Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales c. Procureur général du Québec | 2023 QCCA 775 | ||||
COUR D’APPEL | |||||
| |||||
CANADA | |||||
PROVINCE DE QUÉBEC | |||||
GREFFE DE
| |||||
N° : | |||||
(500-17-112703-205) | |||||
| |||||
DATE : | 5 juillet 2023 | ||||
| |||||
| |||||
| |||||
| |||||
ASSOCIATION DES PROCUREURS AUX POURSUITES CRIMINELLES ET PÉNALES | |||||
APPELANTE – demanderesse | |||||
c. | |||||
| |||||
PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC | |||||
MINISTRE DE LA JUSTICE DU QUÉBEC | |||||
INTIMÉS – défendeurs | |||||
| |||||
ARRÊT RECTIFICATIF | |||||
[de l’arrêt prononcé le 12 juin 2023] | |||||
| |||||
| |||||
[1] Il appert que l’arrêt du 12 juin 2023 comporte quelques erreurs matérielles qu’il convient de rectifier aux paragraphes 67 et 68 des motifs en remplaçant le mot « appelante » par une référence aux « intimés » et le mot « exigeante » est remplacé par le mot « différente », comme suit :
[67] Les intimés, toutefois, font une différence entre le degré d’indépendance des juges et celui des PPCP. Ils affirment que l’indépendance des PPCP serait seulement fonctionnelle et non institutionnelle, contrairement à celle dont l’organe judiciaire — et, par extension, les juges — bénéficie. Ils appellent donc la Cour à reconnaître les différences entre les deux professions et à appliquer une norme de contrôle différente que celle applicable en matière de rémunération des juges.
[68] Les intimés ont raison lorsqu’ils affirment qu’il existe des différences entre les juges et les PPCP. Par exemple, ces derniers ne sont pas inamovibles, ils peuvent négocier leurs conditions de travail, ils peuvent faire partie d’une association et ils sont membres d’un ordre professionnel. Par contre, ces différences ne sont aucunement déterminantes quant à la norme de contrôle applicable.
[2] Un arrêt rectifié intégrant ces corrections est annexé au présent arrêt.
POUR CES MOTIFS, LA COUR :
[3] RECTIFIE l’arrêt du 12 juin 2023 et Y APPORTE les corrections suivantes, intégrées à l’arrêt rectifié (ci-joint) :
[67] Les intimés, toutefois, font une différence entre le degré d’indépendance des juges et celui des PPCP. Ils affirment que l’indépendance des PPCP serait seulement fonctionnelle et non institutionnelle, contrairement à celle dont l’organe judiciaire — et, par extension, les juges — bénéficie. Ils appellent donc la Cour à reconnaître les différences entre les deux professions et à appliquer une norme de contrôle différente que celle applicable en matière de rémunération des juges.
[68] Les intimés ont raison lorsqu’ils affirment qu’il existe des différences entre les juges et les PPCP. Par exemple, ces derniers ne sont pas inamovibles, ils peuvent négocier leurs conditions de travail, ils peuvent faire partie d’une association et ils sont membres d’un ordre professionnel. Par contre, ces différences ne sont aucunement déterminantes quant à la norme de contrôle applicable.
[4] Sans frais de justice.
| ||
|
| |
| MARK SCHRAGER, J.C.A. | |
| ||
|
| |
| PATRICK HEALY, J.C.A. | |
| ||
|
| |
| FRÉDÉRIC BACHAND, J.C.A. | |
| ||
| ||
| ||
Me Joël Mercier | ||
CASAVANT BÉDARD | ||
Pour l’appelante | ||
| ||
Me Sébastien Gobeil | ||
Me Marc-André Boucher | ||
FASKEN MARTINEAU DUMOULIN | ||
Pour les intimés | ||
| ||
Date d’audience : | 18 avril 2023 | |
Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales c. Procureur général du Québec | 2023 QCCA 775 | ||||
COUR D’APPEL | |||||
| |||||
CANADA | |||||
PROVINCE DE QUÉBEC | |||||
GREFFE DE
| MONTRÉAL | ||||
N° : | 500-09-029968-229 | ||||
(500-17-112703-205) | |||||
| |||||
DATE : | 12 juin 2023 | ||||
| |||||
| |||||
FORMATION : | LES HONORABLES | MARK SCHRAGER, J.C.A. PATRICK HEALY, J.C.A. FRÉDÉRIC BACHAND, J.C.A. | |||
| |||||
| |||||
ASSOCIATION DES PROCUREURS AUX POURSUITES CRIMINELLES ET PÉNALES | |||||
APPELANTE – demanderesse | |||||
c. | |||||
| |||||
PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC | |||||
MINISTRE DE LA JUSTICE DU QUÉBEC | |||||
INTIMÉS – défendeurs | |||||
| |||||
| |||||
ARRÊT RECTIFIÉ (5 juillet 2023) | |||||
| |||||
| |||||
[1] L’appelante se pourvoit contre un jugement rendu le 23 février 2022 par la Cour supérieure, district de Montréal (l’honorable Christian Immer), lequel rejette sa demande de pourvoi en contrôle judiciaire.
[2] Pour les motifs du juge Schrager, auxquels souscrivent les juges Healy et Bachand, LA COUR :
[3] REJETTE l’appel, mais sans les frais de justice vu la dimension d’intérêt public des questions soulevées par l’appelante.
| ||
|
| |
| MARK SCHRAGER, J.C.A. | |
|
| |
|
| |
| PATRICK HEALY, J.C.A. | |
|
| |
|
| |
| FRÉDÉRIC BACHAND, J.C.A. | |
| ||
Me Joël Mercier | ||
CASAVANT BÉDARD | ||
Pour l’appelante | ||
| ||
Me Sébastien Gobeil | ||
Me Marc-André Boucher | ||
FASKEN MARTINEAU DUMOULIN | ||
Pour les intimés | ||
| ||
Date d’audience : | 18 avril 2023 | |
|
MOTIFS DU JUGE SCHRAGER |
|
|
[4] L’appelante se pourvoit contre un jugement rendu le 23 février 2022 par la Cour supérieure, district de Montréal (l’honorable Christian Immer), lequel rejette sa demande de pourvoi en contrôle judiciaire[1].
[5] Le contexte de l’affaire est bien résumé par le juge de première instance :
[1] Les procureurs aux poursuites criminelles et pénales (« PPCP ») sont regroupés au sein de l’Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales. Pendant la première décennie du nouveau millénaire, les relations entre l’Association et le gouvernement sont minées par des conflits importants. En 2011, une entente intervient (l’« Entente ») qui prévoit que l’État québécois instaurera un régime de détermination de la rémunération des PPCP similaire à celui gouvernant la rémunération des juges de la Cour du Québec et de certaines cours municipales.
[2] La Loi sur le processus de détermination de la rémunération des procureurs aux poursuites criminelles et pénales et sur leur régime de négociation collective (ci-après la « Loi ») est donc adoptée et dorénavant, l’Association et le DPCP ne négocient plus la rémunération des PPCP. C’est un comité de rémunération autonome qui évalue à tous les quatre ans divers éléments de cette rémunération en tenant compte de facteurs préétablis. Ce comité dresse ensuite un rapport dans lequel il formule ses recommandations. Il le remet au gouvernement qui le dépose à l’Assemblée nationale. Le gouvernement peut alors faire des recommandations à l’Assemblée Nationale [sic] quant au bien-fondé des recommandations du rapport. L’Assemblée nationale peut par résolution motivée approuver, modifier ou rejeter les recommandations. En contrepartie de la mise en place de ce mécanisme, la Loi retire aux PPCP le droit grève.
[3] Un premier comité, le Comité Bouchard, est institué fin 2014 pour faire des recommandations pour le premier cycle de quatre ans s’étendant du 1er avril 2015 au 31 mars 2019. Ce Comité Bouchard reçoit les observations des parties, tient des audiences et rend un rapport dans lequel il propose 13 recommandations, dont une majoration des taux et des échelles de traitement totale de 10%, échelonnée sur quatre ans (2,5% par année), sans indexation additionnelle reliée au coût de la vie. Ces recommandations sont adoptées en bloc par une résolution de l’Assemblée nationale.
[4] Fin 2018, un deuxième comité, le Comité Lemay, est institué pour le prochain cycle de quatre ans s’étendant du 1er avril 2019 au 31 mars 2023. Il reçoit les observations des parties, tient des audiences et rend un rapport (le « Rapport »).
[5] C’est là que le tout se gâte, d’où le présent litige.
[6] Il y a désaccord entre les trois membres du Comité Lemay sur une seule recommandation dans le Rapport, mais non la moindre, soit celle relative au traitement. Les deux membres majoritaires recommandent des hausses de 3,5% annuelles sur quatre ans, soit 14% au total, auxquelles ils ajoutent une indexation au coût de la vie maximale de 1,75% pour les trois dernières années pour une augmentation totale potentielle sur quatre ans pouvant atteindre 19,25%, exclusion faite de l’effet composé. Le troisième membre dissident recommande plutôt des augmentations de 3,5%, 2,5%, 2% et 2%, pour un total de 10%, et ce, sans indexation.
[7] Le gouvernement dépose le Rapport à l’Assemblée nationale et prépare une réponse détaillée (la « Réponse »). Le gouvernement propose à l’Assemblée nationale d’accepter les recommandations 2 à 6 du Rapport à l’égard desquels il y a consensus entre les membres du Comité. Quant à la recommandation 1, le gouvernement explique, de façon détaillée, les motifs de son désaccord avec les membres majoritaires du Comité Lemay et il propose de donner effet à la recommandation du membre dissident. L’Assemblée nationale, après débats, adopte une résolution, sur une motion présentée par la ministre de la Justice, l’honorable Sonia LeBel. Cette résolution fait « siennes la position et les justifications du gouvernement exposées dans sa Réponse » (la « Résolution »).
