Décision

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6362222 Canada inc. c. Prelco inc.

2019 QCCA 1457

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

QUÉBEC

N° :

200-09-009366-169

(250-17-000894-118)

 

DATE :

5 septembre 2019

 

 

CORAM :

LES HONORABLES

JACQUES CHAMBERLAND, J.C.A.

DOMINIQUE BÉLANGER, J.C.A.

JOCELYN F. RANCOURT, J.C.A.

 

 

6362222 CANADA INC.

APPELANTE - INTIMÉE INCIDENTE / Défenderesse - demanderesse reconventionnelle

c.

 

PRELCO INC.

INTIMÉE - APPELANTE INCIDENTE / Demanderesse - défenderesse reconventionnelle

 

 

ARRÊT

 

 

[1]           L’appelante 6362222 Canada inc. (ci-après « Créatech ») se pourvoit contre un jugement rendu le 25 août 2016 par la Cour supérieure, district de Kamouraska (l’honorable Pierre Ouellet), qui la condamne à payer à l’intimée Prelco inc. (ci-après « Prelco ») 1 872 266 $ à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle à compter du 9 août 2011[1].

[2]           Ce pourvoi met en cause la théorie du manquement à une obligation essentielle, théorie qui permet d’écarter l’application d’une clause de limitation de responsabilité lorsqu’elle vise une obligation essentielle du contrat. La clause de limitation de responsabilité devient alors inapplicable, au sens de l’article 1438 C.c.Q.

LE CONTEXTE

[3]           Prelco est une entreprise spécialisée dans la transformation du verre pour différents usages architecturaux, industriels et commerciaux. Ses opérations de fabrication sont réparties entre différentes usines. Compte tenu de la spécificité de sa production, plusieurs produits transitent d’une usine à l’autre, avant d’être livrés aux clients, de telle sorte que ses opérations nécessitent une coordination constante entre les commandes des clients, l’approvisionnement en matière première, la production, les délais de livraison et la facturation.

[4]           En mars 2008, Créatech, une firme spécialisée en amélioration de la performance opérationnelle et en implantation de système de gestion d’entreprise, propose à Prelco de l’équiper d’un système de gestion intégré, de manière que l’ensemble des activités de ses usines soit coordonné à partir d’un seul logiciel. Il s’agit essentiellement de fournir des logiciels informatiques et les services professionnels visant l’implantation du système de gestion intégré.

[5]           En avril 2008, une entente intervient entre les parties, de type « temps et matériel ». La planification préliminaire prévoit que le contrat sera exécuté en huit mois, à un coût approximatif de 650 000 $[2] (logiciel et service). Plusieurs difficultés surviennent lors de l’implantation du système (envoi de factures incohérentes aux clients, erreurs dans la mise en production des commandes, retard dans l’expédition et inefficacité du système de planification et de production). Au printemps 2010, Prelco met fin au contrat et engage une autre firme, Irisco, pour finaliser le travail de mise en fonction d’un système efficace. Dans les faits, Prelco doit procéder à l’achat d’un nouveau logiciel au coût de 388 375 $ (logiciel et service).

[6]           S’ensuit une poursuite de Prelco au montant de quelque 6 M$ visant à réclamer le remboursement d’un trop-payé, des frais pour rétablir le système et le remboursement des réclamations des clients. Créatech produit une demande reconventionnelle au montant de 331 134 $ représentant le solde impayé pour le projet, montant que le juge lui accorde.

LE JUGEMENT

[7]           Dans un jugement très élaboré rendu au terme de 25 jours d’audience, le juge fait état des multiples problèmes rencontrés lors de l’exécution du contrat. Il n’est pas nécessaire de reprendre à ce moment-ci tous les éléments de son analyse, le lecteur pouvant se référer au jugement.

[8]         Le juge conclut que l’approche retenue par Créatech pour l’implantation du système de gestion intégré était erronée et qu’elle a été la cause du problème de performance rencontré par Prelco. Plutôt que d’adopter une approche de personnalisation, Créatech aurait dû intégrer au système NAV des solutions externes répondant aux besoins de Prelco.

[9]         Il exclut la possibilité qu’il y ait eu une faute intentionnelle de la part de Créatech, sa conduite ne démontrant pas, selon lui, de l’insouciance, de l’imprudence ou de la négligence grossière. Il exclut également qu’il y ait eu faute lourde de sa part. L’entente prévoit une implication importante tant du fournisseur que du client dans l’implantation du système. Ainsi, le juge estime qu’il est impossible de conclure à une succession d’erreurs inacceptables constituant une faute lourde de la part de Créatech.

[10]        Par contre, le juge retient l’argument de Prelco selon lequel le défaut de livrer l’objet principal du contrat a pour conséquence de rendre inopérante la clause de limitation de responsabilité. Il estime que la théorie voulant que le défaut d’exécution d’une obligation essentielle ou fondamentale rende inapplicable une clause de non-responsabilité s’applique.

[11]        Il identifie l’obligation essentielle du contrat intervenu entre les parties comme celle de bien identifier et proposer un logiciel de gestion et une méthode de développement appropriés à la situation de Prelco de façon que le système de gestion intégré soit pleinement opérationnel. Il conclut que Créatech n’a pas rempli son obligation essentielle. Cette dernière méconnaissait l’ampleur et la complexité des opérations de Prelco, alors que son obligation essentielle consistait précisément à proposer la meilleure approche d’implantation après avoir étudié les façons de procéder et les besoins de sa cliente. L’ignorance de Créatech quant à la nécessité d’insérer des index dans le système constitue une erreur fondamentale qui découle du choix initial de l’approche d’implantation du système. Le juge conclut donc que la clause de limitation de responsabilité devient inapplicable dans ces circonstances.

[12]        Après avoir analysé chacun des reproches que s’adressent les deux parties et en avoir tranché, le juge retient que la décision de lancer le nouveau système le 2 novembre 2009 était inappropriée et il estime que les deux parties doivent porter une part de responsabilité quant à cette décision, qu’il détermine à 60 % pour Créatech et 40 % pour Prelco.

[13]        Il procède ensuite à l’évaluation du quantum des dommages. Il rejette d’abord la réclamation de 1 567 325,25 $ de Prelco concernant un trop-payé à Créatech. Il accorde entièrement les honoraires de 79 200 $ payés par Prelco à Irisco, l’entreprise qui est intervenue en mars 2010 pour solutionner les problèmes de performance et optimiser le système. Il n’applique pas le partage de responsabilité précédemment établi puisque ces honoraires sont directement liés au choix erroné de Créatech quant à l’approche d’implantation.

[14]        Quant au poste regroupant les réclamations des clients[3], le juge l’accueille en proportion du partage de responsabilité établi antérieurement, ce qui représente 189 200 $.

[15]        Puis, après avoir analysé la preuve d’expert, le juge conclut que la perte de profit sur les ventes réalisées est de 1 525 000 $ et que la perte de profit sur les ventes perdues est de 1 700 000 $, sommes qui doivent respectivement être réduites à 915 000 $ et 1 020 000 $ en raison du partage de responsabilité entre les parties.

