Autobus Transco (1988) inc. c. Syndicat de Autobus Terremont ltée (CSN) |
2020 QCCA 1787 |
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COUR D’APPEL |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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GREFFE DE
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N° : |
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(500-17-087894-153) |
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DATE : |
12 janvier 2021 |
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LES AUTOBUS TRANSCO (1988) INC. |
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APPELANTE - demanderesse |
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c. |
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SYNDICAT DE AUTOBUS TERREMONT LTÉE (CSN) |
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PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC |
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INTIMÉS - mis en cause |
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et |
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COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL (LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL) |
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MIS EN CAUSE - défenderesse |
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et |
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AUTOBUS TERREMONT LTÉE |
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UNION DES CHAUFFEURS DE CAMIONS |
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HOMMES D’ENTREPÔTS ET AUTRES OUVRIERS |
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TEAMSTERS QUÉBEC, SECTION LOCALE 106 (FTQ) |
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MIS EN CAUSE - mis en cause |
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ARRÊT RECTIFICATIF (de l’arrêt rendu le 22 décembre 2020) |
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[1] Une erreur matérielle s’est glissée au premier paragraphe de l’arrêt rendu, en ce que la Cour a omis de préciser que le Syndicat de Autobus Terremont ltée (CSN) était accrédité pour représenter tous les salariés, sauf les employés de bureau, d’une division de l’appelante.
POUR CES MOTIFS, LA COUR :
[2] RECTIFIE l’arrêt rendu le 22 décembre 2020 en remplaçant le premier paragraphe par le suivant :
[1] L’appelante, Les Autobus Transco (1988) inc. se pourvoit contre un jugement rendu le 15 août 2018, par la Cour supérieure (l’honorable Jérôme Frappier), district de Montréal, qui a rejeté son pourvoi en contrôle judiciaire portant sur les décisions interlocutoire et au fond de la Commission des relations de travail. Dans celles-ci, cette dernière a décidé que l’appelante était une entreprise de compétence provinciale, constaté l'aliénation de Les Autobus Terremont ltée et déclaré Transco liée par la Convention collective signée par Les Autobus Terremont ltée et le Syndicat de Autobus Terremont ltée (CSN).
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YVES-MARIE MORISSETTE, J.C.A. |
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BENOÎT MOORE, J.C.A. |
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SOPHIE LAVALLÉE, J.C.A. |
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Me Dominique Monet
Me Deborah Faria Furtado
FASKEN MARTINEAU DUMOULIN
Pour l’appelante
Me Jean Mailloux
LAROCHE MARTIN
Pour l’intimé Syndicat de Autobus Terremont Ltée (CSN)
Me Francis Durocher
BERNARD, ROY (JUSTICE-QUÉBEC)
Pour l’intimé Procureur général du Québec
Date d’audience : 25 novembre 2020
Autobus Transco (1988) inc. c. Syndicat de Autobus Terremont ltée (CSN) |
2020 QCCA 1787 |
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COUR D’APPEL |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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GREFFE DE
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MONTRÉAL |
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N° : |
500-09-027814-185 |
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(500-17-087894-153) |
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DATE : |
22 décembre 2020 |
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FORMATION : |
LES HONORABLES |
YVES-MARIE MORISSETTE, J.C.A. BENOÎT MOORE, J.C.A. SOPHIE LAVALLÉE, J.C.A. |
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LES AUTOBUS TRANSCO (1988) INC. |
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APPELANTE - demanderesse |
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c. |
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SYNDICAT DE AUTOBUS TERREMONT LTÉE (CSN) et PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC |
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INTIMÉS - mis en cause |
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Et |
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COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL (LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL) |
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MISE EN CAUSE - défenderesse |
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Et |
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AUTOBUS TERREMONT LTÉE et UNION DES CHAUFFEURS DE CAMIONS, HOMMES D’ENTREPÔTS ET AUTRES OUVRIERS, TEAMSTERS QUÉBEC, SECTION LOCALE 106 (FTQ) |
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MIS EN CAUSE - mis en cause |
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ARRÊT |
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[1] L’appelante, Les Autobus Transco (1988) inc. se pourvoit contre un jugement rendu le 15 août 2018, par la Cour supérieure (l’honorable Jérôme Frappier), district de Montréal, qui a rejeté son pourvoi en contrôle judiciaire portant sur les décisions interlocutoire et au fond de la Commission des relations de travail. Celle-ci a décidé que l’appelante était une entreprise de compétence provinciale et que le Syndicat de Autobus Terremont ltée (CSN) était accrédité pour représenter tous les salariés de l’appelante, sauf les employés de bureau.
[2] Pour les motifs de la juge Lavallée, auxquels souscrivent les juges Morissette et Moore, LA COUR :
[3] REJETTE l’appel;
[4] LE TOUT avec frais de justice.
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YVES-MARIE MORISSETTE, J.C.A. |
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BENOÎT MOORE, J.C.A. |
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SOPHIE LAVALLÉE, J.C.A. |
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Me Dominique Monet |
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Me Deborah Faria Furtado |
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FASKEN MARTINEAU DuMOULIN |
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Pour l’appelante |
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Me Jean Mailloux |
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LAROCHE MARTIN |
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Pour l’intimé Syndicat de Autobus Terremont Ltée (CSN) |
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Me Francis Durocher |
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BERNARD, ROY (JUSTICE-QUÉBEC) |
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Pour l’intimé Procureur général du Québec |
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Date d’audience : |
25 novembre 2020 |
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MOTIFS DE LA JUGE LAVALLÉE |
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[5] Cet arrêt porte sur la qualification constitutionnelle d’une entreprise québécoise de transport scolaire qui effectue des voyages nolisés en Ontario avec ses autobus scolaires. La question au cœur du litige est de savoir si la proportion des activités de transport interprovincial d’une telle entreprise, par rapport à ses activités de transport provincial, doit être considérée dans l’application du test de la régularité et de la continuité de ses voyages interprovinciaux et le cas échéant, si la Commission des relations de travail (ci-après « Commission ») et le juge de la Cour supérieure ont considéré cette proportion en qualifiant l’entreprise.
[6] La Commission, à laquelle est maintenant substitué le Tribunal administratif du travail[1] mis en cause, a-t-elle rendu une décision interlocutoire[2] et une décision au fond[3] devant être révisées par les tribunaux de droit commun, en concluant que l’appelante Les Autobus Transco (1988) inc. (ci-après « Transco ») était de compétence provinciale, aux fins de ses relations de travail? Le juge de la Cour supérieure, saisi par Transco d’une demande de pourvoi en contrôle judiciaire de ces décisions, a répondu par la négative à cette question, d'où l’appel interjeté contre son jugement.
[7]
Les conséquences juridiques et pratiques de ce litige sont importantes.
Si Transco est qualifiée, comme elle le demande, d'entreprise relevant de la
compétence fédérale, c’est l’article
1. Contexte
[8] Dans ce litige, la trame factuelle est particulièrement importante. Les constatations de fait dégagées par la Commission, lesquelles ont été tenues pour avérées par le juge de première instance, permettent d’en circonscrire le contexte.
1.1. L’entreprise Transco
[9] Transco est une entreprise de transport scolaire dont le siège social est au Québec depuis le début des années 1980. Elle possède une flotte d’autobus de différentes tailles, pouvant transporter entre 20 et 72 passagers, et offre aussi un service de transport nolisé s’effectuant par ces mêmes autobus scolaires[6].
[10] Au cours des années, Transco a acquis d’autres entreprises œuvrant essentiellement dans le même domaine[7]. Elle a ainsi agrandi son territoire d’opération, sa flotte d’autobus et sa clientèle. Elle possède désormais 750 autobus scolaires[8] et dessert les territoires de Montréal-Nord, Pointe-Claire, Saint-Hubert, Anjou, Mascouche et LaSalle, où se trouve son siège social[9].
[11] Sa clientèle principale est constituée de dix commissions scolaires[10]. Parmi ses clients, elle compte des services de garde en milieu scolaire, des agences de voyages, des municipalités, des camps de jour, des centres d’accueil et même, parfois, des membres du public.
1.2. La structure syndicale de Transco depuis 2002
[12] Jusqu’en 2002, Transco est une entreprise de compétence provinciale, et ce, même si elle effectue déjà des voyages nolisés en Ontario depuis 1992[11].