[8] L’Association institue alors le présent recours. Elle est d’avis que le Tribunal peut exercer un contrôle judiciaire sur la Résolution et la Réponse et elle invite le Tribunal à appliquer les principes énoncés par la Cour suprême en matière de rémunération des juges qui seraient, selon elle, intégralement transposables au mécanisme prévu dans la Loi. Elle avance que la Réponse du gouvernement est illégitime, que les motifs invoqués par le gouvernement n’ont pas de fondement factuel raisonnable et que le mécanisme d’examen du Comité Lemay n’a pas été respecté. En d’autres mots, l’Assemblée nationale, en adoptant la Réponse, ne donne pas d’effet concret aux recommandations du Rapport, contrairement à ce qu’impose la jurisprudence de la Cour suprême. L’Association est d’avis que le Tribunal, comme remède, peut imposer la décision des membres majoritaires du Comité à l’Assemblée nationale et qu’il n’y a pas lieu de renvoyer le tout à l’Assemblée nationale pour reconsidération.
[9] Le PGQ réplique que le gouvernement a pleinement participé au mécanisme d’examen, ce qui, en soi, montre le respect qu’il porte au Comité Lemay et au Rapport. Qui plus est, l’Assemblée nationale adopte cinq des six recommandations du Rapport, ne divergeant d’opinion avec les membres majoritaires que sur la première recommandation. Là encore, l’Assemblée nationale accepte le traitement que le membre dissident propose (10% sur quatre ans), bien que ce traitement soit supérieur à ce que le gouvernement avait proposé au Comité, soit 7%. Le PGQ ajoute que les motifs exposés dans la Réponse sont rationnels. D’abord, les membres majoritaires du Comité ne respectent pas le cadre de la Loi puisqu’ils fixent comme seuil minimal les structures salariales des procureurs qui exercent leur profession ailleurs qu’au Québec. Ensuite, le Comité exclut d’autres facteurs dont il doit tenir compte, incluant celui du paragraphe 19.4 (60) de la Loi ayant trait aux « conditions de travail et de rémunération des avocats du secteur privé québécois et d’autres salariés de l’État ». Il relève plusieurs erreurs méthodologiques que les membres majoritaires auraient commises et qui vicient son raisonnement.
[Renvois omis]
[6] Les PPCP cherchent donc à faire invalider la Réponse, qui ensuite fut adoptée par l’Assemblée nationale au moyen d’une résolution (la « Résolution ») face aux recommandations du Comité Lemay (« Comité Lemay » ou « Comité »).
[7] Au risque de répéter ce qu’a déjà énoncé le juge, voici les éléments essentiels du cadre législatif applicable.
[8] À la suite des moyens de pression exercés par les PPCP, le gouvernement et les PPCP signent une entente de principe le 21 septembre 2011 (l’« Entente »)[2]. Pour ce qui est de la période entre le 1er avril 2011 jusqu’au 30 mars 2015, les parties conviennent d’échelles salariales applicables, de primes et allocations et des conditions de travail[3]. Le gouvernement s’engage également, suivant l’Entente, à adopter une loi qui instituerait pour les PPCP un régime de rémunération semblable à celui des juges. La Loi sur le processus de détermination de la rémunération des procureurs aux poursuites criminelles et pénales et sur leur régime de négociation collective (la « Loi »)[4] est donc adoptée en 2011 et vient modifier la Loi abrogeant la Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et de certains organismes publics et modifiant la Loi sur le régime de négociation collective des procureurs aux poursuites criminelles et pénales. La Loi prévoit notamment l’absence de droit de grève pour les PPCP[5] et la création d’un comité qui a pour fonction d’évaluer la rémunération des PPCP tous les quatre ans[6]. Les facteurs, au nombre de six, à prendre en compte par les trois membres du comité sont énoncés à l’article 19.14 de la Loi :
19.14. Le comité prend en considération les facteurs suivants:
| 19.14. The committee shall consider the following factors: |
1° les particularités de la fonction de procureur;
| (1) the particularities of attorneys’ functions;
|
2° la nécessité d’attirer des avocats ayant les aptitudes et les qualités requises pour exercer la fonction de procureur;
| (2) the need to attract advocates possessing the skills and qualifications required for the office of attorney; |
3° les conditions de travail et la rémunération globale par heure travaillée des procureurs au Québec et ailleurs au Canada en tenant compte des différences quant au coût de la vie et quant à la richesse collective;
| (3) the conditions of employment and the total remuneration per hour of work of attorneys in Québec and elsewhere in Canada, taking differences in the cost of living and collective wealth into account; |
4° les responsabilités assumées par les procureurs au Québec et ailleurs au Canada, leur charge de travail, les exigences requises par les employeurs, les structures salariales et les problématiques d’attraction et de rétention;
| (4) the responsibilities of attorneys in Québec and elsewhere in Canada, their workload, the requirements of employers, salary structures and difficulties in attracting and retaining attorneys; |
5° la conjoncture économique du Québec, la situation générale de l’économie québécoise et l’état des finances publiques du Québec;
| (5) the economic situation prevailing in Québec, the general state of the Québec economy and the state of Québec’s public finances; |
6° les conditions de travail et la rémunération des avocats du secteur privé québécois et d’autres salariés de l’État;
| (6) the conditions of employment and the remuneration of advocates in Québec’s private sector and those of other employees of the State; and |
7° tout autre facteur que le comité estime pertinent. | (7) any other factor considered relevant by the committee. |
[9] L’article 19.16 de la Loi quant à lui prévoit la capacité du gouvernement, par résolution motivée, d’approuver, modifier ou rejeter en tout ou en partie les recommandations du comité :
19.16. L’Assemblée nationale peut par résolution motivée approuver, modifier ou rejeter en tout ou en partie les recommandations du comité. Le gouvernement prend avec diligence les mesures requises pour mettre cette résolution en œuvre et, le cas échéant, rétroactivement à la date d’échéance de l’entente.
| 19.16. The National Assembly may approve, amend or reject some or all of the committee’s recommendations, by way of a resolution stating the reasons on which it is based. The Government shall take, with diligence, the necessary steps to implement the resolution and, if need be, do so retroactively to the expiry date of the agreement.
|
Si l’Assemblée nationale n’adopte pas une résolution, au plus tard le 45e jour de séance suivant le dépôt du rapport du comité, le gouvernement prend avec diligence les mesures requises pour mettre ces recommandations en oeuvre.
| If the National Assembly fails to adopt a resolution on or before the 45th day of sitting following the day on which the committee’s report is tabled, the Government must take, with diligence, the necessary steps to implement the recommendations.
|
Les conditions de travail qui font l’objet de la résolution de l’Assemblée nationale ou, à défaut, des recommandations du comité sont réputées faire partie de l’entente visée à l’article 12. | The conditions of employment that are the object of the National Assembly resolution or, if there is none, of the committee’s recommendations are deemed to be part of the agreement referred to in section 12. |
| [Soulignement ajouté] |
[10] Dans un jugement étoffé de 51 pages, le juge débute son analyse des questions en litige en se penchant sur la norme de contrôle qu’il convient d’appliquer. À cette fin, il détermine d’abord si les questions qui lui sont posées relèvent du droit administratif ou plutôt du droit constitutionnel. Estimant ne pas se trouver dans une situation où il s’agit de contrôler judiciairement la décision d’un tribunal, un organisme ou un représentant de l’État, le juge écarte d’emblée le cadre d’analyse établi dans l’arrêt Vavilov[7]. Il estime plutôt que la Résolution relève du pouvoir souverain de l’Assemblée nationale, ayant comme unique assise la Constitution du Canada[8].
[11] Le juge procède ensuite à une analyse exhaustive de la jurisprudence de la Cour suprême sur la rémunération des juges afin d’analyser son applicabilité au contexte de la rémunération des PPCP. Considérant l’indépendance dont jouissent les PPCP par rapport à l’exécutif et au législatif, et considérant la position « intrinsèquement désavantageuse » dans laquelle les PPCP se trouvent puisque la Loi leur retire leur droit de grève, le juge arrive à la conclusion que le cadre d’analyse développé dans Bodner[9] doit s’appliquer à la Résolution du gouvernement[10].
[12] Le juge passe donc à l’application du test développé dans Bodner, lequel appelle une analyse axée sur trois questions, soit celle de la légitimité des motifs invoqués par le gouvernement, celle du caractère raisonnable du fondement factuel de ces motifs et celle de savoir si les objectifs du recours à une commission indépendante ont été respectés. En l’espèce, le juge décide d’analyser conjointement les deux premières étapes du test, soit la légitimité des motifs et leur fondement factuel raisonnable[11].
[13] Le juge rejette d’emblée le premier motif fourni par le gouvernement, selon lequel la moyenne canadienne ne peut servir de seuil minimal de rémunération aux PPCP[12]. Il estime plutôt que la moyenne constitue un « point de départ tangible » et que, lorsque justifiée par les autres facteurs, elle peut servir d’objectif à atteindre[13]. Le premier motif du gouvernement est écarté puisqu’il cherche à décrédibiliser le rapport du Comité Lemay sans porter attention aux recommandations et à leur justification[14].
[14] En ce qui concerne le deuxième et le troisième motifs, le juge les analyse conjointement au regard des six facteurs énoncés à l’article 19.14 de la Loi[15].
[15] En ce qui a trait au deuxième facteur, le juge retient qu’il est raisonnable pour le gouvernement de plaider qu’il n’existe pas, dans les faits, un problème de rétention et d’attraction de procureurs d’expérience[16]. Le juge retient en effet que le gouvernement s’appuie sur des faits raisonnables et par ailleurs acceptés par le Comité Lemay afin d’écarter l’analyse faite par ce dernier[17].
[16] S’agissant du troisième facteur, le juge énonce ensuite ce qui constitue le point de désaccord majeur entre, d’une part, les membres majoritaires du Comité Lemay et, d’autre part, le membre minoritaire et le gouvernement. Les premiers utilisent la « moyenne pondérée » et arrivent à un écart de 13,7 % entre les procureurs du Québec et ceux des autres provinces[18]. Les autres emploient plutôt une moyenne arithmétique et concluent à un écart de 3,6 %[19]. Le juge se dit d’avis que l’analyse du facteur 3 par le gouvernement s’appuie sur un fondement factuel raisonnable et que, comme il ne rejette pas en bloc les recommandations du Comité Lemay en ordonnant une hausse de 5 % et suit ainsi la recommandation du membre dissident, le gouvernement donne une « attention soutenue au rapport »[20].
