Beaulieu c. Paquet |
2016 QCCA 1284 |
COUR D'APPEL
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
No : |
200-09-008736-149 |
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(400-17-002955-124) |
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PROCÈS-VERBAL D'AUDIENCE |
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DATE : |
4 août 2016 |
CORAM : LES HONORABLES |
GUY GAGNON, J.C.A. (JG1348) |
PARTIE APPELANTE |
AVOCAT |
BERTRAND BEAULIEU
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Me FRANÇOIS DAIGLE (Daigle, avocats fiscalistes inc.)
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PARTIES INTIMÉES |
AVOCAT |
CHANTAL PAQUET et FONDS D’ASSURANCE RESPONSABILITÉ PROFESIONNELLE DU BARREAU DU QUÉBEC
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Me FRANÇOIS LAJOIE (Lajoie, Héon)
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En appel d'un jugement rendu le 4 août 2014 par l'honorable Alain Bolduc de la Cour supérieure, district de Trois-Rivières. |
NATURE DE L'APPEL : |
Prescription |
Greffière : Rose-Marie Rousseau (TR1540) |
Salle : 4.33 |
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AUDITION |
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Continuation de l'audience du 3 août 2016; |
8 h 56 |
Arrêt. |
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(s) |
Greffière audiencière |
PAR LA COUR
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ARRÊT |
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[1] L’appelant se pourvoit contre un jugement du 4 août 2014 de la Cour supérieure, district de Trois-Rivières (l’honorable Alain Bolduc)[1], qui rejette son recours en responsabilité civile professionnelle contre les intimés.
[2] L’appelant est un ingénieur aujourd’hui retraité, expert en foresterie. À l’automne 2003, des courtiers de la firme CTI Capital (CTI) lui proposent d’investir à partir de son REER dans la Coopérative de producteurs de bois précieux Québec Forestales (la Coopérative). Cette dernière détient une plantation de bois de teck au Costa Rica.
[3] Le 15 octobre 2003, la Commission des valeurs mobilières du Québec (CVMQ) interdit à la Coopérative d’effectuer le placement de contrats d’investissement ou de toute autre forme d’investissement. L’appelant n’en est pas informé. Il est uniquement avisé par CTI que son placement sera fait dans la société Cédrican inc. (Cédrican), une filiale à part entière de la Coopérative.
[4] Pour que l’appelant puisse acquérir des actions de Cédrican par l’entremise de son REER sans impact fiscal, il ne devait pas détenir plus de 10% des actions d’une catégorie donnée de cette société[2]. L’intimée reçoit de Michel Maheux (Maheux), président de la Coopérative et de Cédrican, le mandat de préparer les rapports de certification de l’admissibilité des actions offertes par Cédrican aux investisseurs (les Attestations). Parallèlement, elle prépare un projet d’acte de cession entre Cédrican et la Coopérative (la Cession) pour que cette dernière lui cède son stock d’arbres, d’une valeur d’environ 6 000 000 $, en contrepartie de 6 000 000 d’actions, rendant ainsi admissible le placement des investisseurs.
[5] L’intimée émet les Attestations concernant l’appelant les 7 et 17 novembre et le 2 décembre 2003. Or, contrairement à ce qu’elle certifie, elle sait que l’appelant détient alors plus de 10% des actions de Cédrican, la Cession n’ayant pas eu lieu. Elle s’en remet aux représentations verbales de Maheux qui l’assure que la Cession doit être complétée incessamment. Ajoutons que les Attestations, qui décrivent l’appelant comme « rentier », indiquent que la juste valeur marchande des actions (JVM) est « estimée ou calculée » à un dollar par action, alors que l’intimée n’a fait aucune démarche pour s’assurer de la véracité de cette affirmation.
[6] Sur la foi des Attestations, l’appelant acquiert donc, en novembre et décembre 2003, 525 000 actions de Cédrican pour 525 000 $ puisés à même son REER.
[7] En janvier 2004, l’intimée apprend que la Cession n’a pas été effectuée. Elle décide pour ce motif de cesser d’agir pour Cédrican et la Coopérative. Elle dénonce par écrit la situation à l’intimé, qui assure sa responsabilité professionnelle[3]. L’appelant n’en est pas informé.
[8] En novembre 2005, un vérificateur de l’Agence du revenu du Canada (ARC) avise l’appelant que son placement n’est pas admissible car il détient plus de 10% des actions de Cédrican. Il lui transmet un projet d’avis de cotisation le 28 novembre 2005. L’appelant retient immédiatement les services d’un avocat. Le 19 décembre 2005, ce dernier demande à l’intimée de fournir les pièces justificatives lui ayant permis de délivrer les Attestations. L’intimée refuse, prétextant que l’appelant n’est pas son client.