[16]        Enfin, le juge tranche la demande reconventionnelle. Il conclut que l’ensemble de la réclamation n’est pas prescrite et que Prelco doit à Créatech 331 134,42 $, qui représente le solde impayé pour le projet d’implantation du système de gestion intégré. Il prononce donc compensation entre les créances respectives et condamne Créatech à payer à Prelco 1 872 266 $, avec les intérêts et l’indemnité additionnelle à compter du 9 août 2011, et les frais de justice.

L’APPEL PRINCIPAL

[17]        Créatech formule deux questions à la Cour :

-        Le juge a-t-il erré en droit en s’appuyant sur la théorie du manquement à une obligation essentielle afin d’écarter l’application de la clause de limitation de responsabilité, alors que la Cour suprême du Canada a aboli la théorie de l’inexécution fondamentale en common law sur laquelle reposait le pendant civil?

-        Subsidiairement, même si la théorie du manquement à une obligation essentielle est toujours applicable, le juge a-t-il erré en l’appliquant en l’espèce, alors que, à la lumière même des conclusions de fait, l’intimée n’a pas été privée de la quasi-totalité du bénéfice de l’entente, condition nécessaire à l’application de cette théorie?

Première question : la théorie du manquement à une obligation essentielle est-elle toujours valable en droit québécois?

[18]        Le contrat intervenu entre les parties contient des clauses de garantie et de responsabilité limitée qui sont ainsi rédigées :

«6.         Garantie limitée

Créatech certifie que les Services seront rendus de manière professionnelle et en conformité avec les normes de l’industrie.

Cette garantie est exclusive et dans toute la mesure permise par la loi, Créatech décline toutes les représentations, garanties et conditions expresses, implicites ou statutaires y compris, sans s’y limiter, les garanties implicites de qualité marchande, d’adaptation à un usage particulier ou d’absence de contrefaçon, sauf pour ce qui est expressément stipulé à l’Entente.  Cette garantie explicite remplace toute obligation de responsabilité de la part de Créatech.

Créatech ne garantit aucunement que les Services seront sans erreur; la seule obligation de Créatech à cet égard est de fournir des Services raisonnablement précis et Créatech n’assume aucune responsabilité pour tous dommages, coûts, pertes, dépenses, blessures ou décès résultant, de quelque manière que ce soit, de quelconque application, décision ou autre geste posé par le Client ou toute tierce partie sur la base des Services fournis aux termes de l’Entente.

7.             Responsabilité limitée

La responsabilité de Créatech face au client pour les dommages attribuables à quelque cause que ce soit et sans égard à la nature de l’action, qu’elle soit prévue à l’entente ou délictuelle, sera limitée aux sommes versées à Créatech aux termes de l’Entente, à moins que de tels dommages ne résultent de la négligence grossière ou de l’inconduite volontaire de Créatech.  Si tels dommages résultent de la déficience des services, la responsabilité de Créatech sera limitée au montant des honoraires payés relativement auxdits services déficients.

Créatech ne pourra être tenu responsable pour quelconque dommage résultant de la perte de données, de profits ou de revenus ou découlant de l’utilisation de produits ou pour tout autre dommage particulier, consécutif ou indirect relativement aux services et/ou matériaux fournis en vertu de l’Entente, à moins que tel dommage ne résulte de la négligence grossière ou de l’inconduite volontaire de Créatech.»

[19]        Le droit civil québécois reconnaît la validité des clauses d’exclusion ou de limitation de responsabilité en ce qui a trait au préjudice matériel causé à autrui, l’article 1474 C.c.Q. précisant toutefois que nul « ne peut exclure ou limiter sa responsabilité pour le préjudice matériel causé à autrui par une faute intentionnelle ou une faute lourde ».

[20]        En l’espèce, le juge a conclu que la clause de limitation de responsabilité était inopérante parce que la faute de Créatech touchait à l’essence même de son engagement auprès de l’intimée.

[21]        L’appelante soutient que la théorie du manquement à une obligation essentielle est le pendant, en droit civil, de la « doctrine of fundamental breach » de la common law. Or, poursuit-elle, la Cour suprême a rejeté cette doctrine en 2010 dans l’arrêt Tercon[4].

[22]        L’argument de l’appelante est mal fondé.

[23]        D’une part, près de dix ans plus tard, il est loin d’être clair que l’impact de l’arrêt Tercon sur la « doctrine of fundamental breach » en common law soit aussi définitif que l’appelante le prétend. Selon plusieurs auteurs, bien que la Cour suprême ait voulu mettre fin à cette doctrine et lui substituer un cadre analytique en trois temps pour traiter la demande d’une partie de se soustraire à l’application d’une clause de non-recours (ou de limitation de responsabilité), il semble que des traces de celle-ci survivent toujours à travers, notamment, les concepts de « unconscionable », « unequal bargaining power » et « against public policy »[5].

[24]        D’autre part, et même si nous devions retenir pour les fins de la discussion que l’arrêt Tercon marque la mort définitive de la « doctrine of fundamental breach » en common law, il faudrait se garder de conclure pour autant au rejet, en droit civil québécois, du moyen de neutralisation des clauses d’exclusion ou de limitation de responsabilité, en cas de préjudice matériel, que constitue le manquement à une obligation essentielle du contrat.

[25]        Ce moyen, que le juge de première instance a appliqué, est une création des tribunaux québécois, inspirés en cela non seulement de la « doctrine of fundamental breach », mais également des auteurs. Ce moyen de neutralisation n’est pas, loin s’en faut, un cas isolé de création judiciaire[6].

[26]        Déjà en 1975, l’auteur Lazar Sarna affirmait :

Nous devons donc conclure que selon notre jurisprudence, le défaut d'exécuter les obligations fondamentales d'un contrat ne peut jamais former l'objet d'une clause de non-responsabilité. Bien que ce principe n'ait pas été extrêmement développé par nos tribunaux, la jurisprudence québécoise est constante à l'effet que l'on ne peut s'exonérer des dommages découlant de son défaut d'exécuter l'obligation principale d'un contrat et que ce principe constitue une règle de droit et non d'interprétation.[7]

[Soulignements ajoutés]

 

[27]        Puis, en 1993, le professeur Claude Masse traitait « d’une quatrième limite posée à l’application des clauses d’exonération ou de limitation de responsabilité »[8] qui voulait « que l’on ne puisse s’exonérer à l’égard de ce qui constitue l’objet principal du contrat »[9].

[28]        Pour leur part, les auteurs Baudouin, Deslauriers et Moore affirment :

1-328 - Préjudice matériel, clauses limitatives de responsabilité - Pour le préjudice matériel, le Code civil reconnaît la validité des clauses limitatives de responsabilité. Il impose toutefois qu’elles ne puissent pas permettre d’exclure ou de limiter la responsabilité pour le dommage résultant de la faute lourde ou intentionnelle qui constituerait une incitation à la fraude ou à la grossière incurie. Un auteur a proposé une limite additionnelle, soit de ne pas pouvoir s’exonérer pour des actes qui constituent en fait l’essence même de la prestation (le « fundamental breach in common law »).

Cette suggestion tombe sous le sens puisque la solution contraire reviendrait à anéantir la notion même d’acte synallagmatique[10].

