Décision

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Décision

Michel c. Fleurilus

2019 QCRDL 2955

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

426949 31 20181107 G

No demande :

2623944

 

 

Date :

29 janvier 2019

Régisseure :

Francine Jodoin, juge administrative

 

Jean Michel

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

Cendy Fleurilus

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      Le locateur demande la résiliation du bail au motif d’« insalubrité extrême du logement ».

LES FAITS

[2]      Les parties sont liées par un bail au loyer mensuel de 620 $. La locataire habite au logement comportant 4 1/2 pièces depuis 2014.

[3]      Le locateur explique qu’il a dû procéder à des traitements d’extermination dans l’immeuble, ce qui l’a amené chez la locataire à cinq ou six reprises. Le logement est sale, dit-il ,et en désordre. Il n’obtient pas de garantie sur les traitements effectués. Les coquerelles sont partout. Il reproche également à la locataire de ne pas sortir, en temps opportun, ses sacs de vidanges.

[4]      En août 2018, il a pris des photos qui montrent des saletés aux murs et un amoncellement sur la table de la cuisine de sacs et autres objets.

[5]       Il y a un an, il a assumé les frais d’une femme de ménage et regrette que la locataire n’ait pas maintenu son logement depuis.

[6]      La locataire explique qu’elle vit au logement avec sa fille autiste qui, lorsqu’elle fait des crises, peut lancer des choses au mur. Elle se dit, parfois, débordée, mais nettoie périodiquement, car cela se produit à répétition. Lorsque le locateur a pris les photos, elle n’a pas été prévenue de sorte qu’elle n’a pas été en mesure de mettre le logement en état. Depuis, dit-elle, tout est nettoyé (murs et planchers).

[7]      Elle respecte maintenant les règles sur la disposition des déchets.

[8]      Le Tribunal a informé le locateur des lacunes de sa preuve quant à l’absence de témoins des faits reprochés.

ANALYSE

[9]      Le recours du locateur est fondé sur l'article 1863 du Code civil du Québec qui donne ouverture à la résiliation du bail lorsqu'il est établi un manquement à une obligation contractuelle ou légale et que cela cause un préjudice sérieux.


[10]   La résiliation du bail est une sanction importante. La preuve y conduisant doit être liée à des faits graves et sérieux.

[11]   Les articles 1911 et 1912 du Code civil du Québec précisent que le locataire est tenu de maintenir son logement en bon état de propreté et qu'il a l'obligation d'assurer la sécurité et la salubrité de son logement.

[12]   Le locataire a, aussi, l’obligation d’user du logement en personne prudente et diligente (article 1855 du Code civil du Québec).

[13]   Quant aux normes réglementaires municipales sur la salubrité et l'entretien des logements, le Tribunal ne dispose d’aucun rapport d'inspection faisant état d’une infraction quelconque.

[14]   L’insalubrité d’un logement réfère à des situations qui peuvent rendre le logement en mauvais état d’habitabilité ou impropre à l’habitation. Un logement insalubre se caractérise par sa dangerosité pour ses occupants ou ses voisins, en raison de son état ou de ses conditions d'occupation.

[15]   En effet, le caractère impropre du logement se démontre lorsqu’il y a menace sérieuse pour la santé ou la sécurité du locataire ou des autres occupants (article 1913 du Code civil du Québec), ce qui n’est pas le cas en l’instance.

[16]   La preuve soumise démontre qu’à un certain moment, le logement était d’une propreté douteuse. Les murs présentent des marques de nourritures séchées, du gras, des traces noires, etc.

[17]   Par contre, le locateur a tort de reprocher l’encombrement et la présence de déchets au logement n’apparaît pas démesurée ou déraisonnable. Les ordures ménagères, déchets ou matières recyclables, semblent entreposés dans un récipient prévu à cette fin.

[18]   En l’occurrence, la preuve soumise est insuffisante pour conclure que l’état du logement de la locataire constitue la cause efficiente de la propagation ou difficulté d’enrayement des coquerelles dans l’immeuble.

[19]   Aussi, le Tribunal, même s’il est convaincu que la locataire doit faire des efforts pour maintenir son logement en bon état de propreté, il n’a pas été convaincu que la situation causait au locateur un préjudice sérieux qui puisse justifier la résiliation du bail.

[20]   À cet égard, il convient de rappeler qu’il n’existe pas de droit acquis à la résiliation du bail. Le Tribunal peut y substituer une ordonnance d’exécution en nature conformément à l’article 1973 du Code civil du Québec ou rejeter la demande, si au moment de l’audience, le locataire a remédié à son défaut. L’auteur  Pierre-Gabriel Jobin, l’énonce en ces termes[1]  :

« La résiliation est assujettie à une autre règle très importante: le locateur, victime d'une faute du locataire, ne possède pas de droits acquis à la résiliation, en ce sens que, dans certaines circonstances, elle sera refusée par le tribunal même si la faute et le préjudice sérieux sont clairement établis. La même doctrine d'absence de droits acquis existe d'ailleurs dans la résiliation pour une faute du locateur16. Elle s'applique, avec des modalités quelque peu différentes, dans le louage résidentiel et dans le louage non résidentiel. Elle découle soit de certains textes du Code civil, soit de décisions des tribunaux. Pour en préciser les sources, il faut distinguer deux cas principaux.

[...]

La doctrine d'absence de droits acquis à la résiliation est donc bien établie. Dans la plupart des cas, elle se justifie par le fait que, le débiteur ayant remédié à son défaut, l'action n'a plus d'objet ou encore le locateur ne subit plus de préjudice sérieux. Cette doctrine réalise un heureux équilibre entre des objectifs opposés, soit: d'un côté, la nécessité de sanctionner la faute du locataire et le souci légitime du locateur de se défaire d'un locataire indésirable, et, de l'autre côté, la recherche de la stabilité contractuelle, le souci d'éviter une sévérité excessive à l'égard du locataire qui s'est amendé et, dans le louage résidentiel, le maintien du locataire dans son logement. » [Notre soulignement]

[21]   À la lumière de la preuve, le Tribunal est d’avis qu’il n’y a pas lieu de prononcer la résiliation du bail. La locataire a été conscientisée à certaines problématiques quant à la propreté de son logement et la disposition des déchets. Elle devra, évidemment, continuer de se préoccuper de l’état de son logement et le maintenir en bon état.

[22]   Considérant, toutefois, la situation qui existait au moment de l’introduction du recours, le Tribunal accordera les frais au locateur.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[23]   CONDAMNE la locataire à payer au locateur les frais judiciaires de 85 $;

[24]   REJETTE la demande quant au surplus.

 

 

 

 

 

 

 

 

Francine Jodoin

 

Présence(s) :

le locateur

la locataire

Date de l’audience :  

22 janvier 2019

 

 

 


 



[1] Jobin, Pierre-Gabriel, Le louage, Collection Traité de droit civil, 2e édition, Centre de recherche en droit privé et comparé du Québec, 1996, EYB, approx. 24 pages. Office municipal d'habitation de de joliette c. Gaudet, 2017 QCRDL 6796, Propriétés Tongda inc. c. Rodriguez, 2017 QCRDL 34745, Ibnouhajar c. Poirier, R. L. 31-010807-091G (25 septembre 2002), Lamothe c. Ferrera, 2013 QCRDL 22124.

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