[9] En janvier 2006, l’avocat de l’appelant obtient de Maheux une copie d’un certificat d’actions représentant 5 696 000 actions du capital-actions de Cédrican détenues par la société Maya Trust S.A. (Maya). Le certificat, daté du 30 septembre 2003, est antérieur à l’acquisition par l’appelant des actions de Cédrican. Il convient de souligner que Maya est une société apparentée à Cédrican et à la Coopérative, dont la tête dirigeante est également Maheux.
[10] L’examen de l’original de ce certificat d’actions amène l’ARC à la conclusion que la date y apparaissant est fausse[4]. Après en avoir avisé l’appelant, l’ARC lui transmet, le 30 mars 2006, un avis de cotisation de 141 870,79 $.
[11] À la suite d’une enquête élargie, l’ARC découvre plus tard que Maheux s’est approprié frauduleusement les fonds des investisseurs de Cédrican. Certains d’entre eux obtiennent le remboursement de la moitié de leur investissement, mais l’appelant le perd complètement.
[12] Le 28 février 2007, Revenu Québec fait parvenir à son tour un avis de cotisation à l’appelant pour l’année 2003, pour un montant de 155 577,76 $ en impôt et intérêts.
[13] L’appelant conteste devant la Cour canadienne de l’impôt (CCI) la décision de l’ARC du 15 juillet 2008 de ratifier l’avis de cotisation du 30 mars 2006. Son appel est rejeté le 14 février 2011. Il porte l’affaire devant la Cour d’appel fédérale, sans succès. Il intente son action en dommages et intérêts contre les intimés le 3 décembre 2012 et recherche principalement le remboursement de son placement ainsi que des cotisations fiscales afférentes à celui-ci.
* * *
[14] Le recours de l’appelant est rejeté au motif qu’il est prescrit. Le juge estime que dès le mois d’août 2006, l’appelant possédait suffisamment d’indices pour entreprendre sa demande en justice contre les intimés, à la suite de la réception de l’expertise réalisée pour l’ARC concluant au caractère erroné du certificat d’actions de Maya. Ainsi, son recours signifié en décembre 2012 serait depuis longtemps prescrit, étant soumis à la prescription triennale.
[15] Le juge ajoute que s’il avait accordé des dommages, l’appelant aurait eu droit au remboursement des cotisations fiscales. Il aurait toutefois rejeté la réclamation pour la perte du placement, en l’absence de preuve que la JVM des actions indiquée aux Attestations était inexacte au moment de leur souscription. En outre, il y aurait absence de lien de causalité entre la faute de l’intimée et la perte du placement. Selon le juge, même s’il est évident que la perte du placement ne serait pas survenue si l’appelant n’avait pas investi dans Cédrican, ce dommage résulte uniquement de la fraude commise par Maheux, dont l’intimée ne peut être tenue responsable.
Questions en litige
[16] L’appel soulève essentiellement deux questions :
1. Le recours de l’appelant est-il prescrit?
2. Si le recours n’est pas prescrit, quels sont les dommages causés à l’appelant par la faute de l’intimée?
Analyse
La prescription
[17] L’article 2880 al. (2) C.c.Q. énonce que le point de départ de la prescription extinctive débute au jour où le droit d'action prend naissance. Dans un arrêt récent, notre Cour précise la portée de cette règle en matière de responsabilité civile :
Le point de départ pour calculer le délai de prescription est le moment « où le droit d’action a pris naissance », soit le moment où l’appelant a connaissance de la faute, du dommage et du lien de causalité. Des suspicions sont insuffisantes pour constituer le point de départ de la prescription. Le délai commencera uniquement à courir lorsque le demandeur prendra connaissance des éléments de la responsabilité.[5]
(Soulignement ajouté)
[18] La négligence du créancier ne permet cependant pas de retarder le point de départ de la prescription. Il doit agir de manière prudente et diligente, comme le rappelle l’auteure Céline Gervais :
Finalement, nous croyons que tout est une question d’évaluation du comportement de la partie demanderesse. Si elle agit de façon prudente et diligente, et qu’elle ignore ainsi les éléments donnant naissance à la responsabilité, la prescription ne peut commencer à courir. Si son ignorance est causée par la partie adverse, il y a alors suspension de la prescription pour impossibilité d’agir. Si le demandeur ignore les éléments de la responsabilité potentielle parce qu’il n’a pas agi en personne diligente, on pourra alors considérer que cette ignorance n’a pas repoussé le point de départ de la prescription, et que celle-ci a commencé à courir au moment où il aurait pu découvrir les faits soutenant l’exercice de son recours.[6]
[19] En l’espèce, les gestes fautifs de l’intimée s’amorcent avec la certification erronée de l’admissibilité des investissements de l’appelant dans Cédrican alors qu’elle sait que les informations concernant le pourcentage de détention d’actions sont inexactes, outre le fait qu’elle ne s’est pas assurée de la JVM des actions. Or, la preuve révèle sans ambages que sans les Attestations de l’intimée, l’appelant n’aurait jamais investi dans Cédrican.