[13] Le 4 mars 2002, Transco, et un syndicat affilié au mis en cause, Teamsters Québec (ci-après « les Teamsters »), s’entendent pour faire reconnaître à l’entreprise son statut fédéral par le Conseil canadien des relations industrielles (ci-après « CCRI ») en invoquant un changement organisationnel[12]. La décision du CCRI, confirmant le statut fédéral de l’entreprise, est alors rendue en l’absence d’un véritable débat contradictoire[13].
[14] Le 15 mai 2003, la Commission constate le changement de compétence constitutionnelle de Transco, laquelle redevient une entreprise provinciale. Cette dernière n’ayant pas contesté la demande du syndicat les Teamsters devant la Commission[14], il n’y a, encore une fois, pas de véritable débat contradictoire au sujet de sa nature constitutionnelle.
[15] Quelques mois plus tard, la CSN maraude les Teamsters. Des plaintes individuelles sont déposées. Le CCRI décide à nouveau que Transco est une entreprise de compétence fédérale. Les procureurs généraux du Canada et du Québec ne sont alors pas invités à participer au débat. À la suite d’un vote, le CCRI accrédite la CSN pour représenter certains employés de Transco en remplacement des Teamsters, le 7 octobre 2003[15].
[16] À l’automne 2004, et par la suite en juin 2007, l’appelante achète une partie des contrats de transport de l’entreprise Autobus Auger, une entreprise de transport scolaire de compétence provinciale[16]. Les chauffeurs de cette dernière, alors représentés par les Teamsters, passent sous la représentation syndicale de la CSN, à la suite des décisions du CCRI ayant qualifié Transco d’entreprise fédérale[17].
[17] Le même scénario se produit, entre avril 2009 et janvier 2010 ainsi qu’entre mai 2012 et octobre 2012, lorsque Transco achète des contrats de transport de Limocar Roussillon[18].
[18] En octobre 2012, Transco achète certains actifs de Transport St-Léonard, une entreprise dont les employés ne sont pas syndiqués. Cette dernière détient un permis de transport interprovincial que Transco acquiert dans la transaction. Le CCRI refuse d’intégrer d’anciens employés de Transport St-Léonard dans l’unité existante représentée par la CSN chez Transco, au motif qu’il ne s’agirait pas d’un accroissement naturel de son accréditation. Le CCRI accrédite néanmoins un autre syndicat pour représenter les chauffeurs de Transport St-Léonard. C’est la seule décision du CCRI qui a véritablement eu à trancher un débat entre Transco et un syndicat[19].
[19] Ces changements de qualification de Transco ne résultent pas de modifications apportées à son entreprise. Ils découlent plutôt de différentes ententes intervenues entre elle et des syndicats ou des clients[20]. Ces derniers visaient, soit à éviter que les employés d’une division soient intégrés dans une unité de négociation préexistante[21], soit à répondre à des clients importants exigeant qu’une convention collective avec les chauffeurs soit signée avant de conclure des contrats de transport avec Transco[22].
[20] Le 31 juillet 2013, Transco fait l’acquisition d’une partie des actifs de l’entreprise Autobus Terremont Ltée (ci-après « Terremont »)[23], soit sa flotte d’autobus scolaires, ses permis et accessoires ainsi que l’achalandage relatif à ses contrats de transport avec des commissions scolaires.
1.3. L’acquisition de Terremont
[21] Avant son acquisition par Transco, Terremont est une entreprise offrant essentiellement les mêmes services de transport scolaire que Transco. Elle n’effectue toutefois aucun voyage interprovincial[24]. Tous les employés de Terremont à Mascouche, à l’exception des employés de bureau, font partie de l’unité de négociation du Syndicat de Autobus Terremont ltée (CSN) et lorsqu’elle acquiert Terremont, Transco continue d’appliquer leur convention collective[25]. Les autobus de Terremont sont intégrés dans la flotte de Transco, qui les lettre à son nom et y installe ses systèmes GPS[26]. Les anciens chauffeurs de Terremont font essentiellement le même travail que ceux de Transco, soit du transport scolaire et des voyages nolisés[27].
[22] Le 10 février 2014, le Syndicat demande à la Commission de constater l’aliénation et la transmission des droits et obligations liés à l’accréditation du Syndicat au nouvel employeur Transco, en vertu de l’article 45 du Code du travail[28].
[23] Le 17 mars 2014, Transco dépose une réponse et contestation de la requête du Syndicat, dans laquelle elle plaide qu’étant une entreprise de compétence fédérale, c’est le Code canadien du travail qui s’applique[29]. Transco y explique qu’elle s’est adressée au CCRI afin de faire reconnaître l’intégration des activités de Terremont dans son entreprise fédérale. Elle demande, conséquemment, à la Commission d’annuler l’audience prévue devant elle, le 26 mars 2014[30]. De son côté, le Syndicat conteste les démarches de l’appelante devant le CCRI[31].
[24] Compte tenu de la question constitutionnelle soulevée, la Commission demande aux parties de signifier les avis requis aux procureurs généraux du Canada et du Québec. Seul ce dernier décide de participer au débat.
[25] Le 19 mars 2015, le commissaire Pierre Flageole rend une décision interlocutoire dans laquelle il déclare que les relations de travail de l’appelante sont de compétence provinciale[32].
[26] Le 20 avril 2015, Transco dépose un pourvoi en contrôle judiciaire devant la Cour supérieure afin de réviser la décision interlocutoire de la Commission[33].
[27] Le 30 octobre 2015, malgré le pourvoi en contrôle judiciaire déposé par l’appelante devant la Cour supérieure, le Syndicat demande à la Commission de rendre sa décision sur le fond, « sur la base de la preuve administrée »[34].
[28] Le 16 novembre 2015, la Commission rend une décision sur le fond, dans laquelle elle constate l’aliénation de Terremont et déclare Transco liée par la convention collective signée par Terremont et le Syndicat[35]. Elle décide que ce dernier est accrédité pour représenter tous les salariés de Transco, sauf les employés de bureau, qui travaillent au 343, chemin des Anglais, à Mascouche. Cet établissement est celui que Transco a acquis de Terremont.
[29] Le 17 novembre 2015, Transco dépose une demande de pourvoi en contrôle judiciaire amendée de la décision interlocutoire et de la décision au fond, rendues par la Commission[36].
2. Question en litige
[30] Transco plaide que le juge d’instance se méprend en rejetant son pourvoi en contrôle judiciaire, soutenant qu’il commet plusieurs erreurs de fait et de droit relatives à la détermination de son statut constitutionnel.
[31] Les cinq questions qu’elle fait valoir au soutien de sa thèse n’en soulèvent véritablement qu’une seule : la Commission et la Cour supérieure errent-elles en décidant qu’elle est une entreprise de compétence provinciale?
3. Jugement de première instance
[32] D’emblée, le juge de première instance conclut que la détermination de la compétence en matière de relations de travail applicable à Transco nécessite un débat de nature constitutionnelle, d’où sa conclusion d'évaluer la décision rendue selon la norme de la décision correcte. Précisant que cette analyse constitutionnelle repose sur des conclusions de fait contestées, il ajoute que ces dernières méritent déférence, s’il est possible de les traiter séparément de la question constitutionnelle[37].
[33] Le juge d’instance se penche ensuite sur le test applicable pour déterminer la nature constitutionnelle de Transco. Soulignant que toutes les parties conviennent que le test applicable est celui de la « continuité et de la régularité » du transport interprovincial[38], il ajoute toutefois qu’elles ne s’entendent pas sur son évolution dans la jurisprudence ni, conséquemment, sur sa mise en œuvre pour qualifier les activités de Transco[39].
[34] Selon Transco, la Commission commet une grave erreur dans l’application du test de la régularité et de la continuité de ses activités en considérant la proportion et le pourcentage de ses voyages interprovinciaux. Ce faisant, la Commission privilégie les critères formulés par la Cour d’appel de la Saskatchewan dans l’arrêt Brinks[40] et s’écarte d’une jurisprudence bien établie rappelée par notre Cour dans l’arrêt Jacquart[41], selon laquelle la part extraprovinciale des activités de l'entreprise importe peu[42].