[Soulignements ajoutés]

 

[29]        De même, le professeur Frédéric Levesque s’est penché sur cette exception à la validité des clauses de limitation de responsabilité et affirme :

494 - Prestation principale du contrat - Depuis une vingtaine d’années, un nouveau moyen de défense à l’encontre des clauses exonératoires de responsabilité est en train de se développer. Ces clauses seraient interdites si elles visent l’obligation principale du contrat. La notion devra bien sûr être précisée, mais la règle semble reconnue. Prenons un exemple simple et clair : un locateur ne peut exclure sa responsabilité s’il ne fournit pas la peine jouissance des lieux loués à son locataire. Il s’agit clairement de la prestation principale du contrat. Par contre, il peut exclure sa responsabilité pour les bris qui peuvent être causés par ses installations aux meubles du locataire.

495 - Conclusion - Bref une clause de non-responsabilité sera uniquement valide en présence d’un préjudice matériel résultant de l’inexécution d’une obligation contractuelle, si la clause est claire, qu’il n’y a pas de faute lourde ou intentionnelle et qu’elle ne vise pas l’objet principal du contrat. […][11]

[Soulignements ajoutés]

 

[30]        Puis, les auteurs Baudouin, Jobin et Vézina décrivent cette règle comme voulant que « la clause exonératoire [soit] inopérante lorsqu’elle a pour effet de paralyser l’obligation essentielle, le cœur même du contrat »[12].

[31]        Pour sa part, l’auteure Renée-Maude Vachon-Terrien confirme également l’existence de cette doctrine en droit privé. Son effet serait le suivant : « une telle clause deviendra inopérante si elle touche l’essence même du contrat et des obligations auxquelles [le débiteur] s’est engagé envers le créancier »[13].

[32]        Ensuite, les auteures Nathalie Vézina et Louise Langevin affirment :

Enfin, mentionnons d’autres règles susceptibles de restreindre le droit d’une partie de se prévaloir d’une clause ou d’un avis d’exclusion ou de limitation de responsabilité. Tout d’abord, ces clauses et avis font l’objet d’une interprétation restrictive. En cas de doute quant à l’intention des parties, le tribunal penche en faveur de la victime à qui l’on tente d’opposer le texte ambigu (art. 1432 C.c.Q.). En outre, selon certains, une clause ou un avis d’exclusion ou de limitation de responsabilité ne peut être invoqué en cas de violation d’une obligation principale du contrat dans la mesure où cette clause priverait le contrat de ses effets essentiels.[14]

[33]        Par ailleurs, plusieurs auteurs ancrent ce concept dans notre tradition de droit civil. Par exemple, l’auteur Claude Masse s’exprime ainsi :

Nous croyons pour notre part que la quatrième limite imposée par certaines décisions de nos tribunaux en ce qui a trait à l’impossibilité pour une partie d’exclure toute responsabilité en raison de l’inexécution de l’obligation principale du contrat doit continuer à s’appliquer, faute d’indications plus précises dans le sens contraire de la part du législateur. L’admission de ce type d’exclusion de responsabilité serait en effet contraire aux principes les plus fondamentaux de notre droit des contrats. Il serait en outre surprenant que le législateur québécois ait pris la peine d’adopter un nouveau principe permettant de bannir les clauses contractuelles abusives (article 1437 C.c.Q.), notamment celles qui « dénaturent » « les règles gouvernant habituellement le contrat » pour adopter un principe contraire quelques articles plus loin en matière de clauses d’exclusion de responsabilité. Ces exclusions ne pourront donc porter à notre sens que sur des obligations accessoires à l’objet principal du contrat.[15]

[Soulignements ajoutés]

 

[34]        De plus, les auteurs Baudouin, Jobin et Vézina affirment :

Selon une tendance qui se confirme, la clause exonératoire devrait être inopérante lorsqu’elle a pour effet de paralyser l’obligation essentielle, le cœur même du contrat. Il s’agit d’un développement audacieux. Il ne s’appuie pas, on le remarquera, sur l’article 1437 concernant la clause abusive dans un contrat de consommation ou d’adhésion ni sur une autre disposition. Mais on sent bien que c’est l’esprit de cette règle particulière qui inspire cette nouvelle tendance jurisprudentielle. […] En France, la jurisprudence a pris cette position, qui est critiquée par des auteurs; le législateur français l’adoptera peut-être formellement, si l’on se fie au projet de réforme du Code civil français.

Cette jurisprudence québécoise a toutefois soulevé des réserves sérieuses, dont notamment la difficulté de déterminer, dans les nombreux contrats complexes, quelle est justement l’obligation essentielle et comment la distinguer des obligations accessoires. D’après nous, il n’est pas illogique de bloquer l’effet d’une clause exonératoire privant le contrat de son effet essentiel, car elle le dénature et la liberté contractuelle ne saurait aller jusqu’à l’absurde; mais les juges doivent recourir à cette restriction uniquement dans les cas où ils peuvent bien identifier l’obligation qui, selon l’heureuse expression d’un auteur, « transcende toutes les autres et tient à l’essence même du contrat ».[16]

[Soulignements ajoutés]

 

[35]        La jurisprudence des tribunaux québécois est au même effet que la majorité de la doctrine[17].

[38]        En 2014, dans l’arrêt Samen Investments Inc. c. Monit Management Ltd., la Cour confirme, quoique ce soit en obiter, l’application du principe du manquement à une obligation essentielle[18].

[39]        L’on constate donc que la règle du manquement à une obligation essentielle est reprise de façon constante au Québec et les auteurs arrivent très bien à justifier sa place au cœur de notre système de droit civil, que ce soit par « l’idée de justice commutative ou de réciprocité des obligations » ou par la « notion d’absence totale de cause de l’obligation », ou même, possiblement, par une application en « souplesse (sans exagérer, bien sûr) [de] la notion de faute lourde » que l’on retrouve au premier alinéa de l’article 1474 C.c.Q.[19].

[40]        La doctrine du manquement à une obligation essentielle, telle que créée et appliquée par le droit civil québécois, est toujours d’actualité, quoiqu’elle doive être appliquée avec justesse et discernement, car elle relève d’un maniement délicat. Il faut savoir distinguer une obligation essentielle de celle accessoire[20].

[41]        Un contractant ne peut logiquement invoquer une clause d’exonération de responsabilité lorsqu’il fait défaut de remplir une obligation fondamentale, principale ou essentielle de son contrat. Cette clause devient alors inopérante et sans effet, au sens de l’article 1438 C.c.Q.

Deuxième question : le juge a-t-il erré dans l’application de la doctrine?

[42]        Créatech soutient que le juge a erré en droit en appliquant la théorie, puisque Prelco n’a pas été privée de la quasi-totalité des bénéfices de l’entente, au sens où la Cour suprême du Canada l’entendait dans l’arrêt ABB c. Domtar[21]. La conclusion du juge selon laquelle elle a choisi une méthode d’implantation erronée serait insuffisante pour donner ouverture à l’application du principe du manquement à une obligation essentielle.

[43]        Sur ce point également, Créatech a tort.

[44]        Pour écarter une clause d’exonération de responsabilité, celle-ci doit avoir pour effet de paralyser l’obligation essentielle, le cœur du contrat[22], toucher l’essence du contrat et des obligations auxquelles le débiteur s’est engagé envers le créancier[23] ou encore vider le contrat d'une obligation fondamentale[24].

