Gestion Capital Aubry inc. c. Sinnuthurai |
2019 QCRDL 33910 |
RÉGIE DU LOGEMENT |
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Bureau dE Montréal |
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No dossier : |
461617 31 20190515 F |
No demande : |
2764197 |
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Date : |
24 octobre 2019 |
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Greffière spéciale : |
Me Nathalie Bousquet |
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Gestion Capital Aubry Inc. |
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Locatrice - Partie demanderesse |
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c. |
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Ahilambabu Sinnuthurai |
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Locataire - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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[1] La
locatrice a produit une demande de fixation de loyer en vertu de l’article
[2] Les parties sont liées par un bail du 1er juillet 2018 au 30 juin 2019, à un loyer mensuel de 415,00 $.
[3] En vertu de l’article 57 de la Loi sur la Régie du logement[1], les dossiers concernant plusieurs locataires de cet immeuble sont réunis pour l’audition.
[4] Pour certains des dossiers, la locatrice demande aussi d’être relevée des conséquences de n’avoir pas produit sa demande dans le délai légal et aussi, elle demande d’ajouter de nouvelles conditions au bail pour certains des locataires.
[5] Le Tribunal avait donc prévu que les audiences pour deux des immeubles de la locatrice ont été convoquées devant le Tribunal le 7 octobre 2019 pour une durée de trois heures.
[6] Le 16 août 2019, la Régie transmettait aux parties l’avis de l’audience prévue pour le 7 octobre 2019.
[7] Le 1er octobre 2019, la locatrice faisait parvenir à la Régie du logement une demande de remise, au motif que le représentant de celle-ci était hors du pays du 5 au 7 octobre et que son témoignage était essentiel.
[8] Vers le 5 octobre 2019, les locataires recevaient un avis de la Régie les informant de la demande de remise pour la locatrice et les informant de la teneur des articles 28 et 29 du Règlement sur la procédure devant la Régie du logement[2].
[9] Au jour de l’audience, personne n’est présent pour la locatrice.
[10] Les locataires s’opposent à la remise de l’audience, n’ayant pas été informés dans un délai convenable du fait que le représentant de la locatrice n’entendait pas procéder le 7 octobre 2019, et ayant déjà pris des dispositions pour assurer leurs présences devant le Tribunal, certains des locataires doivent faire appel à un service de transport adapté pour assurer leur présence devant le Tribunal.
[11] Les articles 28 et 29 du Règlement sur la procédure devant la Régie du logement[3] se lisent ainsi:
« 28. « La partie qui désire obtenir la remise de l’audience à une date postérieure à celle déterminée dans l’avis d’audition doit produire à la Régie le consentement de l’autre partie. »
« 29. « À l’audience, le régisseur peut, d’office ou sur demande écrite ou verbale d’une partie, remettre ou ajourner l’audience à une date ultérieure.
(…) »
[12] La remise n’est donc pas automatiquement accordée et selon l’honorable Juge Martland de la Cour Suprême du Canada, il relève du Tribunal d’évaluer si les motifs au soutien de la demande de remise sont suffisants pour justifier une remise de l’audience ou un ajournement.[4]
[13] La Cour Supérieure s’exprimait ainsi dans la cause Laliberté et associées Inc. c. Commission des lésions professionnelles[5]:
« Le droit d’être entendu est un droit fondamental, tel que l’ont rappelé les tribunaux judiciaires à maintes reprises. Toutefois, ce droit n’a pas un caractère absolu et la saine administration de la justice constitue également un principe important dans notre droit et dans notre société. Ainsi, les parties doivent faire preuve de diligence dans la conduite de leur dossier. Le droit d’être entendu comporte en effet certaines obligations pour les parties, notamment celle de s’assurer d’être présent ou représenté à la date d’audience fixée pour faire les représentations nécessaires et utiles à leur cause. Pour autant, la jurisprudence et la doctrine enseignent qu’une partie peut, par sa négligence ou son insouciance, renoncer à ce droit. »
[14] La jurisprudence de la Régie est à l’effet que la remise doit être refusée lorsque la partie requérant la remise fait preuve de grossière négligence en n’informant pas au préalable la partie adverse ou en ne posant pas des gestes appropriés qui aurait pu permit à l’instance de procéder.