[35] Voici les passages pertinents du jugement de première instance[43] à ce sujet :
[72] Il convient d’abord de disposer de l’argument du Procureur général selon lequel il y a lieu de constater une évolution du test à appliquer depuis l’arrêt Jacquart. Il plaide que la jurisprudence démontre une évolution de la notion traditionnelle de « continuité et régularité » et s’appuie sur l’arrêt Brinks précité.
[73] Le Tribunal constate que la Cour d’appel de la Saskatchewan dans l’arrêt Brinks arrive à une conclusion différente de la Cour d’appel du Québec dans l’arrêt Jacquart relativement à l’importance des proportions et des pourcentages d’activités interprovinciales.
[74] Dans l’arrêt Brinks, la Cour d’appel de la Saskatchewan affirme spécifiquement que :
a nominal or very small amount of extraprovincial activity, even if continuous and regular, is simply not of enough consequence to warrant an entire undertaking being characterized as coming under federal authority when that activity represents a very small proportion of the overall operations of the undertaking.
[75] Tandis que dans Jacquart, la Cour d’appel du Québec précise que :
le pourcentage des déplacements effectués à l'extérieur de la province, la part extraprovinciale des activités de l'entreprise, est de peu d'importance comme le rappelait le juge Dussault de notre Cour dans une décision récente:
Lorsqu'il s'agit de déterminer si une entreprise de transport est de compétence provinciale ou fédérale, le pourcentage des déplacements extraprovinciaux importe peu; ce qui compte, c'est la régularité et la continuité des activités de transport s'effectuant à l'extérieur de la province.
[Références omises]
[36] Confronté à ces deux interprétations, et même s’il souligne que les faits, en l’espèce, se rapprochent davantage de la trame factuelle de l’arrêt Brinks[44] que de celle de l’arrêt Jacquart, le juge de première instance se fonde sur la règle du stare decicis vertical formulée dans l’arrêt Piazza[45] et décide de trancher le litige en appliquant le test suivi dans l’arrêt Jacquart[46].
[37] Le juge d’instance conclut que la Commission applique le test approprié, conformément aux enseignements de l’arrêt Jacquart, et qu’elle ne commet pas d’erreur dans son appréciation de la preuve en statuant qu’il y a absence de régularité et de continuité des voyages interprovinciaux de Transco. Il distingue alors les faits de l’affaire Jacquart de ceux de l’affaire dont il est saisi[47] et estime que la Commission a eu raison de conclure, dans le cas de Transco, « qu’il s’agit de voyages effectués de façon saisonnière, cyclique, irrégulière et souffrant d’une absence flagrante de continuité et qu’en conséquence, ils ne suffisent pas pour emporter toute l’entreprise sous la compétence fédérale »[48].
[38] Voici les passages pertinents du jugement entrepris, à cet égard :
[79] Ces conclusions de faits sont non seulement raisonnables mais également correctes. La preuve retenue par la Commission permet de conclure que Transco n’a pas établi qu’elle demeure prête à offrir le service en tout temps.
[80] Par ailleurs, il importe de souligner, comme l’a fait remarquer le Procureur général, que les faits de l’arrêt Jacquart diffèrent considérablement des faits de la présente l’espèce :
i) Dans Jacquart 40% des revenus de l’entreprise proviennent du transport nolisé contrairement à 1,4% pour Transco.
ii) Dans Jacquart, 4 véhicules autobus de type long courrier sont exclusivement dédiés au transport nolisé, tandis que Transco effectue le transport nolisé avec les autobus scolaires.
iii) Dans Jacquart, 4 chauffeurs sont exclusivement dédiés au transport nolisé, contrairement à aucun pour Transco.
iv) Dans Jacquart, 16% des revenus proviennent du transport interprovincial, tandis que Transco ne tire que 0,12% du transport interprovincial, laissant au transport local 99,88% des revenus procurés à Transco.
v) Dans Jacquart, il y a une interruption du transport interprovincial pendant deux mois tandis que Transco connaît plusieurs discontinuités à ce service s’échelonnant de 2 à 6 mois.
[81] Bref, dans Jacquart, il existait des services de transport interprovincial qui offraient le service pendant toute l’année, avec une flotte d’autobus de type long courrier et une équipe de chauffeurs spécialement dédiés à cette fin, ce qui n’est pas le cas de Transco.
[82] Le Tribunal doit faire preuve de déférence relativement au cadre factuel du litige, à l’appréciation de la preuve sur la qualification de l’entreprise et aux conclusions tirées quant aux faits.
[83] Il est raisonnable de déduire que la Commission considère que Transco ne demeure pas prête à offrir le service en tout temps puisqu’un tel transport interprovincial demeure assujetti au transport scolaire qui est prioritaire. En outre, un tel transport interprovincial doit avoir comme point de départ un territoire sur lequel Transco détient un contrat.
[84] Le Tribunal conclut que la décision de la Commission est correcte et raisonnable lorsque, après analyse de la preuve, elle conclut qu’il n’y a pas de continuité dans le service interprovincial offert par Transco.
[85] De plus, comme le proposent les arrêts Consolidated Fastfrate et Tessier l’analyse de l’entreprise de Transco dans sa globalité, afin d’en établir sa nature véritable, était la conclusion qu’il s’agit d’une entreprise locale de transport scolaire. Ainsi, Transco devait nécessairement prouver la continuité et la régularité des services interprovinciaux qu’elle offre.[49]
[Références omises]
[39] Le juge donne raison à Transco sur un point : les propos de la Commission portant sur le très faible pourcentage de voyages interprovinciaux effectués par Transco vont à l’encontre des enseignements de l’arrêt Jacquart et constituent une erreur de droit[50]. Il est toutefois d’avis que cette erreur n’a pas d’incidence sur l’issue du litige puisque la décision de la Commission sur la compétence constitutionnelle de Transco est prise avant qu’elle aborde ce pourcentage[51].
[40] Enfin, il ajoute que, même si la proportion des voyages interprovinciaux ne constitue pas un indicateur déterminant au regard du test de continuité et de régularité, cette proportion peut tout de même être considérée lorsque la Commission se questionne sur la véritable nature de Transco.[52] À ce sujet, voici ce qu’il écrit :
[89] Finalement, la Commission ne pouvait s’aveugler volontairement et ignorer que Transco ne tire que 0,12% de ses revenus du transport interprovincial. Il ne s’agit pas d’un indicateur déterminant de l’absence de continuité et de régularité du transport interprovincial, mais il s’agit d’un fait mis en preuve qui peut être considéré au moment où la Commission se questionne sur la nature véritable de l’entreprise de Transco.
[41] Le juge de première instance estime donc que « la Commission est correcte lorsqu’elle conclut à la compétence provinciale de Transco, et raisonnable sur les conclusions factuelles sur lesquelles repose son analyse constitutionnelle »[53]. Conséquemment, il rejette le pourvoi en contrôle judiciaire.
4. Analyse
4.1. Le droit applicable
4.1.1 Les normes de contrôle
[42] Il y a lieu, dans un premier temps, d’examiner si le juge a fait une bonne application de la norme de contrôle applicable relativement à la qualification constitutionnelle de Transco[54].
[43] Tant Transco que le Syndicat et le Procureur général du Québec plaident qu’en matière d’interprétation constitutionnelle, la norme applicable est l’erreur simple, mais ils ne s’entendent pas sur celle devant s’appliquer à l’égard des conclusions de faits sous-jacentes.
[44] La question de la norme de contrôle applicable dans une affaire similaire à celle en l’espèce s’est posée dans l’affaire Fastfrate et fut l’occasion pour la Cour suprême du Canada d’énoncer la norme de contrôle devant prévaloir :
[26] Les parties conviennent que la norme de
contrôle applicable dans les affaires d’interprétation
constitutionnelle est celle de la décision correcte : voir Cuddy
Chicks Ltd. c. Ontario (Commission des relations de travail),
[45] Ainsi, la déférence s’impose à l’égard des conclusions factuelles sous-jacentes à l’analyse constitutionnelle, lorsqu’elles peuvent être traitées isolément.
[46] Transco reproche au premier juge d’avoir appliqué simultanément la norme de l’erreur simple et celle de la raisonnabilité pour l’analyse constitutionnelle. Il n’en n’est rien et le juge n’a commis aucune erreur de droit à cet égard, si on se réfère à la citation complète du jugement :
[90] En conclusion, le Tribunal est d’avis que la décision de la Commission est correcte lorsqu’elle conclut à la compétence provinciale de Transco et raisonnable sur les conclusions factuelles sur lesquelles repose son analyse constitutionnelle.[56]
[47] Ces considérations étant exposées, je suis d’avis que la Commission et le juge de première instance n’ont pas erré, en fait et en droit, en qualifiant Transco d'entreprise de compétence provinciale. Voici pourquoi.