[45]        La question est donc celle de savoir si la clause d’exonération vide le contrat de son effet essentiel ou paralyse l’obligation essentielle parce qu’elle permet à la partie qui l’invoque de s’exonérer pour des dommages qui découlent de son défaut d’exécuter cette obligation essentielle. C’est là la seule question à décider.

[46]        Le juge a déterminé que l’obligation essentielle et fondamentale de Créatech était de bien identifier et proposer un logiciel de gestion et une méthode de développement appropriés à la situation de Prelco de façon que le système soit opérationnel. Il détermine aussi que la cause des problèmes repose essentiellement sur un choix d’implantation inapproprié qui relève de sa compétence. Il retient l’opinion de l’expert Pascal Raymond qui affirme qu’il fallait intégrer au logiciel NAV des solutions externes bien établies. La preuve démontre en effet que les honoraires budgétés ont été très largement dépassés en raison du nombre de modifications nécessaires pour corriger les erreurs fondamentales commises à la base.

[47]        Le juge conclut :

[219]    Le Tribunal a conclu que la cause de ces problèmes repose essentiellement sur un choix d’implantation inapproprié qui découle d’une méconnaissance de l’ampleur et de la particularité des opérations de Prelco : les tables contenaient des millions d’articles et l’absence d’index s’est avérée catastrophique.

[220]    Or, la détermination du type d’implantation par personnalisation par rapport à une supportée par des solutions externes relève de la compétence du fournisseur de services : il est le spécialiste dans le domaine, il propose une approche après avoir étudié les façons de procéder et les besoins du clients (sic); pour le Tribunal, il s’agit là d’une obligation essentielle; d’ailleurs, François Lemay a affirmé que, dès le début de son implication, il devait comprendre les façons de procéder du client et déterminer les nouvelles façons de faire eu égard à sa connaissance du système de gestion NAV.

[221]    Mais il y a plus, Créatech ne savait pas qu’en procédant à des modifications (personnalisation) d’ampleur au programme NAV, il fallait insérer des index sans quoi la consultation des tables aura pour effet de paralyser le système pendant de très longues minutes.

[222]    Pour le Tribunal, il s’agit d’une erreur fondamentale qui découle du choix original du type d’implantation et non pas d’une simple erreur dans le cadre de l’exécution du contrat.

[…]

[224]    Eu égard à l’erreur fondamentale commise quant au choix de la méthode d’implantation, une firme spécialisée et experte en matière informatique qui propose à ses clients des produits d’une multinationale comme Microsoft et Oracle ne serait jamais responsable parce que la structure du contrat prévoit un partage d’efforts et de risques.

[225]    Avec égards, une telle proposition choque l’esprit; même s’il n’y a pas eu faute lourde ou négligence grossière, l’erreur fondamentale à l’origine commande que la clause de limitation de responsabilité devienne inapplicable eu égard aux circonstances du cas d’espèce.

 

[48]        L’obligation essentielle de Créatech était de s’informer des besoins et des spécificités de l’exploitation de Prelco et de proposer une méthode d’implantation du système de gestion intégré qui convienne à ses besoins. Cette obligation n’a pas été remplie. Il s’agit de la raison même pour laquelle Prelco avait retenu les services de Créatech.

[49]        Le juge ne commet pas d’erreur lorsqu’il affirme que l’application de la clause de responsabilité limitée permettrait à Créatech de se dégager de son obligation fondamentale et priverait le contrat de son effet essentiel.

[50]        Le juge de première instance n’a commis aucune erreur dans la détermination des principes applicables ni dans l’application de ces principes aux faits.

[51]        L’appel principal sera donc rejeté.

L’APPEL INCIDENT

[52]        Prelco propose trois questions à la Cour :

-        Le juge de première instance a-t-il erré en décidant qu’elle devait assumer une part de responsabilité dans les déboires informatiques qu’elle a vécus entre novembre 2009 et juillet 2010, en fixant cette part de responsabilité à 40 % puis en appliquant ce partage de responsabilité aux dommages réclamés?

-        Le juge de première instance a-t-il erré dans son appréciation de sa réclamation relative au trop-payé?

-        Le juge de première instance a-t-il erré dans le calcul des dommages associés aux ventes perdues?

Remarque préliminaire

[53]        La quantification des dommages, l’établissement d’un partage de responsabilité et l’évaluation des expertises relèvent tous de l’exercice discrétionnaire d’un juge de première instance. Dans un arrêt récent, la Cour rappelle la norme d’intervention applicable et le rôle d’une cour d’appel :

[139] Les parties soulèvent des moyens d’appel principalement fondés sur des erreurs de fait qu’aurait commises le juge de première instance dans l’appréciation et l’évaluation de la preuve, notamment l’abondante preuve d’experts.

[140] Il est bien établi qu’une cour d’appel n’intervient à cet égard que si une erreur manifeste et déterminante est établie. Cette norme d’intervention s’appuie sur le principe bien ancré qu’il n’appartient pas à une cour d’appel de refaire le procès. Cette norme est appliquée avec constance dans les dossiers de responsabilité médicale et elle vaut tant pour la preuve ordinaire que pour la preuve d’experts.

[141] Il suffit de noter que le rôle d’une cour d’appel, en particulier lorsqu’il s’agit d’un long procès où la preuve est complexe et contradictoire, n’est pas de réexaminer et de soupeser l’ensemble de la preuve pour en tirer ses propres conclusions. La cour doit plutôt déterminer si les conclusions de fait du juge de première instance trouvent appui dans la preuve. Notre collègue le juge Morissette le signalait encore récemment :

[79] En outre, comme je le mentionnais plus haut, la preuve dans les dossiers qui engendrent des procès de longue durée est souvent très contradictoire. Ce fut assurément le cas ici, les experts cités de part et d’autre s’étant entendus sur fort peu de choses et s’étant contredits sur beaucoup d’autres. Lorsqu’une telle situation se présente, le rôle de la Cour d’appel n’est pas de recommencer en entier, et comme s’il lui revenait de prendre la place du juge qui présidait le procès, l’exercice d’appréciation de la force probante respective des dépositions, exercice ardu auquel doit s’astreindre le juge de première instance. […] la Cour doit se demander, et se borner à se demander, si les déterminations de fait de la juge de première instance trouvent un appui dans la preuve.[25]

[54]        C’est en gardant ces principes à l’esprit que les moyens de Prelco seront étudiés.

Première question : partage de responsabilité

Prétentions des parties

[55]        Prelco soutient que le juge a erré en qualifiant la décision de démarrer le système le 2 novembre 2008, de décision conjointe. Elle soutient que seule Créatech était en mesure d’évaluer les risques du démarrage et que le contrat prévoit qu’il était de sa responsabilité de gérer l’implantation de la solution et d’informer le client de tout événement susceptible d’avoir un impact significatif sur le projet. Selon Prelco, elle n’avait pas l’expérience requise pour évaluer la portée de la décision ultime, et en ignorait les impacts et les risques.

[56]        Prelco soutient aussi que le juge a erré en lui faisant supporter une part de responsabilité quant aux problèmes de performance vécus à compter de janvier 2010, après avoir retenu que tous les problèmes de performance vécus après janvier 2010 découlaient du choix inapproprié effectué par Créatech et de son omission, devant l’ampleur du nombre de modifications au programme NAV[26] (personnalisation), d’insérer des index, omission qui a eu comme conséquence de paralyser le système.