[17] En ce qui concerne le facteur 4, le juge retient également que l’analyse du gouvernement est valide. Il estime qu’il est raisonnable pour le gouvernement de soutenir que le Comité Lemay ne s’est pas penché sur la charge de travail des PPCP et constate qu’il n’est pas irrationnel de conclure que le facteur 4 ne milite pas en faveur d’une hausse de traitement[21].
[18] Le juge estime également que la Réponse du gouvernement au facteur 5 donne un effet concret au rapport[22].
[19] En ce qui concerne le facteur 6, le juge estime que les membres majoritaires se devaient de comparer la rémunération des PPCP avec celle des autres fonctionnaires de l’État et ne pouvaient rejeter ce critère simplement au motif que leurs responsabilités sont différentes[23]. Toutefois, il accueille seulement en partie les arguments du gouvernement sur cette question, jugeant que ce dernier n’a pas suffisamment cherché à déterminer quel serait le traitement approprié pour les PPCP[24].
[20] Ensuite, analysant globalement la Réponse du gouvernement, le juge réitère que le différend qui se présente devant lui peut se réduire à la question de savoir si le choix de privilégier la moyenne arithmétique est légitime et rationnel[25]. Il répond à cette question par l’affirmative.
[21] Finalement, le juge trouve utile de faire quelques remarques sur les pouvoirs du tribunal dans de telles circonstances. Il suggère que s’il avait conclu à l’invalidité de la réponse du gouvernement, il aurait renvoyé le tout à l’Assemblée nationale pour une reconsidération des facteurs 3, 5 et 6[26].
[22] La Cour doit décider des questions suivantes :
i) Quelle est la norme d’intervention applicable en appel?
ii) La Cour supérieure a-t-elle correctement choisi la norme de contrôle décrite dans Bodner?
iii) Est-ce que la norme a été correctement appliquée?
[23] L’appelante avance deux arguments relatifs à la norme de contrôle applicable devant la Cour supérieure. D’une part, elle avance que le juge de première instance s’est trompé dans l’application de la norme de l’arrêt Bodner[27]. Le juge aurait utilisé la norme de la « décision rationnelle », alors que, selon elle, il aurait dû appliquer celle de la « simple rationalité ». D’autre part, l’appelante argue que, de toute manière, le juge aurait dû appliquer la norme de la décision raisonnable de l’arrêt Vavilov. Elle ajoute que l’application erronée de la norme de l’arrêt Bodner a conduit le juge à faire preuve d’une déférence excessive à l’égard de la Réponse du gouvernement et de la Résolution de l’Assemblée nationale.
[24] S’appuyant sur les enseignements de l’arrêt Vavilov, l’appelante prétend également que le juge ne pouvait remodeler les motifs énoncés par le gouvernement dans sa Réponse. Ce faisant, le juge se serait mis dans une posture justificative des motifs du gouvernement sans en examiner la teneur ni le raisonnement.
[25] Quant au fond de la Réponse, l’appelante estime que le gouvernement n’a pas donné suffisamment de poids à la recommandation du Comité Lemay. Le gouvernement n’aurait ainsi pas adéquatement tenu compte de l’Entente, laquelle retire le droit de grève aux PPCP. L’appelante sous-entend que le gouvernement aurait aussi manqué à son obligation de mettre en place un mécanisme de règlement des différends efficace au sens où l’entend la Cour suprême dans l’arrêt Saskatchewan Federation of Labour[28].
[26] Plus exactement, l’appelante estime qu’il était illégitime de la part du gouvernement de rejeter la recommandation du Comité Lemay sur la base de considérations d’équité interne. Elle est d’avis que l’obligation du comité est de déterminer la rémunération adéquate des PPCP et que le gouvernement ne peut s’appuyer sur la rémunération de ses cadres pour imposer indirectement un plafond salarial aux PPCP. Agir de la sorte serait contraire à l’obligation de bonne foi incombant au gouvernement et saperait l’utilité même du recours à un comité afin de déterminer le salaire des PPCP.
[27] S’attaquant également au deuxième motif de la Réponse, l’appelante soutient que le Comité Lemay a exercé sa compétence en ce qui concerne le sixième facteur à analyser et que, contrairement à ce qu’allègue le gouvernement, il a simplement conclu que les données relatives à la rémunération des avocats de la pratique privée étaient non concluantes.
[28] En ce qui a trait au troisième motif de la Réponse, l’appelante prétend que le comité a accordé un poids approprié au troisième facteur énoncé à l’article 19.16 de la Loi. Elle ajoute que la Réponse suppose erronément que le Comité ne peut donner le poids qu’il estime approprié aux différents facteurs, de sorte qu’elle contrevient tant à l’entente intervenue en 2011 qu’à l’obligation incombant au gouvernement de mettre en place un mécanisme de règlement des différends adéquat. L’appelante ajoute que le Comité pouvait choisir la méthode de calcul d’une moyenne qu’il estimait justifiée dans les circonstances et que le gouvernement ne pouvait, par sa Réponse, imposer au comité l’utilisation de la moyenne arithmétique. Cela équivaudrait à donner au gouvernement un veto relativement aux facteurs à pondérer, ce qui irait à l’encontre des objectifs poursuivis par la Loi. L’appelante ajoute que ni l’opinion dissidente ni la Réponse du gouvernement ne donne d’indications sur le fondement des pourcentages d’augmentation retenus par le gouvernement. Pour l’appelante, cette lacune démontre l’illégitimité du motif de la Réponse.
[29] Enfin, en ce qui concerne la réparation appropriée, l’appelante estime que l’arrêt Vavilov permet à la Cour d’ordonner que la recommandation majoritaire du Comité soit mise en œuvre.
[30] Faisant des distinctions entre les conditions de travail des juges et celles des PPCP, les intimés proposent des normes de contrôle encore plus déférentielles que celles établies dans l’arrêt Bodner. Ainsi, ils proposent que les motifs du gouvernement de ne pas suivre le Comité devraient être « intelligibles » plutôt que « légitimes ».
[31] De toute manière, les intimés soutiennent que les arguments du gouvernement sont rationnels et valides vu qu’il accepte cinq des six recommandations du Comité et aussi, au sujet du salaire, qu’il a accepté l’opinion du membre dissident.
[32] Reprenant les facteurs à analyser aux fins de la Loi, les intimés jugent rationnelle et légitime la position selon laquelle les finances du Québec appellent à la prudence en considération du facteur 5. Ils estiment également que l’argument selon lequel les PPCP ne doivent pas être rémunérés en deçà de la moyenne canadienne a pour effet de créer un « seuil minimal » injustifié.
[33] Considérant le facteur 6, les intimés avancent que le Comité Lemay a manqué à sa tâche en ne comparant pas les avocats de la pratique privée aux PPCP. Ils soutiennent qu’il n’est pas de leur ressort de mettre de côté un critère prescrit par la Loi. Les intimés affirment également que le comité a négligé de comparer les PPCP aux autres salariés de l’État et qu'il a donné trop de poids à la rémunération des procureurs des autres provinces. Les intimés estiment également que les affirmations du Comité selon lesquelles il pourrait être difficile de recruter des avocats d’expérience dans le futur sont purement hypothétiques et sans fondement. Selon les intimés, l’utilisation de la méthode pondérée pour déterminer le salaire des PPCP donne un poids démesuré aux provinces les plus riches, qui représentent 80 % des procureurs du pays.
[34] Globalement, les intimés jugent qu’il ne fait aucun doute que le gouvernement a traité les recommandations du Comité avec le plus grand sérieux étant donné sa participation au processus et sa Réponse détaillée, respectueuse et justifiée. Ils ajoutent que le gouvernement était pleinement justifié de donner effet à la recommandation du membre dissident.
[35] Dans leurs mémoires, les parties n’abordent que la norme de contrôle choisie par le juge d’instance afin d’analyser la Réponse du gouvernement. Aucune d’elles ne traite de la norme applicable à l’analyse que la Cour doit effectuer des conclusions tirées dans le jugement entrepris[29].
[36] La norme applicable en appel d’un contrôle judiciaire est celle énoncée dans l’arrêt Agraira[30]. Selon ce cadre d’analyse, la Cour doit vérifier si la juridiction de première instance a employé la bonne norme de contrôle et si elle l’a appliquée correctement[31]. À cette fin, la Cour doit se mettre « à la place » du tribunal inférieur et doit ainsi se « concentre[r] sur la décision administrative »[32]. Cette approche a été adoptée par la Cour[33] ainsi que par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique[34]. Interrogé à l’audience, l’avocat de l’appelante a exprimé son accord quant à l’utilisation de ce cadre d’analyse. En l’espèce, comme il en sera question dans quelques paragraphes, on ne peut assimiler la Réponse à une « décision administrative ». En effet, celle-ci provient du pouvoir législatif lui-même et ne découle pas d’une décision d’une « autorité administrative »[35]. Il convient néanmoins d’appliquer le critère établi dans l’arrêt Agraira en se demandant si le juge d’instance a correctement choisi la norme de contrôle applicable.
[37] Je suis d’accord avec le juge que la norme de contrôle issue de l’arrêt Bodner est applicable en l’espèce. Les intimés ont tort de suggérer qu’une norme encore plus déférentielle que celle de la rationalité devrait trouver application en raison des différences entre les PPCP et la fonction de juge. Pour sa part, l’appelante fait elle aussi fausse route en proposant l’application d’une norme moins exigeante que celle de la rationalité, soit celle de la décision raisonnable issue de l’arrêt Vavilov. Je m’explique.
[38] Une lecture attentive de l’arrêt Vavilov suggère que la norme de la décision raisonnable dont il discute ne peut s’appliquer en l’espèce. Dès les premiers paragraphes, les juges majoritaires écrivent que l’affaire donne à la Cour « l’occasion de se pencher de nouveau sur sa façon d’aborder le contrôle judiciaire des décisions administratives »[36]. La Cour poursuit au paragraphe suivant en énonçant qu’elle trace dans cet arrêt « la nouvelle voie à suivre pour déterminer la norme de contrôle applicable lorsqu’une cour de justice contrôle une décision administrative au fond »[37]. Toujours dans les paragraphes introductifs, la Cour réitère que c’est précisément ce dernier objectif, lié à l’adoption d’un cadre d’analyse permettant le contrôle d’une décision administrative, qu’elle poursuit[38].
