Jardins de la rive c. Beaudin |
2011 QCRDL 20409 |
RÉGIE DU LOGEMENT |
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Bureau de Québec |
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No : |
18 100917 013 G |
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Date : |
25 mai 2011 |
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Régisseur : |
Jocelyn Barakatt, juge administratif |
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Les Jardins De La Rive |
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Locateur - Partie demanderesse |
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c. |
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Charles Beaudin
Geneviève Garant |
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Locataires - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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[1] Le locateur s’adresse à la Régie du logement et demande au Tribunal la résiliation du bail et l’éviction des locataires, en invoquant les motifs suivants, à savoir :
« Trouble de la jouissance normale des autres locataires;
Non-respect de la destination résidentielle seulement;
Exploitation d’un commerce sans l’autorisation du locateur;
Non-respect du règlement de l’immeuble;
Refus d’obtempérer à la demande raisonnable du locateur de mettre fin à ses activités commerciales. »
[2] Les parties sont actuellement liées en vertu d’un renouvellement de bail pour la période du 1er juillet 2010 au 30 juin 2011, à un coût de loyer mensuel de 725 $, et concernant la location d’un logement situé au […] à Québec.
[3] À l’audience, le représentant du locateur témoigne que les locataires exploitent une garderie pour enfants dans leur logement, alors que le bail spécifie que le logement devrait être utilisé à des fins résidentielles seulement.
[4] D’ailleurs, le 23 août 2010, le locateur transmet aux locataires une mise en demeure dénonçant cette situation, tout en les informant avoir reçu des plaintes de bruits provenant de leur logement.
[5] M. Denis Simard, locataire dans le même immeuble depuis au-delà de 10 ans, occupe le logement situé au-dessous du logement occupé par les locataires.
[6] M. Simard précise ne pas avoir la paix et la tranquillité auxquelles il peut prétendre depuis que les locataires occupent leur logement.
[7] M. Simard mentionne entendre régulièrement du bruit occasionné par des jeunes enfants entre 8h00 et 18h00.
[8] M. Simard précise aussi entendre des bruits de balayeuse, tard en soirée.
[9] M. Simard est à sa retraite et il admet avoir des problèmes d’anxiété.
[10] Mme Lucie Moisan, concierge pour l’immeuble concerné, affirme avoir reçu des plaintes de M. Simard relativement aux bruits occasionnés dans le logement occupé par les locataires, en raison des enfants ainsi que des bruits occasionnés par la balayeuse en soirée.
[11] Mme Moisan admet également avoir reçu des plaintes des locataires relativement au locataire Denis Simard, lequel aurait frappé au plafond de son logement à plusieurs reprises afin de manifester son mécontentement à l’égard des locataires.
[12] Enfin, Mme Moisan ajoute que l’exploitation d’une garderie dans le logement des locataires occasionne également des problèmes sur le stationnement réservé aux locataires de l’immeuble.
[13] De son côté, le locataire Charles Beaudin reconnaît avoir signé un bail résidentiel.
[14] Cependant, selon lui, rien ne lui interdit d’exploiter une garderie considérant qu’il respecte le critère du tiers de la superficie du logement.
[15] Au soutien de ses prétentions, il exhibe au Tribunal des photographies démontrant qu’il n’y a qu’une pièce d’utilisée à des fins de garderie.
[16] M. Beaudin admet que sa conjointe a gardé un maximum de trois enfants pendant une certaine période.
[17] Actuellement, il n’y a qu’un seul enfant, lequel serait âgé de 17 mois.
[18] M. Beaudin témoigne qu’il n’a jamais reçu de plainte d’autres locataires de l’immeuble.
[19] Selon lui, il n’y a que M. Simard qui se plaint et cela, en raison d’un « froid » survenu entre les parties quelques mois après leur arrivée dans l’immeuble.
[20] M. Beaudin précise que depuis le 11 avril 2011, sa conjointe ne garde que la petite Juliette Cantin et cela, cinq jours par semaine.
[21] Enfin, tant pour sa conjointe que pour lui-même, la garde des enfants fait partie d’un processus dans lequel le couple chemine, en raison d’une demande faite à la clinique Procréa, spécialisée pour l’insémination artificielle.
[22] De plus, les locataires précisent qu’ils pourraient éventuellement quitter les lieux loués et prendre une entente de résiliation de bail avec le locateur, à certaines conditions.
[23] Les articles
« 976. Les voisins doivent accepter les inconvénients normaux du voisinage qui n’excèdent pas les limites de la tolérance qu’ils se doivent, suivant la nature ou la situation de leur fonds, ou suivant les usages locaux.»
« 1856. Ni le locateur ni le locataire ne peuvent, au cours du bail, changer la forme ou la destination du bien loué.»
« 1892. Sont assimilés à un bail de logement, le bail d'une chambre, celui d'une maison mobile placée sur un châssis, qu'elle ait ou non une fondation permanente, et celui d'un terrain destiné à recevoir une maison mobile.
Les dispositions de la présente section régissent également les baux relatifs aux services, accessoires et dépendances du logement, de la chambre, de la maison mobile ou du terrain.
