6804802 Canada inc. (Fontaines Longueuil) c. D'Anjou |
2016 QCRDL 27987 |
RÉGIE DU LOGEMENT |
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Bureau dE Longueuil |
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No dossier: |
250505 37 20151211 F |
No demande: |
1890190 |
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RN :
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Date : |
12 août 2016 |
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Greffière spéciale : |
Me Nathalie Bousquet |
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6804802 CANADA INC. LES FONTAINES LONGUEUIL |
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Locatrice - Partie demanderesse |
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c. |
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Pauline D'Anjou |
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Locataire - Partie défenderesse |
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DÉCISION
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[1] La
locatrice a produit une demande présentée en vertu de l’article
[2] Les parties sont liées par un bail du 1er février 2015 au 31 janvier 2016 à un loyer mensuel de 1 288 $, incluant les services.
[3] À l’audience du 7 avril 2016, la mandataire de la locatrice a précisé que la locatrice demande que l’usage d’un quadriporteur par la locataire soit interdit par le Tribunal. La locataire a précisé avoir accepté l’augmentation de loyer demandée par la locatrice, mais qu’elle refuse de se faire interdire l’usage de son quadriporteur et qu’elle conteste que les repas non consommés durant le mois ne puissent être applicables pour le mois suivant.
Les faits
[4] La locataire habite un immeuble pour personnes âgées. Elle y a emménagé en 2009.
[5] La locataire peut marcher et se déplacer sans aide. Toutefois, pour apporter des commissions et lui donner une plus grande capacité et autonomie, elle s’est acheté un quadriporteur afin de pouvoir faire ses commissions au supermarché et aussi des promenades à l’extérieur de l’immeuble.
[6] La mandataire de la locatrice lui a désigné un endroit au sous-sol pour y mettre le quadriporteur avec une contrepartie de 20,00 $ par mois.
[7] La locataire refuse d’utiliser cet espace, car selon le guide de l’utilisateur émis par le fournisseur du quadriporteur, les tuyaux et la proximité des autres batteries des sept autres quadriporteurs auront pour effet de décharger la batterie de son quadriporteur.
[8] La mandataire de la locatrice a expliqué que la locatrice ne peut offrir des services intermédiaires aux résidents, car l’immeuble ne peut se qualifier pour offrir aux résidents des services intermédiaires en raison de l’insuffisance de largeur des portes et des corridors.
[9] Elle
a donc produit copie de l’article
[10] Elle a produit le règlement de l’immeuble, lequel comporte plusieurs clauses, dont l’une mentionnant qu’il est interdit d’utiliser un quadriporteur à l’intérieur de l’immeuble.
[11] La gérante de l‘immeuble a expliqué avoir permis temporairement à la locataire d’utiliser un logement voisin qui était alors inoccupé pour pouvoir y installer son quadriporteur, car ce logement a la particularité d’avoir une petite terrasse, à partir de laquelle la locataire pouvait accéder au chemin de façon sécuritaire et sans utiliser le quadriporteur à l’intérieur de l’immeuble (corridor). Ainsi, la locataire n’avait pas à utiliser l’accès du corridor pour accéder avec son quadriporteur à l’extérieur de l’immeuble.
[12] Il ne s’agissait pas d’un ajout à son bail, mais simplement pour accommoder la locataire qui refusait de mettre son quadriporteur avec les autres au sous-sol et le 20,00 $ ajouté au loyer pour le rangement du quadriporteur était pour l’espace prévu au garage et non pas pour l’utilisation de l’accommodation au logement voisin.
[13] La locatrice a loué ce logement à un autre locataire du même immeuble qui ne pouvait plus rester dans son logement précédent et dès lors la locataire ne peut plus y mettre son quadriporteur ni passer par le logement pour accéder à la terrasse qui même au chemin.
[14] La locataire refuse d’utiliser l’espace de stationnement prévu à cet effet dans le garage et garde son quadriporteur dans son logement et considère ne plus avoir à payer le 20,00 $ prévu pour le remisage du quadriporteur.
[15] Lorsqu’elle va à l’extérieur de l’immeuble, elle doit donc emprunter le corridor pour accéder à la porte.
[16] La mandataire explique qu’il est inapproprié de permettre à la locataire de garder son quadriporteur dans son logement et de l’utiliser dans l’immeuble, car le corridor dans le logement menant à la porte de son logement est trop étroit, et le corridor de l’étage qu’elle emprunte et sur lequel elle doit faire une cinquantaine de pieds est lui aussi trop étroit.
[17] De plus, si la locataire utilise le garage pour sortir avec son quadriporteur, elle doit emprunter le même chemin que les automobiles, et la rampe d’accès n’est pas conçue pour être sécuritaire pour un quadriporteur.
[18] Si elle utilise le corridor de l’immeuble et l’ascenseur, la largeur du corridor et des portes n’est pas alors conforme aux normes du Code national du bâtiment pour permettre l’usage d’un quadriporteur en de tels lieux.
[19] La locataire refuse catégoriquement de mettre son quadriporteur au sous-sol puisque le guide de l’utilisateur indique que la proximité des autres quadriporteurs a pour effet de décharger sa batterie.