[39] Dans son ouvrage de droit administratif, le professeur Patrice Garant propose la distinction suivante entre l’acte législatif, l’acte administratif et l’acte juridictionnel[39]:
L'acte posé par l'organe auquel le droit public reconnaît la qualité d'organe législatif, à savoir le Parlement, s'appellera la loi ; on appellera acte administratif celui qui émanera de l'Administration ; on appellera acte juridictionnel ou judiciaire le jugement d'une cour de justice ou d'un juge. Cette classification est quelquefois reconnue par notre droit positif.
[40] Discutant des différentes formes que la décision administrative peut revêtir, l’auteur Guy Régimbald écrit ceci dans son ouvrage :
Most court rulings in administrative law arise from decisions by administrative tribunals affecting the rights, interests or privileges of one or more individuals. A “tribunal” for the purposes of administrative law includes any person, whether or not incorporated and however described, on whom a statutory power of decision is conferred.[40]
[41] Un peu plus loin dans son ouvrage, l’auteur discute de la souveraineté parlementaire et de certaines limites, qui, avec le temps, ont émergé afin de l’encadrer. Il écrit :
The principle of Parliamentary sovereignty sits at the apex of our democracy, but is not without limits. The Constitution itself, by the division of powers and the Charter, and developments in our constitutional law such as the constitutionally entrenched inherent powers of judicial review of the superior courts to supervise administrative decision-making, have somewhat restricted its reach.[41]
[42] La Loi sur l'Assemblée nationale[42] prévoit à son article 3 que « [l]e Parlement exerce le pouvoir législatif ». En vertu de l’article 9 de la même loi, l’Assemblée adopte le Règlement de l’Assemblée nationale[43]. La Cour a déjà refusé de contrôler la légalité d’une disposition de ce règlement relative à la possibilité de réduire le temps de parole de certains parlementaires, jugeant que cette question relevait du privilège parlementaire[44]. Par ailleurs, ce même règlement prévoit ce qui suit à son article 186:
| 186. Orders and resolutions; discharge or rescission – Every motion, when carried, becomes either an order or a resolution of the Assembly. By its orders the Assembly directs its committees, its Members, or any other person to do something; by its resolutions the Assembly declares its own opinions and purposes or affirms some fact or principle.
|
Un ordre ou une résolution ne peuvent être révoqués que sur motion sans préavis d’un ministre. | An order or a resolution may be discharged or rescinded only upon motion by a minister to that effect, which motion shall not require notice.
|
Une motion proposant la révocation d’une procédure d’exception est mise aux voix sans débat. | The question on any motion to discharge or rescind an order for an exceptional procedure shall be put forthwith, without debate. |
[43] Dans la jurisprudence, l’acte administratif est entendu comme « décrivant les fonctions du gouvernement qui ne sont pas exercées par l’Assemblée législative et les tribunaux »[45].
[44] Dans son ouvrage de doctrine, l’auteur Joseph Maingot explique que les motions, les propositions, les questions ainsi que toutes les mesures officielles adoptées par une assemblée législative font partie des « délibérations » au sens parlementaire et que ces actions conduisent à « une mesure officielle ». Il écrit :
[…] les événements qui entourent nécessairement les pétitions, les questions et les avis de motion au Parlement font tous partie, depuis le XVIIe siècle, des « délibérations du Parlement ». […] Au sens parlementaire, les « délibérations » désignent les événements et les actions conduisant à une mesure officielle notamment une décision, prise collectivement par la Chambre. Ces actions et ces événements, ainsi que l’ensemble du processus par lequel la Chambre prend une décision (dont la partie principale est appelée « débats »), constituent des délibérations. May les invoque en ces termes :
Un débuté y prend généralement part en prenant la parole, mais aussi par diverses formes consacrées d’actions officielles comme le vote, le dépôt d’un avis de motion, etc., la présentation d’une pétition ou du rapport d’un comité […][46].
[45] Le fait que la Résolution reflète la position du gouvernement n’est qu’une conséquence de notre système démocratique, à savoir que le parti politique qui est élu à majorité forme le gouvernement et contrôle le vote au sein de la législature. C’est ce qui est arrivé ici. L’appelante a tort de qualifier la Résolution d’acte administratif alors que le processus démocratique que je viens de décrire a simplement suivi son cours et que l’Assemblée nationale a adopté la Résolution proposée par le gouvernement.
[46] Le juge a correctement qualifié la Résolution d’acte de la législature[47]. Au paragraphe 7 de son exposé des faits cité ci-avant, le juge a bien exposé le processus parlementaire donnant lieu à la Réponse et à la Résolution.
[47] Voici, en définitive, ce qu’il faut retenir sur la question de savoir si la Résolution est un acte administratif ou un acte de la législature. La Réponse et la Résolution sont des œuvres de la législature et non d’un organe envers lequel elle aurait délégué une de ses compétences. Les motions, débattues et adoptées par l’Assemblée nationale, font partie des actes législatifs. Ceci élimine Vavilov comme possible source de la norme de contrôle à appliquer à la révision judiciaire de la Réponse du gouvernement.
[48] Le juge a effectué un travail rigoureux en se demandant s’il y avait lieu d’effectuer un contrôle de type Bodner. Il débute son analyse en soulignant le caractère « exceptionnel » de la démarche. Considérant que la légitimité du contrôle de type Bodner prend sa source dans le principe constitutionnel de l’indépendance de la magistrature, et jugeant que les PPCP jouissent d’une indépendance constitutionnelle comparable, le juge estime que la norme issue de Bodner est bel et bien applicable en l’espèce[48].
[49] Pour les motifs qui suivent, je suis d’accord avec le juge. La logique ainsi que la jurisprudence appuient sa conclusion.
[50] L’objectif poursuivi dans le Renvoi relatif à la rémunération des juges et par la suite dans Bodner est de dépolitiser autant que possible les rapports qu’entretiennent la magistrature et les autres pouvoirs de l’État[49], et ce, afin de protéger l’indépendance judiciaire[50]. Le moyen choisi pour effectuer cette dépolitisation fut l’instauration « d’un comité indépendant – une commission de la rémunération – entre le pouvoir judiciaire et les autres pouvoirs de l’État »[51]. Cet objectif est atteint en confiant à une commission indépendante la tâche de présenter un rapport à l’exécutif et à la législature sur les traitements et autres avantages accordés aux juges[52]. De même, et « afin de parer à la possibilité que l’inaction du gouvernement puisse servir de moyen de manipulation financière », la Cour suprême a jugé qu’il fallait que la commission se réunisse à des périodes déterminées entre trois et cinq ans[53]. Elle a ajouté que si le mécanisme de rémunération des juges était le même que celui des autres fonctionnaires, il serait permis de s’inquiéter de l’indépendance de la magistrature[54].
[51] Ces commissions s’interposant entre la magistrature et le pouvoir exécutif doivent être « indépendantes, objectives et efficaces »[55], et leurs recommandations doivent avoir un effet concret sur la rémunération[56]. La « mesure minimale » requise par la protection constitutionnelle — offerte par l’al. 11d) dans le cas des juges — implique que le gouvernement est « tenu » de répondre au contenu du rapport de la commission dans un délai spécifié[57]. Celui-ci doit être prêt, au besoin, à justifier sa décision devant une cour de justice[58].
[52] En cas de contrôle judiciaire, le tribunal saisi doit se pencher sur le caractère « raisonnable » du fondement factuel de la thèse du gouvernement[59], mais la norme de la « simple rationalité » commande que le gouvernement justifie par un motif légitime sa décision d’écarter la recommandation de la commission[60].
[53] Dans Bodner, la Cour suprême commence son analyse en constatant que le mécanisme mis en place par le Renvoi n’a pas permis d’atteindre les objectifs de dépolitisation qui étaient visés, car certaines provinces ont pour pratique de rejeter systématiquement les rapports des commissions chargées de déterminer le salaire des juges[61]. La Cour estime donc être dans l’obligation « d’aller plus loin »[62]. Elle résume ainsi les trois principes établis dans le Renvoi :
Les principes énoncés dans le Renvoi demeurent valables. Le Renvoi s’articule autour de trois thèmes : la nature des commissions de rémunération et leurs recommandations; l’obligation pour le gouvernement de répondre aux recommandations et la portée du contrôle judiciaire de la Réponse du gouvernement; et les réparations susceptibles d’être accordées[63].
[54] Précisant le premier thème, la Cour écrit que le « mécanisme » mis en place afin d’assurer l’indépendance des juges sert de « crible institutionnel » et n’agit pas à titre d’arbitre de différends ni à titre de tribunal judiciaire[64]. Elle affirme également que la Constitution exige que les commissions soient indépendantes, objectives et efficaces[65].
[55] En ce qui a trait au deuxième thème, la Cour suprême précise de la manière suivante la teneur de la norme de la rationalité :
25 Le gouvernement peut rejeter ou modifier les recommandations de la commission, à condition de fournir des motifs légitimes. Les motifs qui respectent la norme de la rationalité sont ceux qui sont complets et qui traitent les recommandations de la commission de façon concrète. Les motifs sont légitimes s’ils sont conciliables avec la common law et la Constitution. Le gouvernement doit aborder de bonne foi les questions en jeu. De simples déclarations rejetant ou désapprouvant les recommandations ne suffisent pas. Au contraire, les motifs doivent révéler que les recommandations ont été prises en compte et ils doivent être fondés sur des faits et un raisonnement solide. Ils doivent indiquer à quels égards et dans quelle mesure le gouvernement s’écarte des recommandations et indiquer les raisons du rejet ou de la modification. Ils doivent démontrer qu’on a procédé à un examen des fonctions judiciaires et qu’on a l’intention de prendre les mesures qui s’imposent. Ils ne doivent pas donner à penser qu’on cherche à manipuler la magistrature. Les motifs doivent refléter l’intérêt du public à ce qu’il y ait recours à une commission, mécanisme qui garantit la dépolitisation de l’examen de la rémunération et permet de préserver l’indépendance de la magistrature.[66]
[Soulignements ajoutés]
[56] La Cour suprême ajoute que les facteurs devant être pris en compte peuvent varier et qu’il peut être légitime de procéder à des comparaisons salariales avec le secteur public ou le secteur privé, à condition que le gouvernement explique « l’emploi d’un facteur de comparaison donné »[67].
