Décision

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Chahine c. May

2022 QCTAL 23334

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Gatineau

 

No dossier :

631844 22 20220511 G

No demande :

3550147

 

 

Date :

18 août 2022

Devant le juge administratif :

Stéphane Sénécal

 

Mona Chahine

 

Locatrice - Partie demanderesse

c.

Danièle May

 

Patrick Francoeur

 

Locataires - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Le Tribunal est saisi d’une demande de la locatrice, déposée le 11 mai 2022, en validité d’une réponse à la suite d’un avis de reprise, en résiliation de bail, en éviction des locataires, en dommagesintérêts, en exécution provisoire, pour les intérêts et l'indemnité additionnelle, ainsi que pour les frais.

[2]         Les parties sont liées par un bail reconduit jusqu’au 30 juin 2023, au loyer mensuel de 1 750 $.

FAITS

[3]         Au soutien de sa demande, la locatrice allègue principalement qu’elle a fait parvenir un avis de reprise de logement aux locataires (L-1). Selon elle, ils ont accepté de quitter le logement pour juin 2022 selon la pièce P-3 (courriel du 3 août 2022).

[4]         Elle ajoute qu’en janvier 2022, la locataire informe la locatrice qu’ils ne désirent plus quitter.

[5]         En ce qui concerne les dommages-intérêts, il s’agit de la moitié des frais de déneigement. Selon elle, il y avait une entente à l’effet que les locataires devaient payer la moitié des frais de déneigement, ce qui n’a pas été fait.

[6]         Pour le non-respect des obligations, elle avance que les locataires ne collaborent pas pour les visites et nuisent à la vente de l’immeuble. Entre autres, ils mentionnent aux visiteurs des réparations à faire à l’immeuble. La locatrice confirme qu’elle n’a pas été témoin personnellement de ces agissements.

[7]         La locatrice dépose plusieurs pièces afin d’appuyer ses allégations (P-1 à P-13), notamment, le bail, des factures, courriels, et messages texte.


[8]         Pour sa part, la locataire indique qu’elle n’a pas répondu à l’avis de reprise. Elle a simplement indiqué qu’elle effectuait des recherches, mais elle n’a jamais répondu par écrit. Ils ont même reçu un avis de renouvellement de bail qui a été accepté par leur absence de réponse.

[9]         Pour ce qui est des dommages-intérêts, elle réfère le Tribunal au dossier 602404 dans lequel ils réclament des dommages à la locatrice pour les mêmes faits.

[10]     Finalement en ce qui concerne le non-respect des obligations, elle affirme mentionner aux visiteurs uniquement les réparations ou les problématiques avec le logement. Elle avance avoir consulté le service de renseignements du Tribunal qui lui a rappelé son obligation découlant de l’article 1866 Code civil du Québec (C.c.Q.).

QUESTIONS EN LITIGE

[11]     Est-ce que les locataires ont répondu valablement à l’avis de reprise et ainsi accepté de quitter le logement?

[12]     Est-ce que l’attribution de dommages-intérêts est justifiée?

[13]     Les locataires respectent-ils leurs obligations?

ANALYSE ET DÉCISION

[14]     Le Tribunal rappelle tout d’abord qu'il appartient à celui qui veut faire valoir un droit de prouver les faits qui soutiennent sa prétention, et ce, de façon prépondérante. La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante. La force probante du témoignage est laissée à l'appréciation du Tribunal.[1]

[15]     Ainsi, il doit démontrer que le fait litigieux est non seulement possible, mais probable. Par ailleurs, la preuve offerte ne doit pas nécessairement conduire à une certitude absolue. Il suffit que le fait litigieux soit, par la preuve, probable.

[16]     Si une partie ne s'acquitte pas de son fardeau de convaincre le Tribunal, elle verra sa demande rejetée.

[17]     En ce qui concerne la réponse des locataires à l’avis de reprise, il faut se référer aux principes de la reprise de logement. En cette matière, deux (2) droits s’affrontent. Le premier c’est le droit d’un locateur de reprendre son logement en vertu de l'article 1957 C.c.Q. :

« 1957. Le locateur d’un logement, s’il en est le propriétaire, peut le reprendre pour l’habiter lui-même ou y loger ses ascendants ou descendants au premier degré, ou tout autre parent ou allié dont il est le principal soutien.

Il peut aussi le reprendre pour y loger un conjoint dont il demeure le principal soutien après la séparation de corps, le divorce ou la dissolution de l’union civile. »

[18]     En contrepartie, le deuxième, c'est le droit au maintien dans les lieux du locataire. En effet, l’article 1936 C.c.Q. stipule :

« 1936. Tout locataire a un droit personnel au maintien dans les lieux; il ne peut être évincé du logement loué que dans les cas prévus par la loi. »

[19]     Ainsi, en cas de doute, notamment sur les intentions du locateur, la faisabilité et la stabilité du projet, ou la réponse d’un locataire, il est important d’agir avec prudence. Par conséquent, le droit au maintien dans les lieux doit être privilégié.

[20]     Le Tribunal croit donc opportun d’appliquer ces principes en l’espèce et ainsi rejeter cette partie de la demande de la locatrice.

[21]     En effet, la simple mention à la pièce P-3 n’est aucunement déterminante afin de conclure que les locataires ont accepté de manière claire de quitter le logement. D’autre part, au cours du terme 2021-2022 et après l’avis de reprise, la locatrice a fait parvenir un avis de renouvellement de bail aux locataires et ce dernier a donc été renouvelé jusqu’au 30 juin 2023.

[22]     Pour ce qui est des dommages-intérêts pour le déneigement, le Tribunal doit souligner qu’au moment de rédiger la présente, une décision a déjà été rendue par le soussigné, le 5 juillet 2022, au dossier 602404. Dans cette décision, le Tribunal a fait droit à la demande en dommages-intérêts des locataires. Ainsi il y a chose jugée et il est impossible de rendre jugement une fois de plus. Certes, le montant réclamé par la locatrice dans le présent cas est supérieur, mais la demande vise les mêmes parties et le tout découle des mêmes faits.

[23]     Finalement, relativement au non-respect des obligations par les locataires, le Tribunal fait remarquer que la preuve est plus que ténue, voire défaillante, et ce, malgré la multitude de messages texte déposés par la locatrice (P-11 à P-13). Effectivement, elle confirme lors de son témoignage ne pas avoir été témoin personnellement des actes reprochés. Par conséquent, le Tribunal ne peut faire droit à cette partie de la demande.

[24]     Cependant, le Tribunal rappelle aux locataires leur obligation de collaborer à la vente de l’immeuble, entre autres avec la locatrice ou toute autre personne mandatée par elle, notamment des courtiers immobiliers et acquéreurs éventuels, le tout afin de ne pas nuire à ladite vente.

[25]     Évidemment, la collaboration, les visites et l’accès au logement doivent se faire, pour chacune des parties, en respect les règles prévues à la loi, particulièrement les articles 1857, 1930 et suivants du Code civil du Québec. 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[26]     REJETTE la demande de la locatrice.

 

 

 

 

 

 

 

 

Stéphane Sénécal

 

Présence(s) :

la locatrice

la locataire

Date de l’audience : 

14 juin 2022

 

 

 


 


[1] Articles 2803, 2804 et 2845 C.c.Q.

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