[57]        Finalement, le juge aurait omis d’analyser le lien causal entre les dommages réclamés et les manquements de chacune des parties. Selon Prelco, les dommages relèvent tous des fautes imputées à Créatech. Bref, il n’y aurait pas de lien causal entre les fautes imputées à Prelco et les dommages réclamés.

[58]        Créatech soutient plutôt que la preuve a démontré de nombreux manquements de la part de Prelco qu’elle identifie ainsi : a) manque de disponibilité, de compétence et résistance au changement des super-utilisateurs; b) manque de disponibilité et de compétence de son équipe informatique; c) peu d’implication de la haute direction; d) mauvaise définition des paramètres de planification de production; e) tests intégrés non complétés par Prelco ; f) formation inadéquate et incomplète des utilisateurs finaux; g) conversion des données incomplète; h) elle a insisté pour effectuer le démarrage le 2 novembre 2009; i) elle n’a pas exécuté adéquatement les étapes du démarrage; j) elle a omis de prévoir un plan de support postdémarrage; k) elle a omis de prévoir un plan de contingence, et l) elle n’a pas bien saisi les données dans le système après le démarrage.

[59]        Quant à la décision de lancer le système, Créatech soumet que Prelco devait finaliser la formation des utilisateurs et le transfert des données avant la mise en service et qu’elle seule connaissait l’état d’avancement de ces tâches. Prelco a été informée des risques d’une mise en service prématurée. Elle doit donc assumer une part de responsabilité puisque la décision ultime relevait d’une équipe composée de représentants des deux parties.

[60]        Elle ajoute que Prelco n’a jamais allégué ni prouvé que les réclamations pour perte de profit ou une partie de celles-ci étaient attribuables aux problèmes de performance qui se sont manifestés à partir de janvier 2010. Le juge aurait d’ailleurs conclu que ces pertes sont la résultante d’un ensemble de manquements de l’une et l’autre des parties. De plus, les problèmes de blocages d’écran ont été causés par divers facteurs dont Prelco est responsable, notamment l’omission de compléter les tests intégrés, l’omission de former les utilisateurs, l’omission de convertir correctement les données avant le démarrage, la mauvaise exécution du plan de démarrage et la saisie inadéquate des données dans le système par les utilisateurs. Ce sont ces problèmes de blocage qui auraient entraîné les pertes de profit de Prelco. Bref, le juge aurait bien analysé toute la preuve et il n’y aurait aucune erreur manifeste et dominante à ce chapitre.

Analyse

[61]        Le partage de responsabilité entre les parties est une question de fait qui exige de la Cour qu’elle fasse montre de réserve à l'égard des déterminations de cette nature[27]. Force est de constater que Prelco nous invite à revoir l’entièreté de la preuve pour en tirer des conclusions différentes de celles du juge. Or, ce n’est pas le rôle de la Cour.

[62]        Le juge a retenu que la décision de lancer le système a été prise de façon conjointe, ce qui l’amène à conclure à un partage de responsabilité entre les parties. Cette décision a été prise alors que toutes les étapes préalables n’avaient pas été complétées. Par exemple, les tests qui auraient permis d’identifier les failles du système n’ont pas été faits. Enfin, l’omission de fournir du personnel qualifié et disponible, de former adéquatement les employés et de procéder aux tests est identifiée par le juge comme autant de manquements aux responsabilités qui incombaient à Prelco. Le respect de ces exigences aurait permis une  mise en marche harmonieuse du système.

[63]        Il convient de souligner que le juge a fait une analyse minutieuse de toute la preuve, dont les rapports envoyés à Prelco par les représentants de Créatech avant de lancer le système. Il s’explique longuement sur les circonstances ayant entouré cette décision et retient que les deux parties ont pris un risque et que Prelco ne peut prétendre qu’elle ignorait totalement les risques lorsqu’elle a participé à cette décision. Voici comment le juge conclut :

[168]    Le Tribunal est en mesure de conclure qu’il ne peut imputer plus à une partie qu’à l’autre la responsabilité de la décision d’aller en Go Live, même si la décision s’est avérée inappropriée :

Ø  Yvan Thibault n’a pas imposé la décision même s’il désirait fortement que l’on enclenche le processus eu égard aux longs délais et à l’accumulation des coûts depuis mai 2008.

Ø  Tant Nathalie Thibault que ses homologues chez Créatech ont tenu pour acquis que les commandes avaient été transférées presque en totalité.

Ø  De toute façon, la faible quantité entrée par la suite n’explique pas tous les problèmes des deux mois qui suivent.

Ø  Le personnel n’était pas prêt à opérer dans le cadre du nouveau système : les formations et les tests n’ont pas été complétés selon la méthodologie.

Ø  De sorte que de nombreuses erreurs ont été commises par les ouvriers sur le plancher affectant grandement tout le système de gestion.

[169]    Le Tribunal est d’opinion que les deux parties doivent porter une part de responsabilité :

Ø  L’orientation prise dès le début de procéder à des personnalisations à partir du programme NAV sans recourir à des programmes éprouvés disponibles sur le marché a entraîné un décalage complet de tout le processus de formation et des tests tant pour les superutilisateurs que pour le personnel de production.

Ø  Prelco a dû procéder à plusieurs changements d’affectation parmi ses superutilisateurs pour diverses raisons, dont le manque flagrant d’intérêt ou même de compétence.

Ø  La décision d’aller Go Live a été prise de façon conjointe en minimisant les risques découlant du manque de formation et de préparation du personnel.

[64]        Prelco ne démontre aucune erreur manifeste et dominante dans ces déterminations.

[65]        Deuxièmement, l’argument de Prelco voulant que les dommages qu’elle a subis aient été causés uniquement par les problèmes dont Créatech est seule responsable ne peut être retenu.

[66]        D’abord, le juge est d’avis que la confusion vécue en novembre et en décembre quant aux étapes de production a été créée par le transfert incomplet de données et la méconnaissance des ouvriers quant à la nécessité de « scanner » chaque étape[28]. Une partie des problèmes vécus après le lancement du 2 novembre est donc de la responsabilité de Prelco à qui incombait la charge de transférer les données avant le lancement du système et de former les ouvriers.

[67]        Par ailleurs, les autres manquements, dont le manque de formation des employés, l’omission d’effectuer les tests requis et la décision hâtive de lancer le système, sont suffisants pour engager la responsabilité de Prelco, même si le juge n’impute à Prelco aucune responsabilité en raison du choix d’implantation ou des nombreuses modifications (personnalisations) effectuées.

[68]        Quant à la proportion de responsabilité accordée à chaque partie, le juge affirme :

[229]    Le Tribunal est d’opinion que les manquements de la part de Créatech à son obligation essentielle est plus important que ceux de Prelco à ses obligations causant des préjudices importants de sorte qu’il y a lieu de répartir la responsabilité en proportion de 60 % pour Créatech et de 40 % pour Prelco.

[69]        Prelco s’attaque à cette proportion à titre subsidiaire, affirmant que ses manquements sont tellement minimes que sa part de responsabilité aurait dû être limitée à 5 %.

[70]        Le juge était bien au fait de l’importance des manquements de Prelco qu’il venait d’énumérer lorsqu’il a fixé sa responsabilité dans une proportion de 40 %.

