Jarrah c. 2955245 Canada inc. (Propriétés Zimmerman) |
2013 QCRDL 27386 |
RÉGIE DU LOGEMENT |
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Bureau dE Montréal |
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No dossier: |
31-110616-097 31 20110616 G |
No demande: |
56844 |
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Date : |
14 août 2013 |
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Régisseure : |
Linda Boucher, juge administratif |
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FERAS JARRAH |
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Locataire - Partie demanderesse |
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c. |
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2955245 CANADA INC. faisant affaires s0us la raison sociale les propriétés zimmerman |
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Locateur - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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[1] Il s’agit d’une demande de dommages matériels (450 $), diminution de loyer (2 036 $) et dommages moraux (2 000 $).
[2] Le locataire réclame aussi la condamnation du locateur aux frais judiciaires.
[3] Aux motifs de sa demande, le locataire joint une mise en demeure qu’il adressait au locateur le 2 juin 2011.
[4] Dans sa missive, le locataire dénonce la présence de punaises de lit dans son logement depuis le mois d’octobre 2010. Il déplore la lenteur du locateur à réagir et la perte de son mobilier dont il a dû se défaire.
Le bail
[5] Les parties admettent avoir été liées par un bail du 1er août 2006 au 31 juillet 2007 au loyer mensuel de 509 $ lequel fut reconduit année après année, la dernière de ces reconductions s’étendant jusqu’au 31 juillet 2011, au moment où le locataire a définitivement quitté les lieux loués. Le loyer est demeuré inchangé tout le temps du bail.
[6] Le logement visé est constitué de trois pièces.
Les faits
[7] Monsieur Jarrah fait valoir qu’au mois d’octobre 2010 après une occupation jusque-là sans histoire, son épouse et lui étaient réveillés la nuit par des démangeaisons causées par la présence de punaises.
[8] Il en informe aussitôt le concierge qui conteste la responsabilité du locateur et leur en impute la faute.
[9] Il tente alors, mais sans succès, de se débarrasser des parasites.
[10] Une nouvelle dénonciation au locateur se solde par un autre refus.
[11] À ce moment tous ses meubles; son lit, ses sofas et même les rideaux sont infestés de punaises. Bientôt tout le logement est colonisé par les punaises.
[12] Le concierge, affirme monsieur Jarrah, les avise alors de jeter leurs meubles, ce qu’ils feront à la mi-octobre 2010.
[13] Après s’être renseigné, il conclut plutôt à la responsabilité du locateur et lui fait tenir une mise en demeure formelle le 21 décembre 2010.
[14] Il exhibe cette lettre qui contient la dénonciation de la présence des punaises et les refus d’intervention du concierge.
[15] Il avise le locateur qu’il a déjà jeté son lit et intime le locateur d’intervenir.
[16] La réception de cette lettre est contestée par le représentant du locateur, toutefois l’intervention admise du locateur au mois de janvier 2011 convainc la soussignée que le locateur a bien reçu l’envoi.
[17] Au début du mois de janvier 2011, poursuit le locataire, le locateur faisait venir un exterminateur.
[18] Le locateur craint alors les effets toxiques de l’insecticide sur la santé de son épouse enceinte.
[19] Le 2 juin, il fait tenir au locateur la mise en demeure jointe à sa demande pour en indiquer les motifs.
[20] Il a alors jeté tous ses meubles.
[21] Il y admet que le locateur lui a remis une somme de 300 $ pour compenser la perte de son lit.
[22] Au chapitre de ses réclamations, le locataire réclame une somme de 2 036 $ équivalente à quatre mois de loyer pour les mois d’octobre, novembre, décembre 2010 et janvier 2011 alors que le locateur refusait d’intervenir. Il ne réclame rien à ce chapitre pour la période postérieure.
[23] Il demande une somme de 2 000 $ pour les souffrances, angoisse, insomnie et les inconvénients qu’il a subis durant la période de cohabitation avec les parasites. Il ajoute que durant quelques mois il n’avait pour tout meuble qu’un matelas nouvellement acheté, mais qu’il gardait emballé dans le plastique pour ne pas qu’il soit à son tour contaminé et risquer de transporter des punaises dans son nouveau logement.
[24] Il réclame aussi le coût de la perte de ses meubles qu’il estime à la somme de 450 $.
[25] L’épouse du locataire est venue, à son tour corroborer la présence des punaises au logement et les inconvénients et les pertes qui en ont résulté.
[26] Toutefois elle contredit son époux en révélant qu’elle est tombée enceinte au mois de mai 2011 par insémination in vitro. Elle n’était donc pas enceinte au mois de janvier précédent contrairement à ce qu’a déclaré son époux.
[27] En défense, M. Landry, le représentant du locateur, affirme que dès que ce dernier a été mis au courant de l’infestation à la fin du mois de décembre 2010, il est intervenu.
[28] Deux exterminateurs se sont succédés pour un total de trois interventions au logement. Ce qui a progressivement, puis tout à fait, réglé le problème de punaises.