[20] La locataire soutient qu’il est tout à fait raisonnable de lui permettre d’utiliser le corridor, car la largeur de celui-ci est suffisante. Elle cite comme preuve à l’appui que les ambulanciers ont pu accéder au bureau du médecin, elle n’a eu qu’à se tasser sur le côté du corridor pour les laisser passer avec la civière.
[21] La même chose se produit lorsqu’elle croise les résidentes qui ont des chaises roulantes ou des marchettes (déambulateurs), ou même des membres du personnel, elle se tasse sur le côté du corridor.
[22] Selon la locataire, il n’y a aucun danger de collision avec des résidents, des marchettes ou toute personne puisqu’elle n’a qu’à lâcher le guidon pour que l’appareil cesse de bouger.
[23] La locataire est convaincue que la locatrice a formulé ses demandes dans le but de l’obliger à quitter l’immeuble, en représailles aux tentatives de la locataire d’organiser un syndicat des locataires pour défendre leurs droits auprès de la locatrice.
[24] À la reprise de l’audience le 24 mai dernier, la locatrice n’était pas représentée.
[25] La locataire a pour sa part complété sa preuve quant à l’opposabilité à son égard de la clause au règlement de l’immeuble concernant l’interdiction d’un quadriporteur.
[26] Selon la locataire, la signature apparaissant au bas du document aurait été copiée sur la sienne au bail, puis inscrite sur ledit règlement. La locataire a renié le règlement de l’immeuble et sa signature apparaissant au bas de celui-ci. Elle ne se rappelle aucunement l’avoir vu ni même que la gérante lui en ait parlé à la signature du bail en 2009 et est certaine que sa signature a été imitée à partir des autres documents signés au cours des ans.
[27] Quant aux frais de repas, la locataire devra subir une opération et prévoit être absente de son domicile pour environ trois mois. Puisqu’elle sera absente, elle ne prendra donc aucun des repas dont le coût est inclus dans son bail. Elle s’oppose donc à ce que ces repas ne puissent lui être crédités puisqu’elle ne consommerait pas ceux-ci durant son absence.
[28] En ce qui concerne les frais de repas et de remisage, le Tribunal estime qu’il s’agit de services prévus au bail et qu’en tant que tel, leur paiement ne peut être conditionnel à leur usage par la locataire.
[29] En l’instance, ces services font partie du bail de la locataire et ne sont pas prévus comme étant payable à l’unité selon usage par la locataire. Ils sont prévus au bail, la locatrice les offre et les maintient durant la période prévue au bail, et la locataire ne peut exiger que ses services s’accumulent de mois en mois si elle ne les utilise pas.
[30] Dès lors qu’il n’y a pas de défaut de la part de la locatrice, la locataire doit payer tous les mois son loyer prévu au bail, qu’elle utilise ou pas lesdits services, et ne peut les réserver ou les accumuler pour usage ultérieur, le tout tel que prévu au Règlement sur les critères de fixation de loyer[1] : «loyer»: le prix mensuel de la jouissance d’un logement avec ses services, accessoires et dépendances, même s’ils font l’objet d’un contrat distinct du bail ». Ainsi, le Tribunal ne peut forcer la locatrice à transférer les repas non consommés par la locataire sur le loyer suivant ni les mettre en banque pour utilisation ultérieure.
[31] Aussi, la prépondérance de la preuve est nettement à l’effet que la locataire a payé la somme de 20,00 $ de plus par mois pour mettre son quadriporteur dans le sous-sol avec les trois autres qui appartiennent à d’autres locataires de l’immeuble et non pas comme elle le prétend pour le remiser dans l’appartement voisin.
[32] Concernant une modification au bail, il est possible pour un locateur de revenir sur des conditions consensuelles consenties par les parties au contrat de bail et de ce fait d’atteindre l’immuabilité des contrats et obtenir que des conditions du bail puissent être modifiées[2].
[33] Pour ce faire, la jurisprudence au cours des ans est à l’effet que le locateur a le fardeau d’établir de façon prépondérante la raisonnabilité et les objectifs visés par ses demandes[3], lesquelles seront appréciées par le Tribunal eu égard à la balance des inconvénients subis[4] et compte tenu de toutes les circonstances propres à chaque cas[5], et notamment, le Tribunal examine le comportement antérieur du locateur pour vérifier s’il n’y a pas d’abus dans la demande sous étude[6].
[34] Ainsi, lorsqu’une demande vise à obtenir une interdiction de faire, et ce, dans l’intention de prévoir des manquements à des obligations déjà prévues par la loi, que ce soit au Code civil du Québec ou à d’autres lois particulières, le Tribunal se doit d’analyser les conséquences à ces ajouts.
[35] En effet, les conséquences à des interdictions peuvent mener à une résiliation sans qu’alors le Tribunal puisse exercer de discrétion quant à la sanction à appliquer.