[57] Enfin, la Cour suprême précise le troisième thème en écrivant qu’il s’agit d’une « forme limitée de contrôle judiciaire » et que si le gouvernement décide de s’écarter des recommandations, il doit justifier sa décision selon la norme de la rationalité ou de la « simple rationalité »[68]. Le tribunal appelé à effectuer le contrôle judiciaire doit se demander « si l’objectif du recours à une commission est atteint »[69]. Il doit également examiner la justification du gouvernement, suivant un test en trois étapes :
Le Renvoi prévoit une analyse en deux étapes pour la détermination de la rationalité de la Réponse du gouvernement (par. 183). Nous ajoutons maintenant une troisième étape, laquelle exige que le juge saisi du contrôle judiciaire examine la question dans son ensemble et détermine si l’objectif général du recours à une commission a été réalisé. Les questions pertinentes à se poser au moment de l’analyse sont les suivantes :
(2) Les motifs invoqués par le gouvernement ont‑ils un fondement factuel raisonnable?
(3) Dans l’ensemble, le mécanisme d’examen par une commission a‑t‑il été respecté et les objectifs du recours à une commission, à savoir préserver l’indépendance de la magistrature et dépolitiser la fixation de la rémunération des juges, ont‑ils été atteints[70]?
[58] La Cour suprême insiste sur le fait que le tribunal réviseur doit faire preuve de retenue envers les motifs du gouvernement, et ce, en raison de la souplesse du mécanisme d’examen par une commission[71].
[59] Finalement, en discutant des réparations possibles, la Cour suprême ajoute qu’un tribunal ne devrait pas intervenir chaque fois qu’un motif s’avère discutable[72]. Si l’objectif de recours à une commission d’examen ne semble pas atteint, la réparation consistera généralement à renvoyer l’affaire au gouvernement pour réexamen[73].
[60] Dans des affaires connexes récentes, Colombie‑Britannique (Procureur général) c. Provincial Court Judges’ Association of British Columbia[74] et Nouvelle‑Écosse (Procureur général) c. Judges of the Provincial Court and Family Court of Nova Scotia[75], la Cour suprême a eu l’occasion de revoir le cadre d’analyse en matière de rémunération des juges. On se souvient que le régime préconisé par la Loi est basé sur ce modèle. Dans les deux affaires, sous les motifs de la juge Karakatsanis, la Cour suprême a rappelé la portée limitée du contrôle judiciaire de la Réponse du gouvernement[76]. La Cour suprême a précisé, dans la première affaire, que la troisième étape n’a pas pour but de faire systématiquement analyser le processus décisionnel du gouvernement en profondeur et que le tribunal réviseur doit se concentrer sur la Réponse, bien que le gouvernement ne puisse se cacher derrière des motifs qui « dissimulent un objectif illégitime »[77].
[61] Le système de rémunération des PPCP prévoit l’établissement d’un comité indépendant et la perte du droit de grève. Le juge résume bien le contexte qui mena à la perte du droit de grève des PPCP et de l’importance de celui-ci au regard du droit constitutionnel. Le juge le décrit ainsi :
[78] En 2002, la Loi sur les substituts du procureur général est modifiée, ce qui, à terme, permet au procureur général de reconnaitre l’Association qui représentera, dorénavant, de façon exclusive, aux fins des relations de travail, les substituts du procureur général.
[79] L’article 12 prévoit que le PGQ, négocie au nom du gouvernement et sur autorisation du Conseil du Trésor, avec l’Association en vue de « conclure une entente portant, entre autres, sur la rémunération ainsi qu’aux avantages sociaux applicables aux substituts représentés par l‘Association ».
[80] En 2004, cette Loi sur les substituts du procureur général est à nouveau modifiée de même que le Code du travail. Le substitut au procureur général n’est désormais plus un salarié au sens du Code du travail. L’Association ne peut dorénavant ni conclure une entente de services avec une organisation syndicale ni être affiliée à une telle organisation. Le droit de grève ou de lock-out est acquis à l’expiration de l’entente, mais il est subordonné au maintien de services essentiels. Le recours à des briseurs de grève est interdit.
[81] Tel que déjà expliqué dans la section mise en contexte ci-dessus, dans le cadre des relations de travail tumultueuses prévalent entre les PPCP et le gouvernement, le gouvernement adopte le 21 février 2011 une loi qui est sanctionnée dès le lendemain. Les PPCP doivent cesser de participer à la grève en cours et reprendre le travail, conformément à leur horaire habituel et aux autres conditions de travail qui leur sont applicables. Il leur est interdit de participer à toute action concertée qui implique l’arrêt, le ralentissement, la diminution ou l’altération de leurs activités professionnelles ou administratives habituelles ou qui a pour effet d’empêcher ou de diminuer la prestation de services juridiques ou de retarder le cours de procédures criminelles ou pénales. Il est interdit à une association de déclarer ou de poursuivre une grève ou de participer à toute action concertée.
[82] Or, suite à la négociation dont il est fait état dans la mise en contexte législative ci-haut, la Loi est adoptée. Cette Loi retire de façon définitive le droit de grève :
17. Tout procureur doit accomplir ses devoirs et fonctions sans recours à la grève ou à un ralentissement ou une diminution concerté de ses activités normales de travail.
[83] Elle y substitue les deux mécanismes prévus aux sections III et III.1 de la Loi déjà décrits plus haut.
[Renvois omis]
[62] Le juge mentionne ensuite le principe énoncé par la majorité de la Cour suprême dans Saskatchewan Federation of Labour[78] voulant qu’une limitation ou l’élimination du droit de grève doive être remplacée par un mécanisme véritable de règlement des différends couramment employé en relation du travail[79].
[63] Le juge cite également certains commentaires énoncés par le juge Morissette dans l’affaire Procureur général du Québec c. Les avocats et notaires de l'État québécois sur le contenu de l’obligation constitutionnelle du gouvernement de « remplacer » la suppression du droit de grève par un mécanisme indépendant et efficace[80].
[64] En supprimant le droit de grève des PPCP, le gouvernement avait donc l’obligation de « remplacer » ce droit par un véritable mécanisme de règlement des différends. Il a choisi d’établir un mécanisme similaire à celui applicable à la détermination de la rémunération des juges. L’entente de principe intervenue entre les PPCP et le gouvernement et citée par le Comité Lemay est ainsi rédigée :
CONSIDÉRANT les pouvoirs quasi-judiciaires conférés par la loi aux procureurs aux poursuites criminelles et pénales (procureurs), tel que reconnu par la Cour suprême du Canada;
CONSIDÉRANT que les procureurs ont en conséquence un statut unique et particulier;
CONSIDÉRANT que le gouvernement vise à établir, pour les procureurs, un modèle de rémunération similaire à celui des juges. En conséquence, le gouvernement, sur recommandation du Directeur des poursuites criminelles et pénales, s'engage à déposer au plus tard le 15 novembre 2011, un projet de loi à l'Assemblée nationale visant la réforme du régime de négociation avec les procureurs. Cette réforme mettra en place un nouveau processus d'examen de la rémunération des procureurs et prévoira le retrait du droit de grève ainsi que le renouvellement aux quatre (4) ans de l'Entente relative aux conditions de travail des procureurs.
Le nouveau régime de négociation devra prévoir la formation d'un comité indépendant, au moins quatre-vingt-dix (90) jours avant l'échéance de !'Entente des procureurs, chargé d'évaluer la rémunération des procureurs, de faire rapport au gouvernement et de lui transmettre ses recommandations à cet égard.
[Soulignement ajouté]
[65] Le gouvernement entendait ainsi établir un modèle de rémunération « similaire » à celui des juges. Les parties s’entendent sur le fait que les PPCP ont un statut particulier. Le juge, citant les propos du juge Cournoyer dans R. c. Kyres[81], identifie certaines des particularités liées à la tâche de poursuivant.
[66] À ce titre, il n’est plus contesté que les PPCP jouissent d’une certaine indépendance constitutionnelle. La Loi sur le directeur des poursuites criminelles et pénales[82] garantit par ailleurs une autonomie de fonctionnement visant à assurer l’indépendance des PPCP face au pouvoir politique[83].
[67] Les intimés, toutefois, font une différence entre le degré d’indépendance des juges et celui des PPCP. Ils affirment que l’indépendance des PPCP serait seulement fonctionnelle et non institutionnelle, contrairement à celle dont l’organe judiciaire — et, par extension, les juges — bénéficie. Ils appellent donc la Cour à reconnaître les différences entre les deux professions et à appliquer une norme de contrôle différente que celle applicable en matière de rémunération des juges.
[68] Les intimés ont raison lorsqu’ils affirment qu’il existe des différences entre les juges et les PPCP. Par exemple, ces derniers ne sont pas inamovibles, ils peuvent négocier leurs conditions de travail, ils peuvent faire partie d’une association et ils sont membres d’un ordre professionnel. Par contre, ces différences ne sont aucunement déterminantes quant à la norme de contrôle applicable.
[69] L’application d’une norme moins exigeante que celle établie dans Bodner n’est pas justifiée même si les deux mécanismes n’ont pas la même source juridique. L’établissement des commissions de rémunération des juges découle d’une obligation constitutionnelle des gouvernements reconnue par la Cour suprême, alors que le comité de rémunération en cause dans la présente affaire est une pure création de la Loi. L’Assemblée nationale n’avait pas l’obligation d’instituer ce mécanisme précis de détermination de la rémunération, mais c’est celui qu’elle a choisi d’instituer. Il n’est pas contesté par les parties que la Réponse est sujette au contrôle judiciaire. Le mécanisme similaire à celui des juges implique logiquement le contrôle de la Réponse par les tribunaux judiciaires d’une manière similaire. Même si la Loi est muette à ce sujet, le contrôle judiciaire trouve sa source dans cette obligation maintenant reconnue par la Cour suprême dans Saskatchewan Federation of Labour[84].
[70] Les intimés estiment que la Cour devrait tenir compte des différences entre les juges et les PPCP et adopter une norme de contrôle plus exigeante que celle issue de l’arrêt Bodner, soit la norme de « l’intelligibilité ». Cette thèse n’a cependant aucun fondement dans la jurisprudence et son adoption risquerait de faire en sorte que les réponses du gouvernement échapperaient pratiquement à tout contrôle.