[71]        Encore une fois, il était de la prérogative du juge de déterminer la part de responsabilité de chacun. Il est certainement le mieux placé, après avoir pris connaissance d’une preuve exhaustive, pour en décider.

Deuxième question : trop-payé

[72]        Prelco soutient que la détermination du juge portant sur la responsabilité de Créatech quant au choix de la solution aurait dû le conduire à conclure que le travail accompli n’avait pas la pleine valeur des services facturés.

[73]        Elle estime aussi que le juge s’est trompé en lui imposant le fardeau de prouver la valeur des services rendus alors qu’une estimation de départ avait été présentée. Selon elle, l’article 2107 C.c.Q. prévoit spécifiquement qu’il revient au prestataire de services de justifier toute augmentation des coûts.

[74]        De plus, Prelco ajoute que le juge aurait dû rejeter la demande reconventionnelle de Créatech plutôt que de la condamner à payer les factures émises par elle après le démarrage du système, au montant de 326 882,97 $[29]. Elle soutient que le support postdémarrage n’a été requis qu’en raison des problèmes de performance et du choix inapproprié de l’approche d’implantation, ainsi que de l’absence de suggestion en temps opportun par Créatech d’un plan de contingence.

[75]        Créatech soutient qu’il s’agit d’un contrat « temps et matériel » et non d’un contrat à forfait, et que les honoraires facturés représentent les services rendus, notamment les demandes de changement pour personnaliser le logiciel de même que les ressources fournies pour pallier le manque d’implication et de disponibilité des employés de Prelco, élément qu’elle ne pouvait pas prévoir à l’étape de la proposition. Elle ajoute, que même après le démarrage, elle a dû continuer à pallier les problèmes de ressources de Prelco.

Analyse

[76]        L’article 2107 C.c.Q. prévoit que lorsque le prix des travaux a fait l’objet d’une estimation, le prestataire de services doit justifier toute augmentation du prix. Le client n’est tenu de payer cette augmentation que dans la mesure où elle résulte de travaux ou services qui n’étaient pas prévisibles au moment de la conclusion du contrat.

[77]        Selon les auteurs Jean-Louis Baudouin et Yvon Renaud : « Lorsque le contrat d’entreprise n’est pas un contrat à forfait, l’entrepreneur ou le prestataire de services peut réclamer le coût de travaux supplémentaires, lorsque ceux-ci ont été portés à la connaissance du client »[30].

[78]        En première instance, Prelco a soutenu qu’elle avait payé environ 1,5 M$ de trop, considérant la valeur de la solution que Créatech lui a livrée, soit une valeur d’environ 2 M$. Or, le juge a rejeté cet argument, après avoir analysé la preuve à son soutien :

[233]    Or, la preuve ne supporte pas ces prémisses pour amener le Tribunal à conclure que Prelco a payé inutilement 1 567 325 $ :

Une fois exécutés les travaux d’Irisco tant pour l’étape d’urgence que pour la mise en place d’index ainsi que tous les travaux pour rendre le système plus performant, le système NAV fonctionne et est utilisé par Prelco.

  Le logiciel Fenevision a été acquis en 2011 et mis en place progressivement sur une seule ligne de production, c’est-à-dire les thermos à l’usine de Rivière-du-Loup; d’ailleurs, au moment du procès (novembre et décembre 2015) Fenevision n’est toujours pas utilisé pour l’ensemble des opérations de Prelco.

  La prémisse de Pascal Raymond qui réduit l’utilité de NAV aux seuls modules financiers ne découle pas de façon prépondérante de la preuve.

  Les témoignages de l’expert Young, des témoins de fait présentés par Créatech en plus de ceux de Nathalie Thibault et Diane Gagnon en contre-interrogatoire, permettent au Tribunal de retenir que la grande majorité des fonctionnalités décrites aux diapositives 8 à 13 du contrat P-3 sont toujours en place et opérationnelles.

  Le Tribunal retient que là où il y a plus de difficultés ou absence de service, c’est pour le volet soumission qui a été mis de côté en cours d’élaboration du projet et la production des états financiers par usine ainsi que différents rapports financiers; pour partie, des modifications à la programmation ont dû être faites au cours des mois et pour partie, on n’a jamais réussi à obtenir les rapports désirés.

  Prelco se trouve à nous soumettre que la valeur des logiciels et services estimés par Créatech à 650 000 $ (diapositives nos 31 et 32) ne serait que 65 000 $, à savoir 10 %.

  Or, la preuve ne permet pas de supporter une telle conclusion.

De plus, l’approche de Prelco présume que tous les services d’implantation rendus et facturés par Créatech au-delà de 373 000 $ se sont avérés inutiles.

  Le Tribunal ne peut retenir cette thèse : dans le contrat, les parties avaient prévu une partie contingence de services, les demandes de changement pour des services supplémentaires ont été à chaque fois approuvées par Prelco; à certaines occasions, les ressources internes de Prelco étaient soit non disponibles, soit à bout de souffle et l’on a demandé à Créatech de suppléer en fournissant de la main d’œuvre.

  En nous référant au tableau D-11.1 quant à la facturation totale pour le projet NAV, si on exclut les postes logiciels et maintenance (469 032 $) et une fois soustrait l’escompte de 3 % et les radiations, l’on ne nous a pas démontré quelle portion du 1 520 000 $ représente du travail inutile pour lequel Prelco ne tire aujourd’hui aucun avantage.

  De plus, l’argument de l’avocat à la fin de sa plaidoirie selon lequel Prelco se retrouve aujourd’hui avec un système NAV qui n’en est plus un tellement il a subi des modifications, de sorte que l’on ne pourrait même plus y joindre des mises à jour, n’est pas supporté par une preuve prépondérante.

[Soulignements ajoutés]

 

[79]        Prelco ne démontre aucune erreur manifeste et déterminante dans ces conclusions. Au contraire, la preuve indique que le contrat en est un de type « temps et matériel », que le prix estimé était prévisionnel et pouvait varier en fonction des décisions prises par le client suivant l’évolution du contrat. Selon le juge, la preuve révèle également que le dépassement initial a été causé en partie par les demandes de changements pour des services supplémentaires et le fait qu’en certaines occasions les ressources de Prelco n’étaient pas disponibles. Finalement, le juge retient que toutes les demandes ont été approuvées par Prelco et payées par elle au fur et à mesure de leur facturation.

[80]        Ces déterminations sont à l’abri de toute intervention.

[81]        Pour les mêmes raisons, la décision du juge d’accueillir la demande reconventionnelle de Créatech pour les services rendus après le démarrage du système sera confirmée.

Troisième question : les dommages découlant des ventes perdues

[82]        Pour décider de cette question, le juge a bénéficié de l’expertise de deux juricomptables. Pour Prelco, l’expert Thibault établit la perte de profit (ventes perdues et ventes réalisées) à 4 279 114 $ alors que l’expert Hamelin, pour Créatech, établit cette perte à 1 686 000 $.

[83]        Prelco prétend que le juge aurait dû calculer la perte de profit sur les ventes perdues à partir de la même marge bénéficiaire que celle utilisée pour calculer la perte de profit sur les ventes réalisées, puisqu’il ne peut exister qu’une seule marge bénéficiaire moyenne pour l’ensemble des opérations pour une année donnée. La somme accordée pour la perte de profit sur les ventes perdues devrait être de 2 320 757 $ eu égard à la marge bénéficiaire de 22,27 % appliquée pour la perte de profit sur les ventes réalisées.

