9177-0977 Québec inc. c. Deo |
2014 QCRDL 2475 |
RÉGIE DU LOGEMENT |
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Bureau dE Montréal |
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No dossier: |
119545 31 20131104 G |
No demande: |
1354593 |
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Date : |
24 janvier 2014 |
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Régisseure : |
Francine Jodoin, juge administratif |
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9177-0977 Québec Inc. |
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Locateur - Partie demanderesse |
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c. |
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Musoy Mubuma Deo |
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Locataire - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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[1] Le locateur demande la résiliation du bail, le recouvrement du loyer (63 $), l’exécution provisoire de la décision et les frais.
LES FAITS :
[2] À compter du 1er juin 2013, le locataire est devenu cessionnaire d’un bail qui se terminait le 31 août 2013. Le loyer mensuel est de 558 $.
[3] Le bail a été reconduit sans qu’un avis de modification ne soit transmis. Le locateur réclame 315 $, soit un solde de 63 $ depuis le 1er septembre 2013 (septembre 2013 à janvier 2014).
[4] Le locataire demeure toujours dans les lieux mais soutient que, depuis la reconduction, son loyer est de 495 $.
[5] Il soutient qu’au printemps 2013, alors qu’il recherchait un logement, il a été intéressé par une promotion offerte par le locateur. Celui-ci offrait sur Internet des logements de 3 ½ pièces, à 495 $.
[6] En se rendant à l’immeuble avec un ami qui habite dans une des bâtisses du locateur, il rencontre la concierge, Lourdes Razi. Elle leur mentionne qu’il n’y a pas de logement de 3 ½ pièces, disponibles mais qu’une cession avec un locataire qui quitte les lieux est possible.
[7] Tous les trois visitent le logement et lorsque le locataire demande de bénéficier de la promotion, madame Razi, fait un appel au bureau administratif du locateur.
[8] Selon le locataire et son ami, elle leur a confirmé que la promotion s’applique et que le loyer passerait à 495 $ à compter du renouvellement du bail. Le locataire devait donc payer le loyer du locataire cédant jusqu’au 1er septembre 2013, à compter de quoi, le loyer passait à 495 $.
[9] D’ailleurs, dit-il, la concierge est venue le voir à la fin du premier bail pour lui mentionner que dorénavant, il paierait un loyer de 495 $. Il a remis un chèque, en conséquence, qui a été encaissé.
[10] En novembre 2013, il requiert un bail à son nom et dès lors, le locateur exige le versement d’un loyer de 558 $.
[11] Son ami, Kankwente Tshipata, confirme que, lors de la visite initiale, on a confirmé au locataire qu’il bénéficierait du loyer promotionnel. Appelé à préciser davantage, il ajoute, « le loyer réduit ».
[12] La concierge, madame Razi, reconnaît qu’ils ont discuté de la promotion lors de la visite du locataire. Elle a téléphoné au bureau administratif mais n’a pas obtenu de confirmation que le locataire pourrait en bénéficier. On devait lui revenir là-dessus.
[13] Elle n’a plus eu de nouvelles. Le locataire a emménagé dans le logement. En août 2013, il a requis un nouveau bail. La promotion était expirée et il n’en a pas bénéficié.
[14] Le locateur admet qu’une promotion était en cours au moment où le locataire visite l’immeuble. Celle-ci a été retirée en juillet 2013. Lorsqu’accordée, elle n’est valable que pour un an. Toutefois, le locataire n’en a pas bénéficié car il n’a jamais autorisé une telle entente. La concierge n’a aucune autorité pour conclure des ententes particulières avec les locataires.
[15] Aucune des parties n’est en mesure de produire l’offre promotionnelle apparaissant sur un site de petites annonces informatisé.
QUESTIONS EN LITIGE :
[16] Les principales questions en litige sont les suivantes :
- Le locataire bénéficie-t-il d’un loyer réduit de 495 $ depuis le 1er septembre 2013 ?