[71] Avec égards pour les parties, l’arrêt Bodner, ayant déjà élaboré une norme fondée sur la retenue[85], il n’est pas nécessaire de lui donner une variation quelconque. Le troisième volet du test développé dans cet arrêt peut seulement être modifié pour refléter la réalité des PPCP. Le test établi dans l’arrêt Bodner peut être ainsi reformulé aux fins des présentes ainsi :
(1) Le gouvernement a‑t‑il justifié par un motif légitime sa décision de s’écarter des recommandations de la commission?
(2) Les motifs invoqués par le gouvernement ont‑ils un fondement factuel raisonnable?
(3) Dans l’ensemble, le mécanisme d’examen par une commission a‑t‑il été respecté et les objectifs du recours à une commission, à savoir offrir un véritable et efficace moyen de règlement des différends, et dépolitiser la fixation de la rémunération des PPCP, ont‑ils été atteints?
[72] En réponse à un autre moyen de l’appelante, j’estime enfin que le juge ne commet pas d’erreur en appliquant la norme de la « décision rationnelle » plutôt que la norme de la « simple rationalité ». À mon avis, les deux normes renvoient au même concept[86], la différence se situant uniquement au niveau de leur mode d’expression.
[73] L’appelante soumet ce passage de l’arrêt Vavilov pour affirmer qu’un tribunal ne peut, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, modifier l’ordre dans lequel les composantes d’un raisonnement sont présentées :
[96] Lorsque, même s’ils sont interprétés en tenant compte du contexte institutionnel et à la lumière du dossier, les motifs fournis par l’organisme administratif pour justifier sa décision comportent une lacune fondamentale ou révèlent une analyse déraisonnable, il ne convient habituellement pas que la cour de révision élabore ses propres motifs pour appuyer la décision administrative. Même si le résultat de la décision pourrait sembler raisonnable dans des circonstances différentes, il n’est pas loisible à la cour de révision de faire abstraction du fondement erroné de la décision et d’y substituer sa propre justification du résultat : Delta Air Lines, par. 26‑28. Autoriser une cour de révision à agir ainsi reviendrait à permettre à un décideur de se dérober à son obligation de justifier, de manière transparente et intelligible pour la personne visée, le fondement pour lequel il est parvenu à une conclusion donnée. Cela reviendrait également à adopter une méthode de contrôle selon la norme de la décision raisonnable qui serait axée uniquement sur le résultat de la décision, à l’exclusion de la justification de cette décision. Dans la mesure où des arrêts comme Newfoundland Nurses et Alberta Teachers ont été compris comme appuyant une telle conception, cette compréhension est erronée.
[Soulignement ajouté]
[74] Ainsi, suivant l’arrêt Vavilov, il ne serait pas loisible à une cour de révision d’ajouter de nouveaux motifs à la décision afin de justifier le résultat auquel le décideur est arrivé. Toutefois, rien n’interdit au tribunal de modifier l’ordre des composantes des motifs du décideur en les analysant. Au surplus, Vavilov enseigne qu’une cour de révision doit « accorder une attention particulière aux motifs du décideur et les interpréter de façon globale et contextuelle »[87]. Cette interprétation de Vavilov trouve d’ailleurs appui dans le récent arrêt de la Cour dans l’affaire Mambro[88] :
[18] L’examen que commande cette norme de la décision raisonnable a pour objet d’assurer que la décision administrative ne comporte pas de « lacune fondamentale », c’est-à-dire qu’elle est intrinsèquement cohérente et qu’elle est raisonnable au regard des contraintes juridiques et factuelles dont elle doit tenir compte (y compris le régime législatif applicable et la preuve pertinente). Quoique l’analyse s’intéresse à la fois à la raisonnabilité du résultat et à celle du raisonnement qui y mène, elle porte avant tout sur les motifs de la décision, qui doivent être lus dans leur ensemble et de manière contextuelle, le contrôle judiciaire ne constituant pas « une chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur ».
[Renvois omis]
[75] En l’espèce, le juge ne donne pas l’impression d’avoir cherché à justifier la Réponse du gouvernement. Il l’a plutôt analysée globalement et contextuellement, au regard des exigences de la Loi. Loin d’avoir tenté de fournir sa propre justification de la décision du gouvernement, le juge l’a analysée avec rigueur. Je suis d’avis que, même si l’arrêt Vavilov ne s’applique pas en l’espèce, notre approche analytique peut être inspirée par cet arrêt. Alors, si le juge d’instance avait pu modifier l’ordre des motifs en vertu de Vavilov, il devait nécessairement pouvoir le faire en vertu de Bodner sans commettre de ce fait une erreur révisable. En analysant les motifs du gouvernement, le juge pouvait les analyser globalement et revoir leur ordre de présentation aux fins du contrôle judiciaire. Plus particulièrement, l’appelante a tort de prétendre que le juge fait erreur en examinant le cinquième facteur énoncé à l’article 19.14 de la Loi alors que le gouvernement ne l’aurait pas invoqué dans la Réponse. En effet, les conditions économiques auxquelles fait allusion ce facteur sont évoquées dans la Réponse. Il faut par ailleurs noter que le juge cite ces conditions économiques au paragraphe 153 du jugement entrepris.
[76] Il n’est pas nécessaire de reprendre chacun des facteurs à analyser en vertu de la Loi, comme l’a fait le juge. Il suffit de traiter les arguments que l’appelante fait valoir à l’encontre de la Réponse en vérifiant si le juge a correctement appliqué la norme issue de l’arrêt Bodner.
[77] Dans sa Réponse, le gouvernement expose trois motifs pour lesquels il rejette la recommandation 1 du Comité. Il s’agit des motifs suivants :
• Le Comité a excédé sa juridiction en déterminant, préalablement à toute analyse, un seuil minimal à la rémunération des procureurs. Le seuil de rémunération établi par le Comité constitue la moyenne de la rémunération des procureurs des autres juridictions canadiennes.
• Le Comité n'a pas exercé sa juridiction à l'égard du facteur 6 de la Loi concernant les conditions de travail et la rémunération des avocats du secteur privé québécois et d'autres salariés de l'État.
• Le Comité a commis des omissions, des erreurs techniques, méthodologiques et d'interprétation. Ce faisant, le Comité n'a pas dûment tenu compte de chacun des facteurs énoncés dans la Loi, a accordé une prépondérance indue au facteur 3 et, en biaisant l'exercice, a rompu l'équilibre recherché par la Loi.
[78] Le premier motif de la Réponse répondait à cette recommandation du Comité :
Ceci dit, à moins d’un contexte économique difficile ou d’un état des finances publiques précaires, le Comité est d’avis, tout comme le Comité Bouchard, que les procureurs du Québec devraient au moins avoir une rémunération équivalente à la moyenne canadienne, telle que calculée conformément à la formule retenue par le Comité Bouchard et reprise par le Comité actuel. En effet, à moins de circonstances économiques ou financières difficiles, rien ne justifie que les procureurs du Québec soient rémunérés en deçà de la moyenne de la rémunération globale des personnes qui exercent, pour l’essentiel, les mêmes fonctions qu’eux. C’est d’autant plus vrai que les procureurs du Québec sont appelés à prendre en charge des dossiers plus complexes liés aux infractions en matière de drogues, ce qui n’est pas le cas des procureurs des autres provinces, sauf pour ceux du Nouveau-Brunswick.
[Soulignés dans le jugement de première instance]
[79] Les intimés estiment que le Comité crée ainsi un « seuil minimal, qui ne trouverait aucune fondation dans la Loi ».
[80] Le juge a conclu « que le premier motif de la Réponse ne comprend pas d’argument solide et qu’il ne s’appuie sur aucun fondement factuel raisonnable »[89]. Il conclut que la moyenne constitue un « point de départ tangible » :
[106] Ainsi, la moyenne constitue certes un point de départ tangible, puisque « rien ne justifie que les procureurs du Québec soient rémunérés en-deçà de la moyenne de la rémunération globale de personnes qui exercent, pour l’essentiel, les mêmes fonctions » que les PPCP. Ce n’est pas un seuil minimal pour autant, mais plutôt un objectif, si les autres facteurs le justifient.
[107] En 2019, les membres majoritaires du Comité Lemay partent du même point de départ tangible, soit cette moyenne. Ils énoncent à nouveau le même postulat que le Comité Bouchard à l’effet que «rien ne justifie que les procureurs du Québec soient rémunérés en-deçà de la moyenne de la rémunération globale de personnes qui exercent, pour l’essentiel, les mêmes fonctions » que les PPCP.
[Soulignement ajouté]
[81] Je suis d’accord avec le juge. En effet, comme il l’explique, il ne s’agit pas d’un seuil minimum, mais d’un objectif souhaitable à réaliser lorsque les facteurs le justifient. On peut y voir l’expression d’un principe inclus dans le facteur 3. L’essentiel du débat entre les membres du Comité, reflété notamment par la Réponse, concerne plutôt la méthode à utiliser afin de calculer l’écart salarial existant entre les PCPP et leurs homologues canadiens, à savoir la moyenne arithmétique ou pondérée. De toute manière, le juge fait ici une application correcte du premier critère établi dans Bodner.
* * *
[82] Le deuxième motif de la Réponse se rapporte au sixième facteur énoncé à l’article 19.14 de la Loi et, comme le juge et le membre dissident l’ont noté, les avis divergent grandement quant à l’analyse de ce facteur.
[83] En ce qui concerne les avocats du secteur privé, les membres majoritaires arrivent à la conclusion qu’il est « très difficile d’évaluer à quel groupe de pratique les procureurs de la Couronne doivent se comparer, d’autant plus qu’ils sont eux-mêmes des procureurs hautement spécialisés »[90]. Le Comité ajoute que « certains mécanismes offerts aux avocats en pratique privée, par exemple l’incorporation, rendent la comparaison difficile ».
[84] Quant au membre dissident, il estime, au contraire, que les données fournies par le gouvernement — soit l’enquête de l’Institut de la statistique du Québec, le recensement de la population de 2016 de Statistique Canada et le sondage réalisé par le Barreau du Québec — montrent que les PPCP bénéficient déjà d’une rémunération supérieure aux avocats de pratique privée.
