Décision

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Gabarit EDJ

Droit de la famille — 212035

2021 QCCS 4484

COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

LONGUEUIL

 

N° :

505-04-025331-166

 

 

 

DATE :

1er octobre 2021

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

CHANTAL LAMARCHE, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

G... G...

Demanderesse

 

c.

 

P... A...

Défenderesse

 

 

______________________________________________________________________

 

TRANSCRIPTION DES MOTIFS DU JUGEMENT

RENDU SÉANCE TENANTE LE 1er OCTOBRE 2021[1]

______________________________________________________________________

 

MISE EN GARDE : S’agissant d’une matière familiale, il est interdit de divulguer, publier ou diffuser quelque renseignement que ce soit permettant d’identifier les parties à ce litige et l’enfant en cause.

 

[1]           Madame demande l’autorisation du Tribunal pour que l’enfant des parties, X âgé de 13 ans, puisse être vacciné contre la COVID-19 alors que monsieur s’y oppose.

[2]           Madame souhaite que X soit vacciné afin notamment de pouvoir participer aux activités sportives parascolaires de l’école qu’il fréquente.

[3]           Elle ajoute également en plaidoirie qu’il y va aussi de la santé de X et de la possibilité pour lui de fréquenter par exemple les restaurants, le cinéma. Enfin, elle soumet qu’elle souhaite aussi protéger sa santé et celle de son enfant à naître ne voulant pas que X soit un vecteur de transmission de la Covid 19 auprès d’elle et de son enfant à naître.

[4]           Monsieur s’oppose à ce que X soit vacciné contre la Covid 19, car il dit craindre les risques de cette vaccination. Il considère que les vaccins contre la Covid 19 sont expérimentaux et qu’on ne connaît pas les effets à long terme de ces vaccins qui entraîneraient, selon monsieur, une modification de l’ADN de la personne qui le reçoit. Il considère que les risques qu’il associe au vaccin sont plus grands que le bénéfice pour son fils de pratiquer un sport, ajoutant qu’il y a observé beaucoup d’effets secondaires associés à l’administration des vaccins contre la Covid 19.   

[5]           Le Tribunal doit tout d’abord déterminer s’il y a urgence pour intervenir et dans l’affirmative, s’il est dans l’intérêt de X ou non de se faire vacciner contre la Covid-19.

[6]           X souhaite particulièrement faire partie de l’équipe de basketball de son école ou encore faire du Karaté. Pour participer à ces activités, il doit détenir son passeport vaccinal[2] et pour le basketball il doit aussi se présenter au camp de sélection ce qu’il ne peut faire sans son passeport vaccinal. Pour obtenir son passeport vaccinal, X doit avoir reçu deux doses du vaccin et on sait qu’il doit y avoir un certain délai entre les deux doses. De plus, au-delà de la participation de X à l’activité de basketball de son école ou de karaté, il y a présentement dans le monde une pandémie de Covid 19 et le Québec n’y échappe pas. D’ailleurs au Québec, la quatrième vague sévit. Le gouvernement et la santé publique exhortent les citoyens à se faire vacciner contre la Covid 19 le plus rapidement possible, y compris les enfants âgés de plus de 12 ans. Les enfants qui fréquentent l’école et qui ne sont pas vaccinés sont à risque d’attraper la maladie et de la transmettre.

[7]           Comme le résumait si bien la juge Aline U.K. Quach dans son jugement du 27 août dernier dans Droit de la famille 211637[3] :

 

 

[12]        Since March 2020, the whole world has been affected by the Covid-19 pandemic. Presently, a fourth wave of Covid-19 is hitting the province because of the Delta variant. Children attending school, teenagers in high school and students in Cegeps and universities are at risk. The government urges citizens aged 12 years and over to get their two doses of vaccine against Covid-19. As of September 1st, citizens must have a vaccine passport in order to attend certain events, places or activities.

[13]        Quebec Public Health recommends that 12 to 17-year-olds receive the vaccine against Covid-19 for the following reasons:

Vaccinating young people will restrict the virus from spreading and help control the pandemic by stopping transmission in the youth’s immediate circle.

Vaccinating young people makes it possible to loosen other hygiene measures that control the spread of the virus and severely impact teaching, academic success, and student retention and overall well-being.