[29] Il opine que les locataires sont responsables de la présence de punaises chez eux puisque sur les 69 logements que compte l’immeuble seulement deux ont été infesté et que depuis le départ des locataires, cela ne s’est pas reproduit dans le logement visé.
[30] Il est aussi d’avis que la question de la perte du lit a fait l’objet d’un règlement entre les parties et conteste la responsabilité du locateur dans les autres parties du locataire.
[31] Il fait valoir que le locateur a fait de son mieux et de bonne foi dans les circonstances.
[32] Subsidiairement, il juge qu’une diminution de loyer équivalente à 100% du loyer durant quatre mois est excessive du fait que les locataires ont admis qu’ils occupaient leur logement durant cette période.
[33] Ainsi peut-on résumer l’essentiel de la preuve.
Le droit
[34] Le locataire fonde sa
demande sur les articles
« 1854. Le locateur est tenu de délivrer au locataire le bien loué en bon état de réparation de toute espèce et de lui en procurer la jouissance paisible pendant toute la durée du bail.
Il est aussi tenu de garantir au locataire que le bien peut servir à l'usage pour lequel il est loué, et de l'entretenir à cette fin pendant toute la durée du bail.»
«1863. L'inexécution d'une obligation par l'une des parties confère à l'autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l'exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l'inexécution lui cause à elle-même ou, s'agissant d'un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail.
L'inexécution confère, en outre, au locataire le droit de demander une diminution de loyer; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablissement du loyer pour l'avenir.»
« 1910. Le locateur est tenu de délivrer un logement en bon état d'habitabilité; il est aussi tenu de le maintenir ainsi pendant toute la durée du bail.
La stipulation par laquelle le locataire reconnaît que le logement est en bon état d'habitabilité est sans effet.»
[35] En l’instance, les parties admettent que le logement visé a été infesté de punaises, au moins du mois de décembre 2010 au mois de juin 2011, et ce, à divers degrés selon la progression des interventions des exterminateurs mandatés par le locateur.
[36] Le tribunal retient la fin du mois de décembre comme étant la date de la dénonciation formelle du problème au locateur.
[37] Le comportement de ce dernier laisse présumer de sa connaissance du problème à cette époque.
[38] Pour la période antérieure, le locataire a fait défaut de démontrer la connaissance du locateur. La présence du concierge à l’audience pour témoigner de sa connaissance des faits eut été sans doute la meilleure des preuves.
[39] Par ailleurs, la preuve ne permet pas de déterminer la provenance des insectes dont le locateur avait certainement la responsabilité de l’éradication.
[40] Soulignons que la bonne foi du locateur n’est pas une défense que le tribunal peut retenir à l’encontre de la demande de diminution de loyer pour la période allant de la mi-décembre à la fin du mois de janvier, période retenue par le tribunal sur celle que réclame le locataire.
[41] Le tribunal accorde à ce chapitre au locataire la somme de 100 $, somme qui rétablit adéquatement selon nous, l’équilibre entre les obligations réciproques des parties pour la période retenue.
[42] Au chapitre des dommages matériels, le tribunal constate qu’il y a eu transaction au sens l'article 2631 du Code civil du Québec[1] en ce qui a trait à la perte du lit. Cette entente entre les parties ayant force de chose jugée, le tribunal ne peut se prononcer à nouveau sur ce sujet.
[43] Quant aux autres meubles que le locataire affirme avoir jeté, nous constatons d’une part qu’il ne présente aucune preuve de leur existence ou de leur valeur, sinon son témoignage ainsi que celui de son épouse.
[44] Mais, et cela est capital, il appert que le locataire n’a pas avisé le locateur de la disposition de ses meubles avant de passer à l’action. En agissant ainsi, il privait le locateur de la possibilité de proposer une solution moins radicale et onéreuse.
[45] L’absence de dénonciation au locateur en temps utile est fatale à cet aspect de la demande du locataire.
[46] Finalement, quant aux dommages moraux, il est certain que la présence de vermine en quantité dans un logement cause un certain nombre de troubles et inconvénients à ses habitants.
[47] Angoisse, stress et insomnie ont dû être le lot du locataire durant cette période.
[48] Rien ne lui sera toutefois accordé en raison de la toxicité de l’insecticide employé puisqu’aucun expert, ce que n’est pas le locataire, n’est venu en faire la démonstration.
[49] Au chapitre des dommages moraux, le tribunal accorde au locataire la somme de 500 $.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[50] ACCUEILLE en partie la demande du locataire;
[51] CONDAMNE le locateur à payer au locataire la somme de 600 $ plus les frais judiciaires de 68 $;
[52] REJETTE la demande quant au surplus.
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Linda Boucher |
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Présence(s) : |
le locataire la mandataire du locateur |
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Date de l’audience : |
24 juillet 2013 |
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[1] « 2631. La transaction est le contrat par lequel les parties préviennent une contestation à naître, terminent un procès ou règlent les difficultés qui surviennent lors de l'exécution d'un jugement, au moyen de concessions ou de réserves réciproques. Elle est indivisible quant à son objet.»
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.