[20] La détermination du point de départ de la prescription constitue une question mixte de faits et de droit qui commande déférence en appel. Le juge fixe ce moment à la date où l’appelant reçoit l’expertise de l’ARC voulant que le certificat d’actions de Maya porte une date falsifiée. Nous sommes alors en août 2006.
[21] À l’audience, le procureur de l’intimée concède avec justesse qu’il s’agit d’une erreur, puisque la date que porte le certificat d’actions n’est pas décisive en soi, des actions pouvant être émises avant la confection du certificat attestant leur existence, comme le souligne la décision de la CCI le 14 février 2011.
[22] En août 2006, l’appelant ignore tout de la faute commise par l’intimée. Au contraire, dès les premières démarches de l’ARC l’alertant d’une possible cotisation en novembre 2005, l’appelant mandate un procureur qui s’enquiert auprès de l’intimée des éléments factuels qui lui ont permis de confirmer un pourcentage de détention d’actions inférieur à 10 % dans Cédrican.
[23] L’intimée, pourtant consciente de la problématique, se retranche derrière le fait que l’appelant n’est pas son client pour refuser de fournir quelques informations utiles au procureur de l’appelant. Ce dernier se tourne vers Maheux et obtient le certificat d’actions de Maya lequel, à première vue, confirme la validité des Attestations et, du coup, l’absence de faute de l’intimée. Le fait que l’ARC soutienne que la date du certificat d’actions de Maya est fausse ne signifie pas, de ce seul fait, qu’elle n’est pas actionnaire de Cédrican.
[24] S’appuyant entre autres sur les Attestations délivrées par l’intimée ainsi que sur le certificat d’actions de Maya, l’appelant pouvait raisonnablement contester l’avis de cotisation de l’ARC. Soulignons qu’avant d’engager cette contestation en 2008, il demande à l’intimée des informations concernant les Attestations. Elle affirme ne se souvenir de rien.
[25] L’appelant ne pouvait certainement pas prévoir que le témoignage de l’intimée devant la CCI en octobre 2010 serait à ce point confus, vague et imprécis, pour ne pas dire davantage, que sa crédibilité en serait complètement minée.
[26] À titre d’exemple, l’intimée affirme sous serment à la CCI avoir procédé à la vérification du livre des minutes de Cédrican, notamment en consultant le registre des actions, pour délivrer les Attestations à l’appelant. Elle ne peut cependant fournir de détails concernant les informations qu’elle y a trouvées.
[27] En première instance, et contre toute attente, elle admet candidement avoir donné une information inexacte lors de son témoignage devant la CCI, puisqu’elle n’a jamais eu en mains le livre des minutes de Cédrican, ni son registre des actions. Comment l’intimée pouvait-elle raisonnablement affirmer à la CCI s’être assurée du pourcentage d’actions détenus par l’appelant dans Cédrican en 2003, alors qu’en janvier 2004, elle avisait son assureur que, selon toute vraisemblance, l’information attestée était inexacte?
[28] L’intimée admet également avoir obtenu en mars 2004 la confirmation que la Cession n’est pas encore réalisée. Pourtant, elle déclare sous serment devant la CCI avoir vu un certificat d’actions émis en 2003 lui permettant d’attester que l’appelant détenait moins de 10 % des actions de Cédrican, sachant que cette information est fausse.
[29] Il convient d’ajouter que les agissements de l’intimée ont empêché l’appelant de connaître plus tôt les faits générateurs de responsabilité. Le refus de l’intimée, en décembre 2005, de divulguer les informations l’ayant amenée à délivrer les Attestations s’ajoute à son omission de dénoncer la problématique à l’appelant dès janvier 2004. Cette obligation constituait pourtant l’inévitable corollaire des Attestations fournies à l’appelant quelques semaines auparavant.
