Décision

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Venne c. Biron-Bleau

2023 QCTAL 36540

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Joliette

 

No dossier :

728325 29 20230818 G

No demande :

4013407

 

 

Date :

22 novembre 2023

Devant la juge administrative :

Linda Boucher

 

Martin Venne

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

Cassandra Biron-Bleau

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Le locateur demande la résiliation du bail et l'expulsion de la locataire, le recouvrement du loyer (3 100 $) ainsi que le loyer dû au moment de l'audience, plus l'exécution provisoire de la décision malgré l'appel.

[2]         Le locateur demande de plus la résiliation du bail au motif que la locataire paie fréquemment son loyer en retard.

[3]         Il s'agit d'un bail du 1er octobre 2022 au 30 juin 2023 au loyer mensuel de 1 100 $, payable le premier jour de chaque mois, reconduit jusqu'au 30 juin 2024 aux mêmes conditions.

[4]         La preuve démontre que la locataire doit 2 200 $, soit le loyer des mois de septembre et octobre 2023.

[5]         La locataire conteste devoir cette somme et remet au locateur une somme de 700 $ en argent comptant que celui-ci reçoit sous réserve de ses droits.

[6]         La locataire est en retard de plus de trois semaines pour le paiement du loyer, la résiliation du bail est donc justifiée par l'application de l'article 1971 C.c.Q.

[7]         Sur le second motif invoqué, le Tribunal estime que la preuve du préjudice est insuffisante pour justifier la résiliation du bail.

[8]         La soussignée fait sienne l'analyse de la juge administrative Francine Jodoin dans l'affaire Coop d'habitation la petite cité (Montréal) c. Johnson([1]):

« [17] Ainsi, pour obtenir la résiliation du bail sur le deuxième motif invoqué, soit les retards fréquents, la loi exige la preuve de retards fréquents qui sont généralement démontrés par le caractère régulier et chronique des retards.


[18] Il faut, de surcroît, la preuve que les retards causent un préjudice sérieux. Il n'y a aucune présomption à cet égard et il ne peut évidemment s'agir de simples inconvénients résultant de la gestion d'un immeuble locatif.

[19] Dans l'affaire Allaire c. Bourdeau, la Cour du Québec précise :

[57] La jurisprudence enseigne que le préjudice sérieux dont il est question ne se limite pas à une perte ou une menace pécuniaire. D'ailleurs, dans le contexte de l'application possible de l'article 1971 C.c.Q., le fait de payer les arrérages de loyer en tout temps avant jugement n'est pas pertinent. Il faut, mais il suffit que les retards soient fréquents et que la situation cause un préjudice sérieux au locateur.

[58] Le préjudice sérieux dont il est question peut être d'une nature autre que pécuniaire :

alourdissement anormal de la gestion de l'immeuble, multiplicité des démarches auprès du locataire ou du tribunal pour percevoir les loyers ou coûts supplémentaires[21];

soucis et tracas causés par l'entêtement du locataire à retenir son loyer, temps et énergie consacrés pour les vacations devant la Régie du logement, notes comptables et suivi des démarches effectuées[22];

démarches constantes et multipliées pour se faire payer, demandes répétées à la Régie du logement afin d'obtenir le paiement du loyer, gestion de trois décisions de la Régie du logement[23];

nombreux avis envoyés au locataire pour lui rappeler ses retards, remise du dossier à ses avocats pour récupérer le loyer dû et frais ainsi engagés[24];

multiplication des démarches pour obtenir les loyers dus et paiement de frais bancaires pour de nombreux chèques retournés[25];

impossibilité de disposer des sommes dues, procédures de recouvrement et pertes d'intérêts sur l'argent non reçu[26];

[20] On constate donc que la preuve du préjudice sérieux doit être complète et documentée.

[21] La résiliation du bail étant une conséquence grave de tels manquements, la loi exige la démonstration d'un préjudice sérieux avant de résilier le bail qui constitue, somme toute, la sanction ultime d'un manquement contractuel

[22] Bien que le Tribunal n'exige pas la preuve d'un péril financier, une incapacité de rencontrer ses obligations financières ou une situation économique précaire, la preuve doit, à titre d'exemple, révéler, par prépondérance, un alourdissement anormal de la gestion de l'immeuble, la multiplicité des démarches auprès du locataire ou du Tribunal, des coûts supplémentaires.

[23] En soi, la seule déclaration du mandataire de la locatrice en l'instance est insuffisante pour permettre au Tribunal d'apprécier la gravité du préjudice subi.

[24] Aussi, la preuve ne peut uniquement se fonder sur une simple allégation d'inconvénients subis ou de dépenses à faire. Le préjudice doit être prouvé par une preuve documentaire, le cas échéant, et fondé sur des faits objectifs et précis. »

[Nos soulignements] [Références omises]

[9]         En l’instance, si la preuve du retard fréquent a été démontrée, la preuve du préjudice sérieux que le locateur a subi est lacunaire.

[10]     Celui-ci s'est contenté de quelques généralités qui, mêmes conjuguées, ne peuvent être considérées comme composant un préjudice sérieux aux yeux du Tribunal.

[11]     Le bail n'est toutefois pas résilié si le loyer dû, les intérêts et les frais sont payés avant jugement, conformément aux dispositions de l'article 1883 C.c.Q.

[12]     Le préjudice causé au locateur ne justifie pas l'exécution provisoire de la décision, comme il est prévu à l'article 82.1 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[2].

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[13]     RÉSILIE le bail et ORDONNE l'expulsion de la locataire et de tous les occupants du logement;

[14]     CONDAMNE la locataire à payer au locateur la somme de 1 500 $, plus les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q., à compter du 1er septembre 2023 sur la somme de 400 $, et sur le solde à compter du 1er octobre 2023, plus les frais de justice de 107 $;


[15]     REJETTE la demande quant aux autres conclusions.

 

 

 

 

 

 

 

 

Linda Boucher

 

Présence(s) :

le locateur

la locataire

Date de l’audience : 

20 octobre 2023

 

 

 


 


[1] Co-op d'habitation la petite cité (Montréal) c. Johnson, R.D.L., 2018-09-12, 2018 QCRDL 29865, SOQUIJ AZ51528436.

[2]  RLRQ, chapitre T-15.01.

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