[15] Et tel que mentionné par la cour du Québec en appel d’une décision du Tribunal de la Régie du logement[6] :
« La Régie, dans une telle demande doit exercer sa discrétion et, comme mentionnée précédemment, elle l’a exercée correctement. La discrétion dont a fait preuve la régie tient compte, de surcroît, des droits du locataire d’être entendu. »
[16] En l’instance il appert que la locatrice n’a pas informé le maître des rôles des dates où elle ne serait pas disponible pour procéder devant le Tribunal. Même si elle avait eu un empêchement de dernière minute, elle n’a pas non plus demandé aux locataires de consentir à une date de remise ni ne les a informés au préalable qu’elle ne serait pas présente ni représentée devant le Tribunal au jour prévu pour l’audience, et qu’elle ne procéderait donc pas devant le Tribunal.
[17] De fait, ceux-ci n’ont même pas été informés par la locatrice, mais plutôt par la Régie qui leur a fait parvenir une lettre pour les en informer, reçue autour du 5 octobre alors que la date de l’audience était prévue pour le 7 octobre 2019.
[18] Plusieurs des locataires ont besoin d’un transport adapté, ce qui exige donc une organisation à prévoir pour leurs déplacements.
[19] D’autre part, le Tribunal constate l’absence du Formulaire de renseignements nécessaires à la fixation du loyer, document essentiel dans lequel la locatrice doit déclarer les dépenses sur lesquelles elle croit justifier de l’ajustement du loyer demandé, tel que prévu par les 8 et 9 du Règlement sur la procédure devant la Régie du logement[7] .
[20] Bref, le Tribunal constate que trois heures avaient été réservées pour la locatrice et que celle-ci n’a envoyé personne devant le Tribunal.
[21] La locatrice aurait certainement eu avantage à s’assurer que son dossier soit complet et de s’assurer de sa présence devant le Tribunal, par un autre représentant ou avocat, afin qu’à tout le moins le temps prévu et réservé devant le Tribunal soit utilisé à bon escient. Ainsi aurait-elle pu fournir au dossier de la Régie le Formulaire de renseignements nécessaires à la fixation du loyer et à tout le moins débuter la présentation des pièces justificatives, telles les taxes et les assurances, afin de minimiser la perte de temps et de ressources que le Tribunal avait réservé pour l’étude de ses demandes et même aussi négocier avec ses locataires. Un ajournement aurait pu être requis à la fin de l’audience si le témoignage du représentant était essentiel pour l’établissement de sa preuve, mais au moins les heures réservées auraient été utilisées.
[22] Il n’apparaît donc pas dans le meilleur intérêt d’une saine administration de la justice dans les circonstances d’accorder la remise.
[23] CONSIDÉRANT qu’il n’y a pas lieu d’accorder la remise;
[24] CONSIDÉRANT l’absence de preuve au soutien de la demande de la locatrice;
[25] CONSIDÉRANT l’absence de preuve justifiant une condamnation du locataire aux frais introductifs de la demande;
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[26] REJETTE les demandes de la locatrice;
[27] La locatrice supporte les frais de la demande.
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Me Nathalie Bousquet, greffière spéciale |
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Présence(s) : |
le locataire |
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Date de l’audience : |
7 octobre 2019 |
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[1] RLRQ. Chapitre R-8.1.
[2] RLRQ, c. R-8.1 r.5.
[3] RLRQ, c. R-8.1 r.5.
[4] Manhas c. R. C.S. Can,
[5] CS.
[6] Hannah Gluck fasn Euston Properties c. Martin Bélanger et Régie du logement, 500-80-009983-074, Cour du Québec, Honorable Juge Jacques Paquet, 25 février 2008.
[7] [7] RLRQ, c. R-8.1 r.5.
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