Cependant, ces dispositions ne s'appliquent pas aux baux suivants :
1. Le bail d'un logement loué à des fins de villégiature;
2. Le bail d'un logement dont plus du tiers de la superficie totale est utilisée à un autre usage que l'habitation;
3. Le bail d'une chambre située dans un établissement hôtelier;
4. Le bail d'une chambre située dans la résidence principale du locateur, lorsque deux chambres au maximum y sont louées ou offertes en location et que la chambre ne possède ni sortie distincte donnant sur l'extérieur ni installations sanitaires indépendantes de celles utilisées par le locateur;
5. Le bail d'une chambre située dans un établissement de santé et de services sociaux, sauf en application de l'article 1974.»
« 2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée».
[24] Concernant le motif invoqué par le locateur pour « trouble de la jouissance normale des autres locataires », le Tribunal s’est prononcé comme suit dans la cause Office municipal d’habitation de Montréal c. Paquette, R.L. Montréal, 33 900213 038 G, 10 avril 1990 :
« […] des personnes qui vivent à proximité d’un logement où habitent quatre jeunes enfants doivent s’attendre à plus de bruits que s’il n’était occupé que par des adultes. »
[25] De même, dans la cause
Gestion Gale Inc. c. Martel
« Le locateur demande la résiliation du bail parce que la locataire est intolérante à l’égard des bruits normaux de la vie courante et que sa façon de le faire savoir est excessive. Il lui est ordonné de cesser de cogner au plafond ou sur les murs pour se plaindre du bruit des voisins. »
[26] Le Tribunal est d’opinion qu’il y a possiblement un conflit de personnalité entre les locataires et le locataire Denis Simard ainsi que la concierge Lucie Moisan.
[27] Les occupants d’un immeuble à logements multiples doivent faire preuve de plus de tolérance l’un envers l’autre, en considérant qu’il ne peuvent pas avoir la tranquillité qu’ils auraient dans une maison unifamiliale.
[28] Concernant le motif « non-respect de la destination résidentielle et exploitation d’un commerce », les locataires réfèrent le Tribunal à une décision de Me Marc Lavigne, le 8 juin 2010 dans le dossier numéro 37 100322 029 G.
[29] En analysant cette décision, le Tribunal constate que Me Lavigne conclut, au paragraphe 11 de sa décision que « le contrat de location liant les parties est celui d’un logement et que moins du tiers de sa superficie est utilisé à des fins commerciales ».
[30] D’autre part, le représentant du locateur réfère également le Tribunal à deux décisions rendues à la Régie du logement.
[31] Dans le dossier numéro 31 100111 147 G, Me Anne Mailfait mentionne aux paragraphes 16 et 18 de sa décision ce qui suit :
« La preuve prépondérante et non contestée révèle que la locataire utilise le logement essentiellement à des fins artisanales ou commerciales. Ses pièces de couture sont exposées dès la première pièce du logement, l’aménagement des meubles révèle également que la locataire offre des services de coiffure dont le matériel occupe toute la cuisine. Dans cette pièce d’ailleurs, des journaux, une tête de mannequin, des miroirs glanent sur le comptoir et rien ne laisse figurer une utilisation à des fins de cuisine.
Le locateur ajoute que l’assureur l’a obligé à modifier ses panneaux électriques afin de faire face à la surcharge électrique que l’utilisation fréquente des séchoirs et machines entraîne. Il affirme en outre avoir surveillé le logement et avoir constaté que la locataire le quitte à 17h00 sans que personne y demeure ou n’y entre par après. »
[32] Dans le dossier numéro 31 100401 152 G, Me Marie-Louisa Santirosi mentionne aux paragraphes 7 et 18 de sa décision ce qui suit :
« Un matelas soulevé est entreposé dans la cuisine devant la porte du frigidaire et ne semble pas servir. Il n’y a aucune vaisselle, casserole, vêtements ou couverture qui indiquerait une occupation du logement.
Ainsi, en autant que le deux tiers de la superficie du logement est utilisé à des fins d’habitation, il sera considéré comme résidentiel. »
[33] Ainsi, dans les décisions référées par le représentant du locateur, la règle de l’occupation du logement ainsi que de la superficie des deux tiers, à des fins résidentielles, ont été les critères retenus pour conclure qu’il y avait ou pas changement de la destination du logement.
[34] Dans la cause Robidoux
c. Gascon
« La locataire vit avec son conjoint, peintre, qui utilise une pièce comme atelier - moins du tiers de la superficie - avec certificat d’occupation de la Ville de Montréal. Le locateur prétend que le logement sert de galerie d’art, étant donné qu’il y a des tableaux (65) sur la majorité des murs, même dans le corridor. Les 65 tableaux ne sont pas destinés à la vente et les clients ne vont pas ailleurs que dans l’atelier. Le logement n’est pas une galerie et la règle du tiers est respectée. »
[35] Après avoir analysé les photographies, les documents et les témoignages, le locateur n’a pas fait la preuve, à la satisfaction du Tribunal, que les locataires avaient enfreint les règles d’un bail résidentiel, et plus particulièrement en raison du critère concernant le tiers de la superficie du logement, et le Tribunal est d’opinion que l’exercice dans les tiers du logement de l’exploitation limitée d’une garderie en milieu familial ne constitue pas vraisemblablement un changement de destination du logement.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[36] REJETTE la demande du locateur, lequel assumera ses frais judiciaires et de signification.
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Jocelyn Barakatt |
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Présence(s) : |
le mandataire du locateur les locataires |
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Date de l’audience : |
11 mai 2011 |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.