’assurance maladie du Québec (instance pendante devant la Cour supérieure, district de Québec, dossier no 200-17-029563-194).

[48]  LAM, art. 3a).

[49]  Association québécoise des pharmaciens propriétaires c. Régie de l’assurance maladie du Québec, supra, note 47.

[50]  Loi sur l’assurance médicaments, RLRQ, c. A-29.01.

[51]  Pierre-André Côté et Mathieu Devinat, Interprétation des lois, 5e éd., Montréal, Thémis, 2021, nos 11821185 et 1195.

[52]  Loi Modifiant le Droit Pénal, Référence, [1970] R.C.S. 777.

[53]  Pierre-André Côté et Mathieu Devinat, supra, note 51, nos 344, 346, 348 et 1071.

[54]  Loi modifiant la Loi sur l'assurance médicaments et d'autres dispositions législatives, L.Q. 2005, c. 40, art. 23; Commission des affaires sociales, Journal des débats, 37e lég., 1re sess., vol. 38, n° 177, 1er décembre 2005 (P. Couillard).

[55]  Québec (Ville) c. Québec (Curateur public), [2001] R.J.Q. 954, 2001 CanLII 15551, paragr. 41-42 (C.A.).

[56]  Transcription de la plaidoirie de la procureure de l'intimée le 4 décembre 2019.

[57]  Art. 19 al.1 C.p.c.

[58]  Projet de loi no 33, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et d'autres dispositions législatives, 37e lég. (Qc), 2e sess. 2006.

[59]  Association pour l’accès à l’avortement c. Québec (Procureur général), 2006 QCCS 4694.

[60]  Règlement d’application de la Loi sur l’assurance maladie, supra, note 3.

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