Béliveau c. Trahan | 2023 QCTAL 14043 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||
Bureau dE Saint-Jean | ||||||
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No dossier : | 673111 25 20230113 G | No demande : | 3765201 | |||
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Date : | 09 mai 2023 | |||||
Devant la juge administrative : | Chantal Boucher | |||||
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Roland-Luc Béliveau |
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Locateur - Partie demanderesse | ||||||
c. | ||||||
Mélissa Trahan |
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Locataire - Partie défenderesse | ||||||
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D É C I S I O N
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[1] Par un recours déposé le 13 janvier 2023, le locateur demande la résiliation du bail et l’exécution provisoire.
[2] À l’audience, la locataire soumet une requête préliminaire invoquant que la demande n’a pas été notifiée dans le délai requis de 45 jours et demande au Tribunal de la déclarer périmée.
[3] À la suite de cette requête, le locateur demande au Tribunal de l’autoriser à produire un amendement verbal afin d’être relevé du défaut d’avoir notifié la locataire dans le délai légal.
[4] La procédure d’amendement à une demande est prévue aux articles 18 à 20 du Règlement sur la procédure devant le Tribunal administratif du logement[1]:
« 18. Une partie peut, en tout temps avant l’audience, amender sa demande ou sa requête soit pour en modifier, en rectifier ou en compléter les énonciations ou conclusions, soit pour invoquer des faits survenus en cours d’instance, soit pour faire valoir un droit échu depuis la production de la demande ou de la requête et lié à celui exercé par la demande ou la requête originaire.
La partie qui produit l’amendement doit en notifier copie à l’autre partie.
Décision 92-11-23, a. 18; N.I. 2016-01-01 (NCPC).
19. Lorsque, par amendement, une partie est ajoutée, une copie de la demande ou de la requête originaire doit également lui être notifiée; la demande ou la requête, à son égard, n’est censée avoir été produite qu’à la date de cette notification.
Décision 92-11-23, a. 19; N.I. 2016-01-01 (NCPC).
20. Le membre peut, lors de l’audience et en présence de la partie adverse, autoriser un amendement sur simple demande verbale notée au procès-verbal. »
[5] Considérant que les deux parties sont présentes à l’audience, le Tribunal a accueilli celle-ci sur le banc et procédé à l’audition de la demande d’être relevé du défaut d’avoir notifié dans le délai imposé en vertu de l’article 59 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement (ci-après LTAL).
[6] Il ressort de la preuve déposée que le locateur a signifié sa demande par huissier le 20 mars 2023 à la locataire.
[7] Cependant, la demande ayant été introduite au Tribunal le 13 janvier 2023, le locateur avait jusqu’au 27 février 2023 pour notifier sa demande et déposer cette preuve de notification dans son dossier. La signification par huissier est donc hors délai.
[8] Le locateur soumet ensuite avoir notifié par courrier recommandé la locataire et produit la confirmation de livraison de Postes Canada datée du 20 mars 2023. Cependant, cette preuve de réception est niée par la locataire et puisque la personne ayant signé le document n’apparaît pas sur la confirmation, il est impossible de confirmer l’identité[2].
[9] De plus, la date du 20 mars 2023 est encore une fois bien après le délai prévu pour la notification.
[10] Enfin, le locateur prétend qu’il a envoyé une copie de la demande par courrier recommandé avant cette date et dans le délai requis à la locataire, mais que cette dernière n’a jamais été récupérer le colis. Il ne devrait donc pas être pénalisé pour l’inaction de la locataire.
[11] Questionné à savoir s’il avait une preuve de retour de courrier de Postes Canada, il indique ne pas l’avoir en sa possession. Le Tribunal l’a donc autorisé à produire cette preuve après l’audience au plus tard le 10 avril 2023.
[12] Le locateur demande ainsi d’être relevé de son défaut d’avoir notifié la demande dans le délai de 45 jours puisque périmer le dossier lui causerait un grave préjudice et qu’il ne s’agit que d’une technicalité.
[13] De son côté, la locataire indique ne jamais avoir reçu d’avis de Postes Canada en lien avec ce dossier.
Analyse du Tribunal
[14] La demande d’être relevé du défaut d’avoir notifié à la locataire dans le délai imposé la demande introduite au Tribunal se fonde sur l’article 59 LTAL :
« 59. Le Tribunal peut, pour un motif raisonnable et aux conditions appropriées, prolonger un délai ou relever une partie des conséquences de son défaut de le respecter, si l’autre partie n’en subit aucun préjudice grave. »
[15] Quant au défaut constaté en lien avec la notification de la demande et le dépôt de cette preuve de notification au Tribunal dans le délai de 45 jours, cette exigence se trouve à l’article 56.2 LTAL :
« 56.2. La preuve de la notification ainsi qu’une liste des pièces au soutien de la demande doivent être déposées au dossier du Tribunal. Ce dernier peut refuser de convoquer les parties en audience tant que ces documents n’ont pas été déposés.
Si la preuve de notification n’est pas déposée dans les 45 jours suivant l’introduction de la demande, cette dernière est alors périmée et le Tribunal ferme le dossier.