4.1.2 Les règles de droit constitutionnel
[48] Transco soutient que ses activités de transport s’exercent au sein d’une entreprise relevant du pouvoir législatif du Parlement. Partant, elle se fonde sur la compétence fédérale directe sur ses activités.
[49] La jurisprudence enseigne que, lorsque les activités exercées au sein d’une seule et même entreprise se divisent entre transport provincial et interprovincial, comme dans le cas de Transco, il y a lieu de se demander si elles sont intégrées ou non. Les activités seront généralement considérées comme intégrées si elles font l’objet d’une gestion, d’une direction et d’un contrôle communs[57], et l’entreprise sera alors considérée comme un tout indivisible. En l’espèce, l’ensemble des activités de l’appelante sont intégrées[58]. Ce point n’est pas contesté devant notre Cour.
[50] Cela étant, quels critères permettent de déterminer que ses activités sont celles d’une entreprise dont les employés sont assujettis à la compétence législative fédérale?
[51]
Dans Toronto Electric Commissioners c. Snider[59],
le Comité judiciaire du Conseil privé a jugé que la compétence conférée aux
provinces par le paragraphe
[52]
Quant à la compétence fédérale en matière de transport, en vertu du
paragraphe
[68] L’historique, l’objet et le texte de l’al. 92(10)a) laissent entendre que la compétence fédérale est exceptionnelle et devrait être traitée comme telle. Les origines historiques de la disposition reflètent la préoccupation que les travaux et entreprises d’importance nationale relèvent de la compétence fédérale afin d’éviter une compétence législative fragmentaire susceptible de placer ces entreprises dans une situation difficile. Le texte de la disposition indique qu’une catégorie limitée de travaux et d’entreprises devraient être qualifiés comme étant de nature fédérale. La disposition envisage les travaux et entreprises de transport interprovincial eux-mêmes, et non pas seulement les services liés par contrat à ces travaux ou entreprises.[61]
[Soulignement ajouté]
[53] Dans l’arrêt Tessier, la Cour suprême explique qu’il faut déterminer si la nature fonctionnelle essentielle de l’entreprise « la fait tomber » dans un champ de compétence fédérale :
[18] S’agissant de la compétence fédérale directe en matière de travail, on détermine si la nature fonctionnelle essentielle de l’ouvrage, du commerce ou de l’entreprise le fait tomber dans un champ de compétence fédérale, tandis que dans le cas de la compétence dérivée, on détermine si cette nature est telle que l’ouvrage fait partie intégrante d’une entreprise fédérale. Dans les deux cas, l’attribution de la compétence en matière de relations de travail nécessite l’établissement de la nature fonctionnelle essentielle de l’ouvrage.
[19]
Cette évaluation fonctionnelle suppose l’analyse de l’entreprise en
tant qu’entreprise active, en fonction de ses caractéristiques constantes
uniquement : Commission du salaire minimum c. Bell Telephone
Co. of Canada. Des éléments exceptionnels ne sauraient définir la nature
fonctionnelle essentielle d’une entreprise. Ainsi, quelques voyages
extraprovinciaux occasionnels ne faisant pas partie de ses activités régulières
de transport local, par exemple, ne sont pas déterminants pour la nature d’une
entreprise de transport maritime (Agence Maritime Inc. c. Conseil
canadien des relations ouvrières,
[Soulignements et caractères gras ajoutés]
[54]
Partant, pour déterminer si une entreprise est provinciale ou non, au
sens du paragraphe
[55] Ainsi, dans le cas d’une entreprise œuvrant dans le secteur du transport scolaire local, il faut poursuivre l’analyse et examiner si, dans les faits, elle effectue des voyages interprovinciaux de façon « régulière et continue », lui permettant d’être assujettie au régime fédéral[64].
[56] Transco soutient que dans l’application de ce test, la part des activités de transport provincial ne doit pas être considérée, s’appuyant en cela sur son interprétation de l’arrêt Jacquart[65]. Le Syndicat et le Procureur général du Québec plaident, quant à eux, que cet arrêt ne doit pas être lu isolément, mais bien avec l’arrêt Brinks[66], d’autres décisions rendues par la suite en pareille matière[67], et l’arrêt Tessier, dont les passages pertinents reproduits ci-haut, sous la plume de la juge Abella, nous enseignent qu’il faut identifier la « nature fonctionnelle essentielle de l’entreprise »[68].
[57] Aux fins de ce litige, il n’est pas nécessaire de se prononcer sur la compatibilité entre les arrêts Jacquart[69] et Brinks[70]. Les faits diffèrent considérablement dans ces deux arrêts. Cela a vraisemblablement influé sur la manière dont les cours d’appel du Québec et de la Saskatchewan ont abordé le test du caractère continu et régulier des activités de transport extraprovinciales. En effet, les juges, dans l’arrêt Brinks, ont déduit de la quasi-absence de voyages interprovinciaux, l’inexistence d’un service extraprovincial régulier et continu, tandis que dans l’arrêt Jacquart, un ensemble de faits soutenaient l’existence de voyages interprovinciaux réguliers et continus, notamment des services de transport interprovincial offerts toute l’année, des autobus de type long courrier et une équipe de chauffeurs spécialement dédiés à cette fin.
[58] Bien que les faits de notre affaire soient plus proches de ceux de l’affaire Brinks[71], une analyse fondée sur le test formulé par notre Cour dans l’arrêt Jacquart[72] peut régler le sort du présent litige. Ce dernier arrêt doit néanmoins être lu avec l’arrêt Tessier[73] que la Cour suprême a rendu plus récemment.
[59] Afin d’évaluer si le service est « continu et régulier », notre Cour, dans Jacquart, a appliqué une jurisprudence constante, laquelle enseigne qu’il y a lieu de procéder à une analyse qualitative plutôt que quantitative. Selon cette jurisprudence, la proportion des activités interprovinciales ne constitue pas un critère déterminant dans l’analyse[74]. C’est également ce que la Cour suprême précisait dans l’arrêt Tessier :
[51] En ce sens, la reconnaissance par Tessier qu’elle exploite une entreprise indivisible met à mal sa thèse voulant que la présence d’employés faisant du débardage assujettisse toute la société à la réglementation fédérale. Si Tessier elle-même était une entreprise interprovinciale de transport, elle pourrait valablement présumer de la non pertinence du pourcentage de ses activités consacrées au transport local par rapport au transport extraprovincial : Attorney General for Ontario c. Winner, [1954] A.C. 541. Or, comme ce n’est que de façon dérivée qu’elle peut être qualifiée d’entreprise fédérale, elle ne peut relever de la compétence fédérale que si l’activité fédérale compte pour une part importante de son exploitation.[75]
[Soulignement ajouté]
[60] Ce qu’il faut comprendre des arrêts Jacquart[76] et Tessier[77] c’est que, bien que la proportion des voyages interprovinciaux, au regard des voyages provinciaux d’une entreprise, ne soit pas déterminante dans le test à appliquer à une entreprise plaidant la compétence fédérale directe à l’égard de ses activités, « quelques voyages extraprovinciaux occasionnels ne faisant pas partie de ses activités régulières de transport local, ne sont pas non plus déterminants pour modifier la nature d’une entreprise de transport »[78].
[61] Ainsi, dans le cas d’une entreprise de transport qui se prétend fédérale, le caractère occasionnel des voyages extraprovinciaux effectués ne lui permet pas de satisfaire le test du caractère régulier et continu la faisant « tomber » sous la compétence constitutionnelle fédérale. Bref, il ne faut pas que « la queue fédérale remue le chien provincial » (« trying to have the federal tail wag the provincial dog »)[79] même lorsqu’une entreprise de transport plaide la compétence constitutionnelle directe du fédéral sur ses activités. C’est ce que la Cour suprême nous rappelle, dans Tessier, dont la version anglaise est encore plus éloquente à ce sujet, en demandant aux tribunaux d’examiner l’« undertaking » ou le « going concern » d’une telle entreprise afin de la qualifier au plan constitutionnel[80].