Vaccinating young people caps outbreaks and limits classroom closures, which also facilitates student success and retention.

Vaccinating young people means that sports and extracurricular activities can resume. These activities have a major positive effect on the mental and physical health of adolescents.

[Références omises]

[8]           Il est donc urgent que le Tribunal décide si X peut se faire vacciner.

[9]           Monsieur invoque une crainte quant à la sécurité du vaccin. Il ajoute aussi qu’il ne croit pas que X puisse transmettre la Covid 19 à sa mère ou au bébé qui naîtra dans quelques semaines, s’il n’est pas vacciné.

[10]        Cette dernière remarque de monsieur démontre que s’il est inquiet des effets du vaccin il nie aussi la gravité du virus et sa virulence. De plus, madame démontre avec les extraits du site Facebook de Monsieur[4] que celui-ci est contre les mesures sanitaires mises en place pour protéger notamment la santé des citoyens. On y voit en effet monsieur vandaliser les pancartes de la santé publique lesquelles rappellent les règles sanitaires à respecter comme le port du masque et la distanciation physique et il incite même les citoyens à faire comme lui. On le voit devant une école manifester contre le port du masque dans les écoles. On y lit aussi que monsieur félicite une jeune fille de 13 ans qui dit ne plus aller à l’école en raison du port du masque. Monsieur ne nie aucun de ces faits. Il se contente de plaider que ce n’est pas lié à sa décision de refuser que X soit vacciné. Le Tribunal en doute.

[11]        La santé publique recommande que les enfants de plus de 12 ans se fassent vacciner contre la Covid 19. Le jugement de la juge Quach précité reprend les motifs de cette recommandation.

[12]        Tout comme la juge Danielle Turcotte dans Droit de la famille 20611[5], le Tribunal est d’avis que l’approche du parent qui souhaite suivre les recommandations des autorités en matière de santé et plus particulièrement en matière de vaccination doit prévaloir à moins évidemment d’une circonstance particulière concernant l’enfant.

[13]        D’ailleurs, dans des jugements récents, la Cour supérieure a autorisé le parent qui souhaitait que son enfant se fasse vacciner contre la Covid 19 à le faire vacciner, et ce, même si l’autre parent s’y opposait ou ne l’autorisait pas[6].

[14]        Monsieur ne fait valoir aucune circonstance particulière quant à la santé de X qui pourrait laisser croire que le vaccin est plus dangereux pour celui-ci que pour l’ensemble des enfants du Québec de 12 ans et plus et pour lesquels, répétons-le, la santé publique recommande la vaccination contre la Covid 19.

[15]        Les craintes de monsieur ne font pas le poids devant les recommandations de la santé publique du Québec.

[16]        Par ailleurs et quoique le Tribunal ne soit pas lié par le désir de X puisqu’il n’a que 13 ans[7], il est utile de noter que X désire se faire vacciner[8].

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[17]        ACCUEILLE la demande de madame que X reçoive les deux doses du vaccin contre la Covid 19 sans l’autorisation du défendeur, soit le père de l’enfant.

[18]        SANS FRAIS.

 

 

 

__________________________________

Chantal Lamarche, j.c.s.

 

Me Mylène Petitpas

Avocate de la demanderesse.

 

Monsieur P... A...

 

 

 

Date d’audience:

30 septembre 2021

 

 

Date de la demande de transcription :

1er octobre 2021

 

 



[1]     Le jugement a été rendu séance tenante.  Comme le permet Kellogg's Company of Canada c. P.G. du Québec, [1978] C.A. 258, 259-260, le Tribunal s'est réservé le droit, au moment de rendre sa décision, d'en modifier, amplifier et remanier les motifs.  La soussignée les a remaniés pour en améliorer la présentation et la compréhension.

[2]     Pièces P-1 et P-2.

[3]     2021 QCCS 3582.

[4]     Pièce P-5.

[5]     2020 QCCS 1371.

[6]     Droit de la famille 211637, 2021 QCCS 3582; Droit de la famille 211246, 2021 QCCS 2815; Droit de la famille 211387, 2021 QCCS 3055.

[7]     En vertu de l’article 14 C.C.Q. ce n’est qu’à compter que 14 ans qu’un enfant peut décider seul des soins qu’il peut recevoir.

[8]     Pièce P-6.

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