Analyse

[84]        L’approche des experts a été d’établir la marge bénéficiaire brute pour la période 2008 à 2011 en tenant compte d’une multitude de facteurs, dont l’évolution du marché du verre. Ils ont ensuite estimé la perte de profit découlant de l’implantation du système, sur les ventes réalisées pour l’année 2010. L’expert Thibault estime la baisse de la marge de profit entre 2009 et 2010 à 5,64 %, alors que l’expert Hamelin la situe entre 1,5 % et 3,70 %, d’où sa suggestion d’établir une médiane. Cet expert précise qu’une baisse du chiffre d’affaires était à prévoir en raison d’un marché en décroissance.

[85]        Après avoir analysé les témoignages des deux experts, le juge estime devoir tenir compte de certains éléments qu’il identifie clairement :

[270]    À partir du moment où le Tribunal ne met pas de côté l’un des deux rapports au motif de partialité ou de manque d’indépendance, il n’a pas à se transformer en expert en juricomptabilité, de sorte qu’il y a lieu d’exercer sa discrétion en tenant compte des éléments suivants :

Ø   L’expert Hamelin accorde trop d’importance aux statistiques du marché américain.

Ø   Ces statistiques tiennent compte du secteur résidentiel (Housing market) dans lequel Prelco n’est pas actif.

Ø   Selon l’information transmise par la firme Ducker[31], ces statistiques ne tiennent pas compte du marché canadien qui ne fait pas l’objet de leurs enquêtes alors que l’expert Hamelin s’y réfère.

Ø   Dans son budget, Prelco avait quand même escompté une baisse des affaires en 2010 par rapport à 2009, c’est-à-dire qu’il n’y aurait pas deux contrats spéciaux et que la baisse de l’activité économique pouvait les affecter.

Ø   Il ne faut pas à la fois soustraire des données de 2009 la valeur des deux contrats spéciaux pour ensuite appliquer la réduction de 15 % du chiffre d’affaires retenu par Yvan Thibault dans son budget 2010.

Ø   L’effet d’entrainement à partir de la baisse du marché américain qui aurait transpiré en retard au Canada aurait normalement dû avoir comme conséquence qu’en 2011 et 2012, le chiffre de ventes de Prelco aurait été du même ordre qu’en 2010, ce qui n’a pas été le cas, il y a eu hausse des ventes.[32]

Ø   Toutefois, le pourcentage pour la perte de contribution marginale retenu par l’expert Thibault est trop élevé.

Ø   Il y a lieu également de retenir l’argument de l’expert Hamelin selon lequel le pourcentage retenu par son collègue Thibault a pour effet de placer Prelco dans une meilleure situation alors que l’intégration du chiffre d’affaires de Thermalite a eu pour effet de réduire la marge bénéficiaire.

[86]        Le juge quantifie ensuite les pertes de profit :

[271]    Compte tenu des approches différentes des deux experts et des considérations énumérées au paragraphe précédent, le Tribunal :

  Quant à la perte de profit sur les ventes réalisées, il réduit de 1 % le taux retenu par l’expert Thibault, ce qui nous amène à une perte de 1 525 000 $.

  Quant à la perte de profit sur les ventes perdues, il réduit de 6,27 % la marge de profit retenue par l’expert Thibault, ce qui nous amène à une perte de 1 700 000 $.[33]

[87]        L’expert Thibault détermine la marge de profit perdue en calculant l’écart entre la marge de profit réalisée en 2010, qu’il chiffre à 17,63 % et la marge de profit réalisée lors de l’exercice précédent, qu’il chiffre à 23,27 %, ce qui lui donne un pourcentage de 5,64 %.

[88]        Le juge décide que ce pourcentage est trop élevé. Il le réduit de 1 %, ce qui le fait passer à 4,64 %. Prelco ne remet pas en cause cette détermination pour le calcul des pertes de profit subies sur les ventes réalisées.

[89]        Par contre, Prelco estime qu’il ne peut logiquement exister qu’une seule marge bénéficiaire moyenne et que le juge aurait dû appliquer la même marge bénéficiaire moyenne pour le calcul des pertes de profit sur les ventes perdues. L’expert Thibault a effectivement considéré que la marge de profit normale « qu’aurait pu réaliser Prelco si elle avait été en mesure de réaliser les ventes perdues »[34] était celle de 2009. Pour elle, puisque le juge l’avait précédemment établie à 22,27 % dans le calcul des pertes de profit sur les ventes réalisées, c’est cette marge qu’il se devait d’utiliser pour le calcul des pertes de profit sur les ventes perdues.

[90]        Cet argument ne peut être retenu. Le juge pouvait très bien conclure que la marge de profit pour 2010, n’eût été l’implantation du système, ne pouvait correspondre à celle de 2009 qui se chiffrait à 23,27 % selon l’expert Thibault. L’expert Thibault a décidé d’utiliser la marge de 2009 à titre de marge normale de profit en 2010, mais le juge n’était pas lié par ce choix.

[91]        En déterminant que la marge de profit normale pour 2010 ne correspondait pas à celle choisie par l’expert Thibault et en réduisant le pourcentage retenu par celui-ci de 6,27 %, le juge ne modifie pas sa conclusion quant à la marge de profit réalisée en 2009. Il décide simplement que la marge de profit de 2009 n’est pas un bon référent pour déterminer la marge de profit normale en 2010 et ainsi évaluer la perte de profit de Prelco sur les ventes perdues.

[92]        Il n’y a aucune erreur manifeste et déterminante dans cette façon de calculer les dommages.

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

[93]        REJETTE l’appel principal, avec les frais de justice;

[94]        REJETTE l’appel incident, avec les frais de justice.

 

 

 

 

JACQUES CHAMBERLAND, J.C.A.

 

 

 

 

 

DOMINIQUE BÉLANGER, J.C.A.

 

 

 

 

 

JOCELYN F. RANCOURT, J.C.A.

 

Me Stéphane Richer

Me Amélie T. Gouin

Borden Ladner Gervais

Pour l’appelante - intimée incidente

 

Me Catherine Cloutier

Stein Monast

Pour l’intimée - appelante incidente

 

Date d’audience :

28 août 2018

 



[1]     Prelco inc. c. 6362222 Canada inc. (Groupe Créatech), 2016 QCCS 4086.

[2]     Le montant se détaille comme suit : services (373 000 $ sans la contingence, 429 000 $ avec la contingence), logiciels (231 312 $) et entretien annuel (46 262 $).

[3]     Des clients de l’intimée se sont plaints « des retards dans la livraison des produits, de sorte que soit des notes de crédit ont dû être émises, soit que l’on a dû les indemniser pour des coûts supplémentaires encourus du fait des livraisons en retard ou en temps inopportun » : voir jugement entrepris, paragr. 240.

[4]     Tercon Contractors Ltd. c. Colombie-Britannique (Transports et Voirie), 2010 CSC 4, 2010 1 R.C.S. 69.

