Hardy c. 6466931 Canada inc.( 2964-0968 Québec inc.) (Groupe Turek)

2010 QCRDL 25128

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau de Montréal

 

No :          

31 090206 053 T 100423

 

 

Date :

28 juin 2010

Régisseur :

Serge Adam, juge administratif

 

Patrick Hardy

 

Élaine LÉvesque

 

Locataires - Partie demanderesse

c.

6466931 Canada Inc.

(2964-0968 Québec Inc)

Groupe Turek

 

Locateur - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Les locataires demandent la rétractation d'une décision rendue le 7 avril 2010, à la suite d’une audience tenue le 15 mars 2010, à laquelle ils étaient présents.

[2]         La décision contestée accueille la demande du locateur et condamne les locataires à payer une somme de 3 412 $, représentant une indemnité de relocation.

[3]         Les locataires déclarent qu'ils sont insatisfaits de la décision rendue le 7 avril 2010. Ils reprochent au régisseur d'avoir mal apprécié la preuve soumise en défense et ne pas avoir pris en considération leurs arguments, notamment  les rapports des inspecteurs.

[4]         Le locateur, pour sa part, s'oppose à rétractation de la décision rendue qu'il considère bien fondée en faits et en droit.

[5]         Il explique que la régisseure a bel et bien examiné toute la preuve des locataires.

[6]         Le locataire à l’audience reconnaît avoir présenté sa preuve mais ne pas avoir présenté d’autres preuves qu’il considère importantes. Il précise avoir été empêché de présenter une preuve par surprise.

[7]         Le recours des locataires se fonde sur l'article 89 de la Loi sur la Régie du logement qui se lit comme suit :

« 89.         Si une décision a été rendue contre une partie qui a été empêchée de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, cette partie peut en demander la rétractation.

                Une partie peut également demander la rétractation d'une décision lorsque la Régie a omis de statuer sur une partie de la demande ou s'est prononcée au-delà de la demande.


                La demande de rétractation doit être faite par écrit dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l'empêchement.

                La demande de rétractation suspend l'exécution de la décision et interrompt le délai d'appel ou de révision jusqu'à ce que les parties aient été avisées de la décision.»

[8]         Ce que demandent les locataires, c'est d'apprécier la justesse de la décision de la régisseure de refuser de considérer toute sa preuve, ainsi que l'analyse de celle-ci faite par cette dernière.

[9]         Questionné par le tribunal si les locataires ont demandé à la régisseure d’ajourner afin d’obtenir d’autres preuves qu’ils considéraient importantes, celui-ci nous a précisé qu’il ne connaissait pas les règles d’un tribunal, n’ayant aucune expérience à cet égard.

[10]     Le tribunal a écouté entièrement la cassette audio de cette audience et en aucun cas les locataires n’ont été empêchés de présenter toute preuve qu’ils jugeaient pertinente.

[11]     Or, l'appréciation de la preuve relève de l'entière discrétion du juge qui préside le procès.

[12]     À ce sujet, l'honorable juge Desjarlais, dans la cause Fairway House Enr. c. Wolofsky, mentionne[1] :

« L'empêchement de présenter une preuve qui origine du refus d'un juge d'entendre un témoignage qu'il ne juge pas pertinent ne peut faire l'objet d'une demande de rétractation, mais plutôt d'une demande d'appel. On ne peut en effet demander à la Régie du logement d'accorder la rétractation pour ce motif, car ce serait confier au régisseur siégeant en rétractation une fonction qui va au-delà de sa compétence : celle de juger de la justesse de la décision d'un collègue, une tâche réservée tant à la Cour provinciale siégeant en appel dans les cas prévus à l'article 91 de la Loi sur la Régie du logement qu'à la Régie du logement siégeant en révision des décisions portant sur une demande dont le seul objet est la fixation, la révision ou le réajustement de loyer.

Dans cette cause, on a demandé à un régisseur de la Régie du logement de prononcer la rétractation d'une décision d'un autre régisseur qui a refusé d'entendre la preuve d'un témoin qu'il jugeait inutile.

Ce n'était pas de la compétence du régisseur siégeant en rétractation de juger du bien-fondé de la décision de son collègue qui, au mérite, a décidé de ne pas entendre un témoin, mais plutôt au palier supérieur en l'instance, le tribunal de révision, puisqu'il s'agit de réajustement de loyer, suivant la Loi sur la fiscalité municipale, à décider s'il doit entendre ce témoin et à s'exécuter, s'il y avait lieu. »

[13]     Considérant que le motif invoqué par les locataires ne donne pas ouverture à la rétractation, leur demande doit être rejetée. De plus, l'insatisfaction d'une partie face à une décision rendue ne constitue pas un motif de rétractation, mais plutôt un motif d'appel.

[14]     À ce sujet, madame Thérèse Rousseau-Houle et Me Martine de Billy, écrivent dans leur traité sur le bail d'un logement :

« L'article 89 ne peut être utilisé à titre d'appel déguisé. Si une partie n'est pas satisfaite de la décision rendue, elle ne peut pas en demander la rétractation afin de présenter une meilleure preuve.

On ne peut en effet demander à la Régie du logement d'accorder la rétractation pour ce motif, car ce serait confier au régisseur siégeant en rétractation une fonction qui va au-delà de sa compétence : celle de juger de la justesse de la décision d'un collègue, une tâche réservée tant à la Cour provinciale siégeant en appel dans les cas prévus à l'article 91 de la Loi sur la Régie du logement siégeant en révision des décisions portant sur une demande dont le seul objet est la fixation, la révision ou le réajustement de loyer. »[2]

[15]     En l'instance, les locataires n'ont pas démontré avoir été empêchés de fournir une preuve par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante et en conséquence, le tribunal ne peut faire droit à leur demande.


POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[16]     REJETTE la demande de rétractation;

[17]     MAINTIENT la décision rendue le 15 avril 2010.

 

 

 

 

 

Serge Adam

 

Présence(s) :

le locataire

Me Moe Liebman, avocat des locataires

le mandataire du locateur

Date de l’audience :  

14 juin 2010

 


 



[1] C.Q., 500-02-018264-841.

[2] Rousseau-Houle, Thérèse et Martine de Billy, Le bail du logement, Montréal, 1989, Wilson et Lafleur, p. 310.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.