[62] La Cour d’appel de l’Alberta, dans Brinks, cite un exemple hypothétique que donne l’Ontario Labour Relations Board et qui permet d’illustrer à quelles conclusions absurdes le test du caractère régulier et continu des activités extraprovinciales de transport peut conduire, s’il est déconnecté de la nature fonctionnelle d’une entreprise. Voici cet exemple :
59. ... Suppose a small, six-cab taxi company operating in the City of Ottawa. It makes two hundred passenger trips per day. All of its daily trips are on the Ontario side of the Ottawa River, save one. By a pre-arranged contact it makes one trip daily to the City of Hull to collect and transport a student to a school in the City of Ottawa. This it does on a "continuous" and "regular" basis. Is it to be supposed that this one daily trip must qualify that taxi business as a federal undertaking, whose industrial relations fall to be regulated along with those of railways and airlines?[81]
[63] Dans l’arrêt Brinks, la Cour d’appel souligne d’ailleurs que dans les cas où le transport extraprovincial d'une entreprise par ailleurs provinciale est occasionnel, les tribunaux semblent appliquer plus strictement le test relatif au caractère « régulier et continu » des activités extraprovinciales avant de conclure que l’entreprise est de compétence fédérale[82]. C’est également notre constat[83].
[64] Il reste donc à définir ce que signifie une activité « régulière et continue ». La jurisprudence des tribunaux judiciaires étant avare de définitions de ces termes, nous retiendrons celles que le CCRI a récemment avancées de la manière suivante :
[196] Le mot « régulier » évoque quelque chose qui survient selon des intervalles ou des cycles réguliers, que ce soit toutes les heures, tous les jours, toutes les semaines ou tous les mois, ou même à intervalles plus longs, mais fixes ou assurément prévisibles. Les activités régulières ont un caractère ordonné, voire méthodique; elles respectent un ordre distinct, ou elles comportent un élément habituel, courant ou répété de façon périodique. Ce mot signifie parfois stable ou à temps plein, notamment lorsqu’il est question d’un emploi régulier.
[...]
[199] Le terme « continu » évoque souvent quelque chose qui se poursuit sans interruption, qui est incessant (ou de façon plus catégorique « perpétuelle », dans certaines situations), constant, suivi ou ininterrompu, et parfois même persistant ou permanent.[84]
[Caractères gras ajoutés]
[65] Le mot « régulier » s’oppose à l’expression « exceptionnel ou occasionnel »[85]. Une première question est donc de savoir quand un service devient « occasionnel ». La jurisprudence ne nous offre pas de réponse claire à ce sujet.
[66] L’affaire Agence Maritime Inc. c. Conseil Canadien des Relations Ouvrières[86] donne un exemple évident d’une affaire où les voyages interprovinciaux constituaient des circonstances « exceptionnelles »[87]. Les bateaux n’avaient effectué que trois voyages interprovinciaux sur une période de deux ans. Dans Regina v. Manitoba Labour Board Ex parte Invictus Ltd.[88], la Cour du banc de la Reine du Manitoba a jugé que quinze transports interprovinciaux effectués entre le 1er janvier et la fin août 1967 ne constituaient pas un nombre suffisant pour qualifier l’entreprise de fédérale[89].
[67] Dans l’affaire Pacific Produce Delivery v. Labour Relations Board[90], le Labour Relations Board et la Cour supérieure de la Colombie-Britannique, en révision judiciaire, avaient établi qu'une entreprise de camionnage qui se spécialisait dans la livraison de produits alimentaires frais, et qui allait chercher chaque semaine une cargaison de bananes (« weekly banana runs ») dans un port aux États-Unis, n’effectuait du transport extraprovincial qu’occasionnellement (« casual trips »)[91]. La Cour d’appel de la Colombie-Britannique, malgré la dissidence d’un juge, a infirmé les deux premières décisions, même si l’entreprise ne détenait aucun permis pour effectuer ladite « weekly banana run »[92]. Ainsi, un voyage hebdomadaire n’est pas un voyage « occasionnel »[93].
[68] Dans Liquid Cargo, les activités d’une entreprise de transport de marchandises par camion ont été qualifiées de « continues et régulières », malgré le fait que des interruptions de deux ou trois semaines étaient observées relativement fréquemment[94]. L’entreprise avait effectué pas moins de 636 voyages extraprovinciaux sur une période d’un an et demi.
[69] Dans l’affaire Gray Line, le CCRI a jugé que 29 voyages extraprovinciaux échelonnés sur une période de 18 mois étaient « sporadiques » et ne remplissaient pas le test de continuité et régularité. Certains de ces voyages pouvaient durer jusqu’à 18 jours, mais étaient en moyenne de 2 à 6 jours, et pouvaient mobiliser jusqu’à 6 autobus lors d’un seul et même voyage. Il a conclu que l’entreprise ne se qualifiait pas comme entreprise fédérale[95]. Dans la preuve retenue, le CCRI notait une interruption de service de près de 6 mois, entre le 6 mai et le 25 septembre 1988[96].
[70] Ainsi, la compétence sera fédérale si les activités de transport nolisé de Transco sont « constantes et régulières », et provinciale dans le cas contraire.
***
4.2. Les erreurs de droit alléguées
[71] Transco affirme que la Commission a erré à plusieurs égards dans son application du test de continuité et de régularité.
[72] D’une part, elle soutient qu’elle s’est méprise sur le fond de la décision, rendue le 20 août 2003 par le CCRI[97], en concluant que cette décision était fondée sur des voyages interprovinciaux que Transco effectuait « tous les mois », en 2002 et 2003.
[73] D’autre part, elle soumet que la Commission a ignoré les enseignements de la jurisprudence portant sur ce test, en prenant en compte le fait que les revenus provenant de son transport interprovincial ne représentaient que 0,12 % de ses revenus totaux et que cette activité ne constitue que 1,3 % ou 1,4 % des revenus provenant de l’ensemble de ses voyages nolisés. La Commission a ainsi considéré la proportion des activités interprovinciales de Transco, confondant le test applicable à la compétence constitutionnelle dérivée avec celui applicable à la compétence directe.
[74] Ce faisant, le juge de première instance a erré en concluant que l’analyse de la Commission, relative à l’importance des voyages interprovinciaux, constituait simplement un obiter dictum[98]. Selon Transco, la Commission aurait plutôt fusionné les tests de la compétence constitutionnelle dérivée et de la compétence directe, ce qui en fait, non pas un obiter dictum, mais une erreur de droit déterminante.
[75] Pour décider de ce moyen, il y a lieu de reproduire les paragraphes pertinents de la décision interlocutoire de la Commission :
[224] C’est précisément la raison pour laquelle il ne faut pas examiner les critères de régularité et de continuité sans tenir compte du nombre de voyages interprovinciaux et du pourcentage des revenus tirés de tels voyages. Il faut éviter de faire basculer une entreprise, autrement de compétence provinciale, vers la compétence fédérale en raison d’un très petit nombre de voyages ou d’un très faible apport financier à l’ensemble des opérations.
[…]
[228] La Commission conclut donc que le très faible pourcentage de voyages effectués par Transco à l’extérieur de la province et le très faible pourcentage de revenus qu’elle en tire sont des indicateurs déterminants de l’absence de continuité et de régularité du transport interprovincial qu’elle effectue et qu’en conséquence, cette dernière est de compétence provinciale, tout comme le sont ses relations du travail.[99]
[Soulignements et caractères gras ajoutés]
[76] À l’instar du juge de première instance, j’estime qu’il s’agit là d’une erreur de droit mais que celle-ci n’a pas entaché le résultat de l’analyse de la Commission. À bon droit, le juge de première instance a conclu que « cette erreur ne dénature pas le test que la Commission devait appliquer et ne vicie pas son processus décisionnel »[100]. En effet, la décision ultime de la Commission découlait de la mise en œuvre du test constitutionnel reconnu par la jurisprudence majoritaire, comme le démontrent ses propos :
[185] Uniquement sur la base de ce critère de continuité et de régularité, la Commission en vient à la conclusion que Transco n’a pas fait la preuve que les voyages qu’elle effectue en Ontario ont ce caractère de régularité et de continuité qui justifierait de déroger à la règle qui veut qu’une entreprise de transport scolaire soit de compétence provinciale.