[30] Le devoir de confidentialité de l’intimée ne peut justifier ses omissions. En lui demandant de transmettre à l’appelant les Attestations, Cédrican autorisait par le fait même l’intimée à communiquer toutes les informations à leur soutien. En outre, l’intimée savait que les Attestations visaient l’appelant. Elle ne pouvait ignorer que sa décision d’investir dans Cédrican était tributaire des Attestations. Elle a choisi de se taire jusqu’au dépôt de sa défense en août 2013, admettant les faits près de dix ans après avoir avisé son assureur de sa responsabilité potentielle.
[31] Avant le jugement de la CCI du 14 février 2011, dévastateur pour la crédibilité de l’intimée, l’appelant ne pouvait, au mieux, que soupçonner sa faute. En somme, le recours introduit en décembre 2012 n’était pas prescrit et le juge n’aurait pas dû le rejeter pour ce motif.
Le lien de causalité et les dommages
[32] Les parties conviennent que les cotisations émises par les autorités fiscales représentent un dommage direct découlant de la faute de l’intimée.
[33] De plus, l’appelant soutient avoir droit au remboursement de son placement. D’une part, il plaide que la JVM des actions n’a jamais été évaluée par l’intimée. Il ajoute que, de toute manière, il n’aurait jamais acquis d’actions de Cédrican s’il ne pouvait les inclure à son REER.
[34] L’intimée plaide l’absence de lien de causalité entre sa faute et la perte du placement, laquelle résulte de la fraude de Maheux, dont elle ne peut être tenue responsable.
[35] Comme déjà mentionné, le juge constate que la preuve ne permet pas de connaître la JVM des actions de l’appelant au moment de leur acquisition, malgré qu’il soit établi que l’intimée les ait évaluées à un dollar chacune en l’absence de vérification. L’appelant ne démontre à cet égard aucune erreur manifeste et déterminante.
[36] Cela étant, s’il est vrai que la faute de l’intimée aurait pu être sans conséquence sur la valeur du placement n’eût été la fraude de Maheux, il n’en demeure pas moins que l’appelant n’aurait jamais effectué son placement si l’intimée n’en avait pas certifié l’admissibilité, ce que reconnaît le jugement.
[37] La faute de l’intimée ne se limite pas à la délivrance erronée des Attestations. Lorsqu’informée en 2004 que la Cession n’est pas faite, elle se contente d’en aviser son assureur-responsabilité sans se soucier des conséquences pour l’appelant. Son comportement fautif se poursuit et s’aggrave en 2005 lorsqu’elle refuse de répondre à une demande formelle du procureur de l’appelant afin de lui transmettre les informations à l’appui des Attestations. En 2008, alors que l’appelant communique directement avec elle pour obtenir plus d’informations, elle soutient ne conserver aucun souvenir de l’affaire. Pourtant, elle admet au procès n’avoir communiqué avec son assureur-responsabilité qu’une seule fois dans sa carrière. Enfin, lors de son témoignage devant la CCI, elle se souvient soudainement avoir vérifié le livre des minutes de Cédrican, dont le registre des actions, et y avoir trouvé un certificat d’actions lui permettant de certifier à l’appelant qu’il détenait moins de 10 % des actions de la société.
[38] Il existe indéniablement un lien de causalité entre ces fautes de l’intimée et la perte du placement. La fraude de Maheux explique aussi le préjudice, mais ne rompt pas le lien de causalité. Les fautes de l’intimée ont contribué à la perte du placement et s’imbriquent avec celles de Maheux.
[39] Il convient de citer à ce sujet les propos de monsieur le juge Baudouin dans l’arrêt Lacombe c. André :
[58] En premier lieu, nous ne sommes pas ici dans une authentique hypothèse de rupture du lien causal. Il existe, depuis longtemps et surtout en matière de responsabilité professionnelle (médecins, notaires, avocats), une tendance de certaines décisions jurisprudentielles à avaliser une fausse application du principe connu sous le vocable latin du novus actus interveniens.
[59] En droit, pour qu'il y ait véritable rupture du lien causal, justifiant donc de décharger le premier auteur de la faute et de ne retenir que la responsabilité du second, une condition essentielle doit être respectée. Il faut, dans un premier temps, constater l'existence d'arrêt complet du lien entre la faute initiale et le préjudice, et, dans un second temps, la relance ou le redémarrage de celui-ci en raison de la survenance d'un acte sans rapport direct avec la faute initiale. Il ne peut en effet, en toute logique, y avoir de rupture lorsqu'il y a continuité dans le temps et donc rattachement causal des fautes l'une à l'autre.