[5]     Chris D.L. Hunt et Milad Javdan, « Apparitions of doctrines past: fundamental breach and exculpatory clauses in the post-Tercon jurisprudence », (2018) 60:3 Revue canadienne du droit de commerce 309, p. 310 et 327; Matthew Nied et Shawn Erker, «The ghosts of fundamental breach: new developments in the enforceability of contractual limitations of liability since Tercon », (2014) 72:5 Advocate (Van.) 665, p. 674; Sonya Morgan, « Exclusion clauses post-Tercon », (2013) Ann. Rev. Civil. Lit. 305; Angela Swan, Jakub Adamski et Annie Y. Na, Canadian Contract Law, 4e éd., Toronto, LexisNexis, 2018, paragr. 9.132 et s.

[6]     À titre d’exemple, la jurisprudence a créé au cours du 20e siècle un moyen de défense appelé « fin de non-recevoir » visant à priver un créancier d’exercer ses droits en justice lorsque sa conduite est jugée inacceptable. Ce moyen vise à sanctionner son comportement répréhensible en l’empêchant de tirer profit de sa mauvaise conduite. Cette notion est maintenant bien ancrée en droit civil québécois. Voir : Banque Nationale c. Soucisse et autres, [1981] 2 R.C.S. 339, p. 359-363; Didier Lluelles et Benoît Moore, Droit des obligations, 3e éd., Montréal, Thémis, 2018, nos 2029-2030; Jean-Louis Baudouin, Pierre-Gabriel Jobin et Nathalie Vézina, Les obligations, 7e éd., Cowansville, Yvon Blais, 2013, no 131 et 730. Par ailleurs, la Cour suprême rappelait récemment que l’obligation in solidum est également une création jurisprudentielle : Montréal (Ville) c. Lonardi, 2018 CSC 29, paragr. 85.

[7]     Lazar Sarna, Traité de la clause de non-responsabilité, Toronto, Richard De Boo, 1975, p. 163-164.

[8]     Claude Masse, « La responsabilité civile », dans Barreau du Québec et Chambre des notaires du Québec, La réforme du Code civil, vol. 2, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1993, 235, p. 316.

[9]     Claude Masse, « La responsabilité civile », dans Barreau du Québec et Chambre des notaires du Québec, La réforme du Code civil, vol. 2, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1993, 235, p. 317.

[10]    Jean-Louis Baudouin, Patrice Deslauriers et Benoît Moore, La responsabilité civile, 8e éd., vol. 1, Cowansville, Yvon Blais, 2014, no 1-328.

[11]    Frédéric Levesque, Précis de droit québécois des obligations, Cowansville, Yvon Blais, 2014, nos 494-495.

[12]    Jean-Louis Baudouin, Pierre-Gabriel Jobin et Nathalie Vézina, Les obligations, 7e éd., Cowansville, Yvon Blais, 2013, no 871.

[13]    Renée-Maude Vachon-Therrien, « Chronique - Décisions récentes en matière d’acceptation des risques et de clauses d’exonération de responsabilité », dans Repères, juin 2014, La référence, EYB2014REP1554, p. 10.

[14]    Nathalie Vézina et Louise Langevin, « L’exécution de l’obligation », dans École du Barreau, Collection de droit 2018-2019, vol. 6 « Obligations et contrats », Montréal, Yvon Blais, 2018, 73, p. 112.

[15]    Claude Masse, « La responsabilité civile », dans Barreau du Québec et Chambre des notaires du Québec, La réforme du Code civil, vol. 2, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1993, 235, p. 317.

[16]    Jean-Louis Baudouin, Pierre-Gabriel Jobin et Nathalie Vézina, Les obligations, 7e éd., Cowansville, Yvon Blais, 2013, no 871.

[17]    Société de gestion Complan (1980) inc. c. Bell Distribution inc., 2009 QCCS 2881, paragr. 54; Axa Assurances inc. c. Assurances générales des Caisses Desjardins inc., 2009 QCCS 862, paragr. 272; Pruneau c. Société d'agriculture du comté de Richmond, 2006 QCCQ 12523, paragr. 76; Thériault c. Dumas, J.E. 2000-1961; 2000 CanLII 5214, p. 9 (C.Q.).

[18]    Samen Investments Inc. c. Monit Management Ltd., 2014 QCCA 826, paragr. 120-121.

[19]    Didier Lluelles et Benoît Moore, Droit des obligations, 3e éd., Montréal, Thémis, 2018, paragr. 2980-2981. Jean-Louis Baudouin, Pierre-Gabriel Jobin et Nathalie Vézina, Les obligations, 7e éd., Cowansville, Yvon Blais, 2013, paragr. 871.

[20]    Didier Lluelles et Benoît Moore, Le droit des obligations, 3e éd., Montréal, Thémis, 2018, no 2980.

[21]    ABB inc. c. Domtar Inc., 2007 CSC 50, paragr. 83.

[22]    Jean-Louis Baudouin, Pierre-Gabriel Jobin et Nathalie Vézina, Les obligations, 7e éd., Cowansville, Yvon Blais, 2013, no 871.

[23]    Renée-Maude Vachon-Therrien, « Chronique - Décisions récentes en matière d’acceptation des risques et de clauses d’exonération de responsabilité », dans Repères, juin 2014, La référence, EYB2014REP1554, p. 10.

[24]    Samen Investments Inc. c. Monit Management Ltd., 2014 QCCA 826, paragr. 121.

[25]    M.G. c. Pinsonneault, 2017 QCCA 607, paragr. 139-141, citant : Benhaim c. St-Germain, 2016 CSC 48, paragr. 36-40; Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33; H.L. c. Canada (Procureur général), 2005 CSC 25 ; Lapointe c. Hôpital Le Gardeur, 1992 CanLII 119, [1992] 1 R.C.S. 351, p. 358; J.G. c. Nadeau, 2016 QCCA 167, paragr. 79, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 2 mars 2017, n36924; Lévesque c. Hudon, 2013 QCCA 920, paragr. 67-69; Deschênes c. Perron, 2011 QCCA 2228, paragr. 18; P.L. c. Benchetrit, 2010 QCCA 1505, paragr. 21-24; Ferland c. Ghosn, 2008 QCCA 797, paragr. 20-25; Lacasse c. Lefrançois, 2007 QCCA 1015, paragr. 47-49; Bérubé c. Hôtel-Dieu de Lévis, [2003] R.R.A. 374, paragr. 18 et 20 (C.A.); Brochu c. Camden-Bourgault, [2001] R.R.A. 295, paragr. 31 (C.A.).

[26]    La preuve démontre qu’il y aurait eu quelques centaines de modifications au programme NAV.

[27]    Péribonka (Municipalité de) c. Gagnon, 2015 QCCA 547, paragr. 26. Voir également La Malbaie (Ville de) c. Entreprises Beau-Voir inc., 2014 QCCA 739, paragr. 14.

[28]    Jugement entrepris, paragr. 217.

[29]    331 134 $ moins 4 251 $.

[30]    Jean-Louis Baudouin et Yvon Renaud, Code civil du Québec annoté, 21e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2018, no 2107/1. Voir également D & S Decors inc. c. Mandravelos, 2006 QCCS 4376.

[31]    Pièce P-31.

[32]    Pièces P-13 et P-29.

[33]    Jugement entrepris, paragr. 271.

[34]    Pièce P-7, Rapport d’expertise de M. Marc Thibault, p. 401.

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