[Soulignement ajouté]
4.3. Les erreurs de fait alléguées
[77] Tel que mentionné précédemment [paragraphes 42 à 45], la Commission et le juge de première instance n’ont pas le droit de se tromper dans le test applicable pour qualifier constitutionnellement Transco. Toutefois, lorsqu’ils appliquent ce test grâce à une analyse ancrée dans les faits, leurs conclusions de fait méritent déférence. C’est ce que soulignait le Comité Judiciaire du Conseil Privé dans Winner :
The question is whether in truth and in fact there is an internal activity prolonged over the border in order to enable the owner to evade provincial jurisdiction or whether in pith and substance it is interprovincial. Just as the question whether there is an interconnecting undertaking is one depending on all the circumstances of the case so the question whether it is a camouflaged local undertaking masquerading as an interconnecting one must also depend on the facts of each case and on a determination of what is the pith and substance of an Act or Regulation.[101]
[Soulignements et caractères italiques ajoutés]
[78] Récemment, notre Cour, sous la plume du juge Morissette, s’exprimait dans le même sens :
[4] Exprimée ainsi, en termes généraux et abstraits, la question peut guider celui qui doit la trancher vers la bonne décision, mais la réponse est rarement évidente et il faut souvent scruter les faits de l’espèce pour arriver à une issue satisfaisante. Le fait que la Cour suprême ait souvent eu à se prononcer sur le sujet et qu’elle demeure régulièrement saisie de problèmes de ce genre le démontre, comme en témoignent les récents arrêts Consolidated Fastfrate Inc. c. Western Canada Council of Teamsters ou Tessier Ltée c. Québec (Commission de la santé et de la sécurité du travail).[102]
[Soulignement et caractères italiques ajoutés]
[79] Suivant cet enseignement, il y a lieu de scruter les conclusions factuelles de la Commission, lesquelles sont tenues pour avérées par le juge de première instance[103]. Ces conclusions de fait de la Commission sont les suivantes :
[181] Bien qu’elle ait mentionné qu’elle effectuait du transport nolisé vers l’Ontario depuis 1992, Transco a choisi de déposer des tableaux pour la période allant du 21 mars 2012 au 16 mai 2014, dans un premier temps, et du 17 mai 2014 au 13 décembre 2014, dans un deuxième temps.
[182] L’analyse de ces tableaux permet de faire les constats suivants :
- il y a eu 185 voyages vers l’Ontario pendant ces deux périodes;
- 105 de ces 185 voyages ont eu lieu en été, soit entre le 1er juillet et le 31 août; il s’agit donc de plus de 56 % des voyages effectués pendant une période de deux mois;
- il y a eu trois périodes au cours desquelles il n’y a eu aucun voyage :
o entre le 19 août 2012 et le 9 février 2013, soit une période de presque six mois;
o entre le 19 septembre et le 3 décembre 2013, soit une période de plus de deux mois;
o entre le 3 décembre 2013 et le 1er février 2014, soit une période de près de deux mois.
- En excluant celui effectué le 3 décembre 2013, il n’y a aucun voyage pendant une période de plus de quatre mois, soit entre le 19 septembre 2013 et le 1er février 2014.
[183] La Commission est d’avis que ces données ne montrent pas la régularité et la continuité que le CCRI semblait avoir prises en compte dans sa décision du 20 août 2003 où il écrit :
[Page 3] […] il y a des voyages à tous les mois […]
[184] Le pourcentage des voyages effectués au cours des deux mois d’été est plus élevé que celui des voyages effectués au cours des dix autres mois de l’année. Encore là, ce n’est pas compatible avec ce que le CCRI considère comme :
[Page 3] […] un indicateur général de la régularité et de la continuité […]
[185] Uniquement sur la base de ce critère de continuité et de régularité, la Commission en vient à la conclusion que Transco n’a pas fait la preuve que les voyages effectués en Ontario ont ce caractère de régularité et de continuité qui justifierait de déroger à la règle voulant qu’une entreprise de transport scolaire soit de compétence provinciale.
[186] La Commission est plutôt d’avis qu’il s’agit de voyages effectués de façon saisonnière, cyclique, irrégulière et souffrant d’une absence flagrante de continuité et qu’en conséquence, ils ne suffisent pas pour emporter toute l’entreprise sous la compétence fédérale.[104]
[80] Selon Transco, il n’y a pas eu de controverse factuelle devant la Commission, ni devant la Cour supérieure saisie du pourvoi en contrôle judiciaire et il ne devrait donc pas y avoir de référence à la norme de la décision raisonnable dans le jugement entrepris, ni devant notre Cour.
[81] Transco a tort. Elle-même a plaidé que le juge de la Cour supérieure avait commis deux erreurs de fait : la première, en concluant que Transco ne possède aucun autobus dédié au transport interprovincial, alors que selon elle, ce fait n’était pas en preuve devant la Commission; et la seconde, en concluant que Transco n’offre pas, en tout temps, le service de transport interprovincial. Aussi, devant notre Cour, le nombre de voyages interprovinciaux qu’elle prétend avoir effectués, soit 194, diffère de celui identifié par les autres cours, qui était de 185.
[82] Bien que des questions demeurent quant au calcul des voyages interprovinciaux mis en preuve par Transco devant la Commission (puisque des allers-retours en Ontario ont été comptés pour deux voyages, que parfois, quatre ou deux autobus partant pour Ottawa ont été comptés comme quatre ou deux voyages et qu’une dizaine des voyages ayant comme point d’arrivée Gatineau, mais passant par un tronçon situé à Ottawa[105], ont été pris en compte dans les 185 voyages mis en preuve) cela n’a pas un caractère déterminant sur l’évaluation du caractère régulier et continu de ses activités interprovinciales de transport.
[83] Notre Cour doit faire preuve de déférence à l’égard des conclusions factuelles de la Commission, que le juge d’instance a considérées comme siennes. Sur la base des faits raisonnablement retenus par la Commission, j’estime que cette dernière était bien fondée de conclure que le transport extraprovincial de Transco n’était ni régulier ni continu.
[84] Pour s’affranchir de la règle générale selon laquelle les entreprises de transport sont assujetties à la compétence constitutionnelle provinciale, Transco a tenté de faire la démonstration d’une régularité et d’une continuité de ses voyages interprovinciaux.
[85] Transco plaide d’abord que le CCRI a reconnu qu’elle était une entreprise fédérale à de multiples reprises depuis 2002. Cet argument fait fi du fait que toutes ces décisions, sauf une, ont été rendues à la suite d’ententes entre le Syndicat et Transco qui servaient les intérêts de cette dernière et en l’absence de tout débat devant le CCRI. De plus, même si tel n’était pas le cas, les tribunaux judiciaires ne sont pas liés, à cet égard, par les décisions du CCRI, ce que les parties admettent d’ailleurs.
[86] En l’espèce, il est difficile d’évaluer ce que signifie une interruption de service assez importante pour faire échec à la régularité et à la continuité des activités de transport interprovinciales. Dans Jacquart, notre Cour, sous la plume du juge Rochette, a précisé que les interruptions liées au caractère saisonnier d’une entreprise n’empêchent pas nécessairement de qualifier le service comme étant continu et régulier, si l’entreprise continue d’offrir le service[106]. Autrement dit, tant et aussi longtemps que l’entreprise est prête à offrir le service, on peut conclure que le test de la régularité et de la continuité est rempli[107]. Pour le déterminer, les tribunaux vérifient si l’entreprise possède les permis, les assurances et les autres autorisations requises ainsi que les ressources nécessaires (autobus, chauffeurs, mécaniciens, etc.) pour offrir le service de transport nolisé interprovincial, sur demande[108].
[87] Transco a expliqué qu’elle effectuait du transport nolisé vers l’Ontario depuis 1992. Pourtant, elle a choisi de ne déposer en preuve que des tableaux sur lesquels figurent les voyages interprovinciaux pour la période du 21 mars 2012 au 16 mai 2014, dans un premier temps, et du 17 mai 2014 au 13 décembre 2014, dans un deuxième temps. Elle plaide qu’elle effectue 70 voyages extraprovinciaux par année depuis 2002, que ce fait a été reconnu par le CCRI et qu’il devrait l’être par la Cour, mais elle ne dépose en preuve ses voyages extraprovinciaux que de 2012 à 2014 et les décisions rendues à son sujet par le CCRI depuis 2002 ne font référence à aucune preuve, à ce sujet. Tout ce que le CCRI a fait, c’est de prendre acte que les demandes qui lui étaient adressées concernant Transco « n’étaient pas contestées » devant elle.