Le présent article n’a pas pour effet d’empêcher le Tribunal de convoquer les parties sans délai lorsqu’il le juge approprié, auquel cas la preuve de notification de la demande doit être produite à l’audience sous peine du rejet de la demande. »
[16] Aux fins de son analyse sur la péremption et le fait d’être relevé de son défaut, le Tribunal se fonde sur celle étayée par la juge administrative Francine Jodoin dans l’affaire Mattalia c. Rasteiro[3] :
« [28] Selon la Cour du Québec(14), il n'y a pas de caractère absolu à la péremption et une partie peut être relevée de son défaut :
« [43] Est-ce à dire que le Tribunal doit relever la partie qui le demande dans tous les cas, quelle que soit la raison, et peu importe sa conduite ou diligence dans le déroulement de l'instance ?
[44] Bien sûr que non. Il ne s'agit pas d'un automatisme, sans quoi le délai ne serait pas obligatoire. Comme le dit la Cour d'appel, la « discrétion ne peut être un remède à la négligence, à l'incompétence ou à l'incurie des procureurs »[13].
[45] En fait, en s'inspirant de la jurisprudence traitant d'autres dispositions du C.p.c. qui, tout en rendant obligatoire un délai, ne prévoient pas qu'il est de rigueur, le Tribunal est d'avis que, dans l'exercice de sa discrétion, il doit vérifier, notamment, si la demande judiciaire est sérieuse et si les raisons invoquées pour justifier le retard sont valables et explicables[14], si la partie demanderesse a été diligente dans le traitement de son dossier et si la preuve qu'elle présente est probante et suffisante pour justifier le défaut ou retard[15]. Le Tribunal doit sans doute aussi vérifier si la conduite de la partie demanderesse est respectueuse des principes directeurs du C.p.c. »
[29] Le Tribunal conclut que le délai pour la notification de la demande n'est pas de rigueur et dispose ensuite de la demande de prolongation en application de l'article
« 84. Un délai que le Code qualifie de rigueur ne peut être prolongé que si le tribunal est convaincu que la partie concernée a été en fait dans l'impossibilité d'agir plus tôt. Tout autre délai peut, si le tribunal l'estime nécessaire, être prolongé ou, en cas d'urgence, abrégé par lui. Lorsqu'il prolonge un délai, le tribunal peut relever une partie des conséquences du défaut de le respecter. »
59. Le Tribunal peut, pour un motif raisonnable et aux conditions appropriées, prolonger un délai ou relever une partie des conséquences de son défaut de le respecter, si l'autre partie n'en subit aucun préjudice grave. »
[30] De plus, l'article 2 du Règlement sur la procédure devant le Tribunal administratif du logement(15) énonce :
« 2. L'inobservation d'une règle de procédure ne peut affecter le sort d'une demande ou d'une requête s'il y a été remédié alors qu'il était possible de le faire.
À moins que le régisseur ne fixe d'autres modalités, il peut être remédié devant lui, à l'audience, à tout vice de forme, retard ou irrégularité de procédure. »
[31] La correction du défaut ne doit pas être un automatisme, comme le mentionne le juge Alain Breault dans l'affaire CSX transportation précitée :
« [54] En somme, dans le contexte des principes directeurs du nouveau C.p.c. où l'efficience du déroulement des procédures doit prévaloir, une demande pour être relevé du défaut d'avoir respecté un délai ne doit pas être présentée avec légèreté. Ce n'est pas un automatisme. Une preuve solide et bien appuyée doit être offerte. »
[32] Il poursuit en ajoutant qu'une application trop rigide des règles n'est pas appropriée si cela conduit à un résultat démesuré par rapport aux circonstances du dossier, dont le fait qu'un nouveau recours ne pourrait être institué vu la prescription applicable.
[33] En l'occurrence, les locataires n'ont pas produit au dossier cette preuve de notification, mais le Tribunal estime que le rejet de la demande n'est pas le remède approprié. Ce qui importe ici c'est le respect du délai de notification et l'obligation d'informer le Tribunal, par la production de cette preuve, de sa diligence à agir. »
[17] En l’instance, le Tribunal estime que le locateur n’a pas démontré les raisons expliquant le manquement au délai imposé quant à la notification de la demande et le dépôt de cette preuve au Tribunal.
[18] En effet, le Tribunal juge que les raisons invoquées sont issues de sa propre négligence, ce qui ne peut être retenu.
[19] D’ailleurs, la preuve produite après audience, soit le 11 avril 2023, démontre des communications de la part de Postes Canada indiquant que la distribution d’un certain colis a échoué. En plus de n’avoir aucune façon d’identifier la nature du colis, ces communications sont datées du 29 mars, 2 avril et 7 avril 2023[4], soit plus d’un mois après la date maximale du délai de 45 jours pour la notification.
[20] Conséquemment, vu l’absence de notification à la locataire de la présente demande dans le délai de 45 jours et l’absence de dépôt de cette preuve conformément à l’article 56.2 LTAL, le Tribunal doit déclarer la présente demande périmée.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[21] DÉCLARE la présente demande périmée.
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Chantal Boucher | ||
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Présence(s) : | le locateur la locataire | ||
Date de l’audience : | 29 mars 2023 | ||
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[1] Règlement sur la procédure devant le Tribunal administratif du logement, chapitre T-15.01, r. 5.
[2] Pièce P-1.
[3] Mattalia c. Rasteiro,
[4] Pièce P-2.
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