- Ce loyer est-il d’une durée d’un an ?
ANALYSE ET DISCUSSION :
[17] Il appartient au locataire de prouver les faits au soutien de ses prétentions[1]. En l’occurrence, l’entente verbale à laquelle il réfère a été conclue en mai 2013. Le Tribunal est, toutefois, confronté à une preuve contradictoire sur la nature des discussions qui ont eu lieu à cette époque. Même les modalités de la promotion font l’objet de divergences. Alors que le locataire soumet qu’il bénéficiait d’un rabais permanent, le locateur soumet plutôt que la promotion, lorsque applicable, durait un an seulement.
[18] Pour reconnaître l’existence d’une entente, la preuve doit établir l’existence d’un consentement clair, précis et non équivoque par les parties concernées.
[19] Quant au fardeau de preuve, l'auteur Léo Ducharme dans son traité sur la preuve écrit :
« 146. S'il est nécessaire de savoir sur qui repose l'obligation de convaincre, c'est afin de pouvoir déterminer qui doit assumer le risque de l'absence de preuve. En effet, si, par rapport à un fait essentiel, la preuve offerte n'est pas suffisamment convaincante, ou encore si la preuve est contradictoire et que le juge est dans l'impossibilité de déterminer où se situe la vérité, le sort du procès va se décider en fonction de la charge de la preuve : celui sur qui reposait l'obligation de convaincre perdra. »[2] (Notre soulignement).
[20] Évidemment, à la lumière de la preuve soumise, le Tribunal agrée avec le procureur du locataire que la théorie du mandat apparent ne peut recevoir application en l’instance. Il est indéniable que madame Razi n’a pris aucune décision par elle-même.
[21] La problématique vient de ce qu’elle a mentionné après avoir communiqué avec le bureau administratif du locateur au printemps 2013.
[22] Le simple fait qu’elle soit une employée du locateur est insuffisant pour exclure d’emblée son témoignage. Elle n’est pas apparue intimidée ou craintive mais plutôt affirmée et directe. Certes, elle avait intérêt à favoriser la thèse du locateur mais est-ce suffisant pour ne pas lui attribuer de valeur ? Le Tribunal ne le croit pas.
[23] Du côté du locataire, le lien amical qui l’unit à son témoin soulève tout autant des questionnements.
[24] Bref, la preuve est fortement contradictoire et le Tribunal ne peut dire où se trouve la vérité. Dans un tel cas, c’est à celui qui invoque un droit de prouver les faits qui y donnent ouverture, et ce, de façon prépondérante.
[25] La contradiction dans la preuve laisse place à la possibilité qu’il n’y a jamais eu la rencontre de volonté nécessaire à l’établissement d’une véritable entente contractuelle au sujet de l’application du loyer réduit.
[26] Même l’encaissement d’un chèque à ce loyer est insuffisant, en soi, pour prouver une telle entente.
[27] La preuve soumise est, ici, insuffisante pour conclure qu’une entente est intervenue, dès la cession du bail, en mai 2013, permettant au locataire de bénéficier au renouvellement de son bail d’un loyer réduit.
[28] La réclamation du locateur est donc justifiée.
[29] Il n’y a pas lieu d’accorder l’exécution provisoire.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
À DÉFAUT DE PAIEMENT AVANT JUGEMENT :
[30] RÉSILIE le bail et ORDONNE l'expulsion du locataire et de tous les occupants du logement;
[31] CONDAMNE le locataire à payer au locateur la somme de 315 $, plus les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q., à compter du 4 novembre 2013 sur la somme de 63 $ et sur le solde à compter de l’échéance de chaque loyer, plus les frais judiciaires de 79 $;
[32] REJETTE la demande quant au surplus.
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Francine Jodoin |
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Présence(s) : |
le mandataire du locateur le locataire Me Hervé N. Penda, avocat du locataire |
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Date de l’audience : |
14 janvier 2014 |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.