[88] Ainsi, bien que dans l’arrêt Jacquart, notre Cour ait déjà exprimé l’avis qu’un transport interprovincial cyclique et saisonnier, s’il est régulier et continu, suffit[109], encore faut-il que la démonstration en soit faite pour plusieurs saisons. En effet, si une année, les 70 voyages extraprovinciaux d’une entreprise avaient tous lieu en juin et que l’année suivante, ils avaient tous lieu en septembre, le caractère régulier et continu de ces voyages ne serait pas démontré.
[89] Ce faisant, je ne vois pas matière à réviser la conclusion du juge de première instance. La Commission n’a pas erré en estimant que, pendant la courte période pour laquelle Transco a soumis des voyages interprovinciaux en preuve, il y a eu trois périodes au cours desquelles il n’y a eu aucun voyage :
o entre le 19 août 2012 et le 9 février 2013, soit une période de presque six mois;
o entre le 19 septembre et le 3 décembre 2013, soit une période de plus de deux mois;
o entre le 3 décembre 2013 et le 1er février 2014, soit une période de près de deux mois.
- En excluant celui effectué le 3 décembre 2013, il n’y a aucun voyage pendant une période de plus de quatre mois, soit entre le 19 septembre 2013 et le 1er février 2014.[110]
[90] Transco soumet que, malgré ces interruptions, elle était « prête à offrir le service interprovincial en tout temps » et que ce seul critère suffit, selon l’arrêt Jacquart, pour rencontrer le test constitutionnel requis.
[91] À ce sujet, j’estime que le juge de première instance était bien fondé de retenir, en se fondant sur les conclusions que la Commission a tirées du témoignage de M. Suprenant, que Transco ne disposait pas de chauffeurs, ni d’autobus long-courriers dédiés pour effectuer les voyages nolisés interprovinciaux. Ce faisant, le jugement de première instance référait aux propos suivants de la décision de la Commission :
[219] Dans l’affaire Jacquart, les faits sont très différents de la situation de Transco. Entre autres, Jacquart employait 4 chauffeurs sur 14 qui étaient entièrement dédiés au transport nolisé interprovincial. Aussi, elle possédait 4 autobus long-courriers pour effectuer ces transports nolisés. […][111]
[92] Bien que certains des autobus de Transco détiennent les permis requis pour effectuer des voyages nolisés interprovinciaux, la disponibilité des véhicules et chauffeurs pour effectuer ces voyages dépend des activités de transport scolaire de Transco, ce que révèle le témoignage de Michel Surprenant[112]. Comme la Commission l’a conclu, les voyages interprovinciaux de Transco demeurent assujettis au transport scolaire local qu’elle effectue, selon les contrats que détient Transco[113]. Il a d’ailleurs été mis en preuve que ses permis délivrés par l’Ontario Highway Transport Board (ci-après « permis interprovinciaux ») ne lui permettent d’effectuer ses voyages extraprovinciaux qu’à partir des « zones » liées à ses permis provinciaux de transport scolaire. Dans l’éventualité où Transco perdait un contrat de transport scolaire pour l’une de ses divisions, elle ne pourrait plus effectuer de voyage extraprovincial à partir de cette division. Enfin, ses permis interprovinciaux ne lui permettent d’effectuer que des voyages aller simple, n’étant pas autorisée à laisser monter des personnes en Ontario ou à laisser descendre des personnes du Québec en Ontario.
[93] Selon Transco, la Commission a erré en concluant qu’elle ne pouvait pas faire du transport nolisé « en tout temps » parce qu’elle n’avait pas les ressources nécessaires pour ce faire. Elle plaide que cette conclusion de la Commission « est un mythe ». J’estime que c’était à elle de faire la démonstration qu’il s’agissait bien d’un mythe. Pourquoi n’a-t-elle pas soumis en preuve les informations utiles quant au nombre de routes de transport scolaire mobilisant ses chauffeurs scolaires et ses autobus? La Commission aurait alors facilement su combien de ses autobus et ses chauffeurs étaient utilisés et combien il en restait pour effectuer le transport nolisé en pleine période scolaire. Transco n’a pas fait cette preuve. Elle demande maintenant, sur la base des seuls voyages mis en preuve de 2012 à 2014 (dont certains voyages sont des doublons et d’autres se rendent à Gatineau en passant par Ottawa), de reconnaître son statut d’entreprise fédérale.
[94] Force est de rappeler que ce n'est pas ce qu'une entreprise est autorisée à faire, mais ce qu'elle fait réellement qui détermine la compétence dont elle relève. À cet égard, c’est la qualification constitutionnelle des activités normales et habituelles d’une entreprise « en tant qu’entreprise active » qui doit être prise en compte, comme l’enseigne la Cour suprême dans Tessier[114]. C’est également ce que souligne le juge Matas dans Regina c. Manitoba Labour Board Ex parte Invictus Ltd. :
In my opinion this in itself would not constitute the applicant an interprovincial carrier within the meaning of the relevant legislation. It is not what a company is authorized to do but what it actually does which will govern the determination of the jurisdiction under which it falls.[115]
[95] Certes, la proportion du service de transport interprovincial par rapport au service provincial n’est pas déterminante. Encore faut-il que la part minime des voyages interprovinciaux de l’entreprise soit effectivement régulière et continue pour conclure à sa nature fédérale, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
[96] J’ajouterais que, dans les cas où il est difficile de trancher la question du caractère régulier et continu des activités de transport interprovinciales d’une entreprise, un tribunal devrait se laisser guider par la règle selon laquelle une entreprise de transport est généralement de compétence provinciale[116]. Les propos du plus haut tribunal du pays dans Fastfrate convainquent que c’est effectivement la méthode à adopter[117], et ce, peu importe que le test soit celui permettant de déterminer la compétence constitutionnelle directe, ou dérivée, du Parlement sur une entreprise. En effet, une constante demeure dans ces deux cas de figure : le fardeau de la preuve appartient à l’entreprise de transport qui tente de se soustraire à la présomption, constante depuis près d’un siècle, selon laquelle le pouvoir de légiférer sur les relations de travail appartient aux provinces[118].
[97] En l’espèce, la preuve soumise par Transco n’a pas permis de démontrer que ses voyages interprovinciaux ont ce caractère continu et régulier qui lui permettrait d’être qualifiée d’entreprise relevant du pouvoir législatif du Parlement fédéral.
[98] Pour ces motifs, je propose à la Cour de rejeter l’appel avec les frais de justice.
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SOPHIE LAVALLÉE, J.C.A. |
[1] Loi instituant le Tribunal administratif du travail, RLRQ, c. T-15.1.
[2]
Syndicat de Autobus Terremont ltée (CSN) c. Autobus Terremont ltée,
[3]
Syndicat de Autobus Terremont ltée (CSN) c. Autobus Terremont ltée,
[4] L.R.C. (1985), ch. L-2.
[5] RLRQ, c. C-27.
[6] Jugement entrepris, paragr. 13 et 59.
[7] Décision interlocutoire, paragr. 38.
[8] Jugement entrepris, paragr. 24.
[9] Décision interlocutoire, paragr. 24, 26 et 34.
[10] Id., paragr. 26.
[11] Id., paragr. 59.
[12] Id., paragr. 39.
[13] Id., paragr. 59.
[14] Id., paragr. 39 et 59.
[15] Id., paragr. 39.
[16] Ibid.
[17] Ibid.
[18] Ibid.
[19] Décision interlocutoire, paragr. 59.
[20] Jugement entrepris, paragr. 16.
[21] Décision interlocutoire, paragr. 60.
[22] Id., paragr. 39.
[23] Id., paragr. 40; Jugement entrepris, paragr. 1 et 19.
[24] Jugement entrepris, paragr. 17.
[25] Décision interlocutoire, paragr. 41.
[26] Id., paragr. 46.
[27] Id., paragr. 47.
[28] RLRQ, c. C-27.
[29] Décision interlocutoire, paragr. 5; Jugement entrepris, paragr. 3.
[30] Décision interlocutoire, paragr. 6.
[31] Id., paragr. 8.
[32] Id., paragr. 228-229.
[33] Requête en révision judiciaire, 20 avril 2015.
