Amyot c. Trieu |
2011 QCRDL 46252 |
RÉGIE DU LOGEMENT |
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Bureau de Montréal |
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No : |
31 090804 047 G |
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Date : |
12 décembre 2011 |
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Régisseure : |
Chantale Bouchard, juge administratif |
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Stephane Amyot |
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Locateur - Partie demanderesse |
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c. |
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Phong Tran Trieu |
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Locataire - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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[1]
Par un recours introduit le 4 août 2009, le locateur demande le
recouvrement du loyer (1 430 $), avec les intérêts au taux légal et
l’indemnité additionnelle prévue à l’article
[2]
À l’audience, le locateur n’est pas en mesure de démontrer la
signification de sa procédure au défendeur et ce, malgré les prescriptions
contenues aux articles
« 56. Une partie qui produit une demande doit en signifier une copie à l'autre partie dans le délai et en la manière prévue par les règlements de procédure.»
« 7. La signification d'une demande ou d'une requête se fait dans un délai raisonnable, une fois qu'elle est produite à la Régie, par poste recommandée ou certifiée ou par huissier. Elle peut aussi être faite par tout autre mode permettant de prouver sa réception. Preuve de la signification devra être faite au régisseur.
Le régisseur peut, sur requête même verbale, autoriser un autre mode de signification notamment par avis public.
Lorsqu'un huissier a tenté de signifier une procédure et qu'il a consigné ce fait à son procès-verbal, il peut, sans autorisation, procéder à la signification en laissant sur place copie de la procédure à l'intention du destinataire.
Le régisseur peut également d'office imposer une nouvelle signification, par tout mode approprié. »
(Le tribunal souligne)
[3] À la lecture de ces dispositions ainsi que la jurisprudence afférente[4][5], il ne fait nul doute que la signification d’une procédure est obligatoire et qu’elle doive intervenir dans un délai raisonnable pour pouvoir en saisir le tribunal au mérite.
[4] Traitant de dispositions analogues s’inscrivant au sein du Code de procédure civile[6], les tribunaux ont reconnu à maintes occasions que la signification est impérative car elle participe des règles de justice naturelle par opposition à celles de pure procédure.[7][8] À ce titre, son défaut pourra s’avérer fatal et provoquer le rejet du recours. En appel d’une décision de la Régie du logement, la Cour du Québec énonçait que l'établissement du caractère raisonnable du délai à l'intérieur duquel une partie doit s'acquitter de son obligation de signifier sa demande relève de l'appréciation du décideur de première instance.[9]
[5] En l’espèce, il s’avère qu’un délai de plus de vingt-sept mois se soit écoulé entre la date du dépôt de la demande et celle de la présente séance où le recours n’a toujours pas été signifié. Ce délai est jugé intrinsèquement déraisonnable. Dans les circonstances, il serait inopportun de permettre un report d'audience afin de remédier à cette lacune.
[6] Ainsi, faute d'en avoir établi la signification dans un délai raisonnable de sa production, le tribunal ne peut se prononcer sur le fond de la demande et celle-ci sera rejetée pour ce motif.
[7]
Par analogie avec les prescriptions de l’article
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[8] REJETTE la demande pour défaut de signification;
[9] RÉSERVE au locateur ses recours.
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Chantale Bouchard |
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Présence(s) : |
le locateur |
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Date de l’audience : |
9 novembre 2011 |
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[2] L.R.Q., c. R-8.1.
[3] R.R.Q., 1981, c. [R-8.1, r. r. 5].
[4] À titre d’exemples, voir les affaires (soulignements
ajoutés et références omises) Geneviève Pigeon c. Matha Cucurull
(R.L. 31-050809-168G, r. Bouchard, le 8 octobre 2009), où le délai de
signification de deux années et trois mois provoquait le rejet de la
demande; Dans la cause Katdor Apt. Inc. c. Eric Shinn (R.L.
31-041101-015G, r. Gagnier, le 6 décembre 2007) il était énoncé ceci:
« Lorsque le délai de signification n'est pas raisonnable, le tribunal
estime que les principes de justice fondamentaux et de l'égalité des parties ne
sont plus respectés. »; Dans Mahshid Peyrow c. Anita Faivre
(R.L. 31-080103-021G, le 20 juin 2008, r. Gagnier), le tribunal a jugé qu'une
signification effectuée cinq mois après le dépôt de la demande était
faite dans un délai déraisonnable; Dans l’affaire Labelle c. Lavoie
(R.L. 31-051108-058 G, r. Bouchard, 12 mai 2008), le tribunal a déterminé qu'un
délai de deux ans et quatre mois entre la production du recours en
justice et sa signification était déraisonnable; Dans l’affaire Chapdelaine c.
Cromp (R.L.31-051116-034G, r. Ducheine, le 18 février 2008), le tribunal
est d’avis que la signification de la demande 27 mois après son dépôt
est inadmissible et constitue un retard indu qui cause un préjudice grave à la
partie adverse; Dans la cause Émilie Bourdages c. Abe Syne (R.L.
31-060608-153G; 31-061127-074G, r. Adam, le 4 février 2008), la demande était
rejetée, considérant qu’un délai de plus de treize mois entre son
introduction et sa signification était manifestement déraisonnable; Dans
l’affaire Gestion A Raymond Inc. c. Cedric Daigneault (R.L.
25-061025-001G, r. Morin, le 12 novembre 2007), un tel délai de 12 mois
était jugé déraisonnable; Dans la cause Poitras c. Shemie,
(R.L.31-980324-008F, g. s. Brassard, le 22 avril 1999), le tribunal énonce
qu’il a déjà été considéré qu’un délai de huit ou neuf mois ne saurait
équivaloir au délai raisonnable de l'article
[5] Voir également les affaires suivantes (soulignements
ajoutés et références omises) : Tadeusz Pasierb c. Usman Zay (R.L. 31-071004-013G,
r. Bouchard, 5 mai 2010); Jean-Guy Plouffe c. You Jie Yao (R.L. 37-070829-001G, r. Gascon, le 1er
avril 2010) : « En l'espèce, le Tribunal conclut que le délai de
trois ans depuis l'introduction de la demande pour signifier la demande au
locataire est totalement déraisonnable. »; Angela Pitsakis c.
Christine Fenton (R.L. 27-080702-007G , r. Morin, le 30 mars 2010 :
« Compte tenu des faits du présent dossier, le tribunal considère donc que
le délai entre l'introduction de la demande et la présente date d'audience ne
rencontre par les critères raisonnables prévus à l'article
[6] L.R.Q., c. C-25
[7] Notamment, le jugement rendu par l'honorable
Christian M. Tremblay, juge de la Cour du Québec, dans l’affaire Léger c. 4339487
Canada inc. (C.Q. 2008-04-02),
[8] Sur le sujet, voir également les auteurs Denis Ferland et Benoît Emery, Des règles générales relatives à la procédure écrite, Précis de procédure civile du Québec, vol. 1, 4e édition, 2003.
[9] Syne c. Bourdages, 2008, QCCQ 1939, l’honorable juge Henri Richard, j.c.q.
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