[60] Dans le présent dossier, il me semble évident qu'on ne peut parler de rupture. Nous sommes, bien au contraire, en présence de deux fautes contributoires qui (et c'est là d'où vient la confusion) ne sont pas cependant simultanées mais étalées dans le temps. Chacune d'elles a pourtant contribué causalement au résultat.[7]
(Soulignements ajoutés)
[40] La séquence des événements démontre qu’il n’y a pas de rupture dans le temps entre les fautes de l’intimée et la perte du placement. De plus, il existe un rattachement causal entre ces fautes et celles de Maheux. L’omission de ce dernier de respecter son engagement de compléter la Cession est indissociable de la faute initiale de l’intimée au moment de l’émission des Attestations. Or, les agissements fautifs de Maheux s’inscrivent dans un continuum marqué par le refus de la CVMQ de permettre à la Coopérative de recevoir des placements, l’omission de céder le stock d’arbres à Cédrican et culminant avec le détournement des placements des investisseurs, dont l’appelant.
[41] Bien malgré elle, l’intimée, par ses agissements fautifs étalés dans le temps, a permis la fraude dont l’appelant a été victime. Elle admet d’ailleurs, devant la CCI, avoir été instrumentalisée dans la réalisation de cette fraude.
[42] Enfin, rappelons que l’intensité de la faute peut également, comme le souligne l’auteur Baudouin, avoir un impact sur l’analyse du lien de causalité :
On remarque, en troisième lieu, que la nature et l'intensité de la faute ont une influence certaine sur le tribunal. Si la faute est lourde ou intentionnelle, les tribunaux s'embarrassent peu de la recherche du lien de causalité. Ainsi, le propriétaire qui loue son véhicule en sachant pertinemment que les freins sont défectueux assume les conséquences de cette faute, même si la relation causale entre ce fait et l'accident n'apparaît pas nécessairement directe.[8]
(Soulignement ajouté; références omises)
[43] En l’espèce, la faute de l’intimée, sans être intentionnelle, doit être qualifiée de lourde. Dans ce contexte, l’appelant a également droit d’obtenir, à titre de dommages, le remboursement de son placement.
[44] En somme, les intimés doivent rembourser à l’appelant, en plus du placement perdu de 525 000 $, la cotisation fiscale versée à l’ARC de 141 870,79 $ et celle versée à Revenu Québec de 155 577,76 $, formant un total de 822 448,55 $.
POUR CES MOTIFS, LA COUR :
[45] ACCUEILLE l’appel.
[46] INFIRME le jugement de première instance.
[47] CONDAMNE solidairement les intimés à verser à l’appelant la somme de 822 448,55 $, le tout avec intérêts légaux et l’indemnité additionnelle depuis la date de l’assignation.
[48] LE TOUT, avec frais de justice en appel et les dépens en première instance.
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GUY GAGNON, J.C.A. |
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CLAUDE C. GAGNON, J.C.A. |
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ÉTIENNE PARENT, J.C.A. |
[1] Beaulieu c. Paquet, 2014 QCCS 3670.
[2] Afin d’alléger le texte, les références aux actions de Cédrican visent exclusivement les actions de catégorie B. D’autres conditions doivent aussi être satisfaites pour l’admissibilité d’un placement REER, mais elles ne sont pas en litige en l’espèce.
[3] Pièce P-12.
[4] Un rapport d’expertise obtenu par l’ARC conclut que l’encre utilisée a été apposée au plus tôt trois mois avant son analyse, soit vers le début de l’année 2006, excluant la possibilité d’une inscription le 30 septembre 2003. Ce rapport est transmis à l’appelant le 22 août 2006.
[5] Bolduc c. Lévis (Ville de), 2015 QCCA 1428, paragr. 53.
[6] Céline Gervais, La prescription, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2009, p. 109 et 110.
[7] Lacombe c. André, [2003] R.J.Q. 720, paragr. 58-60 (C.A.); voir aussi Laval (Ville de) (Service de protection des citoyens, département de police et centre d'appels d'urgence 911) c. Ducharme, [2012] R.J.Q. 2090, 2012 QCCA 2122, paragr. 64 et 65.
[8] Jean-Louis Baudouin, Patrice Deslauriers et Benoît Moore, La responsabilité civile, vol. I, 8ième édition, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2014, no 1-681, p. 719.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.