[34] Jugement entrepris, paragr. 8.
[35] Décision sur le fond, paragr. 10.
[36] 2015 QCCRT 0157.
[37] Jugement entrepris, paragr. 29-36.
[38] Id., paragr. 61, 68 et 70.
[39] Id., paragr. 70.
[40] Brinks Canada Ltd. v. Good, 2005 SKCA 20 (CanLII) [Brinks Canada].
[41]
Commission de la santé et de la sécurité au travail c. Autobus Jacquart
inc.,
[42]
Autobus Jacquart, citant Léo Beauregard & Fils (Canada) Ltée
c. Commission des normes du travail,
[43] Jugement entrepris, paragr. 72-76.
[44] Brinks Canada Ltd. v. Good, supra, note 40.
[45]
R. c. Piazza,
[46] Jugement entrepris, paragr. 76.
[47] Id., paragr. 80-81.
[48] Id., paragr. 186.
[49] Id., paragr. 79-85.
[50] Id., paragr. 86.
[51] Id., paragr. 87-88.
[52] Id., paragr. 89.
[53] Id., paragr. 90.
[54]
Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile),
[55] Consolidated Fastfrate Inc. c. Western Canada
Council of Teamsters,
[56] Jugement entrepris, paragr. 90.
[57]
A.G. of Ontario v. Winner, [1954] 4 D.L.R. 657 (C.P.), p. 679, cité
notamment dans Léo Beauregard, supra, note 42; Voir aussi Westcoast
Energy Inc. c. Canada (Office national de l'énergie),
[58] Décision interlocutoire, paragr. 156-157.
[59]
Toronto Electric Commissionners c. Snider, [1925] A.C. 396, réitéré
dans Consolidated Fastfrate, supra, note 55, paragr. 27; Voir sur
ce point les arrêts plus récents suivants : Léo Beauregard, supra,
note 42, paragr. 18, citant Construction Montcalm inc. c. Commission
du salaire minimum,
[60] Paragraphe 92(10)(a) de la Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Victoria, ch. 3 (R.U.); Léo Beauregard, supra, note 42, citant, entres autres, Construction Montcalm inc. c. Commission du salaire minimum, supra, note 59; Bell Canada c. Québec, supra, note 59.
[61] Consolidated Fastfrate, supra, note 55, paragr. 68.
[62]
Tessier Ltée c. Québec (CSST),
[63] Id., version anglaise.
[64]
Northern Telecom c. Travailleurs en communication,
[65] Autobus Jacquart, supra, note 41.
[66] Brinks Canada, supra, note 40.
[67] Total Oilfield Rentals Limited Partership v. Canada
(Attorney General), [2014] 375 D.L.R. (4th ed.) 433,
[68] Tessier Ltée, supra, note 62, paragr. 18-19.
[69] Autobus Jacquart, supra, note 41.
[70] Brinks Canada, supra, note 40.
[71] Id.
[72] Autobus Jacquart, supra, note 41.
[73] Tessier Ltée, supra, note 62.
[74] Autobus Jacquart, supra, note 41, paragr. 50; Léo Beauregard, supra, note 42, paragr. 26.
[75] Tessier Ltée, supra, note 62, paragr. 19.
[76] Autobus Jacquart, supra, note 41.
[77] Tessier Ltée, supra, note 62, paragr. 19.
[78] Paraphrasant l’arrêt Tessier Ltée, supra, note 62, paragr. 19.
[79] Total Oilfield Rentals Limited Partnership v. Canada (Attorney General), supra, note 67, paragr. 130.
[80] Tessier Ltée, supra, note 62, paragr. 18-19.
[81] Ontario Taxi Assn., Local 1688 v. Windsor Airline Limousine Services Ltd., [1980] 2 O.L.R.B. Rep. 272, paragr. 59, cité dans Brinks, supra, note 40, paragr. 23.
[82] Brinks, supra, note 40, paragr. 22-25.
[83]
Agence Maritime Inc. c. Conseil Canadien des Relations Ouvrières et al.,
supra, note 64, p. 851-852, 855, 857; Zinck's Bus Company Limited v.
Canada, supra, note 57, paragr. 26-29; Regina v. Manitoba Labour
Board Ex parte Invictus Ltd., supra, note 67, p. 527; Section
locale 213 de la Fraternité internationale des Teamsters c. Kristoff Holdings
ltée,
[84]
Section locale 213 de la Fraternité internationale des Teamsters c.
Kristoff Holdings ltée, supra, note 83, paragr. 196 et 199; Voir
aussi Section locale 362 de la Fraternité internationale des Teamsters
(General Teamsters) c. Mammoet Canada Western ltée,
[85] Tessier Ltée, supra, note 62, paragr. 51.
[86] Agence Maritime Inc. c. Conseil Canadien des Relations Ouvrières et al., supra, note 64.
[87] Id., p. 851-852, 855, 857.
[88] Regina v. Manitoba Labour Board Ex parte Invictus Ltd., supra, note 67.
[89] Id., p. 527.
[90] Pacific Produce Delivery v. Labour Relations Board, 1974 CanLII 1106 (C.A. B.C.).
[91] Id., p. 131-136.
[92] Pacific Produce Delivery v. Labour Relations Board, supra, note 90, p. 136.
[93] Id., p. 136 et 141.
[94] Regina v. Cooksville Magistrate's Court, Ex parte Liquid Cargo Lines Ltd, 1964 CanLII 162 (C.S. Ont.) [Liquid Cargo]; Peter W. Hogg, supra, note 57, p. 22-10.
[95] The Gray Line of Victoria Ltd., supra, note 83.
[96] Ibid.
[97] Décision interlocutoire, paragr. 39.
[98] Jugement entrepris, paragr. 26-27 et 86.
[99] Décision interlocutoire, paragr. 224 et 228.
[100] Jugement entrepris, paragr. 86-87.
[101] A.G. of Ontario v. Winner, supra, note 57, p. 680; Voir également Regina v. Manitoba Labour Board Ex parte Invictus Ltd., supra, note 67, p. 528-529 et Pacific Produce Delivery v. Labour Relations Board, supra, note 90, p. 145.
[102]
Clean Harbors Québec inc. c. Commission de la santé et de la sécurité du
travail,
[103] Jugement entrepris, paragr. 15.
[104] Décision interlocutoire, paragr. 181-186.
[105]
Cette façon de calculer un voyage n’a pas été jugée recevable par la Cour
suprême dans l’arrêt Agence Maritime Inc., supra, note 64, p. 858 :
« Je ne vois guère, par ailleurs, que ce soit aller au-delà des limites de la province,
au sens de l’art. 92(10) de l’Acte de l’Amérique du Nord Britannique et
de l’art.
[106] Autobus Jacquart, supra, note 41, paragr. 54-56.
[107] Autobus Jacquart, supra, note 41, paragr. 54; Augustine's School Bus c. Asher,
[108] Re Ottawa-Carleton Regional Transit Commission and Amalgamated Transit Union, Local 279 et al., 1983 CanLII 1936 (C.A. Ont.), p. 570; Regina v. Cooksville Magistrate's Court, Ex parte Liquid Cargo Lines Ltd, supra, note 94, p. 88-89.
[109] Autobus Jacquart, supra, note 41, paragr. 54-56.
[110] Jugement entrepris, paragr. 25.
[111] Décision interlocutoire, paragr. 219.
[112] Jugement entrepris, paragr. 83.
[113] Décision interlocutoire, paragr. 219.
[114] Tessier Ltée, supra, note 62, paragr. 19.
[115] Regina v. Manitoba Labour Board Ex parte Invictus Ltd., supra, note 67, p. 526; Voir également Regina v. Toronto Magistrates, Ex parte Tank Truck Transport Ltd., supra, note 64.
[116] Alliance Agencies Ltd. (Re), (1988) CLRB 676; Pioneer Truck Lines Ltd. (Re), supra, note 107, paragr. 43; Section locale 213 de la Fraternité internationale des Teamsters c. Kristoff Holdings ltée, supra, note 83, paragr. 101.
[117] Consolidated Fastfrate, supra, note 55, paragr. 39.
[118] C’est ce que rappelait la juge Abella dans l’arrêt Tessier, supra, note 62, paragr. 11, en se référant à l’arrêt Toronto Electric Commisionners c. Snider, supra, note 59.
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