[85] Le juge conclut, avec raison, qu’il est difficile de remettre en doute les réserves qu’ont exprimées les Comités Lemay (et Bouchard) sur la qualité des données fournies par le gouvernement. Il est vrai, par exemple, que l’Enquête de la rémunération globale, qui ne concerne que les cabinets de plus de 200 avocats et qui exclut donc d’emblée la très grande majorité des cabinets au Québec, semble exclure un si grand nombre d’avocats de son analyse qu’il est difficile d’en tirer une conclusion quelconque. Comme le juge l’indique, il incombe au Comité de donner un poids à chacun des facteurs énoncés à l’article 19.14 de la Loi. Cependant, lorsque les données sont aussi peu convaincantes, il peut décider de les écarter et cela ne veut pas dire qu’il néglige ou omet de considérer le facteur en question, comme soumis par les intimés.
[86] En ce qui concerne les autres avocats de l’État, la situation est toutefois différente. Le juge traite des données avancées par le membre dissident et conclut que leur exclusion n’est pas justifiée :
[162] La démarche des membres majoritaires est toutefois clairement problématique lorsqu’ils écartent les données liées « aux autres salariés de l’État ». Le Comité ne peut pas les exclure; il doit en tenir compte. Pour ce facteur, il n’y a aucun problème avec les qualités des données. Elles montrent très clairement que la rémunération des PPCP progresse plus rapidement que celles des autres employés de l’État et que l’échelon maximal se compare très avantageusement à celui des autres employés de l’État. À cet effet, la preuve déposée devant le Comité est résumée par le membre dissident ainsi :
• Le traitement maximum accessible des procureurs au 1er avril 2018 (selon une semaine régulière de travail de 37,5 heures qu’effectue la grande majorité des procureurs) dépassait celui de tous les employés et cadres de l’État sauf les cadres 1, soit les cadres du plus haut niveau. En effet, le traitement maximal des procureurs s’élevait à 147 629 $ au 1er avril 2018, comparativement à un maximum d’échelle de traitement de 156 043 $ pour un cadre 1. Or, un procureur peut facilement dépasser le traitement maximal d’un cadre de niveau 1 en raison du fait que le temps supplémentaire qu’il effectue est rémunéré. Ce n’est pas le cas pour le personnel d’encadrement malgré qu’il travaille généralement beaucoup plus que les 35 heures prévues à sa semaine régulière de travail;
• Le procureur qui œuvre au sein du Bureau de la grande criminalité reçoit une prime de 10 %, ce qui porte son traitement maximal à 162 392 $ au 1er avril 2018, un niveau qui excède largement le traitement maximal d’un cadre de niveau 1. À noter que les autres procureurs peuvent aussi bénéficier de primes diverses variant entre 3 % et 10 % (prime d’éloignement, prime pour mandat spécial, etc.);
• Les résultats d’une évaluation de l’emploi de procureurs réalisée par la Firme 37-2 en 2015, à l’aide de la méthode Hay, étude déposée au Comité Bouchard169, montre que les procureurs étaient déjà surpayés selon les échelles de traitement en vigueur lors de la réalisation de l’étude. Il est à noter que la méthode Hay a été utilisée pour l’application de la Loi sur l’équité salariale170 dans les secteurs public et parapublic. Elle est utilisée également pour évaluer les emplois supérieurs (sous-ministres, sous-ministres adjoints et dirigeants d’organisme) et établir leur rémunération, ces emplois étant comblés sur nomination par le Conseil des ministres;
• Le traitement des procureurs a augmenté de 74,6 % entre 2001 et 2018 alors que les autres employés de l’État ont bénéficié d’une hausse variant entre 28,4 % et 48,5 % au cours de la même période.
[163] Or, les membres majoritaires ne se saisissent pas de ces données. Ils les écartent ab initio pour le motif suivant :
Le Comité estime qu’il ne peut faire un exercice d’équité interne puisque les rôles de chacun sont très différents. Les avocats du secteur public étant des conseillers juridiques et plaideurs au nom du gouvernement, ils n’exercent aucune activité quasi-judiciaire au même titre que les procureurs, ce qui rend toute comparaison entre les deux groupes difficiles.
[164] Le Tribunal estime que ce rejet pur et simple est problématique. Sans pour autant dire que ces données sont en soi déterminantes et qu’elles excluent tout comblement de l’écart constaté par rapport aux procureurs des autres provinces, elles confirment néanmoins, comme le souligne le membre D’Astous, que les PPCP ont une rémunération globale très avantageuse comparativement à celle des autres employés de l’État.
[Renvois omis]
[87] Le juge a correctement appliqué la norme issue de l’arrêt Bodner. Il a eu raison d’affirmer que la position du gouvernement repose sur un fondement factuel solide[91], tout en soulignant que ce dernier ne peut se servir du salaire des autres corps d’emploi, comme celui de classe 1 (qui inclut les sous-ministres), pour instituer un plafond maximal à la rémunération des PPCP, notamment parce que, comme l’appelante le souligne, certains cadres gagnent plus que les sous-ministres. Une telle analyse serait contraire aux principes développés par la Cour suprême dans le Renvoi et repris dans Colombie-Britannique.
[88] Au sujet du troisième motif évoqué dans la Réponse et concernant le facteur 3 de l’article 19.14 de la Loi, l’appelante exprime deux grandes critiques envers la Réponse. D’une part, elle défend l’utilisation de la moyenne pondérée par le Comité Lemay. D’autre part, elle estime que l’origine des pourcentages proposés par le membre dissident et finalement adoptés par le gouvernement n’est pas suffisamment expliquée.
[89] Le juge a bien saisi le cœur de la discorde entre les parties :
[177] Ces remarques générales étant faites, le Tribunal est d’avis que le point névralgique de tout le processus de détermination est la question à savoir si une méthode arithmétique ou pondérée doit être employée. Opter pour l’une plutôt que l’autre de ces méthodes mène à une augmentation de 3,6% ou de 13,7%.
[90] La méthode « pondérée », utilisée par les membres majoritaires, calcule la moyenne canadienne de la rémunération des procureurs de la Couronne en donnant un poids différent à chaque province en fonction du nombre d’avocats que celle-ci emploie. Cette méthode de calcul tend ainsi à accorder un poids plus élevé aux trois provinces les plus populeuses (plus les procureurs du gouvernement fédéral). Ces provinces comptent 80 % du total et sont aussi les provinces les plus riches et dans lesquelles le coût de la vie est le plus élevé[92]. En appliquant cette méthode, les membres majoritaires ont conclu à un écart de 13,7 % entre les PPCP et les procureurs des autres provinces. La méthode arithmétique, privilégiée par le membre minoritaire, accorde quant à elle un poids égal aux salaires versés dans chaque province. Suivant cette méthode, le membre minoritaire conclut plutôt à un écart de 3,6 % entre les PPCP et leurs homologues canadiens.
[91] Le rejet de l’application d’un calcul basé sur une moyenne pondérée n’est certainement pas irrationnel. Le juge écrit ceci sur le choix de la méthode employée et sur l’effet concret que le gouvernement donne au rapport du Comité :
[135] Il y a un fondement factuel raisonnable qui permet au gouvernement, comme le fait d’ailleurs, le membre dissident, de conclure que la méthode arithmétique s’impose, ou du moins, que les calculs de la majorité ne sont pas aussi « robustes » que souhaités.
[136] Il faut aussi noter qu’en accordant une augmentation de 5%, exclusion faite de l’inflation, le gouvernement accorde une augmentation supérieure à celle à laquelle l’utilisation de la méthode arithmétique aurait mené (3,6%). Cela démontre donc aussi qu’il donne un effet concret au Rapport, sans pour autant l’adopter dans sa totalité.
[92] Ainsi, le juge valide l’analyse faite par le gouvernement du facteur 3 dans la Réponse. Encore ici, il s’agit d’une application correcte de la norme issue de l’arrêt Bodner.
[93] Passons maintenant à l’argument de l’appelante selon lequel on ne pourrait pas savoir d’où proviennent les augmentations proposées. Cet argument me semble intimement lié au fait que l’appelante estime que le gouvernement n’a pas donné le poids nécessaire aux recommandations du Comité Lemay. Elle laisse entendre par exemple que le Comité serait devenu « inutile » ou « factice ». Elle soumet que le gouvernement aurait « impos[é], par sa Réponse, toutes ses conditions et ses exigences ». Elle ajoute que la Cour est à même de constater « le peu de considération du gouvernement envers le Comité, le peu de respect témoigné par le gouvernement envers son mandat, ses travaux et sa recommandation concernant la rémunération des procureurs ainsi que la volonté du gouvernement de contrôler le Comité et le résultat de ses travaux ». L’appelante affirme également que le gouvernement tente de prendre le contrôle du Comité et de ses travaux au point d’exercer un veto sur ses recommandations.