[36] Le Tribunal, dans la cause Stanco c. Leblanc [7] explique fort cette situation et la soussignée abonde et fait sienne l’analyse suivante du Tribunal siégeant alors en révision :
« [39] Cette disposition donne ouverture à divers recours lors de l'inexécution d'une obligation prévue par la loi ou le bail. Elle confère le droit de demander, outre des dommages-intérêts, la diminution du loyer, l'exécution en nature, dans les cas qui le permettent ou la résiliation du bail.
[40] Cet article encadre, cependant, les règles concernant la résiliation en exigeant, outre la preuve du manquement, la démonstration d'un préjudice sérieux pour faire droit à la demande.
[41] D'autre part, par application des articles
[42] En raison des règles qui régissent la fixation du loyer et la modification aux conditions du bail, une telle discrétion ne peut être exercée par le greffier-spécial.
[43] Le locateur n'aurait alors qu'à faire valoir le manquement pour retirer un usage au locataire dans le cadre d'une modification aux conditions du bail.
[44] Si l'on devait permettre au locateur, de modifier une condition du bail uniquement parce qu'il est insatisfait de l'exécution par le locataire, cela aurait pour conséquence d'alléger le fardeau de preuve qui lui est normalement imposé. Il n'est, donc, pas approprié de procéder à une telle détermination dans le cadre d'une demande de fixation de loyer ou modification aux conditions du bail. »
[37] Cette décision du Tribunal siégeant en révision fut appliquée dans diverses autres décisions de la Régie[8].
[38] En l’instance, l’ajout d’une clause interdisant à la locataire d’utiliser son quadriporteur depuis son logement pour sortir de l’immeuble et vice versa serait fondé sur l’inquiétude de la locatrice qu’un tel usage des lieux ne respecterait pas les règles prévues selon le Code national du bâtiment, donc à des règles de sécurité applicables à tous selon la loi, et à son soucis que cet usage puisse porter atteinte à la sécurité des usagers de l’immeuble.
[39] Elle vise donc à faire préciser nommément une obligation de ne pas nuire aux autres locataires et l’obligation de respecter les lois existantes en matière de sécurité, et cette demande de la locatrice vise en fait une ordonnance de ne pas faire, laquelle par la suite, advenant la preuve devant le Tribunal de son défaut, mène à la résiliation du bail.
[40] L’article
«1863. L'inexécution d'une obligation par l'une des parties confère à l'autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l'exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l'inexécution lui cause à elle-même ou, s'agissant d'un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail.
L'inexécution confère, en outre, au locataire le droit de demander une diminution de loyer; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablissement du loyer pour l'avenir.»
[41] Le Tribunal estime
donc que le recours en modification du bail fondé sur l’article
[42] CONSIDÉRANT l'ensemble de la preuve faite à l'audience;
[43] CONSIDÉRANT qu’il n’y a pas lieu d’ajouter une clause visant à interdire à la locataire d’utiliser son quadriporteur pour se déplacer depuis son logement à la sortie de l’immeuble;
[44] CONSIDÉRANT que l’ajout au bail quant au refus de la locatrice d’accepter de ne pas transférer les repas non consommés par la locataire le mois suivant, est inutile puisqu’elle n’y est pas obligée selon le bail et la loi;
[45] CONSIDÉRANT l’absence de preuve justifiant une condamnation de la locataire;
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL
[46] REJETTE la demande de la locatrice quant aux deux modifications demandées.
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Me Nathalie Bousquet, greffière spéciale |
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Présence(s) : |
la mandataire de la locatrice la locataire |
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Date de l’audience : |
7 avril 2016 |
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Présence(s) : |
la locataire |
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Date de l’audience : |
24 mai 2016 |
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[1] RLRQ, c.R-8.1, r.2.
[2] Id.
[3] kilifis c. Miskin; Robert Lalumière c. Diane Nault, Régie du logement, no : 190211, 28 mai 2015, Me Isabelle Hébert; Etta Grosz c. Jacques Lord, Régie du logement, no : 31-130225-146F, 2 juillet 2013, Me Isabelle Hébert.
[4] Robert Lalumière c. Diane Nault, Régie du logement, no : 190211, 28 mai 2015, Me Isabelle Hébert; Etta Grosz c. Jacques Lord, Régie du logement, no : 31-130225-146F, 2 juillet 2013, Me Isabelle Hébert.
[5] Adrian Dumitru c. Lucie Crête, Régie du logement, no : 36-120323-013F, 12 mars 2013, Me Émilie Pelletier.
[6]
Sniatowsky c. Simmons, 2009, QCCQ 9316 (CanLII) suivie en appel à
la Cour Supérieure Sniatowsky c. Cour du Québec,
[7] Régie du logement, Bureau de Montréal, no : 31 110414-069 V 111005, 14 août 2012, Mes Francine Jodoin et Eric-Luc Moffatt;
[8] Desmeules c Lemay, R.L. 31-110427-257 31 20110427 V, 6 février 2015, Me Francine Jodoin; Sylvain c Laneuville, R.L. 268765, 21 juillet 2016, Me Isabelle Hébert; Bouchard c. Chouinard, R.L. 196907, 11 décembre 2015, Me Sophie Alain; Les Frangines inc. c. Séguin, R.L, 155170, 18 décembre 2014, Me Grégor Des Rosiers.
AVIS :
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appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.