[94] Il est difficile d’accepter l’argument selon lequel le gouvernement aurait manqué de respect envers le Comité, alors qu’il a choisi de suivre cinq des six recommandations du Comité et qu’il a suivi la recommandation du membre dissident sur la question faisant l’objet du litige. Ce tableau, présenté dans le jugement de première instance, montre comment la position du gouvernement a évolué pendant le processus :
Période visée | Proposition du gouvernement devant le Comité Lemay | Réponse adoptée par la Résolution |
Au 1er avril 2019 | 3,5 % des échelles de traitement en vigueur au 31 mars 2019 | 3,5 % au 1er avril 2019 des échelles de traitement en vigueur au 31 mars 2019 |
Au 1er avril 2020 | 1,25 % de l’échelle de traitement en vigueur au 31 mars 2020 | 2,5 % au 1er avril 2020 des échelles de traitement en vigueur au 31 mars 2020 |
Au 1er avril 2021 | 1,25 % de l’échelle de traitement en vigueur au 31 mars 2020 | Une augmentation de 2,0 % au 1er avril 2021 des échelles de traitement en vigueur au 31 mars 2021 |
Au 1er avril 2022 | 1,00 % de l’échelle de traitement en vigueur au 31 mars 2022 | Une augmentation de 2,0 % au 1er avril 2022 des échelles de traitement en vigueur au 31 mars 2022 |
[95] En analysant sa Réponse, il est difficile de reprocher au gouvernement d’avoir insuffisamment motivé les augmentations proposées alors qu’il s’est appuyé sur la recommandation d’un membre du Comité. À cet égard, le juge écrit :
[176] Aussi, la Résolution adopte la position du membre dissident. En soi, il est alors difficile de dire que le gouvernement ne respecte pas le processus et qu’il ne donne pas d’effet concret au Comité Lemay, puisqu’il adopte l’opinion d’un des membres. Bodner n’interdit pas au gouvernement d’arriver à une conclusion différente de celle à laquelle en arrive le comité de rémunération. Le gouvernement est plutôt tenu d’examiner à fond les questions liées aux PPCP et de porter toute son attention sur les recommandations et leur justification. Or, si le Tribunal concluait que la Réponse ne remplit pas ces obligations, il faudrait nécessairement conclure que le membre D’Astous n’a pas, lui non plus, porté son attention aux recommandations des membres majoritaires et leur justification. Cette proposition est intenable. Il est évident que le membre D’Astous a respecté le processus, a écouté toute la preuve et en est arrivé à des conclusions différentes qu’il a amplement motivées.
[Soulignement ajouté]
[96] Ces observations satisfont à la norme de la rationalité.
* * *
[97] En conclusion, la Réponse du gouvernement satisfait à la norme de la rationalité définie selon les critères de l’arrêt Bodner et j’estime que le juge a eu raison de rejeter la demande de pourvoi en contrôle judiciaire. La Réponse prise comme un ensemble était justifiée par un motif légitime; il avait un fondement factuel raisonnable et l’objectif d’avoir recours à une commission de rémunération dans le but de dépolitiser le processus de rémunération des PPCP était atteint.
[98] Pour tous ces motifs, je propose de rejeter l’appel, mais sans frais de justice vu la dimension d’intérêt public des questions soulevées par l’appelante.
| |
|
|
MARK SCHRAGER, J.C.A. |
[1] Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales c. Procureure générale du Québec, 2022 QCCS 577 [jugement entrepris].
[2] Entente de principe concernant certains modifiants de l’Entente relative aux conditions de travail des procureurs aux poursuites criminelles et pénales 2010-2015 intervenue entre le gouvernement du Québec et l’Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales le 21 septembre 2011.
[3] Jugement entrepris, supra, note 1, paragr. 15.
[4] Loi sur le processus de détermination de la rémunération des procureurs aux poursuites criminelles et pénales et sur leur régime de négociation collective, RLRQ, c. P-27.1.
[5] Loi sur le régime de négociation collective des procureurs aux poursuites criminelles et pénales, L.Q. 2011, c. 3, art. 17.
[6] Loi sur le régime de négociation collective des procureurs aux poursuites criminelles et pénales, L.Q. 2011, c. 3, art. 19.1.
[7] Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov].
[8] Jugement entrepris, supra, note 1, paragr. 36-37.
[9] Assoc. des juges de la Cour provinciale du Nouveau-Brunswick c. Nouveau-Brunswick (Ministre de la Justice); Assoc. des juges de l'Ontario c. Ontario (Conseil de gestion); Bodner c. Alberta; Conférence des juges du Québec c. Québec (Procureur général); Minc c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 44, [2005] 2 R.C.S. 286 [Bodner].
[10] Jugement entrepris, supra, note 1, paragr. 90.
[11] Id., paragr. 97.
[12] Id., paragr. 101.
[13] Id., paragr. 106.
[14] Id., paragr. 109.
[15] Id., paragr. 110.
[16] Jugement entrepris, supra, note 1, paragr. 117.
[17] Id., paragr. 117-118.
[18] Id., paragr. 120.
[19] Id., paragr. 120.
[20] Id., paragr. 131, 136-137.
[21] Id., paragr. 145.
[22] Id., paragr. 154.
[23] Id., paragr. 162, 164.
[24] Id., paragr. 169-170.
[25] Jugement entrepris, supra, note 1, paragr. 177-178.
[26] Id., paragr. 183.
[27] Bodner, supra, note 9.
[28] Saskatchewan Federation of Labour c. Saskatchewan, 2015 CSC 4 [Saskatchewan].
[29] Cette question n’est pas abordée dans Bodner.
[30] Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36 [Agraira].
[31] Agraira, supra, note 30, paragr. 45-47 citant : Canada (Agence du revenu) c. Telfer, 2009 CAF 23, paragr. 18, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 11 juin 2009, no 33095. Voir aussi par exemple D.V. c. Société de l'assurance automobile du Québec, 2021 QCCA 597, paragr. 22; R.B. (Succession de Re.L.) c. Régie de l'assurance maladie du Québec, 2021 QCCA 840, paragr. 5.
[32] R.B. (Succession de Re.L.) c. Régie de l'assurance maladie du Québec, 2021 QCCA 840, paragr. 5; Agraira, supra, note 30, paragr. 46.
[33] Association des cadres de la Société des casinos du Québec c. Société des casinos du Québec, 2022 QCCA 180, paragr. 76-77.
[34] Provincial Court Judges’ Association of British Columbia v. British Columbia (Attorney General), 2021 BCCA 295, paragr. 48.
[35] Pierre Issalys et Denis Lemieux, L’action gouvernementale, 4e éd., Montréal, Yvon Blais, 2020, p. 19.
[36] Vavilov, supra, note 7, paragr. 1.
[37] Vavilov, supra, note 7, paragr. 2.
[38] Vavilov, supra, note 7, paragr. 10.
[39] Patrice Garant, Droit administratif, 7e éd., Montréal, Yvon Blais, 2017, paragr. 3.1.1.1.
[40] Guy Régimbald, Canadian administrative Law, 3rd ed., Toronto, LexisNexis, p. 1.
[41] Guy Régimbald, Canadian administrative Law, 3rd ed., Toronto, LexisNexis, p. 21.
[42] Loi sur l'assemblée nationale, RLRQ, c. A-23.1.
[43] Règlement de l’Assemblée nationale du Québec, Québec, Assemblée nationale.
[44] Québec (Procureur général) c. Confédération des syndicats nationaux (CSN), 2011 QCCA 1247, paragr. 13-31; Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ) c. Chagnon, 2017 QCCA 271, paragr. 48.
[45] British Columbia Development Corporation c. Friedmann (Ombudsman), [1984] 2 R.C.S. 447, p. 470; Re Peralta and the Queen, [1985] OJ No. 2304 (QL), paragr. 67.
[46] Joseph Maingot, Le privilège parlementaire au Canada, 2e éd., Canada, Les presses universitaire McGill-Queen’s, 1997, p. 82.
[47] Jugement entrepris, supra, note 1, paragr. 34.
[48] Id., paragr. 37-38.
[49] Voir Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale de l’Île‑du‑Prince‑Édouard; Renvoi relatif à l'indépendance et à l'impartialité des juges de la Cour provinciale de l’Île‑du‑Prince‑Édouard, [1997] 3 R.C.S. 3, paragr. 131 [Renvoi].
[50] Renvoi, supra, note 49, paragr. 140-146.
[51] Id., paragr. 147.
[52] Id., paragr. 147, 166.
[53] Id., paragr. 147.
[54] Id., paragr. 157.
[55] Id., paragr. 169.
[56] Id., paragr. 175.
[57] Id., paragr. 179.
[58] Id., paragr. 180.
[59] Id., paragr. 183.
[60] Id., paragr. 183.
[61] Bodner, supra, note 9, paragr. 12.
[62] Id., paragr. 3.
[63] Id., paragr. 13.
[64] Id., paragr. 14.
[65] Id., paragr. 16.
[66] Id., paragr. 25.
[68] Id., paragr. 29.
[69] Id., paragr. 30.
[70] Id., paragr. 31.
[71] Id., paragr. 40.
[72] Id., paragr. 43.
[73] Id., paragr. 44.
[74] Colombie‑Britannique (Procureur général) c. Provincial Court Judges’ Association of British Columbia, 2020 CSC 20 [Colombie-Britannique].
[75] Nouvelle‑Écosse (Procureur général) c. Judges of the Provincial Court and Family Court of Nova Scotia, 2020 CSC 21.
[76] Colombie‑Britannique, supra, note 74, paragr. 5; Nouvelle‑Écosse (Procureur général) c. Judges of the Provincial Court and Family Court of Nova Scotia, 2020 CSC 21, paragr. 4.
[77] Colombie‑Britannique, supra, note 74, paragr. 38-41.
[78] Saskatchewan, supra, note 28, paragr. 25.
[79] Jugement entrepris, supra, note 1, paragr. 25.
[80] Procureur général du Québec c. Les avocats et notaires de l'État québécois, 2021 QCCA 559, paragr. 115 et 116.
[81] R. c. Kyres, 2018 QCCS 4671.
[82] Loi sur le directeur des poursuites criminelles et pénales, RLRQ, c. D-9.1.1.
[83] Québec (Procureur général) c. 9148-5847 Québec inc., 2012 QCCA 1362, paragr. 41; voir aussi R. c. Cawthorne, 2016 CSC 32, paragr. 23.
[84] Saskatchewan, supra, note 28, paragr. 25.
[85] Colombie‑Britannique, supra, note 74, paragr. 5; Nouvelle‑Écosse (Procureur général) c. Judges of the Provincial Court and Family Court of Nova Scotia, 2020 CSC 21, paragr. 4.
[86] Voir par exemple Bodner, supra, note 9, paragr. 29 « […] la norme de contrôle judiciaire applicable est celle de la « simple rationalité », 38 « […] le gouvernement s’est engagé concrètement dans le recours à une commission et a opposé une réponse rationnelle aux recommandations de la commission » [soulignements ajoutés].
[87] Vavilov, supra, note 7, paragr. 97.
[88] Tiger-Vac International inc. c. Mambro, 2022 QCCA 237, paragr. 18.
[89] Jugement entrepris, supra, note 1, paragr. 99.
[90] Rapport du 27 septembre 2019 du Comité Lemay, p. 357.
[91] Jugement entrepris, supra, note 1, paragr. 168.
[92] Le Comité Lemay, p. 33-34.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.